Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 212

Date de la décision : 2015-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

 

Goodwill Industries International Inc.

Opposante

et

 

Vedett IP Corporation

Requérante

 

 

 



 

1,578,823 pour GOODWILL EQUITY LINE OF CREDIT

1,578,828 pour GOODWILL ACQUISITION PAYMENT PLAN

 

Demandes

Contexte

[1]               Le 23 mai 2012, la Requérante a produit la demande no 1,578,823 pour la marque de commerce GOODWILL EQUITY LINE OF CREDIT et la demande no 1,578,828 pour la marque de commerce GOODWILL ACQUISITION PAYMENT PLAN (collectivement appelées les Marques). Les deux Marques sont fondées sur l’emploi au Canada depuis le 11 novembre 2011, en liaison avec les produits et services suivants (les Produits et les Services) [Traduction] :

Produits :

(1) Publications et imprimés, nommément brochures, livrets, manuels, dépliants, périodiques, bulletins d'information, feuillets, feuillets d'information.

Services :

(1) Services financiers, nommément services de crédit, nommément prêts à terme, lignes de crédit d'exploitation renouvelables, financement structuré, prêts syndiqués, prêts bilatéraux, prêts syndiqués en circuit fermé, financement de projets et lettres de crédit; services de gestion de la trésorerie, nommément rapprochement de comptes, virements centralisés, virements entre comptes de différents établissements financiers, virement électronique de fonds, opérations de change, virement électronique de fonds, remises gouvernementales, mise en commun notionnelle d'intérêts, réseau de paiement, placement dans des comptes de dépôt à date fixe; services de dérivés, nommément de contrats à terme de gré à gré, de swaps et d'options sur marchandises, taux d'intérêt, capitaux propres, crédit et devises, y compris l'échange d'un taux, d'un indice ou d'un prix fixe ou variable contre un taux, un indice ou un prix variable ou fixe; service de consultation auprès des entreprises, de gestion d'entreprise et d'acquisition d'entreprises; (2) services Internet, en l'occurrence services financiers offerts par un réseau d'information mondial, nommément services de crédit, prêts à terme, lignes de crédit d'exploitation renouvelables, financement structuré, prêts syndiqués, prêts bilatéraux, prêts syndiqués en circuit fermé et financement de projets; services de gestion de la trésorerie, nommément rapprochement de comptes, virements centralisés, virement électronique de fonds, opérations de change, services de boîte postale scellée, mise en commun notionnelle d'intérêts, réseau de paiement, services de dérivés, nommément de contrats à terme de gré à gré, de swaps et d'options sur marchandises, taux d'intérêt, capitaux propres, crédit et devises, y compris l'échange d'un taux, d'un indice ou d'un prix fixe ou variable contre un taux, un indice ou un prix variable ou fixe.

[2]               La demande no 1,578, 828 a été annoncée le 15 mai 2013 et visée par une opposition le 15 octobre 2013. La demande no 1,578,823 a été annoncée le 24 juillet 2013 et visée par une opposition le 18 décembre 2013. Les motifs d'opposition pour chaque demande, énoncés à l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, RSC 1985, ch T-13 (la Loi) sont les suivants : la non-conformité à l'article 30b), la non-enregistrabilité en vertu de l'article 12(1)d), l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'article 16(1) et l'absence de caractère distinctif en vertu des articles 38(2)d) et 2. Les trois derniers motifs d'opposition portent sur la détermination de la probabilité de confusion entre chacune de ces Marques et l'emploi et la révélation antérieurs par l'Opposante de ses marques GOODWILL LMC544,182, LMC727,559, LMC629,410 (voir l'annexe A).

[3]               À l'appui de son opposition pour chaque cas, l'Opposante a produit les affidavits de Kim Zimmer, de Debbie Aquino et d'Emily Norman. Un deuxième affidavit de Mme Zimmer a également été produit concernant la demande no 1,578,828.

[4]               Comme preuve pour chaque cas, la Requérante a produit les affidavits d'Arthur M. Szabo et de David M. Yerkes.

[5]               Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit dans chaque cas.

[7]               Une audience a été tenue pour chacune des procédures d'opposition et les parties y étaient toutes deux présentes.

Questions préliminaires

Admissibilité de l'affidavit Szabo

[8]               Dans chaque cas, l'Opposante a soulevé des objections concernant la preuve de M. Szabo. M. Szabo est le directeur et le président de Satori Corporation (la Requérante initiale) et de l'actuelle Requérante, et il est avocat au sein du cabinet qui représente la Requérante. L'affidavit de M. Szabo décrit principalement la chaîne de titre des Marques visées par la demande.

[9]               L'Opposante fait valoir que la preuve de M. Szabo constitue du ouï‑dire parce qu'une partie de ses déclarations est fondée sur des convictions, que les pièces ne sont pas décrites comme étant des registres commerciaux (et ne pourraient pour la plupart en aucun cas être considérées comme telles), et qu’on ne sait pas exactement comment M. Szabo peut avoir une connaissance directe des documents. En outre, l'Opposante soutient que la production de preuves par l'entremise de M. Szabo est contraire à la décision Cross-Canada Auto Body, puisque M. Szabo est un avocat au sein du cabinet qui représente la Requérante. Toutefois, la décision Cross-Canada Auto Body concernait [Traduction] « un témoignage d'opinion sur les aspects les plus cruciaux de l'affaire », ce qui ne constitue pas le type de preuve qu'a produite M. Szabo. La preuve qu'il a produite consiste en des documents qui se limitent, pour la plupart, à la Requérante et à son prédécesseur. Dans ces circonstances, il ne semble pas pertinent de les ignorer sur la base du ouï-dire ou des principes énoncés dans la décision Cross-Canada Auto Body. En outre, comme l'a noté la Requérante, l'Opposante ne s'est pas prévalue de son droit de contre-interroger M. Szabo.

[10]           L'Opposante a aussi indiqué que l'acte de cession joint à son affidavit n'est pas fiable. À cet égard, l'Opposante note que l'acte de cession joint à son affidavit est différent de celui qui figure au dossier de chaque demande (produit dans le cadre de la preuve de Mme Aquino pour chaque cas). La Requérante explique que l'acte de cession soumis au registraire ne fait référence qu'aux marques de commerce en cause, alors que le document joint à l'affidavit de M. Szabo concerne l'ensemble des actifs de propriété intellectuelle de la Requérante.

[11]           Je note que les deux actes de cession ont été datés et signés le 3 juillet 2012. En outre, la cession a été effectuée par Arthur M. Szabo, le président de la Requérante initiale, la cessionnaire étant Vedett IP Corporation, une société dont M. Arthur M. Szabo atteste être le président. À mon avis, comme l'acte de cession produit par M. Szabo a été conclu par l'actuelle Requérante et son prédécesseur en titre, je considère que son contenu serait connu de la Requérante. Je suis donc prête à examiner la preuve de M. Szabo pour chaque cas.

[12]           Dans l'éventualité où j'aurais tort d'examiner les documents présentés par M. Szabo, et je note que si je les avais considérés comme inadmissibles, le résultat des présentes procédures n'aurait pas été différent.

Admissibilité de l'affidavit Yerkes

[13]           Dans chaque cas, l'Opposante a également contesté l'affidavit de M. Yerkes. M. Yerkes est professeur d'anglais à la Columbia University aux États-Unis. L'Opposante fait valoir que son affidavit est sans pertinence en l'espèce à de nombreux égards, qu'il n'est pas nécessairement argumentatif et qu'il va au-delà des compétences de l'expert sur certaines questions. L'Opposante est donc d'avis que l'affidavit n'est pas admissible, en totalité ou en partie.

[14]           La Cour suprême du Canada a établi qu'un témoignage d’expert doit satisfaire aux quatre critères suivants pour être admis en preuve : la pertinence; la nécessité d’aider le juge des faits; l’absence de toute règle d’exclusion; et la qualification suffisante de l’expert [voir R c Mohan [1994] 2 SCR 9; White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co 2015 CSC à la p 23]. En ce qui concerne la nécessité, la Cour a déclaré récemment qu’un expert ne devrait pas être autorisé à témoigner si son témoignage n’est pas susceptible de dépasser l’expérience et les connaissances d’un juge [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC)].

[15]           Dans chaque cas, selon mon examen du curriculum vitæ de M. Yerkes (Yerkes, pièce A), je suis convaincue que M. Yerkes compétent comme expert de la langue anglaise. Toutefois, je ne considère pas que l'ensemble de sa preuve en l'espèce est susceptible de dépasser l’expérience et les connaissances d’un juge. À cet égard, M. Yerkes a fourni quatre volumes de pièces qui portent principalement sur la signification du mot GOODWILL. Comme je peux admettre d’office une définition du mot GOODWILL tirée d'un dictionnaire canadien [voir Tradall S.A. c Devil’s Martini Inc (2011), 92 CPR (4th) 408 (COMC) au para 29], je ne considère pas que les nombreuses autres définitions et preuves relativement à l'historique de ce mot s'avèrent nécessaires ou pertinentes. J'ai donc réduit le poids accordé à l'affidavit de M. Yerkes dans chaque cas.

Les motifs d'opposition

Article 30b) – Non-conformité

[16]           La date pertinente pour l’examen des circonstances relatives à ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement [Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. Cette date est la même dans chaque cas, à savoir le 23 mai 2012.

[17]           Bien que le fardeau ultime de démontrer que ses demandes sont conformes aux exigences de l’article 30 incombe à la Requérante, l’Opposante n’en doit pas moins s’acquitter du fardeau de preuve d’établir les faits allégués à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’article 30. [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 à 329 (COMC); et John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)]. En ce qui concerne l'article 30b) en particulier, il a été soutenu que le fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante est moindre qu'à l'ordinaire, puisque même si l'Opposante peut avoir une certaine connaissance des faits qui doivent être démontrés, les faits pertinents s'appliquant à un motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 30b) de la Loi sont plus accessibles à la Requérante [Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)].

[18]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de l'article 30b), l'Opposante peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst)]. Dans les cas où une partie opposante s'est appuyée sur la preuve de la partie requérante pour s'acquitter du fardeau de preuve au titre d'un motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 30b), la Cour fédérale a indiqué que pour s’appuyer efficacement sur la preuve de la partie requérante et s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, la partie opposante doit démontrer que cette preuve met en doute les revendications figurant dans la demande de la partie requérante [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 aux para 30 à 38 (CanLII)].

[19]           Dans chacun des cas, l'Opposante a plaidé son motif d'opposition fondé sur l'article 30b) comme suit :

la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi parce que la marque de commerce alléguée a été employée au Canada en liaison avec les marchandises et les services visés par la demande depuis le 17 novembre 2011, tel qu'il est revendiqué dans la demande.

[20]           L'Opposante a présenté deux arguments au titre de ce motif. D'abord, l'Opposante fait valoir que l'imprimé du site Web de la Requérante joint à l'affidavit de M. Szabo en pièce B montre que l'entreprise qui semble employer les Marques est CEIBA GROUP et non la Requérante au dossier. En outre, il n'y a aucune preuve indiquant que CEIBA GROUP a déjà été licenciée pour employer la Marque.

[21]           Ensuite, l'Opposante soutient que la preuve montre que les Marques n'ont été cédées à l'actuelle Requérante qu'après la date de premier emploi revendiquée [affidavit Szabo, pièces C et D; affidavit Aquino, para 2; affidavit Norman, paras 1 et 2]. Afin de bien comprendre les fais tels qu'ils s'appliquent à cet argument, j'estime qu'il est pertinent d'établir la chronologie des événements relatifs aux Marques :

20 décembre 2010 :     1576817 Alberta Ltd. a été constituée en personne morale

17 novembre 2011 :    Satori Corporation a été constituée en personne morale

17 novembre 2011 :    Date de premier emploi revendiquée dans les deux demandes

23 mai 2012 :              Satori Corporation a produit une demande pour les deux marques sur la base de l'emploi depuis le 17 novembre 2011

3 juillet 2012 :             Satori Corporation a cédé les Marques à Vedett IP Corporation

15 août 2012 : 1576817 Alberta Ltd. a changé son nom pour Vedett IP Corporation

15 janvier 2013 :         Les demandes d'enregistrement de la marque de commerce modifiées ont été produites au nom de Vedett IP Corporation.

[22]           Comme il a été mentionné précédemment, M. Szabo a toujours été à la fois président et directeur de 1576817 Alberta Ltd (l'ancien nom de l'actuelle Requérante) et de la Requérante initiale.

[23]           En résumé, la preuve démontre que chaque demande a été produite par Satori Corporation le 23 mai 2012 et a été cédée à la Requérante le 3 juillet 2012. L'actuelle Requérante n'a pas identifié Satori Corporation comme prédécesseur en titre. Une recherche effectuée dans la base de données en ligne du registre des entreprises du gouvernement de l'Alberta a permis de déterminer que 1576817 Alberta Ltd a été constituée en personne morale le 20 décembre 2010 et qu'elle a subséquemment changé son nom d'entreprise pour celui de la Requérante le 15 août 2012 [Norman, paras 1 et 2]. L'argument de l'Opposante, tel que je le comprends, porte que la Requérante n'a commencé à exister qu'après que les Marques lui ont été cédées, que la Requérante n'a pas établi l'emploi continu de ses Marques à compter de la date de premier emploi revendiquée, et ce, jusqu'à la date de la production des demandes.

La Requérante n'a pas établi l'emploi continu des marques de commerce visées par ses demandes

[24]           Prenons d'abord le deuxième argument de l'Opposante au titre de ce motif. La preuve montre que la Requérante (Vedett IP Corporation) existe depuis le 20 décembre 2010, mais sous un autre nom (1576817 Alberta Ltd). L'actuelle Requérante existe donc depuis le 20 décembre 2010. Même si les Marques n'ont pas été cédées à l'actuelle Requérante avant le 3 juillet 2012, c'est Satori Corporation (le prédécesseur en titre de la Requérante) qui a produit initialement les présentes demandes le 23 mai 2012. Bien que 1576817 Alberta Ltd n'ait officiellement changé son nom pour celui de l'actuelle Requérante qu'après que les Marques lui ont été cédées, un changement de nom ne constitue pas un changement d'identité. En outre, même si Satori Corporation n'a pas été nommée comme prédécesseur en titre de la Requérante dans les demandes modifiées, les demandes originales ont été produites au nom de Satori Corporation. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas parce que la Requérante n'a pas nommé son prédécesseur en titre que l'Opposante a plaidé que l'une ou l'autre des demandes n'était pas conforme à l'article 30b) de la Loi. Lorsqu'une partie opposante allègue qu'une demande n'est pas conforme à un article de la Loi sur le fondement d'un ensemble particulier de circonstances, il n'est pas permis de la refuser sur le fondement qu'elle n'est pas conforme à cette section de la Loi pour des motifs autres que ceux invoqués [voir Le Massif Inc et Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc, 95 CPR (4e) (CF 1re inst)].

La marque de commerce visée par la demande n'a pas été employée par la Requérante au dossier

[25]           En ce qui concerne le premier argument de l'Opposante, M. Szabo déclare ce qui suit au paragraphe 5 de son affidavit : [Traduction]
« Satori et Vedett sont chacune des entreprises de l'industrie, connues et exploitées en tant que Ceiba Group of Companies ».

[26]           Même si je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que la preuve de la Requérante aurait pu être plus claire, on peut inférer la présence d'un contrôle du fait que M. Szabo est le président des deux entreprises qui comprennent Ceiba Group [Szabo, para 9]. Il a été établi dans la jurisprudence que si le président ou le directeur [TGI Friday's of Minnesota, Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 241 NR 362 (CAF), et Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst)] d'une entreprise est également le président, le directeur ou un responsable de l'entreprise qui emploie la marque, cela suffit pour satisfaire aux exigences prévues à l'article 50 de la Loi. Je n'estime donc pas que la preuve de la Requérante met en doute la question de savoir si la Requérante a employé les Marques depuis la date de premier emploi revendiquée.

[27]           Par conséquent, j'estime que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l'égard de ce motif dans les deux cas. Ce motif est donc rejeté.

Article 16(1)a)

[28]           L'Opposante a fait valoir dans chaque cas que la Marque ne peut pas être enregistrée au titre de l'article 16(1)a) de la Loi, puisqu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées GOODWILL (voir l'annexe A).

[29]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit démontrer que, aux dates de premier emploi alléguées de la Marque au Canada, au moins une des marques de commerce GOODWILL de l'Opposante avait déjà été employée au Canada et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande de la Requérante dans le Journal des marques de commerce [article 16(5) de la Loi]. En ce qui concerne mon examen de l'affidavit Zimmer, qui sera présenté plus en détail ci-dessous, l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait dans chaque cas.

[30]           Comme l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve, il reste donc à déterminer dans chaque cas, au titre de ce motif d'opposition, s'il y a confusion entre la marque de commerce de la Requérante et au moins une des marques de l'Opposante en date du 17 novembre 2011

Test en matière de confusion

[31]           Des marques de commerce sont réputées créer de la confusion lorsqu'il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l'article 6(2) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués ... ou que les services liés à ces marques sont ... exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non ... de la même catégorie générale. (Je souligne.)

[32]            Par conséquent, l'article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que pose l'article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des services Internet et financiers (et produits connexes) de la Requérante vendus sous la marque GOODWILL EQUITY LINE OF CREDIT ou sous la marque GOODWILL PAYMENT ACQUISITION PLAN croiraient que ces produits ou services ont été offerts ou autorisés ou licenciés par l'Opposante dont les services de formation pour les personnes handicapées et défavorisées comportent une composante financière. C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s'applique en matière civile, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

[33]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (CSC) et Masterpiece, précitée].

Caractère distinctif inhérent des marques

[34]           La preuve de la Requérante dans chaque cas montre que le mot GOODWILL se définit de deux manières distinctes. Une définition évoque la charité ou l'attitude amicale, alors que l'autre définition est celle d'un terme du domaine de la comptabilité ou des finances qui désigne des actifs intangibles et la réputation d'une société. Je suis d'accord avec la Requérante pour dire que l'emploi de la marque verbale GOODWILL par l'Opposante est suggestif de son organisme à but non lucratif dont la mission est d'aider les gens ayant des incapacités ou étant dans une situation défavorable à obtenir des emplois et à suivre des formations pour un emploi. Étant donné les autres éléments suggestifs des deux Marques, l'emploi par la Requérante du terme GOODWILL dans ses Marques fait référence à un terme du domaine de la comptabilité ou des finances qui désigne des actifs intangibles et la réputation d'une société. J'estime, par conséquent, qu'aucune des deux marques ne possède un caractère distinctif inhérent très marqué.

[35]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être renforcé par la promotion ou l'emploi. On appelle cette force accrue le caractère distinctif acquis de la marque.

[36]           La preuve produite par l'Opposante relativement au caractère distinctif acquis de ses marques peut se résumer comme suit :

         L'Opposante a commencé ses activités au Canada depuis aussi tôt qu'avril 1943 (Zimmer, para 8).

         Il y a actuellement sept membres canadiens de Goodwill, à Edmonton, à Hamilton, à London, à Montréal, à Sarnia, à St. Catherine's et à Toronto, chacun étant licencié pour employer les marques de commerce déposées de l'Opposante et offrir des services au public (Zimmer, para 12).

         L'Opposante exploite un site Web à l'adresse www.goodwill.org, que pas moins de 339 000 Canadiens ont consulté au cours de la période de neuf ans précédant la date de l'affidavit de Mme Zimmer, soit le 2 juillet 2014 (Zimmer, para 3).

         Les membres de Goodwill tirent leurs revenus des produits qui sont donnés par les consommateurs, et qui sont ensuite utilisés à des fins caritatives (Zimmer, para 23).

         Entre 2009 et 2012, les membres canadiens de Goodwill ont engagé plus de 4,8 millions de dollars de dépenses en publicité pour la promotion des marques de commerce déposées de l'Opposante et 1,6 million de dollars en 2013 (Zimmer, para 23).

         Entre 2009 et 2012, les revenus collectifs de l'Opposante de la vente des produits et services ont été déclarés à plus de 245 millions de dollars et à plus de 32 millions de dollars en 2013 (Zimmer, para 23).

[37]           À la lumière de la preuve de l'Opposante, je suis convaincue que les marques de l'Opposante sont devenues connues dans une large mesure au Canada.

[38]           Bien que les Marques soient basées sur l'emploi au Canada depuis le 17 novembre 2011, la Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi ou de révélation de l'une ou l'autre des Marques.

[39]           Je conclus donc que ce facteur favorise l'Opposante dans chaque cas.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[40]           Au vu de la preuve produite par l'Opposante, et étant donné que la Requérante n'a produit aucune preuve indiquant que l'une ou l'autre de ses Marques a été employée au Canada, j'estime que ce facteur favorise l'Opposante dans chaque cas.

Nature des produits, des services, des entreprises et du commerce

[41]           Bien que les Produits et les Services énoncés dans chaque demande soient les mêmes (comme présenté en détail ci-dessus), la marque GOODWILL ACQUISITION PAYMENT PLAN de la Requérante est décrite par M. Szabo comme une option financière offerte dans une situation où il y a acquisition d'achalandage (goodwill), comme lors de l'achat ou du transfert de propriété d'une entreprise. Au lieu de prêter de l'argent, la Requérante participe à l'actualisation de l'achalandage (Szabo, pièce B). La marque GOODWILL EQUITY LINE OF CREDIT de la Requérante [Traduction] « offre aux entreprises un flux régulier et fiable de capital sur une période prolongée, garanti par la valeur de son achalandage, sans exiger modification à l'actionnariat ou aux garanties conventionnelles » (Szabo, pièce B).

[42]           Les services de l'Opposante varient d'un enregistrement à l'autre, mais comportent certains éléments communs. L'enregistrement no LMC727,559 pour la marque de commerce GOODWILL comprend les services suivants :

Services de formation professionnelle, nommément orientation et évaluation professionnelles, services de formation en cours d’emploi et de placement pour personnes handicapées et défavorisées; offre de services de réadaptation pour personnes handicapées et défavorisées; services d’emploi pour personnes handicapées et défavorisées, nommément services d’aide au reclassement externe; promouvoir les intérêts d’organismes, encourager et aider à leur mise sur pied, à leur développement et à leur croissance dans le monde entier visant l’offre de services de réadaptation, de formation, d’emploi et d’occasions pour la croissance personnelle de personnes handicapées et défavorisées au moyen de services législatifs et de lobbying, services de conseils juridiques et commerciaux, appui financier, création de normes opérationnelles et sensibilisation du public à l’importance de ces organismes par la création de campagnes promotionnelles ainsi que pour l’élaboration et le maintien de normes opérationnelles pour ces organismes; services de magasin de détail offrant une vaste gamme de produits de tiers, nommément vêtements et articles ménagers.

[43]           Les autres enregistrements de l'Opposante, nommément les numéros d'enregistrement LMC544,182, LMC629,838 et LMC629,410 comprennent des services de formation et d'emploi pour des personnes handicapées et défavorisées ainsi que des services de magasin de détail.

[44]           La Requérante soutient que la nature des entreprises des parties est complètement différente. À cet égard, la Requérante soutient que, même si les clients de la Requérante sont des entreprises indépendantes qui cherchent des solutions de rechange financières, la nature et la catégorie de clients de l'entreprise de l'Opposante sont essentiellement des gens qui donnent ou qui achètent des vêtements ou des produits semblables dans l'un des nombreux magasins de détail, ou encore des personnes ayant une incapacité ou étant défavorisées et qui cherchent une formation pour un emploi.

[45]           S'appuyant sur la décision rendue dans Prince Edward Island Mutual Insurance Co c Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342 (CF 1re inst) (ci-après « PEI Insurance »), la Requérante fait valoir que les différences entres les produits et les services des parties doivent être suffisante pour militer fortement contre toute possibilité de confusion. Dans la décision PEI Insurance, le fait qu'une partie est spécialisée en assurance automobile et que l'autre ne vend pas d'assurance automobile constituait un facteur militant fortement contre toute possibilité de confusion. Dans chacun des cas en l'espèce, la Requérante fait valoir que les produits vendus par l'Opposante dans ses magasins de détail consistent principalement en des articles de consommation peu coûteux, y compris des vêtements et des articles ménagers. Les services offerts par la Requérante consistent, par ailleurs, en des services financiers d'entreprise garantis par la propriété intellectuelle qu'est l'achalandage.

[46]           La Requérante souligne aussi la preuve de M. Szabo dans laquelle il est indiqué que les frais d'adhésion pour devenir client du Ceiba Group sont de 3 500 $ (Szabo, pièce B). S'appuyant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans General Motors Corp c Bellows (1949), ACS No 35, la Requérante soutient que l'obtention de financement sur la base des actifs intangibles d'une société, comme l'achalandage, constitue un achat important, de sorte que les clients potentiels de l'entreprise porteraient une attention suffisante de manière à réduire au minimum toute possibilité de confusion.

[47]           L'Opposante soutient que, dans chaque cas, les Produits et Services chevauchent dans une certaine mesure ceux de l'Opposante, car les services de formation offerts par l'Opposante comportent une composante financière. Par exemple, les membres de l'Opposante offrent des ateliers aux personnes qui connaissent peu le domaine financier (voir Zimmer, para 22 et pièce M]. En outre, le membre de l'Opposante de la région des Grands Lacs en Ontario offre des microprêts aux particuliers ou aux propriétaires de petites entreprises (voir Zimmer, para 22, Pièce N]. Les membres de l'Opposante détiennent aussi des sites Web où ils offrent les services directement aux particuliers ou aux propriétaires de petites entreprises (voir Zimmer, para 9 et 22).

[48]           En ce qui concerne les observations de la Requérante au sujet du consommateur averti, l'Opposante a mentionné les récents commentaires de la Cour suprême du Canada sur la question du consommateur averti dans Masterpiece, précitée. Dans cette décision, le juge Rothstein a affirmé que le fait que des produits sont dispendieux n'est pas un facteur pertinent et ne doit pas limiter la protection accordée à la marque de commerce.

[49]           À mon avis, la présente espèce se distingue de l'affaire PEI Insurance. Dans PEI Insurance, une action en contrefaçon d'une marque de commerce, il a été démontré que la nature des services et du commerce pertinents est telle que [Traduction] « les parties communiquent avec le public, qu'elles font la mise en marché, qu'elles annoncent et qu'elles vendent, qu'elles mettent en valeur leur identité et leurs objectifs commerciaux de manière à se distinguer l'une de l'autre ». En l'espèce, l'Opposante a démontré que les services de formation offerts par ses membres comprennent l'offre de prêts à des particuliers ou à des propriétaires de petites entreprises. Il n'y a aucune preuve établissant que la Requérante ferait la promotion de ses Produits et Services de manière à se distinguer de l'Opposante. En outre, comme l'a remarqué l'Opposante, les services de la Requérante ne sont limités d'aucune façon.

[50]           Je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que le fait que les Produits et les Services de la Requérante peuvent être coûteux n'est pas un facteur pertinent et ne doit pas limiter la protection accordée à la marque de commerce. Dans Masterpiece, la Cour a réitéré que le test en matière de confusion est celui de la première impression [Polo Ralph Lauren Corp c United States Polo Assn (2000), 9 CPR (4e) 51 (CAF)]. Le juge Rothstein a noté que toute mesure prise subséquemment par des consommateurs avertis pour remédier à une telle première instance de confusion n'est pas pertinente [voir les para 68 à 74 de Masterpiece, précitée]. J'en conviens.

[51]           Enfin, à mon avis, il y a chevauchement des services des parties. À titre d'exemple, le programme de microprêt de l'Opposante offre des prêts de 500 à 5 000 $ pour aider les particuliers à mettre sur pied de petites entreprises, ou pour développer des entreprises existantes (Zimmer, pièce J). L'Opposante offre aussi des programmes d'éducation financière aux particuliers et aux familles, afin de les aider à constituer leurs actifs et à améliorer leur capacité financière (Zimmer, pièce I). Les services de l'Opposante peuvent aussi être offerts directement aux particuliers ou aux propriétaires de petites entreprises par l'entremise des sites Web des membres de l'Opposante.

[52]           Compte tenu de ce qui précède, bien que je reconnaisse le fait que la nature des entreprises des parties est différente, j'estime qu'il existe un certain chevauchement des services de l'Opposante et de ceux de la Requérante. On peut également présumer que les voies de commercialisation des parties se chevauchent aussi.

Degré de ressemblance entre les marques

[53]           Le facteur le plus important ou dominant pour déterminer la question de confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce [voir Masterpiece et Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)].

[54]           Il est bien établi en droit que, lorsqu'il s'agit d'évaluer la probabilité de confusion entre deux marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble [British Drug Houses Ltd c Battle Pharmaceuticals, [1944] C. de l'Éch. 239, à la p 251, confirmée par [1945] RCS 49 et United States Polo Assn c Polo Ralph Lauren Corp (2000), 9 CPR (4e) 51 au para 18, conf. par [2000] ACF no 1472 (CA)]. Il a été statué également que la première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante au moment d'évaluer la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes(1979), 46 CPR (2d) 183, à la p 188 (CF 1re inst.)].

[55]           Plus récemment cependant, dans l'affaire Masterpiece, la Cour suprême du Canada a également fait observer qu'il est préférable, au moment de comparer des marques de commerce, de se demander d'abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique. Dans cette affaire, les marques de commerce en cause étaient MASTERPIECE THE ART OF LIVING et MASTERPIECE THE ART OF RETIREMENT LIVING contre MASTERPIECE LIVING. Le juge Rothstein a conclu que MASTERPIECE était l'aspect frappant ou unique du nom commercial et de chacune des marques de commerce, ce qui l'a mené à conclure qu'il existait une probabilité de confusion. Il n'y avait pas d'autres éléments frappants, seul MASTERPIECE, puisque les autres mots évoquaient des résidences pour personnes retraitées.

[56]           De la même façon, dans les deux cas qui nous occupent, le mot GOODWILL est l'aspect le plus frappant et unique de chacune des marques de commerce. Dans chaque cas, la Requérante s'est appropriée la marque de l'Opposante dans sa totalité comme premier élément dominant de chaque marque et y a ajouté une chaîne de mots non distinctifs. Par conséquent, j'estime qu'il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques dans la présentation et le son.

[57]           En ce qui concerne les idées suggérées, la Requérante fait valoir que les autres mots, ACQUISITION PAYMENT PLAN et EQUITY LINE OF CREDIT, établissent et limitent la signification de « goodwill » (achalandage) dans les Marques de la Requérante à son sens financier. Par ailleurs, l'emploi de la marque verbale GOODWILL par l'Opposante est suggestif de son organisme à but non lucratif dont la mission est d'aider les gens ayant des incapacités ou étant dans une situation défavorable à obtenir des emplois et à suivre des formations pour un emploi. Je conviens avec la Requérante que les marques de commerce se distinguent dans les idées qu'elles suggèrent.

Autres circonstances de l'espèce

Autres enregistrements de « Goodwill »

[58]           Comme autres circonstances de l'espèce, et ce, pour chaque cas, la Requérante a fait valoir dans son plaidoyer écrit et à l'audience qu'un examen de la base de données de l'OPIC a révélé que plusieurs marques de commerce GOODWILL ont existé en même temps que les marques de commerce GOODWILL de l'Opposante. Bien que plusieurs de ces marques de commerce ne soient plus actives, la Requérante soutient qu'il est important de noter qu'elles n'ont pas fait l'objet d'opposition à quelque moment que ce soit et qu'il ne semble pas y avoir eu de confusion avec les marques de l'Opposante.

[59]           La preuve de l’état du registre invoquée par la Requérante dans son plaidoyer écrit n'a pas été produite en preuve. Je note que la preuve de l’état du registre ne peut pas être prise en considération puisqu'elle a été présentée dans le cadre du plaidoyer écrit et sans production de copies certifiées des enregistrements, ou du moins d'un affidavit présentant les particularités des enregistrements pertinents [Unitron Industries Ltd c Miller Electronics Ltd (1983), 78 CPR (2d) 244 à la p 253 (COMC)]. En outre, il est bien établi en droit que, lorsqu’il statue en matière d’opposition, le registraire ne jouit pas du pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance du registre, sauf pour vérifier l’existence des enregistrements de marques de commerce ou demandes d’enregistrement invoqués [Quaker Oats Co of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC) aux p 411 et 412 et Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliance Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC)]. Les parties à une instance en opposition doivent prouver conformément à des règles de preuve relativement strictes tous aspects de leur thèse [Loblaw’s Inc c Telecombo Inc 2004 CarswellNat 5135 au para 13 (COMC)].

[60]           Quoi qu'il en soit, la preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en dégager des conclusions sur l'état du marché, et l'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché que si l'on relève un nombre significatif d'enregistrements pertinents [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Je note que la Requérante n'a fait référence qu'à quatre enregistrements (sans énoncer les produits ou services visés par ces enregistrements), dont trois ne sont plus en vigueur. Cette preuve n'aurait pas été suffisante pour tirer quelque conclusion que ce soit sur l'état du marché.

L'emploi de GOODWILL et GOODWILL & Dessin par l'Opposante sur le marché

[61]           S'appuyant sur la décision rendue dans Knirps International GMBH c SRO Apparels (Canada) Inc (1990), 28 CPR (3d) 434 (CF 1re inst) (Knirps), la Requérante soutient que dans chaque cas, la marque verbale GOODWILL de l'Opposante est toujours employée avec son dessin-marque plutôt que comme marque indépendante. Par conséquent, la Requérante soutient que cela ajoute une distinction supplémentaire entre les Marques et les marques de commerce de l'Opposante.

[62]           À mon avis, la présente espèce se distingue de l'affaire Knirps, précitée. Dans cette décision, la preuve démontre que la marque de commerce Circle Dessin de l'Opposante a toujours été employée en liaison avec le mot KNIRPS, diminuant ainsi la mesure dans laquelle la marque de commerce Circle Dessin seule serait perçue par le consommateur moyen comme distinguant les produits de l'Opposante sur le marché. En l'espèce, le mot GOODWILL est l'élément dominant de toutes les marques de commerce de l'Opposante. Par conséquent, le fait que la marque de commerce déposée GOODWILL de l'Opposante puisse avoir toujours été employée en liaison avec le dessin GOODWILL n'aurait pas diminué la mesure dans laquelle la marque de commerce GOODWILL seule serait perçue par le consommateur moyen comme distinguant les services de l'Opposante sur le marché. Par conséquent, je ne suis pas d'accord avec la Requérante pour dire que ce facteur ajoute une distinction entre les Marques et les marques de commerce de l'Opposante.

Absence de preuve de confusion réelle

[63]           Une autre circonstance de l'espèce concerne le fait que la Requérante a soutenu dans chaque cas qu'une inférence négative pouvait être tirée du fait que l'Opposante n'était pas en mesure de démontrer l'existence d'incidents de confusion réelle entre les marques. J'attire l'attention de la Requérante sur l'extrait suivant d'une décision de la Cour fédérale dans Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 2002 CAF 29 (CanLii) 2002 CAF 29 (CanLII), 20 CPR (4e) 155 à la p 164, au para 19 (CAF) :

[Traduction]
En ce qui concerne l'insuffisance des éléments de preuve présentés par l'opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s'est dit d'avis qu'un opposant n'a pas à produire ce genre de preuve. C'est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l'absence de risque de confusion, l'opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu'il n'a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s'il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion » , l'absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l'importance lorsqu'ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l'utilisation simultanée des deux marques est significative et que l'opposant n'a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l'existence d'une confusion [voir Pink Panther, précitée au para 10, au para 36; Petit Bateau Valton SA c Boutiques Le Bateau Blanc Inc (1994), 55 CPR (3d) 372 (CF 1re inst); Bally Schuhfabriken AG/Bally's Shoe Factories Ltd c Big Blue Jeans Ltd/Ltée (1992), 41 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Monsport Inc c Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 CPR (3d) 356 (CF 1re inst)].

[64]           En l'espèce, il n'y a aucune preuve quant à la mesure dans laquelle les Marques de la Requérante sont connues au Canada. À mon avis, ce fait à lui seul explique de façon suffisante la raison pour laquelle il n'y a pas de preuve de cas de confusion réelle. Je n'ai donc tiré aucune conclusion négative dans l'un ou l'autre des cas de l'Opposante, étant donné l'absence de preuve de confusion réelle au Canada.

Conclusions relatives au motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a)

[65]           Le fardeau ultime revient à la Requérante, qui doit établir dans chaque cas qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce et l'une ou l'autre des marques de l'Opposante. Cela signifie que la Requérante doit prouver que l’absence de confusion est plus probable que son existence. Après avoir examiné l'ensemble des circonstances de l'espèce, je ne suis pas en mesure de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, qu'un consommateur ayant un souvenir général et imprécis des marques de l'Opposante, à la vue de l'une ou l'autre des Marques de la Requérante, serait porté à croire que les produits proviennent d'une même source, ou que les Produits et Services de la Requérante sont d'une quelconque façon associés aux services de l'Opposante. Étant donné l'absence de preuve de tout emploi de l'une ou l'autre des Marques de la Requérante, en regard de la notoriété des marques GOODWILL et GOODWILL & Dessin et du lien entre les produits et les services des parties, et nonobstant le fait que les idées suggérées par les marques des parties puissent être différentes, la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau dans aucun des deux cas.

[66]           Le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 16(1)a) est donc accueilli dans chaque cas.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[67]           L'Opposante a allégué dans chaque cas que la Marque n'est pas distinctive du fait qu'elle ne distingue pas ni n'est pas adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante des services de l'Opposante. La date pertinente pour l'examen du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)].

[68]           En ce qui concerne ce motif d'opposition, il revient à priori à l'Opposante de prouver qu'au moins une de ses marques de commerce GOODWILL est devenue suffisamment connue au 15 octobre 2013 pour la demande GOODWILL ACQUISITION PAYMENT PLAN et au 18 décembre 2013 pour la demande GOODWILL EQUITY LINE OF CREDIT pour annuler le caractère distinctif de la Marque dans chaque cas [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 à la p 58 (CF 1re inst) et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4e) 427 (CF 1re inst)]. Une fois ce fardeau acquitté, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, dans chaque cas, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[69]           L'affidavit de Mme Zimmer permet à l'Opposante de s'acquitter du fardeau de preuve initial dans chaque cas. Dans les circonstances des cas qui nous occupent, la date à laquelle la question de la confusion est tranchée n'est pas déterminante. Par conséquent, pour des raisons semblables à celles énoncées dans ma décision sur le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 16(1)a), j'estime que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime, et ce, dans aucun des deux cas.

[70]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif est également accueilli dans chaque cas.

Autres motifs d'opposition

[71]           Comme j'ai déjà accueilli deux motifs d'opposition dans chaque cas, je n'analyserai pas les autres motifs d'opposition.

Décision

[72]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

Date de l’audience : 2015-11-09

 

Comparutions

 

John S. McKeown                                                                   Pour l'Opposante

 

D. Scott Moore                                                                        Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Goldman, Sloan, Nash & Harper, LLP                                   Pour l'Opposante

 

Szabo & Company                                                                   Pour la Requérante


 

ANNEXE A

 

Marque de commerce

Numéro d'enregistrement

Produits/Services

 

GOODWILL DESIGN

 

LMC544,182

(1) Fourniture de services de formation et de placement pour personnes handicapées et défavorisées; fourniture de services de rétablissement pour personnes handicapées et défavorisées ainsi qu’encouragement et aide pour la mise sur pied, le développement et la croissance d’organismes dans le monde entier dédiés à la fourniture de services de rétablissement, de formation, d’emplois et de possibilités en vue de la croissance personnelle de personnes handicapées, invalides et défavorisées et l’élaboration et maintien de normes d’exploitation pour de tels organismes.

GOODWILL

 

 

 

LMC727,559

(1) Services de formation professionnelle, nommément orientation et évaluation professionnelles, services de formation en cours d’emploi et de placement pour personnes handicapées et défavorisées; offre de services de réadaptation pour personnes handicapées et défavorisées; services d’emploi pour personnes handicapées et défavorisées, nommément services d’aide au reclassement externe; promouvoir les intérêts d’organismes, encourager et aider à leur mise sur pied, à leur développement et à leur croissance dans le monde entier visant l’offre de services de réadaptation, de formation, d’emploi et d’occasions pour la croissance personnelle de personnes handicapées et défavorisées au moyen de services législatifs et de lobbying, services de conseils juridiques et commerciaux, appui financier, création de normes opérationnelles et sensibilisation du public à l’importance de ces organismes par la création de campagnes promotionnelles ainsi que pour l’élaboration et le maintien de normes opérationnelles pour ces organismes; services de magasin de détail offrant une vaste gamme de produits de tiers, nommément vêtements et articles ménagers.

 

GOODWILL & DESIGN

LMC629,838

(1) Services de magasins de détail pour la vente d'une variété de produits de tiers, nommément des vêtements, des meubles et des articles ménagers, ainsi que pour la récupération et la revente de vêtements, de meubles, d'articles ménagers et d'appareils électroménagers de seconde main.

(2) Services de bienfaisance, nommément la formation et la réadaptation de personnes handicapées, y compris une formation dans la remise à neuf de meubles et d'appareils électroménagers.

GOODWILL INDUSTRIES

LMC629,410

(1) Services de magasins de détail pour la vente d'une variété de produits de tiers, nommément des vêtements, des meubles et des articles ménagers, ainsi que pour la récupération et la revente de vêtements, de meubles, d'articles ménagers et d'appareils électroménagers de seconde main.

(2) Services de bienfaisance, nommément la formation et la réadaptation de personnes handicapées, y compris une formation dans la remise à neuf de meubles et d'appareils électroménagers.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.