Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 84

                                                                                                      Date de la décision : 2011‑05‑31

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par David Oppenheimer Company LLC à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1214164 pour la marque de commerce STRAWBERRY TOMATOES au nom d'Imagine IP, LLC

[1]               Le 21 avril 2004, BC Vegetable Greenhouse I, LP a demandé l’enregistrement de la marque de commerce STRAWBERRY TOMATOES (la Marque) sur la base de l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des « [l]égumes, nommément tomates » (les Marchandises). La demande d’enregistrement a changé plusieurs fois de propriétaire depuis sa production; tous les transferts de propriété ont été dûment inscrits par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), de sorte que la demande est actuellement inscrite au nom d’Imagine IP, LLC (la Requérante). Lorsqu’il sera fait mention de la Requérante dans les présents motifs, c’est du propriétaire de la Marque à la date pertinente dont il sera question.

[2]               La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot TOMATOES en dehors de la Marque.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 6 décembre 2006.

[4]               Le 6 février 2007, David Oppenheimer Company LLC (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

         La Marque n'est pas enregistrable selon les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, (la Loi) car il s’agit du nom des Marchandises.

         Subsidiairement, la Marque n’est pas enregistrable selon les alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, car elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises.

         La Marque n'est pas distinctive selon l'alinéa 38(2)d) et l'article 2 de la Loi parce qu'elle ne peut pas distinguer les Marchandises des marchandises d’autres propriétaires et qu'elle n'est pas adaptée à les distinguer.   

[5]               La Requérante a signifié et produit une contre‑déclaration le 8 mars 2007, dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante et la met en demeure d’en faire la preuve.

[6]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l’affidavit de Cathie MacDonald, souscrit le 10 octobre 2007 auquel sont jointes les pièces A à HH, et l’affidavit de Penelope Brady, souscrit le 12 octobre 2007 auquel sont jointes les pièces A et B.

[7]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Robert Toews, souscrit le 14 mai 2008 auquel sont jointes les pièces A à QQ, l'affidavit de J. Derek Bewley, souscrit le 7 mai 2008 auquel est jointe la pièce A et l'affidavit de Roberta Cook, souscrit le 9 mai 2008 auquel sont jointes les pièces A à C.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. La Requérante a demandé la tenue d'une audience mais a plus tard retiré sa demande d'être entendue.

La preuve de l’Opposante

Affidavit de Cathie MacDonald

[9]               Madame MacDonald est la directrice des services créatifs et du développement du marketing de l’Opposante depuis 2000. Elle travaille chez l'Opposante depuis 1990. Madame MacDonald déclare que dans le cadre de ses fonctions, elle est chargée du développement des emballages et des lancements promotionnels.

[10]           Madame MacDonald déclare qu'elle connaît les Marchandises puisque l'Opposante a collaboré avec la Requérante pour la mise au point de l'emballage original utilisé par la Requérante pour vendre les Marchandises. Selon Mme MacDonald, les Marchandises ont [traduction] « la forme d’une fraise et à l'instar des tomates cerises, des tomates raisins et des tomates prunes, il serait naturel de désigner génériquement cette variété comme étant des “tomates fraises” ». Je ne peux accorder aucun poids à cette déclaration, car il s'agit de l'opinion de Mme MacDonald sur une question ayant trait au bien-fondé de l'opposition [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48 (C. de l’É.), à la page 53, et Les Marchands Deco Inc. c. Society Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

[11]           MDans son témoignage, Mme MacDonald atteste l'emploi de l'expression « strawberry tomato(es) » [tomate(s) fraise(s)] par un tiers. Il sera question plus en détail du témoignage de Mme MacDonald lors de l'analyse des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)b) et c) de la Loi.

Affidavit de Penelope Brady

[12]           Madame Brady est agente de marques de commerce et travaille pour l’agent de l'Opposante. Elle a obtenu une copie du rapport d'un examinateur envoyé par l’OPIC le 9 septembre 2004 aux agents de la Requérante relativement à la demande d’enregistrement de la Marque. Elle joint une copie de ce rapport à son affidavit (pièce A). Elle joint également une copie de la réponse de la Requérante, datée du 16 novembre 2005 (pièce B).

[13]           Il sera question plus en détail du témoignage de Mme Brady lors de l'analyse des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)b) et c) de la Loi.

La preuve de la Requérante

Affidavit de J. Derek Bewley

[14]           Monsieur Bewley est titulaire d'un doctorat et il est professeur émérite à l'Université de Guelph. Il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle et de deuxième cycle en botanique et en physiologie des plantes à l'Université de Londres. Tout au long de sa carrière, il a mené des recherches sur les aspects biochimiques et moléculaires de la biologie des semences. Monsieur Bewley déclare qu'il étudie, travaille et fait de la recherche dans le domaine de la botanique et de la physiologie des plantes depuis 1965. Monsieur Bewley a été présenté comme expert sur la question de la taxonomie des plantes, de la botanique et de la physiologie des plantes.

[15]           Je conclus que M. Bewley est compétent comme expert pour fournir un témoignage d'opinion sur la taxonomie des plantes, la botanique et la physiologie des plantes. Il sera question plus en détail de son témoignage d'opinion lors de l'analyse des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)b) et c) de la Loi.

Affidavit de Roberta Cook

[16]           Madame Cook est titulaire d'un doctorat et est professeur au département d’économie agricole et des ressources à l’Université de Californie à Davis. Madame Cook occupe le poste d'économiste vulgarisatrice en marketing. Madame Cook analyse les tendances de l'industrie de la tomate fraîche en Amérique du Nord depuis qu'elle a obtenu son poste à l'Université de Californie en 1985. Madame Cook a été présentée en qualité d'expert sur la question de la commercialisation de la tomate en Amérique du Nord.

[17]           Je conclus que Mme Cook est compétente comme expert pour fournir un témoignage d'opinion sur la question de la commercialisation de la tomate en Amérique du Nord. Il sera question plus en détail du témoignage d'opinion de Mme Cook lors de l'analyse des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)b) et c) de la Loi.

Affidavit de Robert Toews

[18]           À titre préliminaire, je souligne que je n'accorderai aucun poids à certains documents joints à l'affidavit de M. Toews au motif qu'ils constituent du ouï-dire, que M. Toews n'explique pas leur importance ou la Requérante n’explique pas en quoi ils ont une quelconque pertinence ou importance. En conséquence, aucun de ces documents ne sera examiné dans mon analyse de l'affidavit de M. Toews.

[19]           Monsieur Toews est président de la Requérante, Imagine IP, LLC. Il est également le président de plusieurs autres personnes morales, lesquelles sont toutes des prédécesseures en titre de la Requérante, à savoir BC Vegetable Greenhouse I, Inc. (associée en nom collectif de BC Vegetable Greenhouse I, L.P.), Greenhouse Gourmet Foods, Inc. (associée en nom collectif de Greenhouse Foods, LP), Greenhouse Gourmet Foods, LLC et Imagine Intellectual Properties, Inc.

[20]           Monsieur Toews déclare que la Requérante emploie la Marque en liaison avec une variété particulière de tomate appelée « Sunstream », qui donne des [traduction] « petites tomates cocktail en forme de mini‑prune et appartient à une société néerlandaise de semences du nom de Enza Zaden, B.V. » (Enza). Il déclare également que la Requérante a commencé à produire des tomates Sunstream à l’automne 2003 dans le cadre d’un essai de recherche, et a procédé à un essai de production et de commercialisation de ces tomates en 2004.

[21]           Enza aurait accordé à la Requérante des droits de distribution des tomates Sunstream jusqu'à la fin de l'année civile 2005 (pièce V).

L’adoption de la marque et l’emploi initial

[22]           Selon M. Toews, la Requérante aurait en 2004, par l'intermédiaire de son agence de commercialisation Global Greenhouse Produce Inc. (Global), conclu un protocole d'entente avec l'Opposante pour commercialiser la totalité de la production de tomates de la Requérante en 2004, y compris les tomates Sunstream. Monsieur Toews joint une copie du protocole d'entente conclu entre l'Opposante et Global, daté de décembre 2003 (pièce A).

[23]           Monsieur Toews joint à son affidavit une copie de l'étiquette de la marque « Sunstream » qui aurait été utilisée en 2004 pour commercialiser les tomates Sunstream de la Requérante conformément au protocole d'entente avant le dépôt de la demande d'enregistrement de la Marque (pièce B). Je constate que l'étiquette mentionne les « Sunstream Tomatoes » mais ne comporte pas la Marque.

[24]           D'après mon examen de l'affidavit de M. Toews, je comprends que la Requérante a initialement commercialisé ses tomates sous la marque SUNSTREAM, mais en raison d'une [traduction] « association défavorable de la part des consommateurs », elle a choisi de cesser d'utiliser cette marque de commerce et a adopté l'expression STRAWBERRY TOMATOES comme la nouvelle marque de commerce pour commercialiser ses tomates Sunstream partout en Amérique du Nord.

[25]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies des étiquettes que la Requérante aurait utilisées en 2004 pour commercialiser ses tomates Sunstream conformément au protocole d'entente conclu entre l'Opposante et Global après la date du dépôt de la demande d'enregistrement de la Marque (pièces C, D, E). Je constate que les étiquettes contiennent toutes les mots « Super Sweet STRAWBERRY TOMATOES. On-the-vine. The perfect salad and snack tomato » [Tomates fraises très sucrées. Muries sur la vigne. La tomate parfaite pour les salades et les collations].

[26]           Monsieur Toews joint à son affidavit une copie de l'« illustration sur les boîtes » qui aurait été utilisée en 2004 pour commercialiser les tomates Sunstream de la Requérante conformément au protocole d'entente après la date du dépôt de la demande d'enregistrement de la Marque (pièce F). Je constate que l'emballage comporte les mots « Super Sweet STRAWBERRY TOMATOESTM BC Greenhouse Grown » [Tomates fraises très sucrées des serres de la C.‑B.].  

[27]           Monsieur Toews déclare qu'après avoir conclu le protocole d'entente avec l'Opposante, la Requérante a conclu un accord de licence avec Dole Food Company (Dole) pour l'année 2005‑2006, en vertu duquel la Requérante incorporait la marque DOLE dans la commercialisation de ses différents produits de tomates, y compris les tomates Sunstream. Monsieur Toews déclare que la Requérante a laissé l'accord de licence expirer à la fin de sa durée le 31 décembre 2006.

[28]           Monsieur Toews joint à son affidavit la copie d’une présentation sur les ventes et la mise en marché des DOLE STRAWBERRY TOMATOES (tomates fraises DOLE), datée de juin 2005 et que la Requérante et Dole ont présentée à Enza (pièce G). Je constate que la présentation comporte une étiquette pour les tomates de la Requérante qui indique ce qui suit : [traduction] « Les tomates fraisesMC [Strawberry TomatoesTM] sont de belles tomates très sucrées d’un rouge vif et ayant la forme de fraises. Elles sont parfaites pour une délicieuse collation rapide, agrémenter les salades ou garnir des sandwiches. Dégustez‑les! »

[29]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies de différentes illustrations pour les boîtes et les étiquettes qui ont été mises au point et utilisées en vertu de la licence avec Dole en 2005‑2006 (pièce H). Je constate que tous ces documents comportent la Marque suivie des lettres « TM » [MC] en exposant.

[30]           Monsieur Toews joint à son affidavit la copie d'une photographie non datée des tomates cocktail de la marque STRAWBERRY TOMATOES de la Requérante qui auraient été exposées et commercialisées de concert avec les salades emballées Dole lors d'un congrès sur les fruits et légumes (pièce I).

[31]           Monsieur Toews joint à son affidavit la copie d'un dépliant de produits que la Requérante utilisait lors de congrès de commercialisation des aliments conformément à l'accord de licence conclu entre la Requérante et Dole (pièce J). Je constate que le dépliant contient le texte suivant : [traduction] « Les tomates fraises DOLE [DOLE Strawberry Tomatoes] tirent leur nom et leur réputation de leur forme ressemblant à une fraise et de leur goût de tomates sucrées. Provenant d'Europe, cette variété de tomates a été adoptée par les adeptes nord‑américains comme étant la meilleure tomate gourmet sur la vigne offerte sur le marché aujourd'hui. »

L’emploi de la Marque et le chiffre d'affaires à jour à la date de l'affidavit

[32]           Monsieur Toews fournit le chiffre d’affaires réalisé pour les tomates Sunstream [traduction] « commercialisées sous » la Marque. Les chiffres fournis couvrent les années 2004 à 2006. Il déclare que les ventes se sont élevées à plus de un million de dollars en 2004, à plus de cinq millions de dollars en 2005 et à plus de 12 millions de dollars en 2006. Monsieur Toews n'indique pas si ces chiffres d'affaires se rapportent précisément au Canada. De plus, je remarque que lorsqu'il présente la Marque, M. Toews déclare que la Requérante l'a adoptée pour commercialiser ses tomates partout en Amérique du Nord. Compte tenu de l'affidavit dans son ensemble, j'estime que rien n'indique que ces chiffres ne comprennent pas le Canada. Toutefois, en supposant même que je conclue qu'ils concernent précisément le Canada, cette conclusion ne peut s'appliquer qu'aux années 2004 et 2005 puisque M. Toews a parlé de droits conférés à l'égard des tomates Sunstream [traduction] « jusqu'à la fin de l'année » 2005. Il n’a rien dit au sujet du droit de la Requérante de produire ces tomates au cours d’années subséquentes.

[33]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies de dépliants destinés à la clientèle qui auraient été offerts aux consommateurs chez les détaillants qui vendaient les tomates cocktail de la Requérante sous la Marque (pièce K). Je constate que l'un de ses dépliants comporte la marque de commerce GREENHOUSE GOURMET (daté du 1er mai 2007) et qu'un autre comporte la marque de commerce DOLE (daté du 27 mars 2006). Je constate que les deux dépliants comportent les mots [traduction] « Tomates exceptionnelles ayant la forme d'une fraise ».

[34]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies d'exemples d'emballage de la Requérante à jour à la date de son affidavit (pièce L). Je constate que l’étiquette comporte les mots « STRAWBERRY TOMATOES® BRAND COCKTAIL TOMATOES » [tomates fraises de type cocktail].

[35]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies du modèle de feuillet d'information (pièce M), du modèle de carte professionnelle (pièce N) et de la feuille de transmission des télécopies, tous à jour à la date de son affidavit (pièce O). Je souligne que puisque la demande d’enregistrement de la Marque ne vise que les Marchandises, ces documents ne constitueraient pas un emploi de la Marque en liaison avec des marchandises conformément au paragraphe 4(1) de la Loi.

[36]           Monsieur Toews joint à son affidavit une copie du reçu de l'enregistrement initial des noms de domaine strawberrytomatoes.com et strawberrytomato.com (pièce P), de même qu'un reçu pour l'enregistrement actuel du nom de domaine strawberrytomatoes.com (pièce Q).

[37]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies de courriels provenant de deux personnes mentionnant que les tomates de la Requérante sont commercialisées sous la Marque (pièces R, S). Je ne puis toutefois accorder de poids à ces courriels puisqu'ils constituent du ouï‑dire et ne peuvent faire preuve de la véracité de leur contenu. Quoi qu’il en soit, de simples déclarations telles que celles qui se trouvent dans des courriels de tiers ne sauraient constituer une preuve d’emploi de marque de commerce au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

[38]           Monsieur Toews joint à son affidavit une copie de la demande d'enregistrement de la Requérante pour la marque de commerce THE PERFECT SALAD AND SNACK TOMATO [la tomate parfaite pour les salades et les collations] visée par l’enregistrement no LMC688794 (pièce T).

Enza

[39]           Monsieur Toews déclare qu’Enza, qui produit les semences des tomates Sunstream, n’utilise aucune catégorie générale appelée « fraise » ou « tomates fraises ». Une telle déclaration se rapportant aux gestes d’Enza constitue indubitablement du ouï-dire. À l'appui de ces déclarations relevant du ouï-dire, il joint un catalogue de semences d'Enza répertoriant les tomates Sunstream mais ne comportant pas de mention de « tomates fraises » (pièce U) ainsi que des copies papier de pages du site Web d'Enza qui, à son avis, indiquent que cette dernière ne parle nulle part de « tomates fraises » dans son site Web (pièces W, X). Ces documents sont insuffisants pour étayer les déclarations de M. Toews relevant du ouï-dire. Par conséquent, je ne puis accorder de poids aux déclarations de ce dernier selon lesquelles Enza ne classe aucune de ses tomates dans la catégorie des « tomates fraises ».

[40]           Monsieur Toews joint à son affidavit une annonce relative aux tomates d'Enza parue dans la revue Fresh Americas du printemps 2007 (pièce Y). L’annonce parle de [traduction] « tomates Campari » et de « tomates fraises ». Incidemment, l’existence d’une telle annonce paraît contredire les déclarations antérieures de M. Toews selon lesquelles Enza n’emploie pas l’expression « tomates fraises ». Monsieur Toews joint aussi à son affidavit une lettre du 20 juillet 2007 de M. Roland Peerenboom, directeur général d'Enza (pièce Z) qui, selon lui, établit qu'Enza avait consenti à ne pas employer la Marque sans autorisation. Compte tenu de l'affidavit dans son ensemble, je suppose que l'annonce constituant la pièce Y était peut-être le genre d’emploi non autorisé que la Requérante souhaite empêcher. Toutefois, la teneur de la lettre de M. Peerenboom (pièce Z) constitue du ouï-dire, de sorte que cette lettre ne peut, en soi, faire preuve de la véracité de son contenu; elle peut tout au plus établir qu’elle a été reçue par la Requérante. Par conséquent, je ne puis accorder de poids au contenu de la lettre.

[41]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies de factures, plus particulièrement une facture établie par Westgro à l'intention de l'un des producteurs de la Requérante au Mexique, datée du 17 juillet 2006, pour des semences de tomates Sunstream (pièce DD) et une facture établie par Bevo Farms Ltd. à l'intention de l'un des producteurs de la Requérante au Mexique, datée du 2 septembre 2006, pour des semences de tomates Sunstream (pièce EE).

La violation alléguée

[42]           Certaines déclarations dans l’affidavit de M. Toews portent sur la [traduction] « violation » alléguée de la Marque par des tiers, dont l’Opposante. Naturellement, la Marque n’étant pas enregistrée, elle n’est pas susceptible de violation. Je considérerai donc que ces déclarations se rapportent à un emploi non autorisé de la Marque.

[43]           Monsieur Toews joint à son affidavit une lettre de John Anderson, de l'Opposante (pièce FF) et un courriel de Chris Cervini, de Lakeside Produce Inc. (pièce JJ). Je fais remarquer que le contenu de la lettre et du courriel constitue du ouï‑dire, de sorte que ces documents ne peuvent, à eux seuls, faire preuve de la véracité de leur contenu; ils peuvent tout au plus établir que ces communications ont été reçues par la Requérante. Par conséquent, je ne puis accorder de poids au contenu de la lettre ou du courriel.

[44]           Monsieur Toews joint à son affidavit des copies de documents promotionnels que l'Opposante a utilisé pour vendre les tomates de la Requérante (pièces GG, HH) et une publicité de Lakeside Produce Inc. pour ses « Sunstream Strawberry Tomatoes » (pièce II) [tomates fraises Sunstream].  

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[45]           Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[46]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         les alinéas 38(2)b) et 12(1)c) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         les alinéas 38(2)b) et 12(1)b) – la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 – la date de production de l'opposition [Metro‑Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Les motifs fondés sur la non-enregistrabilité

Alinéa 12(1)c) de la Loi

[47]           Il a été jugé qu'un opposant peut satisfaire au fardeau de preuve exigé par l'alinéa 12(1)c) de la Loi en produisant des copies d'extraits d'ouvrages de référence démontrant l'existence de définitions de la marque [voir Brûlerie Des Monts Inc. c. 3002462 Canada Inc. (1997), 75 C.P.R. (3d) 445 (C.F. 1re inst.), Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd. c. Andres Wines Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 252 (C.O.M.C.)].

[48]           Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Mme MacDonald et de Mme Brady. Étant donné que la date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de ma décision, tous les éléments de preuve au dossier sont antérieurs à la date pertinente. L'affidavit de Mme MacDonald contient des définitions du dictionnaire, des articles et des extraits de livres se rapportant aux « strawberry tomatoes ». L'Opposante a donc réussi à établir l'existence de mentions génériques de l'expression « strawberry tomato » dans une variété de documents de référence, y compris un dictionnaire.

[49]           Plus précisément, les pièces suivantes ‑ jointes à l'affidavit de Mme MacDonald ‑ constituent des ouvrages de référence qui indiquent que la Marque comporte une définition :

         Pièce A – Définition de l'expression « Strawberry Tomato » tirée du Merriam‑Webster’s Collegiate Dictionary, 11th ed. (2004) – [traduction] « […] herbe annuelle velue robuste (Physalis pruinosa) de l'Est de l'Amérique du Nord, produisant un fruit jaune ovoïde […] »;

         Pièce C – Copie des pages 444 à 446 de l’article intitulé « Kitchen Garden Esculents of America Origin », rédigé par E. Lewis Sturtevant et publié dans The American Naturalist en 1885 – [traduction] « […] l’alkékenge, plus communément appelé la tomate fraise dans notre catalogue de semences, est la Physalis pubescens L., une plante américaine qui produit un de nos légumes mineurs […] »;

         Pièce D – Copie des pages 49 à 59 de l'article intitulé « History of Garden Vegetables », rédigé par E. Lewis Sturtevant et publié dans The American Naturalist en 1887 – [traduction] « L’alkékenge, habituellement connu dans nos catalogues de semences sous l'appellation tomate fraise, est classé avec les tomates […] que l'on retrouve fréquemment dans les potagers, car certains aiment ce fruit […] »;

         Pièce H – Copie des pages 74 et 75, tirées de l'ouvrage d’Elizabeth Schneider, Uncommon Fruits and Vegetables : A Commonsense Guide, New York, Harper & Row, 1986 – [traduction] « […] groseillier du Cap, alkékenge […] baie intrigante […] baie dorée […] chaque vésicule de parchemin crépu de couleur rouille (physalis en grec) est tordu pour le fermer à son extrémité comme un accessoire de fête; il cache un fruit opaque ferme, d’un jaune riche, de la taille d’une bille. Ressemblant à une petite tomate cerise quant à sa taille et à sa forme, sa peau mince et cirée contient une chaire très juteuse de la même couleur vive, verticillée de petites graines molles comestibles. Son goût inhabituel rappelle celui de la tomate, de la fraise, du groseillier, du raisin, mais il a un goût bien à lui : sucré et agréablement acidulé, avec une longueur en bouche légèrement amère […] Pour enlever l'enveloppe des baies, les ouvrir et tourner la base pour libérer le fruit. […] »;

         Pièce I – Copie de la page 180 de l’ouvrage de Francesco Bianchini et al., The Complete Book of Fruits and Vegetables, New York, Crown Publishing, 1973 – [traduction] « L’alkékenge (Physalis pubescens de la famille des solanacées) est une plante inhabituelle. La baie est recouverte d'un calice papyracé. L’alkékenge provient du Mexique et est apparenté à la tomate, à l'aubergine et au poivron. Les fruits sont agréables à manger, légèrement acidulés, ressemblant vaguement à la tomate, bien qu'ils ne fassent pas l'objet d'une grande considération. Ils peuvent être mangés crus ou confits et contiennent une bonne quantité de vitamines. On les appelle parfois groseillier du Cap, tomate fraise ou lanterne chinoise. »

[50]           Par contraste, la Requérante soutient qu’[traduction] « il n'y a pas de véritable variété de tomates appelée tomates fraises, en anglais, en français ou dans une autre langue ».

[51]           La Requérante se reporte à la définition de « strawberry tomato » [tomate fraise] énoncée dans le rapport de l'examinateur joint à l'affidavit de Mme Brady et fait valoir que le fruit qui y est décrit ne représente pas les Marchandises. Voici la définition qui se trouve dans le rapport de l'examinateur pour « strawberry tomato » : [traduction] « [U]ne plante annuelle à port étalé d'une hauteur de un à deux pieds, dotée de feuilles velues grisâtres, que l'on retrouve dans l'Est de l'Amérique du Nord. Il s'agit du l’alkékenge comestible qui pousse dans les jardins. Les fruits de la taille d’une cerise poussent près du sol. Au départ de couleur verte, ils mûrissent pour devenir jaune doré, tombant au sol lorsqu'ils sont mûrs. »

[52]           La Requérante s'appuie sur l'affidavit de M. Bewley pour étayer sa prétention selon laquelle le fruit visé par la définition énoncée dans le rapport de l'examinateur [traduction] « est d'un genre complètement différent de la tomate légume commune » et [traduction] « ne peut pas être considéré comme la tomate légume ». Selon M. Bewley, le fruit visé par cette définition appartient au genre Physalis et à l'espèce pruinosa, une variété particulière de fruits que [traduction] « la communauté scientifique de la taxonomie des plantes connaît sous les noms courants anglicisés “groseillier du Cap nain” et “cerise de terre” ». Monsieur Bewley déclare que la Physalis pruinosa n'est pas une plante très connue à l'extérieur de la communauté scientifique de la taxonomie des plantes et par conséquent, il est peu probable que les consommateurs la reconnaîtraient ou la connaîtraient soit par son nom latin, soit par ses noms courants. Monsieur Bewley déclare que cette tomate est différente de la tomate légume commune qui, selon lui, est une plante universellement reconnue et connue.

[53]           D'après mon examen des documents joints à l'affidavit de Mme MacDonald et prenant en compte la preuve d'opinion de M. Bewley, je suis d'avis que les définitions énoncées dans les ouvrages de référence mentionnés ci-dessus, notamment les pièces A, C, D, H et I jointes à l'affidavit de Mme MacDonald, visent le fruit Physalis pruinosa ou quelque chose de semblable.

[54]           D'après mon examen de la preuve dans son ensemble, je suis d'avis que les Marchandises visent la [traduction] « tomate légume commune ».

[55]           La Requérante soutient que l'absence de toute variété de [traduction] « tomate fraise » dans l'esprit des consommateurs est étayée par l'affidavit de Mme Cook dans lequel elle déclare que [traduction] « [d]ans toutes les recherches que j'ai menées concernant l'industrie de la tomate fraîche (y compris les variétés et les catégories de tomates des champs et de serre), je n'ai jamais vu de rapports publics d'expéditions ou de prix de tomates pour des 'tomates fraises' [...] ». J’estime que d'après un examen de l’affidavit de Mme Cook dans son ensemble, cette déclaration semble se rapporter au marché de la tomate aux États-Unis. Plus précisément, la déclaration mentionnée par la Requérante est suivie de ce qui suit : [traduction] « ... [A]ux États-Unis ou qui entrent aux États-Unis comme importations du Canada ou du Mexique. » Par conséquent, je conclus que dans la mesure où le témoignage de Mme Cook concerne le marché des États-Unis, comme c'est le cas avec cette déclaration, il n'est pas pertinent pour la présente instance et aucun poids ne peut lui être accordé.

[56]           L'affidavit de Mme MacDonald comporte également plusieurs copies papier provenant de sites Web qui mentionnent les « tomates fraises ». Certains d'entre eux semblent viser la [traduction] « tomate légume commune » par opposition à la Physalis pruinosa, à savoir :

         la pièce L – une publicité d’Enza Zaden qui mentionne les « tomates fraises », avec des photographies de tomates légumes communes;

         la pièce M – une copie papier provenant du site Web www.totallytomato.com, mentionnant une « Tomato German Red Strawberry » [tomate allemande rouge fraise]; 

         la pièce N – une copie papier provenant du site Web www.reimerseeds.com, mentionnant une « Orange Strawberry Tomato » [tomate fraise orange];

         la pièce O – une copie papier provenant du site Web www.reimerseeds.com, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce P – une copie papier provenant du site Web www.rareseeds.com, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce Q – une copie papier provenant du site Web www.appalachianseeds.com, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce R – une copie papier provenant du site Web www.davesgarden.com, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce T – une copie papier provenant du journal The Ottawa Sun, obtenue en consultant une base de données en ligne LexisNexis, mentionnant des « strawberry tomatoes » [tomates fraises];

         les pièces U, V, W et X – des copies papier provenant du site Web www.dole.com, affichant des recettes qui incluent les « DOLE Strawberry Tomatoes » [tomates fraises DOLE];

         la pièce Y – une copie papier provenant du site Web www.canada.com, présentant un article du journal The Vancouver Sun mentionnant les « tomates fraises » comme ingrédients dans une recette;

         la pièce AA – une copie papier provenant du site Web www.localharvest.org, mentionnant un « Heirloom German Red Strawberry Tomato Plant » [plant de tomates fraises rouges allemandes Héritage];

         la pièce BB – une copie papier provenant du site Web ww.seedfest.co.uk, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce DD – une copie papier provenant du site Web www.thestar.com, présentant un article du journal The Toronto Star mentionnant les « tomates fraises » comme ingrédients dans une recette;

         les pièces EE et FF – des copies papier provenant du site Web www.flickr.com, présentant des photographies de tomates légumes communes appelées « strawberry tomatoes » [tomates fraises];

         la pièce GG – une copie papier provenant du site Web www.store.tomatofest.com, mentionnant une tomate « German Red Strawberry » [tomate fraise rouge allemande];

         la pièce HH – une copie papier provenant du site Web www.southernexposure.com, mentionnant une « German Red Strawberry Tomato » [tomate fraise rouge allemande].

[57]           Les autres documents imprimés provenant d'Internet semblent se rapporter à la Physalis pruinosa, ou à quelque chose de semblable.

[58]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante cherche à tirer parti du contenu de certains documents provenant d'Internet et joints à l'affidavit de Mme MacDonald. À titre d'exemple, la Requérante soutient que le contenu d'un des documents joints comme pièce DD se rapporte probablement aux Marchandises. La Requérante affirme plus particulièrement ce qui suit :

[traduction] La pièce DD jointe à l'affidavit de Mme MacDonald contient une recette qui inclut des « tomates fraises ». Elle est tirée d'un article de journal rédigé par Susan Sampson, la chroniqueuse de l'alimentation du Toronto Star, le journal dont le tirage est le plus élevé au Canada. Compte tenu de la publication de l’article en 2007, il est probablement question des marchandises de la Requérante. Cette interprétation est étayée par la déclaration de l'auteur invitant les consommateurs à « se renseigner sur les nouvelles tomates fraises ». Cette déclaration contredit l’affirmation de l’Opposante voulant que la Requérante essaie d’obtenir des droits à l’égard d’un terme descriptif qui existe depuis un certain temps.

Premièrement, ces arguments s'appuient sur les sites Web invoqués à titre de preuve de la véracité de leur contenu, or une telle preuve est irrecevable [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmé par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.), (Candrug)]. Les arguments de la Requérante se rattachant aux pièces jointes à l'affidavit de Mme MacDonald ne seront donc pas examinés puisqu'ils ne sont pas valablement étayés par la preuve au dossier. En ce qui a trait à cet exemple particulier, même si j'acceptais qu’il constitue une preuve de la présence de l'expression « strawberry tomatoes » dans un article publié dans The Toronto Star (un journal national, le tirage duquel je suis disposée à prendre connaissance d'office), il étaye tout au plus une conclusion qu’un tel article a été publié. Les arguments de la Requérante portant que l'article se rapporte à la Requérante et aux Marchandises est une pure hypothèse et par conséquent, je ne peux les accepter. La Requérante fait valoir des arguments conjecturaux semblables à l'égard d'autres pièces jointes à l'affidavit de Mme MacDonald et pour les mêmes motifs, je ne tiendrai pas compte non plus de ces arguments. 

[59]           Compte tenu du fait que certains éléments de preuve tirés de l'Internet semblent en l'espèce avoir été soumis pour démontrer la connaissance qu'avait le public de certains renseignements [c.‑à‑d. que l'expression « tomates fraises » peut s'employer dans une acception générique pour désigner une variété de tomate] et non pour établir la véracité de son contenu et, à ce titre, je les considère pertinents. Toutefois, sans précision concernant le nombre de Canadiens ayant pu consulter ces sites Web, aucun élément de preuve n’établit que ces renseignements ont effectivement été portés à la connaissance de consommateurs canadiens [voir Candrug, précité]. De plus, il n'est même pas clair si ces sites Web proviennent du Canada ou s’y rapportent.

[60]           J'ai donc été saisie d'éléments de preuve étayant que l'expression « tomates fraises » peut être utilisée pour décrire un fruit inhabituel dont le nom latin est Physalis pruinosa et qui, dans certains cas, est classé en anglais comme une tomate (par exemple, on la désigne comme étant une « edible husk tomato » [alkékenge comestible] dans la définition de « strawberry tomato » mentionnée dans le rapport de l'examinateur joint à l'affidavit de Mme Brady); l’expression est également utilisée pour décrire la tomate légume commune (c.‑à‑d. les Marchandises).

[61]           D'après mon examen de la preuve, je conclus que la preuve permet de conclure au même degré que la Marque est le nom des Marchandises et qu’elle est le nom d'une variété différente de fruit ou de légume (c.‑à‑d. Physalis pruinosa). Étant donné qu'il incombe à la Requérante de prouver selon la prépondérance des probabilités que la Marque n'est pas enregistrable et qu'elle n'est donc pas le nom des Marchandises, je dois rendre une décision défavorable à la Requérante.

[62]           Vu ce qui précède, je fais droit au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)c) de la Loi.

L’alinéa 12(1)b) de la Loi

[63]           Relativement à ce motif, c’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer que la Marque est enregistrable. L'Opposante a toutefois le fardeau initial d’étayer, au moyen d'une preuve suffisante, son allégation que la Marque donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse des Marchandises. 

[64]           La question de savoir si la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises doit être examinée du point de vue de leur acheteur moyen. En outre, le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique des services, et le mot « clair » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, à la page 34 (C. de l'É.)]. Enfin, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque; celle-ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [voir les décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186].

[65]           En l'espèce, la Marque de la Requérante se compose uniquement de mots ordinaires tirés du dictionnaire. La Requérante a reconnu la nature clairement descriptive du mot « tomatoes » en se désistant du droit à l’emploi exclusif de ce mot en dehors de la Marque. Il s’agit donc de déterminer si l’ajout du mot « strawberry » fait perdre son caractère descriptif à la Marque dans son ensemble.

[66]           L'Opposante soutient que la preuve même de la Requérante permet de conclure que les Marchandises tirent leur nom de leur forme de fraise. Tel que cela a été indiqué dans l'analyse de l'affidavit de M. Toews, la Requérante a en effet utilisé dans ses documents de commercialisation un langage renvoyant à la forme de fraise des Marchandises. À titre d'exemple, dans la pièce C, la déclaration suivante apparaît sur l'emballage des Marchandises : [traduction] « Les tomates fraisesMC [Strawberry TomatoesTM] sont de belles tomates très sucrées d’un rouge vif et ayant la forme de fraises. Elles sont parfaites pour une délicieuse collation rapide, agrémenter les salades ou garnir des sandwiches. Dégustez‑les! » (Non souligné dans l’original.) Je souligne toutefois que M. Toews déclare que cette étiquette a été utilisée après le dépôt de la demande d'enregistrement. En conséquence, elle est ultérieure à la date pertinente pour le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) et je ne peux lui accorder de poids. Il en va de même de tout autre élément de preuve concernant la nature des documents de commercialisation de la Requérante puisqu'ils sont tous ultérieurs à la date pertinente.

[67]           L'Opposante fait également valoir que la preuve comporte de nombreux emplois génériques ou descriptifs de la Marque. L'Opposante prétend donc que sous l'angle de la première impression, il serait facile de comprendre, évident ou simple à comprendre que la Marque renvoie aux tomates en forme de fraises. Je souligne que la preuve à l'appui de cet argument a été examinée plus en détail ci-dessus lors de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)c) et elle est en grande partie ultérieure à la date pertinente pour ce motif d'opposition. Plus précisément, uniquement cinq pièces jointes à l'affidavit de Mme MacDonald sont antérieures à la date pertinente pour le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) (pièces A, C, D, H, I), et l'affidavit de Mme Brady ainsi que les pièces qui y sont jointes sont ultérieurs à la date pertinente.

[68]           L'Opposante fait valoir que la preuve montre que le consommateur ordinaire comprendrait que la Marque vise les tomates et non la Physalis pruinosa peu connue, de l'aveu même de la Requérante. De plus, l'Opposante soutient que si les consommateurs comprenaient que la marque désignait la Physalis pruinosa, la Marque serait alors contraire à l'alinéa 12(1)b) de la Loi au motif qu'elle donne une description fausse et trompeuse.

[69]           Selon l'Opposante, la preuve indique que d'autres variétés de tomates (par exemple, prune, cerise et raisin) sont en règle générale nommées en raison de leur forme. Par conséquent, de soutenir l'Opposante, un consommateur croirait par analogie que les Marchandises sont des tomates en forme de fraises. Je ne suis pas convaincue que la preuve au dossier appuie une telle conclusion.

[70]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a réuni ses arguments sur les questions des alinéas 12(1)b) et c) de la Loi. Selon ce que je comprends, la Requérante soutient qu'il n'est pas possible de conclure que la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises, [traduction] « puisqu’il n'y a pas de véritable variété de tomates appelée tomates fraises, en anglais, en français ou dans une autre langue ». La Requérante soutient que la Marque se veut une [traduction] « allusion fine au goût sucré des marchandises ».

[71]           D'après l'examen des arguments des deux parties et de la preuve dans son ensemble, je ne peux pas être d'accord avec les arguments de l'Opposante. Je suis d'avis que le mot « strawberry » étant un substantif et le nom donné à un autre type de fruit, il ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des tomates de la Requérante. Il n'apparaît pas d'emblée que le mot « strawberry » qualifie le mot « tomatoes » conférant ainsi à la Marque un caractère descriptif de la nature ou de la qualité des Marchandises. Il est possible que l'emploi du mot « strawberry » donne à penser que les tomates de la Requérante sont sucrées ou ont la forme de fraises mais, pour tirer une telle conclusion, il faut pousser plus loin le raisonnement et procéder par déduction. Tout au plus, je suis d'avis que la Marque laisse croire que les Marchandises peuvent avoir la forme de fraises ou qu’elles sont sucrées comme des fraises. Compte tenu de ce qui précède, je suis en conséquence d'avis que la première impression créée par la Marque dans son ensemble n'est pas qu'elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises (je souligne).

[72]           De plus, à l'instar de la conclusion concernant le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)c), la preuve indique que l'expression « strawberry tomatoes » a deux significations différentes, à savoir une variété de tomate légume commune (comme l’allègue l'Opposante) et la Physalis pruinosa (comme on l'a vu à la fois dans l'affidavit de Mme Brady et dans celui de Mme MacDonald). La jurisprudence établit clairement que si une marque est susceptible de recevoir plusieurs significations, elle n'évoque pas une image immédiate dans l'esprit du grand public [voir ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182 (C.F.), au paragraphe 87 citant Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - The Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.)].

[73]           Vu ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) de la Loi est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

[74]           Bien que la Requérante ait le fardeau d’établir que la Marque distingue véritablement ses Marchandises des marchandises d’autres propriétaires partout au Canada ou qu’elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], c’est à l’Opposante qu’il incombe d’abord d’établir les faits sur lesquels le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif repose.

[75]           L'Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive en ce qu'elle n'est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises d'autres propriétaires.

[76]           Selon l’arrêt Novopharm Limited c. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), je dois apprécier le caractère suffisant de l’argument au regard des éléments de preuve. D'après un examen de la déclaration d'opposition dans son ensemble et de la preuve au dossier, je conclus que le motif d’opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif s'appuie sur le fait que la Marque serait le nom des Marchandises ou qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature de la qualité des Marchandises.

[77]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a tenté de soumettre une preuve relative à l’état du registre, en affirmant qu’une [traduction] « recherche récente » dans la base de données de l’OPIC « a révélé huit marques renfermant “strawberry” et “tomatoes”, lesquelles appartiennent toutes à la Requérante ». Selon elle, ces éléments permettent de conclure que la Marque est distinctive. Outre le fait que les autres demandes ou enregistrements n’ont pas été régulièrement produits en l’espèce, je signale que la propriété d’autres demandes ou enregistrements n’emporte pas le droit automatique à l’enregistrement de la Marque [voir Mister Coffee & Services Inc. c. Mr. Coffee, Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 405 (C.O.M.C.), à la page 416, et American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 572 (C.O.M.C.), à la page 576].

[78]           Étant donné qu'il a été fait droit au motif fondé sur l'alinéa 12(1)c) et compte tenu de la différence peu importante en ce qui concerne les dates pertinentes, je fais également droit au motif fondé sur l'absence de caractère distinctif.

Décision

[79]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

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