Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Vidéotron Ltée à la demande n1,161,940 produite par Illico Informatique Inc., en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ILLICO Dessin____________________________

 

I Les actes de procédure

 

Le 11 décembre 2002 Illico Informatique Inc. (la « Requérante ») a produit la demande numéro 1,161,940 visant l’enregistrement de la marque de commerce ILLICO Dessin telle que ci-après illustrée :

ILLICO Dessin

 (la « Marque »).

 

Cette demande est fondée sur un emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 17 octobre 1998 par le prédécesseur en titre de la Requérante et par elle-même depuis le 14 juin 2002 en liaison avec :

(1) Conseils, information et renseignement d'affaires, nommément conseils à des tiers pour la conception de sites sur un réseau informatique mondial pour l'échange et la diffusion d'une gamme étendue d'informations. (les « Services »)

(2) Communications, nommément transmission électronique de données et de documents au moyen de terminaux informatiques sur un réseau informatique mondial, nommément transmission électronique de jugements, transmission électronique de résumés de jugements, transmission électronique de recueils de jugements, transmission électronique de revues juridiques, transmission électronique d'articles sur la loi, transmission électronique de capsules audiovisuelles préenregistrées d'information sur la loi, transmission d'émissions de télévision sur la loi.

 

Vidéotron Ltée. (« l’Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 21 juin 2004, que le registraire a transmise à la Requérante le 19 août 2004.

 

Le 17 décembre 2004, la Requérante a produit une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition.

L’Opposante a produit en preuve l’affidavit de Monsieur Claude Sauvé alors que la Requérante produisait celui de Me Jean-Yves Côté et ce dernier fut contre-interrogé sur son affidavit.

 

Les parties ont produit un plaidoyer écrit et une audience fut tenue où elles étaient représentées.

 

II La déclaration d’opposition

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

1.      La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences des articles 38(2)(a) et 30 (a) et (b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») en ce que:

                                                              i.      la demande ne renferme pas un état dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquelles la Marque a été employée;

                                                            ii.      la Marque n’a pas été employée à titre de marque de commerce en liaison avec les Services à la date alléguée dans la demande d’enregistrement;

 

2.      La Marque n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas les Services des services d’autres personnes.

 

III Décision interlocutoire du registraire et décisions prises par les parties en cours d’instance

 

En cours d’instance la Requérante a demandé de corriger une « erreur d’écriture » afin que les différentes dates d’emploi alléguées dans la demande d’enregistrement se lisent en fonction de deux paragraphes distincts de la description des services. Par décision datée du 14 juin 2006 le registraire a refusé cette demande de modification car elle était contraire aux dispositions de la règle 32 b) du Règlement sur les marques de commerce.

 

Dans son plaidoyer écrit la Requérante a retiré de sa demande d’enregistrement les services suivants :

 

Communications, nommément transmission électronique de données et de documents au moyen de terminaux informatiques sur un réseau informatique mondial, nommément transmission électronique de jugements, transmission électronique de résumés de jugements, transmission électronique de recueils de jugements, transmission électronique de revues juridiques, transmission électronique d'articles sur la loi, transmission électronique de capsules audiovisuelles préenregistrées d'information sur la loi, transmission d'émissions de télévision sur la loi;

 

de telle sorte qu’il ne reste que les Services.

 

En début d’audience l’admissibilité du contenu de l’affidavit de M. Sauvé fut soulevée par la Requérante. Il n’est pas nécessaire d’élaborer sur les motifs de cette contestation puisque l’Opposante a décidé de retirer du dossier cet affidavit. Son contenu ne fait donc plus partie de la preuve au dossier.

 

IV Analyse des motifs d’opposition

 

C’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer que la demande d’enregistrement est conforme à la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits supportant chacun de ses motifs d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de cette charge, il revient alors à la Requérante de prouver selon la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition invoqués n’empêchent pas l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329‑330, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, 2005 C.F. 722].

 

Les dates pertinentes auxquelles doit se faire l’examen des motifs d’opposition varient selon le motif plaidé. Ainsi pour:

 

  Défaut de conformité à l’une des dispositions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande d’enregistrement (11 décembre 2002) [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293];

  Le caractère distinctif de la Marque : il est généralement reconnu que c’est la date de production de la déclaration d’opposition (le 21 juin 2004) [voir E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Metro‑Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc., [2004] C.F. 1185 (C.F. 1re inst.)].

 

i)                    Motif d’opposition fondé sur l’article 30(a) de la Loi

 

Dans son plaidoyer écrit l’Opposante ne traite que de la description des services qui ont fait l’objet d’un désistement en cours d’instance. Lors de l’audience ce motif d’opposition n’a pas été argumenté en ce qui concerne les Services et qui plus est c’est l’Opposante qui a le fardeau initial de preuve. Il n’y a aucune preuve au dossier qui pourrait supporter ce motif d’opposition. Il est donc rejeté.

 

ii)                  Motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

 

Tel que mentionné précédemment l’Opposante n’a aucune preuve au dossier. Toutefois lorsqu’elle conteste le fait qu’il y ait eu emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement, elle peut se décharger de son fardeau initial de preuve en se référant à la preuve produite par la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 à la page 230]. Il faut que cette preuve soulève un doute sérieux quant aux affirmations contenues dans la demande d’enregistrement de la Requérante [voir Hearst Communications, Inc. c. Nesbitt Burns Corp., (2000) 7 C.P.R. (4th) 161]. L’absence de preuve au dossier de l’emploi de la Marque n’est pas suffisant en soi pour décharger le fardeau initial de preuve de l’Opposante [voir Parmalat Food Inc. c. Sun World international Inc. (2006) 50 C.P.R. (4th) 283 (COMC)].

 

L’Opposante s’est référée à la preuve produite par la Requérante pour argumenter qu’elle s’était effectivement déchargée de son fardeau initial de preuve. Je décrirai donc dans les lignes qui suivent la preuve pertinente à ce sujet.

 

Me Côté se décrit comme étant le président fondateur et actionnaire unique de Illico Communication Inc, soit la Requérante. Il est important de souligner que lors de son contre-interrogatoire il fut établi que Me Côté est avocat de formation. La Requérante fut incorporée par lui-même en 1990 sous la dénomination sociale Illico Informatique Inc. mais nous n’avons aucune preuve documentaire pour établir une date précise. Toutefois cette absence de preuve n’aura aucune incidence sur ma décision. Illico Informatique Inc. changera de dénomination sociale pour Illico Communication Inc. Selon le registre des marques de commerce cette modification serait survenue le ou vers le 23 décembre 2003.

 

Le 13 juin 2002 une entente est intervenue entre Illico Informatique Inc. et Mme Andréanne Grondin, faisant affaires sous la dénomination sociale !llico, par laquelle cette dernière promettait de céder à Illico Informatique Inc. « …tous les droits de propriété, notamment de propriété intellectuelle sur la dénomination !llico et le nom de domaine illico.net… ». Une convention de vente et cession fut signée par les parties le 14 juin 2002. Je note que nulle part dans cette convention il est question d’une marque de commerce !LLICO. On réfère plutôt à la dénomination sociale du même nom et au nom de domaine précédemment identifié (voir la pièce R-6).

 

La pièce R-14 à l’affidavit de Me Côté est un extrait du registre des entreprises du Québec mieux connu sous le nom de CIDREQ dans lequel il apparaît que Mme Grondin aurait débuté l’emploi de la dénomination sociale !llico le 5 octobre 1998 pour cesser d’en faire usage le 17 juillet 2002. Sur cet extrait il est mentionné que les activités économiques de Mme Grondin consistaient en la conception et la gestion de sites Internet et le développement d’applications pour l’Internet. Ce document ne fait pas preuve d’usage d’une marque de commerce au sens de l’article 4(2) de la Loi [voir Optagest Canada Inc. et al c. Services Optométriques Inc.(S.O.I.) et al. (1991), 37 C.P.R. (3d) 28 à la page 35].

 

Les arguments de l’Opposante sont :

  Pour bénéficier d’une date de premier emploi du 17 octobre 1998 la Requérante se devait d’acquérir la marque de commerce !LLICO et son achalandage depuis cette date et non une dénomination sociale du même nom;

  Même s’il y a eu une cession de la marque de commerce !LLICO, Mme Grondin et/ou la Requérante n’a jamais employé !LLICO à titre de marque de commerce et encore moins en liaison avec les Services.

 

La Requérante réplique en plaidoirie qu’elle ne voulait pas alourdir le document de cession avec Mme Grondin d’autant plus que la Marque n’était pas enregistrée et que l’achalandage était intrinsèquement lié à l’adresse du nom de domaine acquis par la même occasion. Ceci constitue un témoignage et il n’y a aucune preuve au dossier à ce sujet.

 

Me Côté représentait sa société lors de la signature des documents. Il a une formation juridique et c’est sa société qui achetait les droits sur la dénomination sociale !llico et le nom de domaine illico.net. S’il voulait acquérir la désignation !llico à titre de marque de commerce il était libre de le faire et de l’inclure dans la convention de cession, s’assurer qu’elle avait été employée à titre de marque de commerce en liaison avec les Services et inclure dans l’acte de cession l’achalandage associé à cette marque de commerce. Or si ces droits n’ont pas été acquis par la Requérante elle ne peut certainement pas fonder la présente demande sur un usage antérieur au sien.

 

Même si on pouvait conclure que l’acte de cession signé par les parties contenait implicitement une cession de la Marque, il reste à savoir si Mme Grondin employait la Marque, à titre de marque de commerce, en liaison avec les Services. Il ne faut surtout pas confondre « emploi d’une marque de commerce » et « emploi d’une dénomination sociale ». Une marque de commerce peut également être la dénomination sociale d’une partie. Une marque de commerce employée en liaison avec des services sert à distinguer aux yeux des consommateurs les services d’une partie des services d’une tierce partie alors qu’une dénomination sociale ne sert qu’à désigner une entité peu importe ses activités commerciales.

 

À titre de preuve d’emploi par Mme Grondin de la Marque en liaison avec les Services, la Requérante se réfère aux pièces suivantes :

  R-7 : extraits du site Internet du prédécesseur en titre de la Requérante;

  R-8 : extraits du site Internet du prédécesseur en titre de la Requérante en date du 12 février 1999 et 1er avril 2001 tels que récupérés à partir d’un site d’archivage;

  R-9: porte-folio fournissant la liste de sites Internet développés par le prédécesseur en titre de la Requérante en liaison avec la Marque tels que récupérés à partir d’un site d’archivage.

 

Je ne considère pas que ces documents prouvent l’emploi de la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec les Services. En premier lieu les pièces R-7 et R-9 ne portent aucune date et il est donc impossible de déterminer s’ils existaient à la date pertinente (11 décembre 2002). De plus bien que la Marque apparaisse sur la pièce R-7 elle est employée à titre de dénomination sociale et non comme marque de commerce. À titre d’exemple on y retrouve la mention « !llico est une société informatique… » Il y a également la mention « Notre spécialité ». Quant aux mentions apparaissant aux pièces R-8 et R-9 il s’agirait de l’aveu même de la Requérante lors de l’audience, en ce qui concerne !llico, d’une référence générée par le site d’archivage. Or les explications fournies par la Requérante concernant la provenance et le contenu de ces documents lors de l’audience sont du domaine de la preuve et je ne peux les accepter lors de la plaidoirie. Autre signe que le terme !llico est employé à titre de dénomination sociale et non comme marque de commerce en liaison avec les Services : on le retrouve suivi immédiatement en-dessous d’une adresse civique.

 

En conclusion la preuve révèle que la cession de droits conclue entre la Requérante et Mme Grondin se limitait à une dénomination sociale et un nom de domaine. Il est donc impossible pour la Requérante dans les circonstances de réclamer sur la base de cette cession une date de premier emploi de la Marque en liaison avec les Services à compter du 17 octobre 1998. Même si une telle cession existait, Mme Grondin n’employait pas la Marque à titre de marque de commerce pour identifier les Services.

 

L’Opposante s’est donc déchargée de son fardeau initial de preuve. La Requérante avait donc le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque avait été employée à titre de marque de commerce depuis la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement. L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve. J’accueille donc le motif d’opposition 1a) ci-haut décrit.

 

 

 

iii)                Absence de caractère distinctif de la Marque

 

Je reproduis le libellé du motif d’opposition tel qu’il apparaît dans la déclaration d’opposition de l’Opposante :

 

L’Opposante fonde son opposition sur les dispositions de l’article 38(2)(d) en ce que la marque !LLCO Dessin n’est pas distinctive au sens de l’article 2 parce qu’elle ne distingue pas véritablement les services de la Requérante, tels qu’énumérés dans la demande d’enregistrement no. 1,161,940, des services des autres personnes.

 

Or nous savons que l’Opposante n’a aucune preuve au dossier. Elle ne s’est donc pas déchargée de son fardeau initial de preuve. De plus tel que libellé ce motif d’opposition est vague et ambigu et en l’absence de preuve qui pourrait permettre d’avoir des éclaircissements à son sujet [voir Novopharm c. AstraZeneca AB et al. (2002), 21 C.P.R. (4th) 289]. Il ne peut constituer un motif d’opposition valable. D’ailleurs nulle part il est fait mention de ces « autres personnes ». Je rejette donc ce motif d’opposition.

 

V Conclusion

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Requérante pour la Marque en liaison avec les Services selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CE 19 DÉCEMBRE 2008

 

 

 

Jean Carrière,

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.