Contenu de la décision
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS
Référence : 2012 COMC 153
Date de la décision : 2012-08-14
TRADUCTION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Miguel Torres, S.A. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1267898 pour la marque de commerce TORRE DI GIANO au nom de Cantine Giorgio Lungarotti s.r.l., société à responsabilité limitée.
[1] Le 10 août 2005, Cantine Giorgio Lungarotti s.r.l., société à responsabilité limitée (la Requérante), a produit une demande pour l'enregistrement de la marque de commerce TORRE DI GIANO (la Marque) sur le fondement de son emploi au Canada depuis le 20 octobre 1975 en liaison avec les marchandises « boissons alcoolisées (sauf bières), nommément vin », selon l’état déclaratif modifié (les Marchandises).
[2] La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 août 2006.
[3] Le 2 octobre 2006, Miguel Torres, S.A. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :
• Suivant les alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), la demande n’est pas conforme à l'alinéa 30b) de la Loi parce que la Requérante n'a pas employé la Marque depuis la date revendiquée dans la demande.
• Suivant les alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi parce qu’à la date de production et à toutes les autres dates pertinentes, la Requérante savait fort bien qu'elle n'avait pas le droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, compte tenu de l'enregistrement et de l'emploi antérieur des marques de commerce de l’Opposante et de l'emploi antérieur de ses noms commerciaux, lesquels sont énoncés dans les motifs d'opposition suivants.
• La Marque n'est pas enregistrable selon les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante, nommément :
i. TORRES – LMC191189
ii. TORRES et Dessin – LMC200697
iii. DESSIN DE TOURS – LMC180365
iv. SANGRIA DE TORO – LMC188420
v. SANGRE DE TORO – LMC164805
vi. DON JUAN TORRES – LMC262043
vii. TORRE REAL – LMC652894
viii. NEROLA TORRES et Dessin – LMC605984
ix. NEROLA TORRES et Dessin – LMC605853
x. DESSIN DE TROIS TOURS – LMC533441
• La Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque suivant les alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi parce qu'à la date de premier emploi alléguée, ainsi qu'à toutes les autres dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec chacune des marques de commerce de l’Opposante de même qu'avec l’ensemble de la famille de marques de commerce, énumérées ci‑dessous, que l'Opposante a antérieurement employées au Canada en liaison avec les vins et le brandy :
i. TORRES – LMC191189
ii. TORRES & Dessin – LMC200697
iii. DESSIN DE TOURS – LMC180365
iv. SANGRIA DE TORO – LMC188420
v. SANGRE DE TORO – LMC164805
vi. GRAN SANGRE DE TORO – 1287621
• La Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque suivant les alinéas 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi alléguée, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante et de ses prédécesseurs en titre, nommément, Miguel Torres Carbo, Miguel Torres S.A., Miguel Torres et Torres, employés auparavant au Canada en liaison avec l'exploitation d'une entreprise spécialisée dans la distribution et la vente de vin, d'autres boissons alcoolisées, dont le brandy, et d'aliments. S’il est jugé que la date pertinente est postérieure au 29 septembre 1989 en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), la Marque créait alors de la confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante Miguel Torres S.A., Miguel Torres et Torres.
• Suivant l'alinéa 38(2)d) et l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive en ce qu'elle ne distinguera pas et n'est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises et des services d'autres personnes, plus particulièrement les marchandises en liaison avec lesquelles l’Opposante a auparavant enregistré et employé au Canada les marques de commerce et les noms commerciaux énoncés dans les autres motifs d'opposition, nommément :
i. TORRES 10 – 1285880
ii. TORRES – LMC191189
iii. TORRES & DESSIN – LMC200697
iv. Dessin de tours – LMC180365
v. SANGRIA DE TORO – LMC188420
vi. SANGRE DE TORO – LMC164805
vii. DON JUAN TORRES – LMC262043
viii. TORRE REAL – LMC652984
ix. NEROLA TORRES & Dessin – LMC605854
x. NEROLA TORRES & Dessin – LMC605853
xi. DESSIN DE TROIS TOURS – LMC533441
xii. GRAN SANGRE DE TORO – 1287621
[4] La Requérante a fait signifier et a produit une contre‑déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’Opposante et demandait que celle‑ci soit tenue d’en faire la preuve.
[5] À l'appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Luis de Javier, directeur du service juridique de l’Opposante, souscrit le 11 juin 2007 et accompagné des pièces A à G. M. de Javier a été contre‑interrogé 15 février 2008. La transcription de ce contre‑interrogatoire a été produite le 25 juin 2008. L’Opposante a également produit des copies certifiées des enregistrements et demandes d'enregistrement suivants : TORRES (LMC191189); TORRES & Dessin (LMC200697); SANGRE DE TORO (LMC164805); DON JUAN TORRES (LMC262043); TORRE REAL (LMC652984); NEROLA TORRES & Dessin (LMC605854); DESSIN DE TROIS TOURS (LMC533441); TORRES 10 (demande d'enregistrement no 1285880 (maintenant enregistrement no LMC680149)); GRAN SANGRE DE TORO (demande d'enregistrement no 1287621).
[6] À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Elsebee Ortolani, une ancienne employée de celle‑ci, souscrit le 21 octobre 2008 et accompagné des pièces EO‑1 à EO‑22, ainsi que l'affidavit d’Iana Alexova, une stagiaire employée par l'agent de la Requérante, souscrit le 22 octobre 2008 et accompagné des pièces IA‑1 à IA‑13. Mme Ortolani a été contre‑interrogée le 8 novembre 2009. La transcription de ce contre-interrogatoire a été produite le 18 décembre 2009 et les réponses aux engagements ont été produites le 17 février 2010. Mme Alexova n'a pas été contre‑interrogée sur son affidavit.
[7] Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Seule l’Opposante a été représentée à l’audience.
Le fardeau de preuve et les dates pertinentes
[8] C’est sur la Requérante que repose le fardeau ultime de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables permettant raisonnablement de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst), à la page 298].
[9] Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :
• alinéas 38(2)a) et 30b) et i) - la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 CPR (3d) 469, à la page 475 (C.O.M.C.), et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 CPR (3d) 428, à la page 432 (C.O.M.C.)];
• alinéas 38(2)b) et 12(1)d) - la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (C.A.F.)];
• alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(1) - la date de premier emploi revendiquée [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];
• alinéa 38(2)d) et article 2 - la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., 2004 C.F. 1185].
Question préliminaire – Documents du contre‑interrogatoire de Luis de Javier
[10] La Requérante a produit la transcription du contre‑interrogatoire de Luis de Javier le 25 juin 2008, soit un jour après la date limite pour ce faire (le 24 juin 2008). À l'audience, j'ai avisé l’Opposante que j'accordais une prorogation administrative rétroactive d'une journée pour verser la transcription au dossier. Cependant, j'ai constaté que les réponses aux engagements n'ont pas été produites, bien que l’Opposante ait indiqué dans son plaidoyer écrit qu’elle les avait transmises à la Requérante le 19 septembre 2008.
[11] Puisqu’il incombait à la Requérante de produire les réponses aux engagements et que l’Opposante m'a avisée qu'elle avait transmis ces réponses à la Requérante le 19 septembre 2008 (ce qui, je le souligne, était avant que l'instance n'atteigne l'étape suivante), compte tenu des faits particuliers de l'espèce, je ne tirerai aucune inférence défavorable du fait que les réponses aux engagements pris lors du contre‑interrogatoire de Luis de Javier ne m'ont pas été fournies.
Motifs d’opposition fondés sur l’article 30
La non‑conformité à l'alinéa 30b) de la Loi
[12] Le fardeau initial qui incombe à l’Opposante est peu exigeant en ce qui concerne la question de la non‑conformité à l’alinéa 30b) de la Loi, car les faits se rapportant au premier emploi de la Marque par la Requérante sont avant tout connus de cette dernière [voir Tune Masters c. Mr. P.’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la page 89].
[13] L’Opposante peut s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe relativement à ce motif [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.), et York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health and Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)]. Cependant, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les prétentions que celle‑ci a formulées dans sa demande d’enregistrement [voir Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562, aux pages 565 et 566 (C.O.M.C.), confirmé par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].
[14] En l’espèce, l’Opposante n’a présenté aucune preuve relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b). Elle a cependant présenté des arguments solides s’attachant à interpréter la preuve de la Requérante afin de s’acquitter du fardeau qui lui incombe.
[15] La Requérante allègue un emploi de la Marque au Canada depuis aussi tôt que le 20 octobre 1975. Dans son affidavit, Mme Ortolani déclare que la Requérante se livre activement à la vente de vin au Canada en liaison avec la Marque depuis aussi tôt que le 20 octobre 1975, soit directement par l'intermédiaire des différentes régies des alcools provinciales, soit par l'intermédiaire de ses agents de commercialisation et représentants des ventes canadiens (paragraphe 18). Mme Ortolani a déclaré que depuis le 20 octobre 1975, la Marque a toujours été clairement indiquée sur les étiquettes des bouteilles de vin de la Requérante (paragraphe 18, paragraphe 24 et pièce EO‑9). Dans son affidavit, Mme Ortolani indique que la Régie des alcools de l'Ontario (LCBO) et la Société des alcools du Québec (SAQ) ont approuvé, en 1979 et 1982, respectivement, le vin de la Requérante et l’ont inscrit sur leur liste de produits (paragraphe 20).
[16] Mme Ortolani joint à son affidavit une facture, datée du 20 octobre 1975, établie par la Requérante à l'intention de la LCBO et faisant état de ventes de vin portant la Marque par la Requérante à la LCBO (pièce EO‑5).
[17] En réponse aux engagements pris en contre‑interrogatoire, Mme Ortolani a fourni une deuxième copie de la facture du 20 octobre 1975, de même qu'un relevé bancaire faisant foi du règlement de la facture. Je constate que le relevé bancaire est daté du 20 janvier 1976. Mme Ortolani a également précisé que la vente constatée par la facture du 20 octobre 1975 était une vente privée à un client privé, ce qui explique pourquoi la Requérante a pu faire la preuve de ventes faites au Canada avant la date à laquelle le vin a été inscrit à la LCBO et à la SAQ, soit en 1979 et en 1982, respectivement.
[18] Pour étayer davantage les ventes de la Requérante et en réponse aux engagements pris en contre‑interrogatoire, Mme Ortolani a fourni des factures (et des relevés bancaires, lorsqu'ils étaient disponibles) de 1974 à 2007 faisant état de ventes du vin de la Requérante au Canada par l'entremise de la LCBO et de la SAQ.
[19] La Requérante a fourni des chiffres relatifs à la vente de vin en liaison avec la Marque de 1980 à 2007 (affidavit Ortolani, paragraphe 22, pièce EO‑7), de même que des échantillons d'étiquettes représentant la façon dont la Marque figurait sur les bouteilles de vin en 2006, 2003, 1993, 1981, 1979 et avant 1979 (affidavit Ortolani, paragraphe 24, pièces EO‑9).
[20] L’Opposante fait valoir que la preuve de la Requérante n'établit pas un emploi continu de la Marque depuis la date revendiquée. Plus précisément, l’Opposante se fonde sur les commentaires faits par Mme Ortolani en contre‑interrogatoire, celle‑ci ayant reconnu que le vin livré aux détaillants ne serait pas nécessairement tout vendu, puisque certaines bouteilles seraient utilisées comme échantillons et que d’autres seraient brisées ou bouchonnées, etc. (les bouteilles se brisaient plus facilement dans le passé) (Q196 à 199). De plus, Mme Ortolani a admis en contre-interrogatoire que les factures n'accompagnaient pas les marchandises, mais étaient plutôt transmises ultérieurement par courrier (Q226 à 232). Enfin, l’Opposante soutient que lors de son contre‑interrogatoire, Mme Ortolani a reconnu que les marchandises visées par la facture du 20 octobre 1976 seraient arrivées au Canada environ dix jours après la date de la facture (Q233 à 247, plus particulièrement la Q239).
[21] Eu égard à ce qui précède, l’Opposante soutient que rien ne garantit que les produits visés par la facture du 20 octobre 1975 sont parvenus au consommateur, surtout si l’on tient compte des commentaires de Mme Ortolani concernant le nombre de bouteilles brisées à cette époque. Cela étant, l’Opposante fait valoir que la Requérante n'a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que des produits portant la Marque s’étaient trouvé entre les mains de consommateurs et faisaient l'objet d'opérations commerciales ordinaires à la date de premier emploi revendiquée.
[22] Je souscris à la thèse de l’Opposante selon laquelle le transfert effectif de la possession du vin visé par la facture du 25 octobre 1975 aurait vraisemblablement eu lieu après le 20 octobre 1975. Cela est d’autant plus vrai si l’on tient compte du relevé bancaire qui indique que le paiement de cette facture n'a pas eu lieu avant le 20 janvier 1976. La preuve comprend cependant des factures adressées à la LCBO et à la SAQ et datant de 1974 à 2007, avec preuve de paiement à l'appui. On y trouve entre autres une facture adressée à la SAQ en date du 13 septembre 1974, accompagnée de ce qui semble être le relevé bancaire correspondant, daté du 10 décembre 1974, en prouvant le paiement. Ainsi, la Requérante a fourni une preuve à l'appui d'une vente à un acheteur canadien (la SAQ) antérieure à la date de premier emploi revendiquée.
[23] À l'audience, l’Opposante a parlé de cette preuve et a soutenu qu'on ne savait pas si ces premières ventes avaient été faites dans le cours normal du commerce. Elle a plutôt soutenu que la vente de [traduction] « marchandises privées à un client privé », comme l'a déclaré Mme Ortolani dans ses réponses aux engagements pris en contre‑interrogatoire, ne saurait constituer une vente des Marchandises dans la pratique normale du commerce.
[24] L’Opposante a fait valoir qu'aucune preuve n’a été fournie quant à ce que pourrait constituer la pratique normale du commerce en ce qui a trait aux Marchandises. Je ne suis pas d'accord. La preuve étaye la conclusion selon laquelle la Requérante vend ses vins par l'intermédiaire de diverses régies des alcools ou par l'intermédiaire de ses agents de commercialisation et représentants des ventes canadiens (affidavit Ortolani, paragraphe 18). Ces premières ventes font état de ventes à la LCBO en Ontario et à la SAQ au Québec, des intermédiaires dans la chaîne de distribution de la Requérante.
[25] Dans Manhattan Industries Inc. c. Princeton Mfg. Ltd. (1971), 4 CPR (2d) 6 (C.F. 1re inst.), aux pages 16 et 17, la Cour fédérale a déclaré que « [...] l’article 4 envisage la pratique normale du commerce comme commençant avec le fabricant, se terminant avec le consommateur, en ayant comme intermédiaire un grossiste et (ou) un détaillant […] En d’autres mots, si une partie quelconque de la chaîne se trouve au Canada, cela constitue un « usage » ou un « emploi » au sens de l’article 4. » En l'espèce, des éléments de preuve font état de ventes de vin portant la Marque à des intermédiaires (la LCBO et la SAQ) entre décembre 1974 et 2007, environ.
[26] En me fondant sur ce qui précède, je conclus que la preuve, considérée dans son ensemble, n'est pas manifestement incompatible avec la date d'emploi revendiquée. En fait, je suis convaincue qu’elle démontre que la Requérante a vendu du vin dans des bouteilles dont les étiquettes portaient la Marque depuis au moins aussi tôt que le 20 octobre 1975.
[27] Eu égard à ce qui précède, l’Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) de la Loi est rejeté.
La non-conformité à l'alinéa 30i) de la Loi
[28] Lorsqu'un requérant a déposé la déclaration exigée par l'alinéa 30i), un motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la preuve atteste la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (C.O.M.C.), à la p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration requise et nous ne sommes pas en présence d’un cas exceptionnel; le motif fondé sur l'alinéa 30i) est donc rejeté.
Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité – alinéa 12(1)d) de la Loi
[29] Un opposant s’acquitte de son fardeau initial relativement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) si les enregistrements invoqués sont en règle à la date de la décision relative à l’opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence des enregistrements invoqués par l’opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que les enregistrements afférents aux marques TORRES de l’Opposante sont toujours valides.
[30] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
[31] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à chacun de ces critères. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)], et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 96 CPR (4th) 361 (C.S.C.).]
[32] Dans mon analyse de la preuve applicable aux différents motifs d'opposition, je ne ferai référence à aucune déclaration dans laquelle le déposant expose son opinion sur des questions intéressant le fond de l'opposition, et je n’accorderai aucun poids à de telles déclarations [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, à la page 53, et Les Marchands Deco Inc. c. Société Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].
[33] La plupart des marques de l’Opposante comportent le mot TORRES, qui est le seul élément ayant une quelconque ressemblance avec la Marque. Certaines des marques de l’Opposante comportent des éléments figuratifs qui n'ont aucune similitude avec la Marque. En conséquence, j'estime que l'enregistrement no LMC191189 afférent à la marque de commerce TORRES déposée en liaison avec [traduction] « du vin et du brandy, tous deux d'origine espagnole » (les Marchandises de l’Opposante) constitue l'argument le plus solide de l’Opposante.
[34] J'examinerai donc le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) en m’attardant sur la probabilité de confusion entre la marque de commerce TORRES visée par l'enregistrement no LMC191189 et la Marque. Par conséquent, la question de la confusion relative à cet enregistrement déterminera l’acceptation ou le rejet de ce motif d’opposition.
Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[35] Les deux parties ont fait valoir que le mot TORRE(S) signifie « tour(s) » en espagnol et en italien. Or, on ne m’a soumis aucun élément de preuve permettant de conclure que le consommateur canadien moyen serait au courant de ce fait. Au contraire, j’estime qu'il est plus probable que le consommateur canadien moyen considère ce mot comme un mot inventé.
[36] La Requérante fait valoir que le mot TORRES peut être associé à un nom de famille. À l'appui de cette prétention, la Requérante s'appuie sur les résultats d’une recherche faite dans l’annuaire www.canada411.ca et joints comme pièce à l'affidavit Alexova (paragraphe 18, pièce IA‑12). La Requérante souligne également que M. de Javier a reconnu en contre-interrogatoire que l’Opposante avait choisi le nom TORRES parce qu’il s'agissait du nom de famille de la famille fondatrice (Q193 et 194). J’accepte que la preuve établit que le mot TORRE(S) puisse être associé à un nom de famille. L’Opposante soutient toutefois, et je suis d'accord avec elle, que rien ne permet de conclure que le Canadien moyen associerait nécessairement le mot TORRES à un nom de famille espagnol.
[37] La Requérante soutient que les mots DI GIANO dans la Marque renvoient à la ville dans laquelle elle a son siège, à savoir Torgiano, en Italie. La Requérante se fonde sur l'affidavit de Mme Ortolani dans lequel celle-ci déclare que le nom de la ville, Torgiano, serait une contraction des mots italiens « Torre di Giano », qui font référence au site d'une tour romaine dédiée à Janus (paragraphe 9, pièce EO‑2). Mme Ortolani fait cette déclaration sur la foi de renseignements tenus pour véridiques et cette déclaration constitue donc à première vue du ouï‑dire [voir La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Quoi qu'il en soit, le Canadien moyen ne connaîtrait pas cette signification et, là encore, il serait plus susceptible de considérer ces mots comme étant des mots inventés.
[38] Compte tenu de ce qui précède, j'estime que le caractère distinctif inhérent des marques des parties est à peu près le même et qu’il est relativement élevé.
[39] Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’usage. Je vais maintenant examiner la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.
[40] Comme je l’ai mentionné précédemment lors de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b), la Requérante a produit une preuve de l'emploi et de la réputation de la Marque au Canada depuis environ 1975. La Requérante soutient que depuis 1975, elle a vendu au moins 1 089 060 bouteilles de vin portant la Marque pour un total de ventes s'élevant à au moins 2 518 792,56 $ (affidavit Ortolani, paragraphe 22). La Requérante vend ses produits aux régies des alcools de toutes les provinces canadiennes, ainsi qu’à des agents en vins, à tout le moins dans les provinces de l'Alberta, de la Colombie‑Britannique, de l'Ontario, du Québec, de la Nouvelle‑Écosse et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (affidavit Ortolani, paragraphe 22). La Requérante déclare que le montant approximatif de ses ventes de vin portant la Marque au Canada, de 1980 à 2007, variait de 7 137,49 $ à 240 012,88 $ par année (affidavit Ortolani, paragraphe 22).
[41] La Requérante fait également état de ses dépenses promotionnelles. Plus précisément, Mme Ortolani déclare qu'en 1981, les dépenses prévues pour la promotion et la publicité du vin vendu par la Requérante en liaison avec la Marque s'élevaient à au moins 10 000 $ (paragraphe 30). Mme Ortolani indique que le vin de la Requérante était parfois mentionné dans des articles écrits à l'intention de clients canadiens ou dans des publications qui leur sont destinées (paragraphe 32, pièce EO‑18). Je constate que Mme Ortolani ne fournit aucune donnée relative au tirage de ces publications. Celle‑ci a déclaré qu’en 2006, le vin de la Requérante produit en 2004 et vendu en liaison avec la Marque faisait partie des vins qui étaient évalués et reconnus dans le cadre des International Value Wine Awards de 2006 [concours dédié aux vins abordables] (paragraphe 33, pièce EO‑19). Elle a déclaré qu'au moins deux des vins de l’Opposante étaient également évalués et reconnus dans le cadre de ce concours, y compris le vin rouge espagnol Miguel Torres 2001 Gran Sangre de Toro (paragraphe 33, pièce EO‑19). Mme Ortolani a ajouté que le vin de la Requérante produit en 2005 et vendu en liaison avec la Marque a obtenu l’« argent » dans la catégorie des vins blancs secs au concours international des vins de 2006 dans le cadre du Wine and Food Show d’Ottawa (paragraphe 34, pièce EO‑20).
[42] L’Opposante fournit une preuve de l'emploi et de la réputation de la marque TORRES depuis environ 1966. Elle fournit des chiffres de vente à l’égard des vins portant une ou plusieurs marques TORRES pour les années 1966 à 2006, lesquels varient de 7 875 $ en 1966 à 4 248 655 $ en 2006 (affidavit de Javier, paragraphe 8). L’Opposante fournit des échantillons de facture faisant état de ventes de vin en liaison avec les marques TORRES pour les années 1995 à 2006 (affidavit de Javier, paragraphe 12, pièce A). Elle fournit également des chiffres concernant la vente de brandy en liaison avec les marques TORRES (affidavit de Javier, paragraphe 9), et la vente d’huile et de vinaigre en liaison avec la marque TORRE REAL (affidavit de Javier, paragraphes 10 et 11). Dans le cadre de la présente opposition, le vin est toutefois le produit le plus important, car il est identique au produit de la Requérante.
[43] L’Opposante fournit également les budgets annuels de publicité et de promotion afférents aux produits portant ses marques TORRES pour les années 2002 à 2006 (affidavit de Javier, paragraphe 14). Les chiffres varient d’un minimum de 119 829 $, pour 2003, et atteignent un maximum de 215 359 $, pour 2006. Dans son affidavit, M. de Javier déclare que ces chiffres se rapportent à des annonces parues dans des revues, des journaux et des brochures distribués dans tout le Canada, de même qu'à des dégustations de produits, à des événements de relations publiques et à des déplacements liés à la promotion (paragraphe 14).
[44] M. de Javier déclare que des brochures, des dépliants et du matériel de publicité sur le lieu de vente, faisant la promotion de l’Opposante et de ses produits, sont remis aux distributeurs canadiens ou directement fournis aux régies des alcools et aux vendeurs de vin, qui les offrent ensuite aux consommateurs finaux canadiens (paragraphe 16). M. de Javier joint à son affidavit des exemplaires de certaines brochures portant sur les produits de l’Opposante, lesquelles seraient offertes aux consommateurs canadiens dans les divers établissements canadiens offrant à la vente des marchandises portant une ou plusieurs marques TORRES de l'Opposante (pièce C).
[45] M. de Javier déclare que les photographies contenues dans les catalogues illustrent quelques-unes des façons dont les marques de commerce de l’Opposante sont apposées sur les produits et que les documents démontrent également l'emploi des noms commerciaux de l’Opposante (paragraphe 18). Je constate que la marque TORRES figure de façon générale sur les brochures, de même que sur les étiquettes des produits illustrés par les photographies contenues dans les brochures. M. de Javier joint à son affidavit des photographies de produits portant une ou plusieurs marques TORRES (pièce E). M. de Javier mentionne que ces produits ont été achetés au Canada et qu'ils illustrent la façon dont les marques TORRES sont employées au Canada en liaison avec les marchandises de l’Opposante. Je constate que sur les photographies, la marque TORRES apparaît sur des étiquettes de bouteilles de vin. M. de Javier joint des exemples d'étiquettes, portant toutes une ou plusieurs marques TORRES de l'Opposante, qui selon lui sont apposées sur des marchandises vendues par l’Opposante à des consommateurs canadiens (pièce F). Sur chaque étiquette figure la marque TORRES. M. de Javier mentionne que certaines étiquettes démontrent également l'emploi des noms commerciaux de l’Opposante, nommément Miguel Torres, S.A., Miguel Torres et Torres (affidavit de Javier, paragraphe 19, pièce F).
[46] M. de Javier joint également des copies de documents promotionnels, y compris des articles de journaux et de revues, dans lesquels les noms commerciaux de l’Opposante ou les produits de marque TORRES sont mentionnés (pièce G). Il déclare que les revues et journaux dans lesquels ces articles ont été publiés sont distribués au Canada et que les Canadiens peuvent se les procurer par voie d’abonnement ou les acheter dans des kiosques à journaux et autres endroits semblables (paragraphe 20). Les déclarations de M. de Javier concernant la diffusion de ces publications constituent du ouï-dire, mais je constate qu’il y a parmi ces publications quelques grands quotidiens canadiens (par exemple, The Globe and Mail, 2001, 2002, 2004; Toronto Star, 2003; National Post, 2004) dont je peux prendre connaissance d'office [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 CPR (3d) 540, à la page 543 (C.O.M.C.)]. Ces publications ont cependant une importance limitée, car il ne s'agit pas d'annonces mais plutôt d'articles dans lesquels il est question des vins de l’Opposante.
[47] Il ressort de la preuve que même si les marques des deux parties sont employées au Canada depuis assez longtemps, l’Opposante a démontré que les marques TORRES jouissaient d’une plus grande réputation, notamment parce que les chiffres de ventes sont plus élevés quant à ses marchandises.
[48] Considéré dans son ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.
Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage
[49] Comme je l’ai mentionné précédemment dans l'analyse du facteur de l'alinéa 6(5)a), la Requérante a établi que la Marque était employée depuis environ octobre 1975. L’Opposante a établi que la marque TORRES était employée depuis environ 1966.
[50] Au vu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.
Alinéa 6(5)c) – le genre de marchandises, services ou entreprises
[51] C’est l’état déclaratif des marchandises de la Requérante, tel qu’il apparaît dans sa demande, et non les marchandises de l’Opposante visées par l’enregistrement, qui guide ma décision concernant ce facteur [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 CPR (3d) 89 (C.O.M.C.)].
[52] Les marchandises des parties se recoupent en ce que les marques des deux parties sont employées en liaison avec du vin.
[53] Les deux parties ont présenté des observations sur la question de l'origine géographique de leurs vins. La Requérante a tenté de faire une distinction entre les vins des parties du fait qu'ils provenaient de pays différents. Plus précisément, la Requérante a fait valoir la pertinence du fait que les vins de l’Opposante provenaient de l'Espagne, du Chili et de la Californie, alors que son vin provenait de l'Italie, et que les vins des parties avaient obtenu différentes « appellations d'origine ». Je ne suis pas d'accord sur ce point avec la Requérante pour les raisons suivantes.
[54] Premièrement, je constate que l'état déclaratif des Marchandises de la Requérante ne contient aucune restriction la limitant à vendre exclusivement des vins d'origine italienne. De plus, Mme Ortolani a reconnu en contre-interrogatoire que la Requérante pourrait acquérir un vignoble en Espagne et commencer à vendre des vins d'origine espagnole (Q450).
[55] Deuxièmement, je constate qu'il ressort clairement de la preuve que le terme « appellations d'origine » ne veut rien dire pour le consommateur nord‑américain moyen (contre‑interrogatoire de de Javier, Q148, 151), de sorte que les différentes appellations d'origine qui figurent sur les bouteilles de vin des parties n’ont de toute façon aucune signification pour le consommateur moyen.
[56] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les marchandises des parties sont identiques et que ce facteur favorise l’Opposante.
Alinéa 6(5)d) – la nature du commerce
[57] La Requérante soutient que les Marchandises sont vendues par l'entremise d'intermédiaires, notamment par la régie des alcools de chacune des provinces canadiennes et par des agents en vins, à tout le moins dans les provinces de l'Alberta, de la Colombie‑Britannique, de l'Ontario, du Québec, de la Nouvelle‑Écosse et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (affidavit Ortolani, paragraphe 22). Les consommateurs finaux peuvent acheter les vins de la Requérante auprès de ces intermédiaires, ainsi que dans les restaurants où ceux‑ci figurent sur la carte des vins (affidavit Ortolani, paragraphes 22 et 29).
[58] L’Opposante fait valoir qu’elle est viticultrice ainsi que productrice et exportatrice de vin et de brandy et qu’elle vend ses produits par l'entremise de distributeurs canadiens dans plusieurs provinces (affidavit de Javier, paragraphe 6). L’Opposante soutient que ces distributeurs vendent à leur tour le vin de l’Opposante à des régies des alcools et autres vendeurs de vin au Canada (affidavit de Javier, paragraphe 6). Les régies des alcools et autres vendeurs de vin vendent ensuite les produits aux consommateurs finaux (affidavit de Javier, paragraphe 6). L’Opposante vend aussi des huiles comestibles, des vinaigres et des fruits et légumes en conserve, séchés et cuits sous la marque TORRE REAL, lesquels sont importés au Canada et distribués par Olive & Olives, un établissement situé à Montréal (affidavit de Javier, paragraphe 6)
[59] La preuve démontre que les vins des parties sont en fait vendus par l’entremise du même importateur américain (affidavit Ortolani, paragraphe 40).
[60] La preuve démontre également que les vins des parties appartiennent à la même catégorie, à savoir la catégorie de prix de moins de 25 $ la bouteille (contre interrogatoire de Mme Ortolani aux Q418 et 422).
[61] La Requérante soutient que les deux parties ont reconnu que le nom du vignoble ou du producteur est un élément très important dans le choix et l'achat de vins. La Requérante souligne qu'en l'espèce, le nom du vignoble de la Requérante ou du producteur est LUNGAROTTI, tandis que le nom du vignoble ou du producteur des vins de l’Opposante est TORRES. À l'audience, l’Opposante a fait valoir que la Requérante ne tient pas compte du fait qu’en contre‑interrogatoire, Mme Ortolani a reconnu que si un client ne faisait que jeter un coup d’œil sur une étiquette de vin, il était possible qu’il ne puisse distinguer le nom du fabricant de la marque nominale du vin (Q461, 465 à 467, 470 à 473). Cela est particulièrement important puisque le test en matière de confusion est fondé sur la première impression et le souvenir imparfait et non sur une comparaison côte à côte des marques des parties (ou de leurs étiquettes, selon le cas).
[62] En contre‑interrogatoire, Mme Ortolani a déclaré qu’à son avis les consommateurs de vin canadiens sont très bien renseignés en ce qu’ils lisent des livres et des revues sur les vins et qu’ils connaissent donc bien l'origine des vins, etc. L’Opposante fait valoir, et je suis d'accord avec elle, qu'il ne s'agit pas là du consommateur canadien moyen comme l'exige le test en matière de confusion [voir Mattel, précité]. La Requérante place la barre trop haut. En résumé, l’Opposante prétend que Mme Ortolani définit le consommateur moyen des Marchandises comme étant plus averti qu'il ne le serait en réalité. Je suis d’accord.
[63] La Requérante soutient que l'achat de vin est une expérience d'achat unique. De plus, elle fait valoir que le fait qu’au Canada les vins sont principalement vendus dans des magasins contrôlés par les régies des alcools, qui sont spécialisés dans la vente de vins et autres boissons alcoolisées, où la présentation des produits est planifiée, structurée et organisée de façon géographique et où le personnel possède une formation sur la vente de ce genre particulier de produits, est pertinent en ce qu’il diminue la probabilité de confusion entre les marques des parties.
[64] Il m’est impossible de tirer une conclusion claire quant à la manière dont les vins sont classés et présentés dans les magasins sous contrôle des régies des alcools ou sur les menus des restaurants en me fondant sur la preuve au dossier. Il semble que les vins soient souvent regroupés par région géographique, mais ils sont également classés par couleur (rouges, blancs et rosés). En outre, la preuve indique que même si les vins sont classés en fonction de leur origine géographique, les vins de l'Espagne et l'Italie se retrouvent souvent très près les uns des autres en raison de la proximité géographique de ces deux pays. J'estime cependant que ce facteur n'est pas déterminant, car j’estime que la preuve étaye la conclusion que les marchandises des parties sont vendues dans les mêmes magasins et dans les mêmes restaurants et que cela est suffisant pour conclure à un recoupement des voies de commercialisation des parties.
[65] Je ne suis pas disposée à accepter les observations de la Requérante concernant l'importance de ce qui, selon elle, est la nature unique de l'industrie vinicole. Même si j'étais disposée à reconnaître que la nature du commerce du vin est telle que le consommateur prend plus de temps et examine plus de facteurs pour prendre ses décisions, je souligne que la Cour suprême du Canada s’est récemment exprimée sur la question du consommateur averti dans l'arrêt Masterpiece. Le test en matière de la confusion en est un de première impression [voir Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.)]. Toute mesure prise ultérieurement par un consommateur averti pour tenter de dissiper la confusion ressentie à première vue n’est pas pertinente [par analogie, voir les paragraphes 68 à 74 de l'arrêt Masterpiece, précité].
[66] Au vu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.
Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent
[67] Le mot TORRE(S) figure dans les marques des parties. Même si les parties ont convenu que cela signifiait « tower(s) » en anglais [« tour(s) » en français], on ne m’a soumis élément de preuve me permettant de conclure que le Canadien moyen connaîtrait cette traduction. Par conséquent, le mot TORRE(S), mot inventé commun aux deux marques, est hautement distinctif. Bien que la Marque n'incorpore pas intégralement la marque TORRES de l'Opposante, je ne suis pas convaincue que l'absence de la lettre « s », qui indique tout simplement le pluriel, crée une différence significative.
[68] « Même s'il est vrai que les marques ne doivent pas être scindées lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des questions de confusion, il a été jugé que la première partie d'une marque de commerce est celle qui est la plus pertinente lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son caractère distinctif » [voir K-Tel International Ltd. c. Interwood Marketing Ltd. (1997), 77 CPR (3d) 523 (C.F. 1re inst.), à la page 527]. En l'espèce, la première partie de la Marque est essentiellement identique à l'ensemble de la marque TORRES de l’Opposante.
[69] L'inclusion du mot TORRE (la presque totalité de la marque TORRES de l’Opposante) dans la Marque crée entre les marques des parties un degré de ressemblance élevé dans le son, la présentation ou les idées suggérées.
[70] Au vu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.
Autre circonstance de l’espèce – l’absence de preuve de confusion réelle
[71] Selon la Requérante, il importe de mentionner que bien que la preuve démontre que les vins des parties coexistent sur le marché canadien depuis 1975, l’Opposante n'a produit aucune preuve de confusion réelle.
[72] La Requérante soutient que même si l’Opposante n'est pas tenue de présenter des exemples de confusion réelle, l'absence d'une telle preuve doit être prise en compte dans l’examen des autres circonstances de l’espèce visant à déterminer s'il existe une probabilité de confusion. La Requérante fait valoir qu'en l'espèce, les vins des parties ont coexisté sur le marché canadien pendant plus de 30 ans sans qu’aucune plainte ni cas de confusion réelle ne soit signalé (affidavit Ortolani, paragraphes 39 et 41). Plus précisément, la Requérante a soutenu que les produits vendus en liaison avec la Marque sont offerts depuis plusieurs décennies dans plusieurs magasins de régies alcools où les produits de l’Opposante sont également offerts, que ces produits sont tous inscrits au menu d’au moins un restaurant, et que malgré cela, ni elle ni l’Opposante n’ont jamais eu connaissance de cas de confusion réelle (affidavit Ortolani, paragraphes 29, 39 et 41).
[73] L’Opposante fait toutefois valoir que Mme Ortolani a admis en contre-interrogatoire n’avoir fait aucune recherche en vue d’étayer sa déclaration portant qu’aucun cas de confusion réelle ne s'était produit (Q370 à 371; 446 et 447).
[74] La Cour d'appel fédérale s’est exprimée comme suit sur cette question dans l'arrêt Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, SA (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.), au paragraphe 19 :
En ce qui concerne l'insuffisance des éléments de preuve présentés par l’Opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s'est dit d'avis qu'un opposant n'a pas à produire ce genre de preuve. C'est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l'absence de risque de confusion, l'opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu'il n'a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s'il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l'absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l'importance lorsqu'ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l'utilisation simultanée des deux marques est significative et que l'opposant n'a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l'existence d'une confusion.
[75] En l'espèce, des éléments de preuve nous indiquent que les vins des parties étaient offerts en vente dans les mêmes régies des alcools (c'est-à-dire la LCBO et la SAQ), qu’ils étaient inscrits au menu d'au moins un restaurant (c'est-à-dire Bistro One, comme l'a déclaré Mme Ortolani en réponse à la question Q366 de son contre‑interrogatoire) et qu’ils ont gagné des récompenses dans le même concours de vins (c'est-à-dire les International Value Wine Awards de 2006, affidavit Ortolani, paragraphe 33, pièce EO‑19).
[76] À l'audience, l’Opposante a fait valoir que même si l'absence de preuve de confusion réelle pouvait être un facteur pertinent, la Requérante cherchait à y accorder trop d'importance. L’Opposante a soutenu qu'une preuve de cette nature serait difficile à obtenir d’un point de vue logistique. Plus précisément, cela obligerait des organisations comme la LCBO et la SAQ à mettre en œuvre des politiques visant à recenser les cas de confusion. L’Opposante a fait valoir que les difficultés de nature logistique liées à cette obligation (les consommateurs confus devraient retourner le produit acheté par erreur et invoquer la confusion comme motif de retour), et le fait que les vins des parties sont relativement peu chers servent à atténuer l'importance de ce facteur.
[77] Compte tenu de ce qui précède et des circonstances de l'espèce, j’estime que l'absence de preuve de confusion réelle n’étaye pas la thèse de la Requérante.
Autre circonstance de l’espèce – la preuve relative à l’état du registre et à l’état du marché
[78] La Requérante a présenté de nombreux éléments de preuve relatifs à l'état du registre. Plus précisément, Mme Alexova a joint à son affidavit des détails concernant l’enregistrement de marques de commerce où figure le mot « tower » en anglais (tour), en français (tour), en espagnol (torre) et en italien (torre). Elle a relevé un nombre important de marques comportant ces mots. J’estime cependant que, pour l’examen de la question de savoir si l'élément TORRE est habituellement employé dans le commerce, les marques comportant les versions anglaise et française du mot ne sont pas pertinentes. Ainsi, seules les marques contenant l'élément TORRE(S) sont pertinentes pour l’examen de l'état du registre.
[79] Il est nécessaire de souligner que la preuve relative à l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions sur l’état du marché. La preuve de l’état du marché permet de dégager des conclusions sur l’état du marché seulement dans le cas où il existe un grand nombre d'enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].
[80] Seulement six enregistrements comprenant l'élément TORRE(S) ont été trouvés. Je ne suis pas convaincue que six enregistrements soient suffisants pour que je puisse tirer une conclusion sur l'état du marché. Je ne suis donc pas disposée à accorder de l’importance à cette preuve sur l’état du registre présentée par la Requérante.
[81] Mme Alexova a également présenté des éléments de preuve relatifs à l'état du registre dans divers ressorts étrangers (les É.‑U., l'U.E. et des enregistrements internationaux suivant le Protocole de Madrid). En l'absence de preuve concernant les lois de ces pays ou d'éléments liés au marché dans ces ressorts étrangers, je conclus que la preuve concernant l'état des registres de marques de commerce étrangères n'est pas pertinente.
[82] Mme Alexova a aussi présenté une preuve relative à l'état du marché sous forme de résultats de recherches effectuées sur les sites Web de la SAQ et de la LCBO. En l'absence d'information sur la nécessité et la fiabilité d’une preuve de cette nature, je ne suis pas disposée à considérer que la preuve relative à l'état du marché présentée par Mme Alexova et tirée d’Internet fait preuve de son contenu [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmé par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)].
[83] Compte tenu de ce qui précède, il ne s'agit pas d'une circonstance de l'espèce pertinente étayant la position de la Requérante.
Autre circonstance de l'espèce – la famille de marques TORRES de l'Opposante
[84] L'Opposante invoque la famille de marques de commerce TORRES, prétendant qu’il s’agit d’une autre circonstance pertinente étayant sa position. Je précise que seules les marques de commerce qui comportent l'élément TORRES peuvent être considérées comme faisant partie de la famille de marques. En d'autres mots, les marques de l’Opposante SANGRE DE TORO (LMC164805), DESSIN DE TROIS TOURS (LMC533441) et GRAN SANGRE DE TORO (LMC582434) ne sauraient faire partie de la famille des marques de commerce de l’Opposante.
[85] Pour s’appuyer sur une famille de marques, la partie doit prouver l'emploi de ces marques sur le marché [voir McDonald’s Corp. c. Yogi Yogurt (1982), 66 C.P.R. (3d) 101 (C.F. 1re inst.)]. La preuve démontre que les marques TORRES suivantes figurent sur les étiquettes des produits de l’Opposante :
i. TORRES – LMC191189
ii. TORRE REAL – LMC652894
iii. NEROLA TORRES & Dessin – LMC605854
iv. NEROLA TORRES & Dessin – LMC605853
[86] J’estime donc que l’Opposante a établi l'existence d'une famille d'au moins quatre marques de commerce comportant l'élément TORRES. Une de ces marques de commerce est la marque TORRE REAL enregistrée sous le numéro LMC652894 en liaison avec les marchandises « huiles comestibles; vinaigres; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ». À l'audience, l’Opposante a fait valoir que sa gamme de produits alimentaires portant la marque TORRE REAL démontre que ses intérêts ne se limitent pas au vin, ce qui confirme la réputation étendue qu’elle a acquise à l’égard de ses marques TORRES.
[87] Je conclus que la marque TORRE REAL est importante pour deux raisons. Premièrement, je conviens que la preuve permet de conclure que l’Opposante a acquis une réputation à l’égard d’une de ses marques TORRES en dehors des industries du vin et du brandy, étendant ainsi sa renommée sur le marché canadien. Plus précisément, l’Opposante a fourni des chiffres concernant la vente de ses huiles et vinaigres en liaison avec la marque TORRE REAL (affidavit de Javier, paragraphes 10 et 11). Deuxièmement, je conclus que le fait que l’Opposante soit propriétaire d’une marque de commerce comportant l'élément TORRE plutôt que l'élément TORRES étaye davantage son argument, à savoir qu’il est probable qu’en présence de la Marque, les consommateurs croient que les vins des parties proviennent de la même source.
[88] À l'audience, l’Opposante a fait valoir que la question de savoir si elle avait ou non réussi à établir l'emploi de la famille de marques TORRES n’était pas déterminante pour la question relative à la confusion. Elle a soutenu que la marque de commerce TORRES à elle seule est suffisante pour qu’il y ait probabilité de confusion avec la Marque.
Autre circonstance de l'espèce – autres décisions de la COMC portant sur des vins
[89] À l'audience, l’Opposante a cité plusieurs décisions dans lesquelles la COMC a conclu que des marques semblables employées en liaison avec des vins ou d'autres boissons alcoolisées créaient de la confusion. J’ai examiné les observations de l’Opposante ainsi que ces décisions, mais j’estime que chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.
Conclusion
[90] Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l'espèce, plus particulièrement du fait que les marchandises des parties sont identiques, de même que de l'étendue dans laquelle la marque TORRES de l'Opposante est devenue connue et de la durée de son emploi, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque TORRES de l'Opposante.
[91] Compte tenu de ce qui précède, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d).
Les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement
Alinéa 16(1)a) de la Loi
[92] Bien qu'il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques TORRES de l'Opposante, celle-ci a le fardeau initial de prouver que l’une ou plusieurs des marques de commerce invoquées à l'appui de son motif d'opposition fondé sur le paragraphe 16(1) de la Loi étaient employées au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante (le 20 octobre 1975) et n'avaient pas été abandonnées à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque (le 2 août 2006) [paragraphe 16(5) de la Loi].
[93] Comme nous l'avons vu plus en détail ci‑dessus dans le cadre de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), j'estime que l'Opposante a prouvé l'emploi de sa marque TORRES aux dates pertinentes et qu'elle s'est donc acquittée de son fardeau de preuve.
[94] L’écart entre les dates pertinentes, bien qu’il soit long, n'a pas d'importance et mes conclusions quant au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi s'appliquent donc également ici. En conséquence, j'estime que la Requérante ne s'est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque TORRES de l'Opposante.
[95] Au vu de ce qui précède, j'accueille également le motif d'opposition fondée sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi.
Alinéa 16(1)c) de la Loi
[96] Bien qu'il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les noms commerciaux Miguel Torres Carbo, Miguel Torres S.A., Miguel Torres et Torres de l'Opposante et de ses prédécesseurs en titre, l’Opposante a le fardeau initial de prouver que l’un ou plusieurs des noms commerciaux invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur le paragraphe 16(1) de la Loi étaient employés au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante (le 20 octobre 1975) et n'avaient pas été abandonnés à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque (le 2 août 2006) [paragraphe 16(5) de la Loi].
[97] La preuve indique que l’Opposante appose ses noms commerciaux Miguel Torres S.A. et Torres sur les étiquettes de ses vins (de Javier, paragraphe 19, pièce F). De plus, comme nous l'avons vu plus en détail ci‑dessus dans le cadre de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), l’Opposante vend du vin portant ces étiquettes depuis environ 1966. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante a prouvé l'emploi de ses noms commerciaux Miguel Torres S.A. et Torres aux dates de pertinentes et qu'elle s'est donc acquittée de son fardeau de preuve.
[98] L’écart entre les dates pertinentes, bien qu’il soit long, n'a pas d'importance et mes conclusions quant au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi s'appliquent donc également ici. En conséquence, j'estime que la Requérante ne s'est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et le nom commercial Torres de l'Opposante.
[99] Compte tenu de ce qui précède, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)c) de la Loi.
Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi
[100] Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles d'autres propriétaires au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], il incombe d'abord à l'Opposante d'établir les faits invoqués à l'appui du motif fondé sur l'absence de caractère distinctif.
[101] Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante doit démontrer qu'à la date de production de la déclaration d'opposition, un ou plusieurs de ses marques et noms commerciaux TORRES étaient devenus suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles' International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, confirmé par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)].
[102] Comme nous l'avons vu plus en détail ci-dessus dans le cadre de l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'enregistrabilité et le droit à l'enregistrement, l'Opposante a réussi à établir que sa marque TORRES et ses noms commerciaux Torres étaient devenus connus dans une certaine mesure à la date de production de la déclaration d'opposition et, en conséquence, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve.
[103] L’écart entre les dates pertinentes n'est pas important et mes conclusions quant aux motifs d'opposition fondés sur l'enregistrabilité et le droit à l'enregistrement s'appliquent donc également ici. En conséquence, j'estime que la Requérante ne s'est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque TORRES et chacun des noms commerciaux Torres de l'Opposante et, en conséquence, j'accueille également le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.
Décision
[104] Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.
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Andrea Flewelling
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.