Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION par Havana Club Holding S.A. à la demande n1122759 produite par Havana Cappuccino Company en vue de l’enregistrement de la marque de commerce HAVANA                      

 

I Les actes de procédure

 

Le 20 novembre 2001, Havana Cappuccino Company (la requérante) a produit une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce HAVANA (la marque) en liaison avec des boissons non gazéifiées, nommément du café glacé (les marchandises). La demande se fonde sur l’emploi de la marque au Canada depuis octobre 2000. Le 5 février 2003, elle a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce.

 

Le 7 juillet 2003, Havana Club Holding S.A. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition. La requérante a signifié et produit une contre‑déclaration le 14 octobre 2003 dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition soulevés par l’opposante.

 

L’opposante a déposé l’affidavit de Mme Zeina Waked alors que la requérante n’a déposé aucune preuve à l’appui de sa demande. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et seule l’opposante était présente à l’audience.

 

II La déclaration d’opposition

 

Voici les motifs d’opposition :

1)      Vu l’al. 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, (la Loi), la marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises;

2)      La marque, employée en liaison avec les marchandises, n’est pas distinctive parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises, de sorte qu’elle ne permet pas de distinguer les marchandises au sens de l’art. 2 de la Loi.

 

III Analyse des motifs d’opposition

 

La requérante a le fardeau de démontrer que sa demande satisfait aux exigences de la Loi, mais il incombe d'abord à l'opposante d'établir les faits qu'elle invoque à l'appui de ses motifs d'opposition. Une fois que l'opposante s'est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la requérante de démontrer que les motifs d'opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l'enregistrement de la marque. [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. Timberland Company, [2005] CF 722.]

 

La date pertinente varie selon le motif d’opposition :

 

  Enregistrabilité sous le régime de l’al. 12(1)b) de la Loi : la date du dépôt de la demande (le 20 novembre 2001). [Voir Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation (2004), 36 C.P.R. (4th) 90; Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Company Limited (2004), 35 C.P.R. (4th) 541.]

  Caractère distinctif de la marque : la date du dépôt de la déclaration d’opposition est généralement considérée comme la date pertinente (le 7 juillet 2003). [Voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.), et Metro‑Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.1re inst.).]

 

Comme l’a reconnu l’opposante pendant l’audience, le fait que la date pertinente puisse varier n’est pas un facteur déterminant en l’espèce. De plus, les deux motifs d’opposition concernent le caractère descriptif de la marque. Par conséquent, si je conclus que la marque donne une description claire ou qu’elle donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises, les deux motifs d’opposition seront accueillis, mais si ma conclusion est à l’effet contraire, ils seront rejetés.

 

 

Le critère de l’al. 12(1)b) a été décrit comme suit dans Thomas J. Lipton Ltd. c. Salada Foods Ltd (no 3) (1979), 45 C.P.R. (2d) 157, [1980] 1 C.F. 74 :

« Connotation » s'entend d'une implication ou d'une suggestion. Même une « suggestion ou implication spécifique » ou une « implication ou suggestion claire » qu'une marque de commerce donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse ne suffit pas pour la rendre non enregistrable en vertu de l'article 12(1)b). Ces dispositions n'admettent pas une simple implication ou suggestion. Le Parlement a utilisé les termes « claire » et « fausse et trompeuse » après le terme « description », et le registraire n'a aucunement constaté que le terme qui nous intéresse constituait soit une description claire soit une description fausse et trompeuse. Quant à savoir si une simple description suggestive suffit, on peut se référer au jugement rendu par l'ancienne Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire Kellogg Company of Canada Limited c. Le registraire des marques de commerce, [1940] R.C.É. 163, aux pages 170 et 171.

S’agissant de description les mots claire et fausse et trompeuse sont des éléments essentiels. [...]

 

Mme Waked est une technicienne juridique chez l’agent de l’opposante. On lui a demandé d’effectuer des recherches dans différents dictionnaires et encyclopédies pour déterminer si Cuba est reconnue comme étant un pays producteur de café. Elle a déposé neuf extraits de divers dictionnaires et encyclopédies concernant Cuba. La plupart d’entre eux confirment que Cuba est un pays où l’on produit du café et que La Havane (Havana en anglais) est la capitale du pays.

 

Dans sa déclaration d’opposition, l’opposante s’est référée aux pièces P‑1 et P‑2, qui sont des extraits de deux dictionnaires britanniques, à savoir The Shorter Oxford English Dictionary et The Oxford English Dictionary, dans lesquels Cuba est défini comme suit :

[traduction] « Le nom d’une grande île des Antilles, aussi appelée Havana. »

 

S’appuyant sur les deux citations susmentionnées, l’opposante soutient que le terme Havana désigne également Cuba. Ces deux extraits, tirés de dictionnaires étrangers, ne me permettent pas de conclure que le Canadien moyen emploierait le terme Havana pour désigner Cuba.

 

Mme Waked a également produit une facture et un sac contenant des grains de café achetés en mars 2004 dans un magasin de Ville de Mont‑Royal au Québec. Un autocollant sur lequel le mot Cuba est inscrit est apposé sur le sac. Je vais tenir compte de cette preuve bien que l’achat ait été effectué après les dates pertinentes. Il ressortira de ma décision que cet élément de preuve n’est pas déterminant.

 

Compte tenu de la preuve au dossier, je conclus que le Canadien moyen :

 

  sait que l’on produit du café à Cuba;

  associe le terme Havana à Cuba.

 

Les marchandises sont définies comme étant du café glacé et non comme étant du café. Il s’agit donc de savoir si, lorsqu’il a devant lui du café glacé vendu en liaison avec la marque de commerce Havana, le consommateur canadien moyen, qui sait que Cuba est un pays producteur de café, a comme première impression qu’il provient de La Havane. Sur ce sujet, il est utile de rapporter les propos de D. Martin, membre de la Commission, dans Hollywood Chamber of Commerce c. Hollywood Entertainment Inc. (1997), 84 C.P.R. (3d) 536 :

 

[traduction] En l’espèce, rien ne permet de conclure qu’au Canada l’utilisateur moyen des services de vente au détail ou des services de location de la requérante serait au courant qu’ils pourraient avoir Hollywood pour origine. D’ailleurs, aucun élément de preuve n’indique qu’Hollywood peut être un lieu d’origine pour de tels services. L’opposante a tout au plus établi qu’Hollywood a déjà été le cœur de l’industrie cinématographique américaine. Ainsi, même si le consommateur canadien moyen sait qu’Hollywood existe, rien dans la preuve n’indique qu’il pourrait être induit en erreur par la marque de commerce de la requérante en étant amené à penser que le lieu d’origine des services est Hollywood. Par conséquent, la marque de commerce de la requérante, HOLLYWOOD VIDEO & dessin, ne donne pas une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des services; le troisième motif est donc rejeté.

 

Aucun élément de preuve ne permet d’établir le lieu d’origine des marchandises. De plus, rien dans le dossier n’indique que La Havane est connue comme étant une région productrice de café glacé. Au surplus, la preuve ne démontre pas a que le Canadien moyen penserait de prime abord que le café glacé vendu en liaison avec la marque de commerce HAVANA provient de La Havane à Cuba ou qu’il serait induit en erreur en étant incité à croire que les marchandises de la requérante proviennent de la Havane, à Cuba.

 

IV Conclusion

 

Je conclus que la preuve au dossier ne permet pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des marchandises lorsqu’elle est utilisée en liaison avec celles‑ci. Je rejette donc les deux motifs d’opposition.

 

Compte tenu des pouvoirs qui m’ont été conférés par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 8 AOÛT 2007.

 

 

 

Jean Carrière,

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

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