Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

de Keystone Supplies Company, société en nom collectif,

à la demande no 1,214,770 produite par Ecolab Inc. en vue de

lenregistrement de la marque de commerce KEYSTONE

 

 

Le 27 avril 2004, la requérante, Ecolab Inc., a demandé lenregistrement de la marque de commerce KEYSTONE en liaison avec des « [d]étergents de plonge, prétrempage de batteries de cuisine, solvants de chaux et dégraisseurs », sur la base de lemploi de cette marque au Canada depuis le 1er août 1996.  La demande a été annoncée aux fins dopposition le 17 novembre 2004.

 

Lopposante, Keystone Supplies Company, une société en nom collectif, a produit une déclaration dopposition le 18 avril 2005, dont copie a été transmise à la requérante le 26 avril 2005.  Le premier motif dopposition est que la marque de commerce visée par la demande denregistrement nest pas enregistrable, aux termes de lalinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce quelle crée de la confusion avec la marque de commerce KEYSTONE de lopposante, enregistrée sous le no 123,436 et visant des [traduction] « torchons et chiffons pour le nettoyage industriel ».

 


Le deuxième motif dopposition est que la requérante na pas droit à lenregistrement, aux termes de lalinéa 16(1)a) de la Loi, parce quà la date de premier emploi revendiquée par la requérante, la marque visée par la demande denregistrement créait de la confusion avec la marque de commerce KEYSTONE que lopposante avait employée antérieurement au Canada en liaison avec [traduction] « des produits de nettoyage, notamment des torchons, des chiffons de coton et des balais ».  Le troisième motif est que la requérante na pas droit à lenregistrement, aux termes de lalinéa 16(1)b) de la Loi, parce quà la date de premier emploi revendiquée par la requérante, la marque visée par la demande denregistrement créait de la confusion avec la marque de commerce KEYSTONE, pour laquelle une demande denregistrement (no 261,894) avait déjà été déposée.

 

Le quatrième motif dopposition est que la requérante na pas droit à lenregistrement, aux termes de lalinéa 16(1)c) de la Loi, parce quà la date de premier emploi revendiquée par la requérante, la marque visée par la demande denregistrement créait de la confusion avec le nom commercial Keystone Supplies Company employé antérieurement par lopposante au Canada, en liaison avec des [traduction] « produits de nettoyage, notamment des torchons, des chiffons de coton et des balais ».  Le cinquième motif dopposition est que la marque de la requérante nest pas distinctive parce quelle nest pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée des marchandises de lopposante.

 


La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie généralement les allégations de faits et les motifs dopposition exposés dans la déclaration dopposition.  La requérante y indique plus particulièrement que le troisième motif dopposition nest pas bien fondé compte tenu du paragraphe16(4) de la Loi.  Étant donné que la demande denregistrement no 261,894 nétait pas pendante à la date de lannonce de la requérante, je donne raison à cette dernière.  Le troisième motif dopposition est donc écarté.

 

La preuve de lopposante était constituée des affidavits de M. Alan Adirim et Mme Penelope Brady, et celle de la requérante, de laffidavit de M. Bill Fitzpatrick.  Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit, mais aucune na demandé la tenue dune audience.

 

La preuve de lopposante

Dans son affidavit, Mme Brady atteste quelle travaille comme technicienne juridique dans le cabinet agissant comme agent de marques de commerce de lopposante.  Elle a effectué des recherches en ligne sur lemploi de la marque de commerce KEYSTONE par la requérante.  Son affidavit comporte en annexe des copies du résultat de certaines de ses recherches, notamment le rapport annuel de la requérante en 1997, des copies décran du site Web de la requérante et de pages Web du site dune entreprise du nom de Sysco.

 


M. Adirim, pour sa part, atteste dans son affidavit quil est un associé de lopposante.  Il indique que lopposante a été constituée en 1979 pour succéder à Keystone Supplies Ltd., laquelle avait été fondée sous le nom de N. Adirim & Sons Ltd. le 19 novembre 1959.  Lopposante est la propriétaire actuelle de lenregistrement no 123,436 visant la marque de commerce KEYSTONE.

 

M. Adirim déclare que lopposante fabrique et vend en gros diverses marchandises dont des produits de nettoyage, des outils et fournitures pour estacades, des fournitures de câbles en acier et chaînes, des cordes et cordages ainsi que des outils pour la coupe et la manipulation du bois.  Il appert du catalogue de lopposante joint comme pièce D à laffidavit de M. Adirim que la principale activité de cette dernière consiste en la fourniture de marchandises à lindustrie de la coupe de bois et du bois de sciage.  Une liste de sept gammes de produits fabriqués par des tiers figure sur la face intérieure de la page couverture du catalogue, ce qui donne à penser que lopposante est un distributeur de marchandises fabriquées par des tiers et non un fabricant.  Le catalogue ne fait état daucune marchandise portant la marque de commerce KEYSTONE.

 

M. Adirim a déclaré que lopposante a employé la marque de commerce KEYSTONE en liaison avec diverses marchandises, mais sa déclaration nest étayée daucun élément de preuve.  Il na pas soumis non plus délément de preuve précis indiquant que la marque navait pas été abandonnée à la date de lannonce de la requérante.

 


M. Adirim a également déclaré que lopposante sest servie du nom commercial Keystone Supply Company en liaison avec son entreprise et, plus particulièrement, en liaison avec des [traduction] « produits de nettoyage, notamment des torchons et chiffons et des balais ».  La pièce C jointe à son affidavit renferme des photos de boîtes de torchons portant la marque de commerce de lopposante.  M. Adirim a affirmé que les boîtes figurant sur ces photos sont représentatives de celles qui ont été vendues [traduction] « au cours des 15 dernières années au moins ».  Cependant, il na présenté aucun élément de preuve précis établissant que le nom commercial avait été employé avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante, pas plus quil na démontré que le nom commercial navait pas été abandonné à la date de lannonce de la requérante.

 

La pièce F jointe à laffidavit de M. Adirim est constituée de feuillets datant de 1994 à 1996 faisant état des rabais que lopposante consentait à ses clients.  Ces feuillets, toutefois, ne portent pas la marque déposée de lopposante.  De plus, bien que le nom commercial de lopposante y figure, ils nétablissent pas de façon précise que des ventes ont été réalisées ou des marchés ont été conclus.  M. Adirim indique que la pièce G renferme des rapports de ventes de torchons et de produits de nettoyage se rapportant à la période comprise entre octobre 1993 et février 1995.  La marque de commerce KEYSTONE ne figure pas non plus sur ces documents.  Bien que le nom commercial de lopposante figure au haut de chaque page, rien sur les feuilles nindique à qui les ventes ont été faites.  Il pourrait sagir de simples pièces de comptabilité interne faisant état de transferts de marchandises à des divisions apparentées.

 

La preuve de la requérante


Dans son affidavit, M. Fitzpatrick atteste quil est le directeur commercial de la Canadian Pest Elimination Division dEcolab Co., quil décrit comme lentité chargée de la commercialisation et de la distribution des produits de la requérante.  Il présente la requérante, Ecolab Inc., comme une chef de file mondiale dans le développement et la commercialisation de produits et services de nettoyage, de désinfection, dentretien et de réparation à lintention de divers secteurs comme le tourisme daccueil, les établissements commerciaux, le marché institutionnel, les industries et les commerces de détail.  Selon M. Fitzpatrick, les ventes dEcolab Inc. au Canada, pour la période 1996‑2005, se chiffraient à environ 920 millions de dollars (US).

 

M. Fitzpatrick a déclaré que les produits KEYSTONE de la requérante sont distribués au Canada par Ecolab Co. et son distributeur, Sysco Food Corporation.  Des produits KEYSTONE sont vendus au Canada depuis le 1er août 1996, et le montant total des ventes de ces produits réalisées au Canada pour la période 2001 à janvier 2007 dépasse 14 millions de dollars (CAD).  M. Fitzpatrick a fourni des copies de factures ainsi que des photos de produits KEYSTONE, tels des détergents, des agents nettoyants, des produits de détartrage et des désinfectants.

 


Selon M. Fitzpatrick, les principaux acheteurs de la gamme de produits de nettoyage KEYSTONE quil distribue sont des exploitants indépendants oeuvrant dans le secteur du tourisme daccueil et le marché institutionnel.  Son entreprise fournit des affiches, feuillets, dépliants, etc. avec les produits KEYSTONE afin que les employés de ses clients aient des renseignements sur lutilisation des produits avec les appareils de nettoyage servant en institution.  La pièce F jointe à laffidavit de M. Fitzpatrick est un manuel de formation à lintention des représentants commerciaux chargés de la distribution des produits KEYSTONE.

 

Les motifs dopposition           

     En ce qui concerne le premier motif dopposition, la date pertinente pour lexamen des circonstances entourant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de la décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R.(3d) 538, aux p. 541‑542 (C.O.M.C.).  De plus, cest à la requérante quincombe le fardeau ultime de démontrer quil nexiste aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.  Enfin, il faut, en appliquant le test en matière de confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, tenir compte de lensemble des circonstances, notamment celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.  

 

Pour ce qui est du facteur prévu à lalinéa 6(5)a) de la Loi, les marques possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent du fait quelles nont pas de signification évidente en lien avec les marchandises.  On ne peut toutefois affirmer quil sagit de marques intrinsèquement fortes, étant donné la connotation quelque peu méliorative du mot KEYSTONE.

 


Comme il en a déjà été fait mention, lopposante na pas fait la preuve de lemploi ou de la réputation de sa marque déposée. Il me faut donc conclure que cette marque nest pas du tout devenue connue au Canada.  La requérante, quant à elle, a démontré que des ventes substantielles de produits de sa gamme KEYSTONE ont été réalisées au Canada pendant plusieurs années, ce qui me permet de conclure que sa marque KEYSTONE est devenue connue ici, au moins dans le secteur du tourisme daccueil et dans le marché institutionnel.

 

Relativement à lalinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage favorise la requérante.  Bien que lenregistrement de la marque de lopposante fasse état dun emploi depuis 1961, laffidavit de M. Adirim ne présente pas de preuve dun emploi postérieur à cette date.  La requérante, en revanche, a fait la preuve dun emploi relativement substantiel de sa marque au Canada depuis 1996.

 


Pour ce qui est des facteurs prévus aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, cest létat déclaratif des marchandises de la requérante et celui qui figure à lenregistrement de lopposante qui sont déterminants : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R.(3d) 3, aux p. 10-11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R.(3d) 110, à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R.(3d) 381, aux p. 390-392 (C.A.F.).  Toutefois, l'examen de l'état déclaratif doit viser à déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce que les parties ont l'intention d'exercer plutôt que la totalité des commerces que le libellé peut englober. À cet égard, la preuve du commerce effectivement exercé peut être utile : voir la décision McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R.(3d) 168, à la p. 169 (C.A.F.).

 

Dans un sens large, il existe un lien entre les marchandises en cause puisquelles semblent toutes répondre à la définition de produits de nettoyage. Cependant les torchons, chiffons et balais sont des produits passablement différents des liquides nettoyants vendus par la requérante et, surtout, la preuve au dossier indique que la nature du commerce de chaque partie est distincte.  La requérante vend ses différents nettoyants liquides à des clients institutionnels par lintermédiaire de distributeurs.  Lopposante, quant à elle, vend les produits de tierces parties dans ses points de vente, lesquels sadressent à une clientèle appartenant à lindustrie de la coupe ou du sciage du bois.  De plus, il appert que les clients institutionnels de la requérante sont passablement avertis et quils ont tendance à effectuer des achats à grande échelle, ce qui atténue les possibilités de confusion.

 

En ce qui a trait à lalinéa 6(5)e) de la Loi, les marques en cause sont identiques à tous égards.

 


Dans l'application du test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il s'agissait d'une question de première impression et de souvenir imparfait.  Compte tenu de la conclusion que jai déjà formulée et compte tenu, plus particulièrement, des différences existant entre les marchandises et le commerce de chaque partie, de la faiblesse inhérente des marques et de labsence de réputation de la marque de lopposante au Canada, je suis davis que la requérante sest acquittée du fardeau de prouver quil ny a pas de probabilité raisonnable de confusion.  Le premier motif dopposition est donc écarté.

 

Relativement au deuxième motif dopposition, lopposante devait sacquitter du fardeau initial de prouver quelle avait employé sa marque avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante et quelle ne lavait pas abandonnée à la date de lannonce de la requérante. Comme on la dit, lopposante na pas établi quelle avait employé sa marque KEYSTONE à quelque moment que ce soit pas plus quelle na prouvé quelle ne lavait pas abandonnée le 17 novembre 2004.  Le deuxième motif dopposition est donc lui aussi écarté.

 


Le troisième motif, on la vu, nest pas retenu lui non plus.  En ce qui concerne le quatrième motif, lopposante na pas prouvé clairement quelle employait son nom commercial avant le 1er août 1996 et quelle ne lavait pas abandonné à la date de lannonce de la requérante.  Ce motif est donc écarté lui aussi.  Même sil était possible de conclure que laffidavit de M. Adirim établissait lemploi antérieur du nom commercial Keystone Supplies Company et labsence dabandon, il reste que la marque de la requérante ne créait pas de confusion avec ce nom au 1er août 1996.  À cet égard, les conclusions que jai formulées au sujet du premier motif dopposition sont, pour la plupart, également applicables à celui‑ci.

 

Pour ce qui est du cinquième motif dopposition, la date pertinente pour lexamen des circonstances entourant la question du caractère distinctif est la date de la production de lopposition.  La requérante a le fardeau ultime de prouver que la marque dont elle demande lenregistrement distingue ses marchandises de celles dautres personnes au Canada ou est adaptée à les distinguer.  Lopposante doit toutefois sacquitter du fardeau initial de prouver les faits allégués à lappui de son opposition.

 

Ainsi quon la indiqué, lopposante na pas établi que sa marque KEYSTONE était employée au Canada.  La preuve nétablit pas clairement non plus quil y a eu emploi du nom commercial Keystone Supplies Company.  Lopposante ne sest donc pas acquittée de son fardeau de preuve, et le cinquième motif dopposition ne peut être accueilli.  Même sil était possible de conclure que laffidavit de M. Adirim établissait un certain emploi restreint du nom commercial Keystone Supplies Company en liaison avec des chiffons de nettoyage, il reste que,  pour des motifs essentiellement analogues à ceux qui ont été exposés à légard du premier motif, la marque de la requérante ne créait pas de confusion avec ce nom à la date de production de lopposition.

 


     En conséquence, en vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette lopposition.

 

 FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 26 NOVEMBRE 2008.

 

 

 

 

 

David J. Martin,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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