Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 9

Date de la décision : 2014-01-20

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Prime Restaurants Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,459,918 pour la marque de commerce TIR NA N’OG au nom de Pacific Vision Proprietary Ltd.

 

[1]               Pacific Vision Proprietary Ltd. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce TIR NA N'OG aux fins d'emploi en liaison avec des eaux-de-vie distillées, nommément du whisky, du scotch, du gin, de la vodka et du vin. Prime Restaurants inc. (l'Opposante) est un exploitant et franchiseur de restaurants et de bars au Canada. Elle s'oppose principalement à cette demande parce que la marque de commerce TIR NA N'OG crée de la confusion avec son enregistrement de la marque de commerce TIR NAN OG, qu'elle a préalablement employée et révélée, en liaison avec l'exploitation d'un restaurant et d'un bar.

[2]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus que cette demande d’enregistrement doit être repoussée.

Contexte

[3]               Le 20 novembre 2009, la Requérante a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce TIR NA N'OG (la Marque) sur la base d'un emploi proposé en liaison avec des eaux-de-vie distillées. Les marchandises ont subséquemment été modifiées pour y inclure des eaux-de-vie distillées, nommément whisky, scotch, gin, vodka et vin (les Marchandises). La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 novembre 2011.

[4]               Le 2 avril 2012, l'Opposante s'est opposée à la demande sur le fondement de plusieurs motifs. L'Opposante a allégué la non-conformité à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) comme fondement de deux de ses motifs d'opposition. Les autres motifs sont fondés sur l'établissement de la probabilité de confusion entre l'enregistrement numéro LMC496,236 de l'Opposante pour la marque de commerce TIR NAN OG aux fins d'emploi en liaison avec des chandails en molleton, des tee-shirts, des chapeaux, des vestes, des chandails et des shorts, aux fins de l'exploitation d'un restaurant et d'un bar, et aux fins de l'emploi et de la révélation de cette marque de commerce (voir les articles 2 et 16 de la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle elle conteste les allégations de l'Opposante. 

[5]               L'Opposante a produit en preuve l'affidavit de Jack Gardner, vice-président des ventes et du marketing pour le restaurant CASEY's et la division des Pubs de l'Opposante. La Requérante n’a produit aucune preuve. Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n'a été tenue.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[6]               Bien que divers motifs d'opposition soient invoqués, la question décisive à trancher est celle de savoir si la marque de commerce visée dans la demande, TIR NA N'OG, crée de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante, TIR NAN OG. La plus ancienne date pertinente servant à évaluer la question de confusion est la date à laquelle la demande a été produite, soit le 20 novembre 2009, alors que la plus récente date pertinente est la date de ma décision : pour un examen des dates pertinentes dans les procédures d'opposition, voir American Assn of Retired Persons c. Canadian Assn of Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 (CF 1re inst) aux pages 206 à 208 (CF 1re inst). 

[7]               Avant de me pencher sur la question de la confusion entre les marques des parties, j'estime nécessaire d'énoncer certaines exigences techniques relativement (i) à l'obligation qu'a l'Opposante de corroborer les allégations qui figurent dans la déclaration d'opposition et (ii) à l'obligation qu'a la Requérante de démontrer le bien-fondé de sa cause. 

[8]               En ce qui concerne le point (i) ci-dessus, il incombe à l'Opposante de démontrer les faits contenus dans les allégations qu'elle a invoquées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) Lorsqu’on dit qu’une charge de présentation pèse sur la partie opposante à l’égard d’une question donnée, on veut dire que l’examen au fond de celle-ci est subordonné à la production d’éléments de preuve suffisants pour qu’il soit possible d’en conclure raisonnablement à l’existence des faits qu’elle allègue à l’appui de sa thèse sur ladite question. Quant à l'élément (ii) susmentionné, c'est à la Requérante qu'incombe le fardeau de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par l'Opposante (concernant les allégations pour lesquelles l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fardeau imposé à la Requérante signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. 

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30e)

[9]               Dans le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30e), il est allégué que la Requérante n'a jamais eu l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. Il n'y a aucune preuve qui corrobore ce motif d'opposition. Par conséquent, ce motif est rejeté, sur le fondement que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i)

[10]                 Dans le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i), il est allégué en partie que la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque parce que la Requérante devait connaître la marque de commerce de l'Opposante. Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi, ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la p. 155]. Comme cette déclaration requise est incluse dans la demande et qu'il n'y a ni allégation ou preuve de mauvaise foi ni autre situation exceptionnelle, cette partie du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) est rejetée.

[11]                 Dans le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i), il est également allégué que la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit à l'enregistrement de la Marque, parce qu'un tel emploi aurait pour effet de diminuer la valeur de l'achalandage relativement à l'enregistrement de la marque de commerce TIR NAN OG de l'Opposante, ce qui est contraire à l'article 22 de la Loi. Ni le registraire, ni la Cour fédérale n’ont décidé si un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) et soulevant la violation de l’article 22 constitue un motif d’opposition valable [Parmalat Canada Inc. c. Sysco Corp. 2008 CF 1104, (2008), 69 CPR (4th) 349 (CF), aux paragraphes 38 à 42]. Même si j’estimais ce motif d’opposition valide, il ne pourrait nullement être retenu, puisque l’Opposante n’a fourni aucune preuve étayant la probabilité d’une diminution de la valeur de l’achalandage [voir Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée 2006 SCC 23 (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC), aux paragraphes 46 et 63 à 68]. Il n’aurait donc aucune chance de succès. Par conséquent, cette partie du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) est rejeté.

Motifs d'opposition fondés sur la confusion

[12]           L'Opposante a aussi invoqué des motifs d'opposition en vertu des alinéas 38(2)b)/12(1)d), 38(2)c)/16(3)a) ainsi que de l'alinéa 38(2)d) et de l'article 2 de la Loi. Chacun de ces motifs d'opposition est fondé sur l'allégation voulant qu'il y ait probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce TIR NAN OG de l'Opposante.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d)

[13]                 L'Opposante a allégué que la Marque ne peut pas être enregistrée parce qu'elle crée de la confusion avec l'enregistrement numéro LMC496,236 pour la marque de commerce TIR NAN OG. J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que l'enregistrement est en règle en date d'aujourd'hui et que, par conséquent, l'Opposante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait [Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 aux pages 411-412 (COMC)].

[14]           Il y a probabilité de confusion dans les cas où l’emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure que les marchandises et les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués par la même personne (paragraphe 6(2) de la Loi). Aux fins de cette appréciation, je dois prendre en compte toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles ont été révélées; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[15]           Cette énumération n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces critères varie selon les circonstances de l’espèce [Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc, [2006] 1 SCR 772 (SCC) au paragraphe 54]. Je me fie également à l’affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au paragraphe 49, que le critère de l’alinéa 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse de la probabilité de confusion. 

 

caractère distinctif inhérent

[16]           Les marques de chaque partie présentent un caractère distinctif inhérent. La Requérante affirme dans sa demande que la Marque est un mot étranger qui signifie « terre de la jeunesse éternelle » (land of eternal youth). Mme Gardner explique ceci dans son affidavit :

TIR NON OG, aussi épelé TIR NA N'OG, était une terre mythique de l'Irelande ou un « autre monde » peuplé d'êtres surnaturels... En anglais, TIR NAN OG ou TIR NA N'OG signifie « land of eternal health » et en français « terre de la jeunesse éternelle » (paragraphe 21). 

Rien ne prouve que le Canadien moyen connaisse la signification de TIR NAN OG ou TIR NA N'OG. Par conséquent, les marques de chacune des parties présentent un caractère distinctif inhérent [Thai Agri Foods Public Co c. Choy Foong Int’l Trading Co Inc, 2012 COMC 61 au paragraphe 11].

portée de l'emploi

[17]           Ce facteur favorise l’Opposante. La marque de commerce de l'Opposante, TIR NAN OG, est connue dans une certaine mesure au Canada, alors qu'il n'y a aucune preuve que la Marque a été révélée. La preuve produite par Mme Gardner est que l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre :

         ont d'abord ouvert le pub TIR NAN OG à Kingston en Ontario en mai 1997 (paragraphe 14 de l'affidavit Gardner);

         ont réalisé, entre 1999 et 2012, des ventes totales au pub TIR NAN OG dépassant les 30 millions de dollars (paragraphe 15);

         ont affiché la marque de commerce TIR NAN OG sur des objets comme des affiches extérieures (pièce 5); des affiches et des cartes postales (pièce 6), des menus (mets et boissons) et des promotions (pièces 2, 3 et 9) et des reçus de vente (pièce 4).

Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce

[18]           Ce facteur favorise l’Opposante. La preuve démontre que les commerces des parties se recoupent un peu. Les marchandises visées dans la demande sont des eaux-de-vie distillées, nommément du whisky, du scotch, du gin, de la vodka et du vin vendus dans des restaurants et des bars, y compris dans le pub TIR NAN OG de l'Opposante. Par conséquent, les Marchandises pourraient être vendues dans le pub de l'Opposante sous une marque de commerce quasi identique. En outre, les marchandises de la Requérante et les services de l'Opposante semblent cibler la même clientèle, à savoir les personnes qui souhaitent consommer des boissons alcoolisées. À cet égard, Mme Gardner a produit des preuves indiquant que les annonces de Tir Nan Og, y compris des affiches et des cartes postales ainsi que des photos sur sa page Facebook, mettent en évidence de la bière (pièce 6) et des eaux-de-vie (pièce 8). De plus, ses menus affichent des photos de bières, de vins, d'eaux-de-vie et de cocktails (pièce 2). 

[19]           Enfin, Mme Gardner a produit des preuves issues de sites Web de tiers indiquant qu'il existe des restaurants où l’on vend du vin ou de la bière portant la même marque de commerce que les services de restauration qui y sont offerts (voir par exemple les pièces 13, 14, 16, 20, 25, 27, 28 et 31. Bien que les pages d'un site Web d'un tiers soient généralement considérées comme une preuve par ouï-dire et que l'on ne puisse pas s'y fier en tant que preuve de la véracité de leur contenu, je suis convaincue qu'un certain poids peut être accordé à l'affidavit Gardner, étant donné le nombre de sites Web de restaurants canadiens repérés. Dans certains cas précédents, la nature du commerce de boissons alcoolisées s'est révélée différente de celle des services de restauration (voir Hotel La Sapiniere Ltee c. S Coorsh & Sons (1982), 78 CPR (2d) 216 (COMC) à la page 222; Calona Wines Ltd c. Bay-Charles Restaurant Ltd (1980), 51 CPR (2d) 19 (CF 1re inst) à la page 22; 437832 Ontario Ltd c. John Labatt Ltd/John Labatt Ltee (1987), 16 CPR (3d) 345 (COMC) à la page 349). Toutefois, dans chacun de ces cas il a été révélé que les clients des restaurants ne s'attendraient pas à ce qu'un restaurant brasse de la bière ou fasse du vin. La preuve de Mme Gardner semble contredire cette constatation. Donc, je ne peux pas tirer la même conclusion relativement aux Marchandises en l'espèce. Par conséquent, ce facteur s'applique en faveur de l'Opposante.

degré de ressemblance entre les marques de commerce

[20]           Ce facteur favorise largement l'Opposante, puisque l'apparence des marques des parties est presque identique, et elles présentent la même sonorité et ont la même signification.

Conclusion au sujet de la probabilité de confusion

[21]           Pour les raisons susmentionnées, et plus particulièrement en raison de la similitude des marques des parties et du recoupement de la nature du commerce des Marchandises et avec la nature du commerce des services enregistrés que sont l'exploitation d'un restaurant et d'un bar, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, à savoir d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce TIR NAN OG de l'Opposante. Ce motif d'opposition est retenu. 

 

Autres motifs d'opposition

[22]           Bien que les dates pertinentes relativement aux motifs d'oppositions fondés sur l'article 16 et le caractère distinctif précèdent la date d'aujourd'hui, ces dates différentes ne donnent pas lieu à une conclusion différente. Même si je ne suis saisie d'aucune preuve indiquant qu'à ces dates pertinentes antérieures certains restaurants offraient du vin et de la bière sous la même marque de commerce, la similitude marquante de ces marques ainsi que le recoupement possible des Marchandises avec les services de restauration et de bar de l'Opposante me suffisent pour conclure qu'il y a probabilité de confusion. Par conséquent, les motifs invoqués en vertu de l'alinéa 16(3)a) et fondés sur le caractère distinctif sont retenus. 

Décision

[23]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.