Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS de Rothmans Benson & Hedges aux demandes nos 1122383 et 1122384 produites par la Compagnie Player's Inc. en vue, respectivement, de l'enregistrement des marques de commerce PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER

 

 

[1].             Le 19 novembre 2001, la Compagnie Player's Inc. (la Requérante) a produit des demandes d'enregistrement pour les marques de commerce PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER (les Marques), en se fondant sur leur emploi au Canada en liaison avec des « produits du tabac manufacturés » (les Marchandises) depuis au moins le 15 octobre 2001.

 

[2].             Ces demandes ont été annoncées aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 14 mai 2003.

 

[3].             Le 14 octobre 2003, la société Rothmans Benson & Hedges (l'Opposante) a produit des déclarations d'opposition pour l'essentiel identiques entre elles à l'égard de chacune des demandes susdites. Les motifs de ces oppositions peuvent se résumer comme suit :

a.       Les demandes ne satisfont pas aux exigences de l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, et ses modifications (la Loi), en ce que la Requérante n'a pas employé les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans ces demandes.

b.      Les demandes ne satisfont pas aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'employer les Marques comme marques de commerce en liaison avec les Marchandises, étant donné qu'elle avait ou aurait dû avoir connaissance des marques déposées qu'énumère l'annexe A jointe à la présente décision avant la date de production de ces demandes.

c.       Les Marques ne sont pas enregistrables au sens de l'alinéa 12(1)d) de la Loi parce que les demandes produites en vue de leur enregistrement créent de la confusion avec les marques de commerce déposées susdites.

d.      Les Marques ne sont pas distinctives à l’égard de la Requérante, étant donné qu'elles ne distinguent pas les Marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires, notamment celles des propriétaires des marques déposées susdites.

 

[4].             La Requérante a produit et signifié dans chaque affaire une contre-déclaration niant la totalité des motifs d'opposition.

 

[5].             La preuve de l'Opposante dans chaque affaire consistait en l’affidavit de Perry J. Lao. J'emploierai le singulier pour désigner les deux affidavits de Me Lao, leur structure étant la même. La Requérante a présenté un seul ensemble d'affidavits – souscrits par Edmond Ricard, Chantal Dorais, Adamo Santoianni, Timothy Owen Stevenson, Eric Weaver, Iva Morina et Gay Owens – relativement aux deux présentes oppositions, ainsi qu'à six autres formées contre elle par l'Opposante. Je n'examinerai ici que les aspects de la preuve pertinents pour les présentes oppositions.

 

[6].             Dans chaque affaire, seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit, et il a été tenu une audience où seule la Requérante était représentée.

 

Résumé de la preuve de l'Opposante

 

L'affidavit de Perry J. Lao

 

[7].             Perry J. Lao atteste qu'il est un avocat employé par le cabinet qui représente l'Opposante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[8].             Me Lao déclare qu'il a acheté le 14 avril 2004 des échantillons de divers paquets de cigarettes de la Requérante dans un dépanneur sis à Toronto. Il joint à son affidavit les pièces A à D, lesquelles sont des images obtenues par scanner des dessins et des mots apparaissant respectivement sur les faces antérieure et postérieure des paquets de cigarettes de la Requérante « PLAYER'S Light/Légère, Extra Light / Extra Légère, Filter/Filtre ou Silver/Argent ».

 

[9].             Me Lao formule diverses observations concernant les signes qui figurent sur les paquets susdits. Il déclare en outre que les Marques alléguées sont fondées sur l'emploi au Canada depuis au moins le 15 octobre 2001, qu'elles sont commercialement disponibles et emballées comme le montre la pièce D, et que la manière dont elles sont employées correspond à l'emballage des autres marques de cigarettes Player's, notamment de la marque Silver/Argent. Je reproduis ci‑dessous les éléments principaux de la face antérieure des paquets de cigarettes « Player's Argent » et « Player's Silver » de la Requérante auxquels il est fait référence dans la pièce D de l'affidavit de Me Lao :

 

PLAYER'S ARGENT & DESIGN

PLAYER'S SILVER & DESIGN

 

[10].         Me Lao joint aussi à son affidavit des copies conformes des enregistrements qu'invoque l'Opposante à l'appui des motifs d'opposition b), c) et d) résumés ci‑dessus.

 

Résumé de la preuve de la Requérante

 

L'affidavit d'Edmond Ricard

 

[11].         Edmond Ricard atteste qu'il est le chef du Service des marchés à terme et du développement à la Division de la commercialisation de la société Imperial Tobacco Canada Limited / Imperial Tobacco Canada Limitée (ITCan). Il déclare que, en tant que chef du service susdit, il est chargé entre autres de maintenir les marques de commerce que possèdent ITCan et ses filiales – notamment Imperial Tobacco Company Limited (ITCo), John Player & Sons Ltd. (« John Player ») et la Requérante –, ainsi que d'en surveiller l'emploi.

 

[12].         M. Ricard déclare que, en vertu d'un accord de licence liant la Requérante et John Player, celle‑ci est autorisée à employer toutes les marques de commerce de la Requérante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. Cet accord autorise également John Player à sous-licencier ses droits, ce qu'elle a fait pour ITCan, à des conditions identiques à celles de la licence qu'elle tient de la Requérante.

 

[13].         M. Ricard déclare qu'ITCan fabrique, commercialise et vend les cigarettes PLAYER'S SILVER au Canada depuis au moins le 15 octobre 2001.

 

[14].         M. Ricard expose la manière dont les cigarettes PLAYER'S SILVER sont vendues au Canada, et joint à son affidavit des échantillons représentatifs des paquets (qui correspondent pour l'essentiel à ceux de la pièce D annexée à l'affidavit de Me Lao), des factures et des bulletins de commande relatifs à cette marque.

 

L'affidavit de Chantal Dorais

 

[15].         Chantal Dorais atteste qu'elle est cheffe du Service des relations avec les consommateurs chez ITCan. Mme Dorais déclare que son service s'occupe des communications avec les clients, notamment des questions, observations, compliments et plaintes concernant les produits fabriqués par ITCan, y compris les cigarettes PLAYER'S SILVER.

 

[16].         Mme Dorais déclare que les clients communiquent le plus souvent avec ITCan par téléphone, en composant un numéro inscrit sur les paquets des produits de cette entreprise. Elle ajoute que les membres de son service, y compris elle-même, reçoivent ces communications téléphoniques et en inscrivent l'objet directement dans une base de données électroniques. À la fin de chaque entretien téléphonique, le service demande au client d'inscrire ses commentaires et des renseignements afférents sur une formule qu'on lui expédie par la poste et qu'il renvoie au service.

 

[17].         Mme Dorais déclare que, dans la plupart des cas, les clients désignent le produit dont il s'agit par son nom complet. Par exemple, les clients qui ont contacté son service à propos du produit PLAYER'S SILVER d'ITCan l'ont désigné « PLAYER'S SILVER » dans la majorité des cas. Mme Dorais ajoute qu'ITCan a reçu plus de 900 communications concernant les cigarettes PLAYER'S SILVER et elle joint à son affidavit, sous la cote A, des échantillons représentatifs de communications reçues de consommateurs canadiens concernant ce produit d'ITCan.

 

L'affidavit d'Adamo Santoianni

 

[18].         Adamo Santoianni atteste qu'il est agent commercial chez ITCo. Il compte 23 ans d'expérience à ce poste, qu'il occupait aussi chez les prédécesseurs de cette société.

 

[19].         Il déclare que sa tâche consiste à collaborer avec les détaillants de la région montréalaise au marchandisage des produits fabriqués par ITCan, pour laquelle ITCo distribue des cigarettes. Il explique qu'il s'entretient régulièrement avec les détaillants, et qu'il leur rend visite dans leurs magasins pour leur remettre des documents d'information, pour assurer le maintien de leur stocks de présentoirs et ainsi de suite. Il ajoute que, dans l'exercice de ces fonctions, il a souvent l'occasion de s'entretenir avec les clients qui entrent dans les magasins en question ou d'entendre ce qu'ils disent. Il affirme que, au cours des 23 dernières années, il a parlé à des milliers de clients, ou les a entendus discuter ou acheter leurs cigarettes, et que dans l'immense majorité des cas (95 % selon son estimation), ils désignaient la marque de cigarettes en question par son nom complet. Il précise qu'il en va ainsi des cigarettes PLAYER'S SILVER d'ITCan, que ces clients désignent « PLAYER'S SILVER ».

 

[20].         M. Santoianni poursuit en faisant observer que cela n'est pas étonnant puisque, selon son expérience, il est courant qu'un fabricant de tabacs offre plusieurs marques dont les noms comportent un premier élément commun. Il cite comme exemples de cette pratique, sans proposer d'autres éléments à l'appui, les marques PLAYER’S FILTER, PLAYER’S LIGHT SMOOTH, PLAYER’S SILVER et PLAYER’S SPECIAL BLEND, ainsi que les marques EXPORT A EXTRA LIGHT, EXPORT A LIGHT, EXPORT A MEDIUM, EXPORT A MEDIUM FLAVOUR et EXPORT A MILD.

 

[21].         Bien que l'Opposante n'ait pas contesté l'admissibilité en preuve des déclarations de M. Santoianni, j'examinerai cette question plus loin dans la présente décision.

 

Les affidavits d'Iva Morina, de Timothy Owen Stevenson et d'Eric Weaver

 

[22].         Iva Morina, Timothy Owen Stevenson et Eric Weaver attestent qu'ils sont respectivement technicienne juridique, stagiaire d'été et stagiaire en droit dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[23].         Iva Morina et Timothy Owen Stevenson, chacun pour leur part, ont demandé verbalement un paquet de cigarettes PLAYER'S SILVER dans un ou plusieurs magasins de proximité en novembre 2004. Chacun d'eux joint à son affidavit des photocopies du paquet que le vendeur leur a remis dans chaque cas, ainsi que le reçu correspondant.

 

[24].         Eric Weaver a visualisé et imprimé des extraits de la page Web www.whistlergrocery.com le 23 novembre 2004. À la même date, il a acheté un paquet de cigarettes PLAYER'S SILVER sur ce site. Il joint à son affidavit les extraits en question, ainsi que la confirmation d'achat qu'il a imprimée à la suite de cette transaction.

 

L'affidavit de Gay Owens

 

[25].         Gay Owens atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans les présentes procédures d'opposition. Elle joint à son affidavit les résultats de recherches assistées par ordinateur sur l'état du registre des marques de commerce qui visaient à trouver des demandes et des enregistrements actifs où figuraient les mots « ARGENT » ou « SILVER » employés en liaison avec du tabac et des produits du tabac. J'examinerai les résultats de ces recherches plus loin dans la présente décision.

 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

 

[26].         Il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. Cependant, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir : John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[27].         Les dates pertinentes pour l'examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d'opposition invoqués dans les présentes espèces sont les suivantes :

 

         les motifs fondés sur l'article 30 de la Loi : la date de production des demandes d'enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         les motifs fondés sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         les motifs fondés sur l'absence de caractère distinctif des Marques : la date pertinente généralement admise est la date de production des déclarations d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re  inst.)].

 

[28].         J'analyserai maintenant les motifs d'opposition en fonction de la preuve au dossier, sans nécessairement suivre l'ordre où ils sont exposés dans les déclarations d'opposition.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30b)

 

[29].         Le premier motif d'opposition invoqué par l'Opposante dans chaque affaire indique que les demandes ne satisfont pas aux exigences de l'alinéa 30b) de la Loi, en ce que la Requérante n'a pas employé les Marques, comme marques de commerce au sens de l'article 2 de la Loi, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans ces demandes. L'Opposante affirme plus précisément que la Requérante emploie les marques alléguées PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER de telle manière que le public ne les perçoit pas du premier coup d'œil comme des marques de commerce formant chacune une unité. L'Opposante fait valoir que le mot « PLAYER'S » d'une part, et le mot « ARGENT » ou « SILVER » d'autre part, sont séparés et sont imprimés en caractères de polices ou de tailles différentes, si bien qu'ils produisent chacun une impression distincte et ne sont pas perçus comme formant ensemble une unité.

 

[30].         Ainsi qu'on peut aussi le lire dans l'affidavit de Me Lao et le plaidoyer écrit de l'Opposante, cette dernière, se fondant sur les représentations de produits commercialement disponibles de la Requérante annexées à cet affidavit sous les cotes A à D, soutient que les Marques apparaissent sur les paquets d'une manière semblable à celle des autres marques de cigarettes Player's, notamment la marque PLAYER'S SILVER, dont le paquet est représenté à l'annexe D.

 

[31].         La Requérante soutient quant à elle qu'un tel usage constitue bel et bien un emploi des Marques comme marques de commerce. Je le pense aussi.

 

[32].         Le fait que les éléments « PLAYER'S » et « SILVER » [« ARGENT »] apparaissent en caractères de polices, de tailles et de couleurs différentes sur la face antérieure, ainsi que sur les sections latérale et supérieure, des paquets de cigarettes n'empêche pas en soi la mise en œuvre de ces éléments d'être considérée comme un emploi de la marque nominale PLAYER'S SILVER [PLAYER'S ARGENT] en tant qu'unité. Les éléments « PLAYER'S » et « SILVER » [« ARGENT »] apparaissent toujours en étroite proximité l'un de l'autre. Par exemple, le mot « SILVER » apparaît immédiatement à la suite du mot « PLAYER'S » sur l'une des sections latérales, sans que l'ensemble soit accompagné d'autres signes que les barres du code universel des produits.

 

[33].         La thèse selon laquelle les marques PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER sont employées comme marques de commerce sur les paquets de cigarettes se trouve aussi étayée par l'usage fait de la marque PLAYER'S SILVER sur les factures et les bulletins de commande annexés à l'affidavit de M. Ricard. La mention « PLAYER'S SILVER » apparaît dans le corps des factures, qui accompagnent les marchandises ou sont expédiées à leurs acheteurs. La même mention figure aussi sur les formules qu'utilisent détaillants et grossistes pour commander des cigarettes à ITCo. On la trouve enfin sur les reçus de vente au détail, ainsi que l'attestent les affidavits de Mme Morina et de M. Stevenson. 

 

[34].         En outre, les échantillons de communications annexés à l'affidavit de Mme Dorais attestent que les clients désignent par leur nom complet les cigarettes PLAYER'S SILVER.

 

[35].         Je n'ai pas à me prononcer sur l'admissibilité des déclarations de M. Santoianni, étant donné que j'estime la preuve résumée ci‑dessus suffisante pour conclure que, vu les faits, l'utilisation par la Requérante des Marques visées par les demandes sous la même forme qu'elle utilise sa marque PLAYER'S SILVER selon la représentation de la pièce D annexée à l'affidavit de Me Lao peut être considérée comme un emploi desdites Marques.

 

[36].         Vu l'analyse qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial dont elle devait s'acquitter pour mettre en litige les allégations suivant lesquelles la Requérante n'emploierait pas les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec les Marchandises. Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30b) sont en conséquence rejetés.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d)

 

[37].         Comme je le disais plus haut, l'Opposante a produit dans chaque affaire des copies conformes des enregistrements qu'elle invoquait à l'appui de ses motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d). J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire d'examiner le registre des marques de commerce et de vérifier l'état actuel de ces enregistrements. Les enregistrements des marques de commerce JOHN SILVER, SILVER CREEK et EXPORT "A" ARGENTE ayant été radiés (le 15 août 2008 pour le premier, et le 2 février 2007 pour le deuxième et le troisième), on ne peut plus les invoquer à l'appui d'un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d). Cependant, comme les deux autres enregistrements cités sont en règle, l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard de ces motifs d'opposition.

 

[38].         Étant donné ces éléments versés en preuve par l'Opposante, la Requérante doit établir suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et les enregistrements existants cités, soit ceux des marques GIZEH SILVER TIP & DESSIN et SILVER TIP BOY & DESSIN.

 

[39].         Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[40].         Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive, et l'on attribuera respectivement des poids différents aux facteurs suivant le contexte. Le lecteur trouvera un examen approfondi des principes généraux de l'application du test relatif à la confusion dans les deux arrêts suivants : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.).

 

[41].         Il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse détaillée à partir des facteurs du paragraphe 6(5) dans les présentes espèces. Qu'il me suffise de dire que, bien que les marchandises et les voies de commercialisation des marques en question puissent coïncider en partie, chacune des marques de tiers est suffisamment différente des Marques PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER pour rendre la confusion improbable.

 

[42].         En effet, l'Opposante a reconnu dans son plaidoyer écrit relatif à chaque affaire que les Marques sont chacune composées de deux éléments, soit, d'une part, [TRADUCTION] « la marque maison bien connue PLAYER'S », qui apparaît en première place, et d'autre part, les mots ordinaires du dictionnaire « ARGENT » ou « SILVER ». La seule ressemblance entre les Marques et les enregistrements invoqués, qui contiennent d'autres éléments distinctifs et à propos desquels il n'a pas été produit d'éléments de preuve tendant à établir l'emploi ou la révélation au Canada, est le fait qu'ils ont en commun le mot ordinaire du dictionnaire SILVER, soit l'équivalent anglais du mot ARGENT. Étant donné les différences très importantes qui séparent les Marques de chacune des marques invoquées sous les rapports de la présentation, du son et des idées qu'elles suggèrent, et le fait que l'Opposante a reconnu dans son plaidoyer écrit relatif à chaque affaire que les mots « ARGENT » et « SILVER » ne possèdent qu'un faible caractère distinctif inhérent – fait que vient peut-être étayer dans une certaine mesure la preuve afférente à l'état du registre produite par l'intermédiaire de l'affidavit de Mme Owens, qui établit que, à la date de la recherche, il existait quatre enregistrements de marques de commerce contenant le mot SILVER, de propriétaires différents, pour emploi avec des produits du tabac ou assimilés –, j'estime qu’il n’est pas nécessaire d'exposer ici en détail l'analyse effectuée relativement à chacune de ces marques. Ainsi qu’il a été observé à la page 149 de Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.) :

 

Il est évident que tous ces facteurs n'ont pas nécessairement la même importance et que dans certains cas quelques-uns d'entre eux peuvent être absents. À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

[43].         Vu mes conclusions qui précèdent, je constate que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait d'établir suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en question pour ce qui concerne la source des marchandises. Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d) sont en conséquence rejetés.

 

[44].         L'Opposante a formulé le moyen subsidiaire suivant dans son plaidoyer écrit relatif à chacune des deux affaires :

 

[TRADUCTION] C.2 j) Pour le cas où l'agent d'audience conclurait que la marque en cause dans la présente espèce ne crée pas de confusion avec les marques de commerce déposées que nous citons, au motif que les autres éléments respectifs de l'une et des autres suffisent à distinguer chacune, nous soutenons subsidiairement que le mot SILVER [ARGENT] contenu dans ladite marque en cause constitue un élément non distinctif et faible, et un mot commun de la langue anglaise qui devrait être à la disposition de tous les commerçants du secteur.      

 

[45].         Étant donné les observations que j'ai formulées ci‑dessus et le fait que la Requérante ne demande pas l'enregistrement des mots « ARGENT » ou « SILVER » considérés isolément, mais plutôt celui des Marques PLAYER'S ARGENT et PLAYER'S SILVER prises dans leur ensemble, j'estime qu’il n’est pas nécessaire d'ajouter d’autres commentaires à l’égard de ces dernières affirmations de l'Opposante.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'absence de caractère distinctif

 

[46].         L'Opposante soutient que les Marques ne sont pas distinctives à l’égard de la Requérante en ce qu'elles ne distinguent pas ses Marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires, notamment de celles des propriétaires des marques de commerce déposées qu'énumère l'annexe A, ni ne sont adaptées à les en distinguer.

 

[47].         L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait d'établir que, à la date de production des oppositions, l'une quelconque des marques déposées susdites est devenue suffisamment connue pour mettre en cause le caractère distinctif des Marques visées par les demandes. En conséquence, les motifs d'opposition fondés sur l'absence de caractère distinctif sont rejetés. J'ajouterai que, si ces motifs d'opposition étaient considérés comme reposant sur l'allégation que les Marques visées par les demandes ne seront pas employées dans le but de distinguer les Marchandises des marchandises d'autres commerçants, ils devraient aussi être rejetés, au moins pour les mêmes raisons que l'ont été les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30b).

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30i)

 

[48].         L'Opposante fait valoir que, étant donné l'existence au Canada des enregistrements énumérés à l'annexe A, dont elle soutient que la Requérante avait connaissance, cette dernière ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit de faire enregistrer les Marques comme marques de commerce en liaison avec les Marchandises.

 

[49].         Ces motifs sont rejetés, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait à cet égard. Plus précisément, elle n'a présenté aucun élément tendant à établir que la Requérante avait connaissance des enregistrements en question, aucun élément expliquant pour quelles raisons elle aurait dû en avoir connaissance, ni aucun non plus tendant à prouver que la Requérante n’était pas en fait convaincue d'avoir le droit d'employer ses Marques au Canada. Un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) ne doit être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve établit que le requérant est de mauvaise foi, ce qui n'est pas le cas en l’espèce.

 

Décision

 

[50].         Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions à l'enregistrement des Marques conformément au paragraphe 38(8).

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15 JUILLET 2009.

 

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme,

Linda Brisebois, LL.B

 


 

 

ANNEXE A

 

No d'enr.

Marque de commerce

Marchandises

Propriétaire

LMC494549

GIZEH SILVER TIP & DESSIN

 

 

Tubes-papier à cigarettes.

GIZEH RAUCHERBEDARF GMBH

LMC160349

JOHN SILVER

 

Cigarettes

Gallaher Sweden AB

LMC494041

SILVER CREEK

 

(Désistement du droit à l'usage exclusif du mot SILVER en dehors de la marque de commerce)

 

Produits du tabac, nommément cigarettes [...]

680187 ONTARIO LTD.

LMC536290

SILVER TIP BOY & DESSIN

 

Machines à main pour faire des cigarettes à partir de tabac en vrac, au moyen de papier à cigarettes ou de tubes-papier à cigarettes.

GIZEH RAUCHERBEDARF GMBH

LMC267331

EXPORT "A" ARGENTE

 

Cigarettes.

JTI-Macdonald TM Corp.

 

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