Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Jurak Holdings Ltd. à la demande n° 1,004,415 produite par Matol Biotech Laboratories Ltd. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce KARL JURAK

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I La procédure

 

Le 5 février 1999, Matol Biotech Laboratories Ltd. (la requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce KARL JURAK (la marque).

 

La demande a fait l’objet d’un Rapport du Bureau dans lequel l’examinateur a adopté comme position que la marque semblait non enregistrable en raison des dispositions de l’alinéa 12(1)a) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), du fait qu’elle serait considérée comme n’étant principalement que le nom d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes. De plus, l’examinateur a demandé que certaines des marchandises soient définies dans les termes ordinaires du commerce. La requérante a répondu en produisant un affidavit en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi et révisé l’état des marchandises dressé dans la demande initiale. Le 6 juin 2001, l’examinatrice a retiré son objection préliminaire fondée sur l’alinéa 12(1)a) de la Loi, non pas sur le fondement de la preuve produite par la requérante en vertu des dispositions du paragraphe 12(2), mais en justifiant sa décision par une nouvelle pratique du Bureau, sans plus de détails. Il y a eu un autre Rapport du Bureau, mais il n’est pas pertinent à l’égard des questions soulevées dans la présente opposition. L’examinatrice a accepté la demande révisée, qui vise maintenant des minéraux et vitamines pour usages thérapeutiques (les marchandises). La demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi au Canada depuis le 31 octobre 1994 et elle a été annoncée au Journal des marques de commerce du 1er août 2001.

 

Jurak Holdings Ltd. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition le 3 octobre 2001, que le registraire a transmise à la requérante le 19 mars 2002. La requérante a produit une contre‑déclaration le 2 avril 2002 dans laquelle elle conteste tous les motifs d’opposition. Le 1er mai 2002, l’opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition, demande que le registraire a accueillie le 18 juillet 2002.

 

L’opposante a produit les affidavits d’Anthony Carl Jurak, Arlene E. Siderius et Glenn A. Berg et la requérante, les affidavits de Jennifer Perras et J.F. Robert Bolduc. Le registraire a rendu une ordonnance de contre-interrogatoire de tous les auteurs d’affidavit pour le compte de l’opposante. Il semble que seul Anthony Carl Jurak ait été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire a été produite. Le registraire a également rendu une ordonnance de contre-interrogatoire de M. Bolduc. Il n’y a toutefois aucune trace au dossier de la transcription de ce contre-interrogatoire. Il se peut que le contre-interrogatoire de M. Bolduc n’ait jamais eu lieu ou que la transcription n’ait pas été versée au dossier.

 

Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit mais il n’y a pas eu d’audience. Le registraire a reçu le plaidoyer écrit de la requérante le 19 juillet 2005, sans lettre d’accompagnement. Cela a créé de la confusion dans l’esprit de l’opposante, qui prétend que le plaidoyer n’a pas été produit dans le délai prescrit, vraisemblablement en raison de l’absence d’une lettre d’accompagnement qui aurait confirmé la production.

 

II Les procédures connexes

 

La requérante a également produit des demandes d’enregistrement visant les marques de commerce Karl Jurak 1904-1993 et dessin y afférent, portant le numéro de demande 863,443, KARL JURAK 1904-1993, portant le numéro de demande 1,004,414 et JURAK, portant le numéro de demande 1,000,611. S’agissant du dernier dossier, ma collègue, Céline Tremblay, a rendu une décision le 3 mars 2006 (publiée sous l’intitulé Jurak Holdings Ltd. c. Matol Biotech Laboratories Ltd. (2006), 50 C.P.R. (4th) 337), où elle rejette l’opposition de l’opposante. Certains des affidavits produits dans le présent dossier semblent avoir été produits en preuve dans la réponse relative à la demande n° 1,000,611. Sans entrer plus en détail dans cette décision, qu’il me suffise d’en citer tout de suite un extrait sur la recevabilité de la preuve en réponse :

 

À toutes fins utiles, je relève que, même si ces affidavits devaient être considérés comme preuve selon l’article 43, j’accepterais au mieux de prendre en compte le contenu intéressant directement Karl Jurak, parce qu’il est l’un des particuliers nommés dans la lettre de la requérante (pièce RB-1). Je ne tiendrais compte d’aucune autre preuve qui ne se limiterait pas strictement aux matières servant de réponse à la preuve de la requérante. Selon mon analyse de ces affidavits, analyse qui suit, je n’accorderais aucun poids à la preuve que j’accepterais selon l’article 43. Ainsi, même si j’ai commis une erreur en acceptant les affidavits dans la présente opposition, ou même si j’ai commis une erreur en les rejetant comme preuve selon l’article 43, l’issue générale de la présente affaire sera la même. J’ajouterais que mes observations à propos des affidavits sont faites dans le contexte de la présente opposition, et non dans celui de l’opposition à la demande n° 1,004,415. (Non souligné dans l’original.)

 

III Les motifs d’opposition

 

La déclaration d’opposition modifiée soulève les questions suivantes :

1)      La demande ne satisfait pas à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) en ce que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque du fait qu’elle savait que Karl Jurak n’est principalement que le nom d’un particulier célèbre qui est décédé dans les trente années précédentes. En fait, les chiffres qui suivent le nom Karl Jurak dans la marque représentent respectivement l’année de sa naissance (1904) et l’année de sa mort (1993). Par conséquent, la marque n’est pas enregistrable et ne peut servir de marque de commerce.

2)      La demande ne satisfait pas à l’alinéa 30b) de la Loi du fait que la requérante n’a pas employé la marque au Canada depuis le 31 octobre 1994 en liaison avec les marchandises.

3)      La marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)a) parce qu’elle n’est principalement que le nom de famille d’un particulier célèbre qui est décédé dans les trente années précédentes et qu’elle n’est donc pas enregistrable. En outre, même si les bottins téléphoniques canadiens comptent vraisemblablement moins de 25 inscriptions au nom de Karl Jurak, la preuve établira que ce nom est celui d’un particulier célèbre. Par conséquent, en dépit du fait que les bottins téléphoniques canadiens comptent vraisemblablement moins de 25 inscriptions du nom, la demande n’est pas rendue valide par l’énoncé de pratique daté du 16 août 2000 sur lequel l’examinatrice semble s’être appuyée relativement à ce point.

4)      La marque n’est pas distinctive dans la mesure où elle n’est pas apte à distinguer les marchandises et les services de la requérante de ceux d’autres personnes, n’étant que le nom d’un particulier célèbre qui est décédé dans les trente années précédentes, accompagné des dates de vie de ce particulier célèbre, et n’est donc pas enregistrable ni ne peut servir de marque de commerce. En outre, même si les bottins téléphoniques canadiens comptent vraisemblablement moins de 25 inscriptions au nom de Karl Jurak, la preuve établira que ce nom est celui d’un particulier célèbre. Par conséquent, en dépit du fait que les bottins téléphoniques canadiens comptent vraisemblablement moins de 25 inscriptions du nom, la demande n’est pas rendue valide par l’énoncé de pratique daté du 16 août 2000 sur lequel l’examinatrice semble s’être appuyée relativement à ce point.

 

IV Discussion des questions que soulève l’opposante

 

Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir qua sa demande satisfait aux dispositions de la Loi, mais l’opposante doit s’acquitter du fardeau de présentation initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve recevables dont on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Une fois que l’opposante s’est acquittée du fardeau de présentation initial, la requérante doit toujours établir, selon la prépondérance de la preuve, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’analyse des autres motifs d’opposition sont les suivantes :

 

  Le respect des alinéas 30b) et i) de la Loi : la date de production de la demande (le 5 février 1999); [Voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469].

  L’enregistrabilité de la marque en vertu de l’alinéa 12(1)a) de la Loi : la date de production de la demande également; [Voir Calvin Klein Trademark Trust c. Wertex Hosiery Inc. (2005), 41 C.P.R. (4th) 552].

  Le caractère distinctif de la marque : la date de production de la déclaration d’opposition est généralement acceptée comme la date pertinente (le 28 janvier 2003). [Voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

i)        Le respect de l’alinéa 30b) de la Loi

 

L’opposante doit s’acquitter du fardeau de présentation, mais celui-ci est généralement caractérisé comme étant peu exigeant. De plus, l’opposante peut s’appuyer sur les éléments de preuve produits par la requérante. Dans ce cas cependant, la preuve de la requérante doit soulever des doutes graves sur l’exactitude des affirmations de la requérante dans sa demande d’enregistrement. [Voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)].

 

Je résumerai ci-dessous les éléments de preuve pertinents sur la question.

 

M. Anthony Carl Jurak est le président et le chef de la direction de l’opposante, Jurak Corporation World Wide Inc. Il a été cofondateur de Matol Botanical International Ltd. (Matol Botanical) avec M. Bolduc, le représentant de la requérante. Il est le fils de M. Karl Jurak qui est mort en 1993.

 

Il a produit à titre de pièces GG-1 à GG-6 accompagnant son affidavit des photographies des produits de la requérante portant la marque de commerce MATOL. Il a expliqué au paragraphe 54 de son affidavit qu’au moment où il travaillait chez Matol Botanical, entre 1984 et 1997, il était chargé de la production des produits de cette société. Chacun des produits portait une date de péremption. Cette date tombe au terme d’un délai de deux ans de la production. Il déclare également que la pièce GG-1 est représentative des produits qui étaient fabriqués lorsqu’il travaillait chez Matol Botanical. Selon la date de péremption, le produit visé aurait été fabriqué le 29 août 1996 ou vers cette date et il ne porte pas la marque ni aucune mention de Karl Jurak ou de M. Karl Jurak. Cependant, la pièce GG-2 porte la marque et aurait été fabriquée le 5 juin 1997 ou vers cette date si on applique la théorie de M. Jurak. La marque apparaît également sur la pièce GG-6, dont le produit aurait été fabriqué le 4 juillet 2002 ou vers cette date.

 

M. Anthony Carl Jurak allègue au paragraphe 56 de son affidavit que Matol Botanical n’a fait mention de son père qu’en 1994 sur les produits vendus en liaison avec la marque de commerce MATOL. Il s’agissait d’un emballage spécial qui a été épuisé vers la fin de cette année. La pièce GG-2 contredit cette affirmation. De plus, M. Bolduc a produit dans son affidavit des factures qui remontent à 1995 (pièce RB-1 et paragraphe 7 de son affidavit), comme il n’a pu retracer de factures remontant à l’année 1994 (paragraphe 8 de son affidavit), qui établissent la vente de produits portant la marque de commerce MATOL. M. Bolduc a produit comme pièce RB-2 un échantillon représentatif d’un flacon portant la marque de commerce MATOL (paragraphe 9 de son affidavit), sur lequel apparaît également la marque. L’opposante fait valoir que l’auteur de l’affidavit n’a pas déclaré que la requérante avait employé de manière continue un tel échantillon depuis octobre 1994. Je n’estime pas que cette omission soulève un doute grave qui pourrait faire conclure que l’opposante s’est acquittée de son fardeau de présentation initial. Les paragraphes 7 à 9 de l’affidavit de M. Bolduc doivent être lus comme un tout. En outre, M. Jurak a admis dans son affidavit qu’il a été fait mention de son père en 1994 sur les produits vendus par Matol Botanical sous la marque de commerce MATOL. Par conséquent, je rejette le deuxième motif d’opposition.

 

ii) L’enregistrabilité de la marque

 

Comme l’a souligné la requérante dans son plaidoyer écrit, les autres motifs d’opposition soulèvent la question de savoir si la marque est un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier qui est décédé dans les trente années précédentes. Le gros des éléments de preuve produits porte sur cette question. Il ne fait pas de doute qu’il a existé un particulier du nom de Karl Jurak qui est décédé en 1993. On a fait référence à l’énoncé de pratique du 16 août 2000, intitulé « Alinéa 12(1)a) de la Loi – Nom ou nom de famille », qui fournit des lignes directrices sur l’interprétation de l’alinéa 12(1)a). Ces lignes directrices ou des lignes directrices ultérieures s’appliquent peut-être à l’étape de l’examen de la demande d’enregistrement, mais elles ne lient pas le registraire à l’étape de la décision sur l’opposition.

 

La jurisprudence faisant autorité sur la question de la non-enregistrabilité d’une marque de commerce n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes est la suivante : Canada (Registrar of Trade‑marks) c. Coles Book Stores Limited [1974] R.C.S. 438, Gerhard Horn Investments Ltd. c. Registrar of Trade-marks (1983), 73 C.P.R. (2d) 23, et Standard Oil Company c. Registrar of Trade-marks, (1968) 2 R.C. de l’É. 523. Comme l’expose cette jurisprudence, le critère relatif à l’alinéa 12(1)a) est double :

1)      la première condition, et la plus importante, est de savoir si la marque est le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou décédé depuis peu;

2)      dans l’affirmative, le registraire doit alors décider si, dans l’esprit du consommateur canadien moyen, la marque n’est « principalement qu[’] » un nom ou un nom de famille plutôt qu’autre chose.

Le premier volet du critère est rempli. Je dois donc décider si le consommateur moyen considérerait la marque comme « n’étant principalement que » le nom d’un particulier ou comme quelque chose d’autre.

 

L’opposante a produit une masse de documents pour établir que Karl Jurak était une personne célèbre. La marque se compose du nom JURAK qui, semble-t-il, se retrouve moins de 25 fois dans les bottins téléphoniques canadiens, ce qu’a reconnu l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Par conséquent, pour avoir gain de cause selon les dispositions de l’alinéa 12(1)a), l’opposante soutient que si la marque est le nom d’une personne célèbre, le consommateur canadien moyen la considérerait automatiquement comme « n’étant principalement que » le nom ou le nom de famille d’une personne. Les éléments de preuve produits sur ce point se résument comme suit :

 

  M. Karl Jurak est né en Autriche et il a émigré au Canada en 1926.

  Il a créé au cours de l’année 1943 une formulation de tonique alimentaire général qui s’est vendue au Canada entre 1943 et 1960, année de la mort de sa femme.

  Ce produit était vendu sous la marque de commerce MATONOL et il était si populaire que M. Karl Jurak a lancé une entreprise, Matrol Reasearch Ltd.

  M. Jurak a aussi créé un produit vendu sous la marque de commerce FLOGRIP, qui élimine le plomb de la peinture. La documentation produite à l’appui de cette allégation (pièce  J) ne fait aucune référence à M. Karl Jurak.

  Il est aussi le co-inventeur d’une voiture électrique en aluminium, ce qui ressort d’un extrait du journal Le Soleil publié à la fin de 1947. Nous ne disposons pas de la date de publication de cet article. L’article comporte trois paragraphes et le nom de Karl Jurak y apparaît une fois dans l’article avec les noms d’autres personnes.

  La majorité des éléments de preuve produits concernent la Fondation Karl Jurak (la Fondation) créée en 1989-1990 pour aider les enfants victimes d’agressions physiques ou sexuelles. Matol Botanical, dont M. Karl Jurak est l’un des cofondateurs, a donné de l’argent à la Fondation.

  En 1990-1991 ou vers cette période, la Fondation a bâti à Tulsa, en Oklahoma, un premier centre établi sur le campus du Collège de médecine de l’Université d’Oklahoma.

  En 1993, la Fondation a construit un deuxième centre à San Antonio, au Texas.

  Le tonique alimentaire général a été réintroduit au Canada en 1998 sous la marque de commerce JURAK CLASSIC. Il n’est pas fait mention de Karl Jurak sur la photo du flacon produit en preuve.

 

 

 

L’auteur de l’affidavit a produit les pièces suivantes :

  Des exemplaires de lettres adressées à Matrol Research Ltd. dans les années 1950 ont été produits, mais ces lettres ne font pas référence à M. Karl Jurak.

  Diverses photographies prises à des réunions annuelles de Matol Botanical tenues à divers endroits aux États-Unis.

  Un échantillon d’un papier à lettre à en-tête utilisé par la Fondation, mais nous n’avons pas de renseignements sur la mesure dans laquelle il a été utilisé au Canada.

  Quatre lettres de professionnels au Canada qui contiennent des observations sur un vidéo intitulé « Secret Suffering » (Souffrir en secret). Ces lettres sont adressées ou font référence à la Fondation, mais non à M. Karl Jurak spécifiquement.

  De nombreuses coupures de journaux américains ont été produites pour établir la création des centres mentionnés ci-dessus. Nous n’avons pas d’éléments de preuve attestant que ces journaux aient été distribués au Canada.

  Des étiquettes et des annonces illustrant le produit vendu sous la marque de commerce MATONOL. Aucun des ces éléments ne fait référence à M. Karl Jurak.

  Des extraits du site Web se trouvant à l’adresse www.jurak.com, mais nous n’avons pas de renseignements sur le nombre de Canadiens qui ont visité ce site Web avant l’une ou l’autre des dates pertinentes.

  Une copie d’une lettre de M. Mowrey, président de l’American Phytotherapy Research Laboratory, situé en Utah, non datée, qui mentionne Carl (sic) Jurak. Encore ici, la source de la lettre est américaine.

  Des bandes vidéo de conférences données par Karl Jurak, toutes aux États-Unis. Il n’y a pas de renseignements sur la distribution de ces bandes vidéo au Canada.

 

Au cours de son contre-interrogatoire, on a demandé à M. Anthony Carl Jurak sur quelles bases factuelles il conclut que Karl Jurak était une personne célèbre. Selon la réponse qu’il a donnée, son opinion est fondée sur les faits suivants :

  Il a développé un tonique alimentaire général populaire.

  Il a également élaboré un produit qui neutralisait le plomb dans la peinture.

  Deux centres pour l’enfance maltraitée ont porté son nom.

 

Il a fourni les chiffres des ventes des flacons de tonique alimentaire général au cours de la période allant de 1999 à 2003. Je note que les chiffres des ventes canadiennes annuelles pour chacune de ces années, sauf 2003, sont inférieurs à 100 000 $. (Voir la réponse à l’engagement fournie au cours de son contre-interrogatoire.)

 

M. Glenn Berg a été un technicien en documentation qui a travaillé pour les agents de l’opposante. Il a effectué des recherches dans diverses bases de données pour repérer des articles de journaux faisant mention de Karl Jurak ou de Jurak. Quarante-et-un (41) articles ont été repérés et tous sauf quatre (4) ont été écrits entre 1990 et 1994. Ils sont extraits de journaux américains, la plupart du The Tulsa World, mais nous n’avons pas de renseignements chiffrés sur la diffusion de ces publications au Canada.

 

Arlene E. Siderius travaille comme assistante juridique au cabinet des agents de l’opposante. Elle a mené trois recherches sur Internet entre le 18 octobre 2002 et le 4 novembre 2002 en vue de repérer des sites contenant des références à Karl Jurak. Non seulement le contenu des pages Web produites constitue-t-il une preuve par ouï-dire irrecevable [voir Envirodrive Inc. c. 836442 Alberta Inc. 2005 ABQB 446], mais les recherches ont été faites après les dates pertinentes. J’ajouterai que les adresses géographiques mentionnées sur les sites Web sont essentiellement situées aux États-Unis d’Amérique. Elle a également produit des extraits du dossier de la présente demande ainsi que des demandes connexes 863,443 et 1,004,414.

 

Sans vouloir manquer de respect au défunt Karl Jurak, je n’estime pas que la preuve exposée ci‑dessus est suffisante pour permettre de conclure qu’il était une personne célèbre, connue du consommateur canadien moyen. Il est peut-être connu à Tulsa (Oklahoma) ou même à San Antonio (Texas), eu égard aux centres que la Fondation a ouverts dans ces villes, mais aucun élément de preuve ne me permet de conclure que sa réputation aux États-Unis est d’une telle portée qu’elle a atteint le Canada. Son tonique alimentaire général a pu être populaire dans les années 1950, mais rien n’établit que cette popularité se soit maintenue passé les dates pertinentes à tel point que des Canadiens exposés au nom Karl Jurak associeraient immédiatement le défunt Karl Jurak au tonique visé. Les chiffres de ventes au Canada qui ont été fournis n’ont pas ampleur telle qu’on puisse en déduire une association dans l’esprit des consommateurs canadiens entre cette marque de commerce et le défunt Karl Jurak.

 

Ayant conclu que la preuve n’arrive pas à établir que la marque est reconnue au Canada comme étant le nom d’une personne célèbre, je ne pense pas que cette conclusion invalide le critère applicable dans le cas où l’alinéa 12(1)a) est soulevé comme motif d’opposition. En fait, l’alinéa 12(1)a) de la Loi n’exige pas que le particulier soit célèbre pour que s’applique l’interdiction. Établir qu’un nom apparaît au moins 25 fois dans les bottins téléphoniques canadiens donne seulement une indication que ce nom pourrait être compris par le consommateur canadien moyen comme le nom d’un particulier. L’absence d’un tel élément de preuve n’est pas fatal à une opposition fondée sur l’alinéa 12(1)a). En l’espèce, rien n’établit que JURAK ait un autre sens.

 

Il incombe donc à la requérante d’établir l’enregistrabilité de la marque malgré l’interdiction prévue à l’alinéa 12(1)a). Aucun élément de preuve n’établit que la combinaison du prénom KARL avec le nom de famille JURAK aurait dans l’esprit du consommateur canadien moyen des marchandises un sens autre que le suivant : les marchandises proviennent d’un particulier qui se nomme Karl Jurak.

 

Étant donné que la preuve établit que Karl Jurak était un particulier décédé dans les trente années précédentes et que la marque serait comprise dans l’esprit du consommateur canadien moyen comme « n’étant principalement qu[’] » un nom, je conclus que la marque n’est pas enregistrable au motif de l’interdiction prévue à l’alinéa 12(1)a) de la Loi.

 

ii) Le respect des conditions mentionnées à l’alinéa 30i)

 

Je ne suis pas persuadé que le premier motif d’opposition constitue un motif d’opposition fondé. La requérante aurait pu être convaincue que la marque était enregistrable comme peuvent être enregistrables des noms de personnes, sous réserve que certaines conditions soient remplies. Par conséquent, le premier motif d’opposition est rejeté.

 

iii) Le caractère distinctif

 

L’opposante soutient que la marque n’est pas distinctive au motif qu’elle n’est principalement que le nom d’un particulier célèbre décédé dans les trente années précédentes. Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir que sa marque est apte à distinguer ou distingue effectivement ses marchandises des marchandises et/ou services de l’opposante dans l’ensemble du Canada. [Voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)] Le dossier ne renferme aucun élément de preuve à ce sujet.

 

M. Bolduc déclare dans son affidavit que la marque a été employée comme marque associée à la marque de commerce MATOL. La preuve exposée ci-dessus n’arrive pas à établir l’emploi de la marque au Canada avant la date pertinente, en l’occurrence le 3 octobre 2001, d’une manière telle qu’elle permette de distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et des services d’autres personnes. Par exemple, la requérante n’a pas fourni les chiffres des ventes annuelles des années 1994 à 2002. La seule référence à des ventes qui figure dans l’affidavit de M. Bolduc concerne 2003. Comme je l’ai noté auparavant, certains des contenants portant la marque de commerce MATOL produits par M. Jurak et dont il allègue que la requérante les a utilisés depuis 1994 ne portent aucune mention de la marque. Il est donc impossible d’évaluer le pourcentage des ventes des marchandises en 2003 associées à la marque par rapport à celui de la seule marque de commerce MATOL, en dépit de la pertinence de cet élément de preuve.

 

Je note aussi que la requérante ne s’est pas appuyée sur les dispositions du paragraphe 12(2) de la Loi dans sa contre-déclaration ou dans son plaidoyer écrit. Les éléments de preuve produits par la requérante à l’étape de l’examen pour invoquer le recours au paragraphe 12(2) de la Loi ne font pas partie du dossier d’opposition. [Voir Molson Breweries, A Partnership c. The Registrar of Trade-marks (1992), 41 C.P.R. (3d) 234.] La preuve de la requérante ne touche pas la question du caractère distinctif qu’aurait acquis la marque à la date pertinente.

 

Comme la marque n’est principalement que le nom d’un particulier décédé dans les trente années précédentes et en l’absence d’éléments de preuve qui attesteraient que la marque a acquis un caractère distinctif à la date pertinente, je conclus que la marque ne pouvait servir à distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et services d’autres personnes. Le quatrième motif d’opposition est donc accueilli.

 

 

 

V Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 14 SEPTEMBRE 2007.

 

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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