Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 59

Date de la décision : 2015-03-31

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Kohler Co. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,571,821 pour la marque de commerce CIRCE au nom de Brasstech, Inc.

Introduction

[1]               Brasstech, Inc. (la Requérante) a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce CIRCE sur la base d'un emploi projeté en liaison avec des appareils d'éclairage et des miroirs de salle de bain.

[2]               Kohler Co. (l'Opposante) s'est opposée à la demande au motif principal qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion entre cette marque de commerce et la marque de commerce déposée CIRCE de l'Opposante antérieurement employée au Canada en liaison avec des bains, nommément baignoires, tuyaux en métal pour la plomberie. L'Opposante soulève également des motifs d'opposition techniques fondés sur la non-conformité de la demande à l'article 30 de la Loi.

[3]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d'enregistrement.

Contexte

[4]               Le 4 avril 2012, la Requérante a produit la demande no 1,571,821 pour faire enregistrer la marque de commerce CIRCE (la Marque) sur la base d'un emploi projeté en liaison avec des appareils d'éclairage et de miroirs de salle de bain.

[5]               La demande d'enregistrement a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 27 mars 2013; le 7 août 2013, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition dans laquelle elle soulève les motifs d'opposition énoncés à l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) suivants : non-conformité aux dispositions des articles 30a), 30e) et 30i), non-enregistrabilité aux termes de l'article 12(1)d), absence de droit à l'enregistrement aux termes de l'article 16(3)a), et absence de caractère distinctif au sens de l'article2. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, la question déterminante en l'espèce est la probabilité de confusion entre la Marque et la marque CIRCE de l'Opposante qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC730,356.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit une copie certifiée de son enregistrement no LMC730,356. La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit.

[8]               Aucune audience n'a été tenue.

Fardeau de preuve

[9]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante doit pour sa part s'acquitter du fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298; et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

[10]           L'Opposante a soulevé six motifs d'opposition; elle ne s'est toutefois pas acquittée de son fardeau initial à l'égard des cinq motifs suivants :

         article 30a) : il n'y a pas la moindre preuve que la demande ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits spécifiques en liaison avec lesquels la Requérante projette d'employer la Marque;

         article 30e) : il n'y a pas la moindre preuve que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque au Canada avant la date de production de la demande;

         article 30i) : il n'y a pas la moindre preuve que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu'elle avait droit d'employer la Marque au Canada;

         article 16(3)a) : il n'y a pas la moindre preuve que la marque de commerce CIRCE de l'Opposante avait été employée au Canada avant la date de production de la demande - la simple production d'une copie certifiée de l'enregistrement de l'Opposante n'est pas suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur une allégation d'absence de droit à l'enregistrement [Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)];

         article 2 : il n'y a pas la moindre preuve que la marque de commerce CIRCE de l'Opposante a été employée ou révélée au Canada avant la date pertinente qui s'applique à ce motif d'opposition, à savoir la date de production de la déclaration d'opposition (le 7 août 2013) [Entre Computer Centers, précitée].

[11]           En conséquence, les cinq motifs d'opposition susmentionnés sont rejetés.

Non-enregistrabilité – Article 12(1)d)

[12]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi, parce que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce CIRCE de l'Opposante enregistrée au Canada sous le no LMC730,356.

[13]           La date pertinente qui s'applique à ce motif d'opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[14]           Il appert de la preuve que l'enregistrement de l'Opposante est en règle. L'enregistrement a été accordé le 8 décembre 2008 sur la base d'une déclaration d'emploi produite le 7 novembre 2008.

[15]                 L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[16]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[17]           Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux n'est pas nécessairement le même [ Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)].

[18]           Dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de trancher la question de la confusion, le facteur le plus important est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent; les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l'ensemble des circonstances de l'espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 CPR (2d) 145, conf. par 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst)]. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes relativement à l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion (voir le para. 49) :

[traduction]
[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce, même s'il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. [...] ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[19]           En l'espèce, il est évident, eu égard à l'article 6(5)e), que la marque de commerce CIRCE de l'Opposante et la Marque sont identiques dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent. Je conclus, par conséquent, que dans un tel contexte, le consommateur ordinaire qui n'a qu'un souvenir imparfait de la marque de l'Opposante serait porté à croire, à la vue de la Marque, que la source des produits liés à la Marque est la même que la source des produits liés à la marque de l'Opposante. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si l'une des autres circonstances de l'espèce atténue cette probabilité de confusion dans une mesure suffisante pour rendre la confusion improbable.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[20]           Les marques sont toutes deux intrinsèquement fortes, car aucune d'elles n'est suggestive des marchandises auxquelles elle est liée.

[21]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi; il n'y a, cependant, aucune preuve que les marques de l'une et l'autre des parties sont devenues connues dans une quelconque mesure au Canada.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[22]           Rien n'indique que la Marque a été employée au Canada à ce jour. Bien que l'enregistrement de l'Opposante soit fondé sur l'emploi de sa marque depuis 2008, l'existence d'un enregistrement établit tout au plus un emploi minimal [Entre Computer Centers, précitée]. Ainsi, en l'absence d'une preuve de l'emploi des marques des parties, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[23]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante avec les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[24]           Les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante sont des bains, nommément des baignoires et des tuyaux de métal pour la plomberie, tandis que les produits de la Requérante consistent en des appareils d'éclairage et des miroirs de salle de bain. Bien que je convienne avec la Requérante que les miroirs de salle de bain sont des produits utilisés à des fins esthétiques, alors que les baignoires et les tuyaux de métal pour la plomberie ont généralement une vocation fonctionnelle, j'estime que les produits des parties sont apparentés dans la mesure où ils peuvent tous être utilisés dans une salle de bain.

[25]           Étant donné que les produits des parties sont apparentés et pourraient s'adresser aux mêmes consommateurs, en l'absence d'une preuve contraire, on peut présumer que les voies de commercialisation des parties se recouperaient.

Conclusion

[26]           Le test à appliquer est celui de la première impression que produit la vue de la marque CIRCE employée en liaison avec les appareils d'éclairage ou les miroirs de salle de bain de la Requérante dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce CIRCE de l’Opposante, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner les marques en détail [Veuve Clicquot, précité].

[27]           Compte tenu de mes conclusions ci-dessus et, en particulier, du fait que les marques sont identiques et que les produits sont apparentés, il me semble qu'un tel consommateur, sous le coup de la première impression, serait porté à croire que les baignoires et tuyaux de métal pour la plomberie liés à la marque CIRCE de l'Opposante et les appareils d'éclairage et miroirs pour la salle de bain liés à la Marque CIRCE de la Requérante ont été fabriqués ou vendus par la même personne.

[28]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Décision

[29]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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