Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Diamond Foods, Inc. à la demande n° 1225975 produite par Barker & Bishop, Inc.                                                  en vue de l’enregistrement de la marque de commerce EMERALD                                                

 

Le 30 juillet 2004, Barker & Bishop, Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque EMERALD (la « Marque »), sur la base d’un emploi projeté au Canada.  L’état déclaratif des marchandises et des services est services est ainsi formulé :

 

Confiseries, nommément bonbons, chocolats, menthes, bonbons enrobés de chocolat et noix enrobées de chocolat; tous types de noix comestibles; gomme à claquer; gomme à mâcher; goûters, nommément croustilles, noix, noix salées, noix crues, mélanges de fruits et de noix, grignotises soufflées à base de maïs extrudé et de farine; produits de viande surgelés; légumes surgelés.

 

Fabrication, emballage, distribution et vente de confiseries, de noix comestibles, de goûters et d’aliments surgelés.

 

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 16 novembre 2005 aux fins d’opposition. Le 8 février 2006, Diamond Foods, Inc. (l’«Opposante ») a produit une déclaration d’opposition à la demande. Les motifs d’opposition sont les suivants : la demande de la Requérante ne satisfait pas aux exigences de l’al. 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (« la Loi »), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’al. 16(3)a) de la Loi et la Marque n’est pas distinctive. Chacun de ces motifs est fondé sur la confusion créée par l’emploi antérieur de la marque EMERALD de l’Opposante en liaison avec des noix écalées et non écalées et de la marque EMERALD OF CALIFORNIA & Dessin en liaison avec des noix transformées et non transformées au Canada depuis une date antérieure à la date de production de la présente demande.

 

La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

 

La preuve de l’Opposante comprend les affidavits de Ron Fenwick, Raymonde Lalonde, Jim Huntsperger et Gary Ford. La Requérante a choisi de ne pas produire d’éléments de preuve. Aucun auteur d’affidavit n’a été contre-interrogé.       

Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’Opposante était représentée.

 

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition (Voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)).

 

Les dates pertinentes applicables à l’examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

         art. 30 – la date de production de la demande (voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475);

         par. 16(3) – la date de production de la demande (voir par. 16(3));

         l’absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition (voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.1re inst.)).

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

Lorsqu’un requérant fournit la déclaration prévue à l’al. 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition n’est retenu que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est démontrée (Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155). Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.

 

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

L’Opposante soutient que la marque de commerce de la Requérante n’est pas distinctive parce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises et les services faisant l’objet de la demande des marchandises en liaison avec lesquelles la marque EMERALD de l’Opposante est employée. Même s’il incombe à la Requérante de démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ses marchandises et ses services des marchandises d’autres propriétaires au Canada (voir Muffin Houses Inc. c. Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)), il incombe à l’Opposante de prouver les allégations de fait à l’appui du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif.  

 

Pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de la production de l’opposition, sa marque EMERALD était devenue suffisamment connue pour priver la Marque de caractère distinctif (Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F.1re inst.); Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.); et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.)).  Une marque doit être connue au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit bien connue au Canada. (Bojangles' International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.1re inst.); Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.1re inst.), p. 58; Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), p. 130; et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), p. 424). 

 

Comme je l’ai fait remarquer ci-dessus, l’Opposante a produit à titre de preuve les affidavits de Gary K. Ford, vice-président exécutif et directeur de l’exploitation pour l’Opposante, Ray Lalonde, vice-président des ventes pour Powell May International, importateur et exportateur d’aliments et d’ingrédients situé à Mississauga (Ontario), Ron Fenwick, vice-président des ventes nationales et directeur des ventes pour Compass Food Sales Co. Ltd., une entreprise qui offre une gamme complète d’ingrédients alimentaires et de goûters à divers détaillants en alimentation, et Jim Hunstperger, propriétaire de Northwest Ingredients Inc., un courtier en ingrédients alimentaires représentant les acteurs principaux du marché de produits de base et des ingrédients pour le Nord-Ouest des États-Unis et l’Ouest du Canada, y compris l’Opposante. Les éléments de preuve suivants satisfont au fardeau initial qui incombe à l’Opposante à l’égard de ce motif :

 

     À la date de l’affidavit de M. Ford (le 12 décembre 2006), les noix (présentées sous diverses formes : noix à usage culinaire, noix écalées, sachets de noix) de l’Opposante étaient vendues dans plus de 60 000 commerces aux États-Unis et au Canada et dans plus de 100 pays à travers le monde, et le chiffre d’affaires a dépassé 447 millions de dollars américains pour l’exercice financier se terminant le 31 juillet 2006;

     L’Opposante a vendu des noix EMERALD au Canada de façon régulière entre 1958 et 2001;

     Les goûters de noix EMERALD ont été vendus au Canada d’avril 2004 à la date de l’affidavit de M. Ford (c.-à-d. le 12 décembre 2006);

     Les ventes de noix EMERALD de l’Opposante au Canada se sont élevées à 254 000 $ en 2001, à 32 849,85 $ en 2004, à 44 350 $ en 2005 et à 110 200 $ en  2006;

     Bien que l’Opposante ait utilisé sa marque EMERALD avec différents logos et dessins depuis dix ans, l’emploi du mot EMARALD est demeuré constant;

     Des échantillons d’étiquettes EMERALD utilisées par l’Opposante en liaison avec les noix écalées et non écalées au Canada et ailleurs entre 1947 et 2002, ainsi que des échantillons de l’emballage des noix EMERALD utilisé au Canada en 2004, 2005 et 2006 sont joints en tant que pièces à l’affidavit de M. Ford;

     Des copies de confirmations de commande de noix EMERALD au Canada et des copies de factures pour les années 2001 à 2004 sont produites comme pièce P1 à l’affidavit de M. Ford;

     Une stratégie de commercialisation visant les produits EMERALD de noix givrées et de qualité supérieure de l’Opposante au Canada a été élaborée en 2004 et elle comprenait des démonstrations en magasin, de larges présentoirs autoportants, une promotion sur le site Web pour les produits EMERALD, la présentation des goûters de noix EMERALD dans divers salons professionnels et la présentation de la marque EMERALD dans le numéro de 2005 du magazine Canadian Grocer, le seul magazine national pour les épiciers au Canada. 

 

Le  test en matière de confusion

Pour décider si une marque de commerce est distinctive, il faut déterminer si elle est susceptible de créer de la confusion avec une autre marque. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles expressément énumérées au par. 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids.

 

Dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la procédure à suivre pour évaluer toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce  créent de la confusion. C’est avec ces principes généraux à l’esprit que j’apprécierai maintenant toutes les circonstances de l’espèce.

 

al. 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Bien qu’aucune des deux marques ne soit un terme inventé, elles possèdent toutes les deux un caractère distinctif inhérent à l’égard de leurs marchandises. Quoi qu’il en soit, comme les marques des deux parties sont identiques, ce facteur ne favorise aucune partie.

 

Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. 

 

Compte tenu des éléments de preuve présentés, je peux conclure que la marque EMERALD de l’Opposante est devenue connue au Canada. Comme la Requérante n’a produit aucun élément de preuve, je dois présumer que sa Marque n’est pas devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada.  

 

al. 6(5)b) –la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

La période pendant laquelle chacune des marques a été en usage favorise l’Opposante.

 

al. 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

« Tous les types de noix » et les « goûters, y compris les noix, noix salées, noix crues et mélanges de noix » de la Requérante sont plus ou moins identiques aux noix écalées et non écalées et aux noix transformées et non transformées de l’Opposante. La majeure partie des autres marchandises faisant l’objet de la demande sont similaires aux marchandises de l’Opposante puisqu’elles pourraient toutes être regroupées dans la catégorie des « goûters ».  Les services de fabrication, d’emballage, de distribution et de vente de confiseries, de noix comestibles, de goûters et d’aliments surgelés offerts par la Requérante chevaucheraient aussi les marchandises de l’Opposante.

 

S’agissant de l’examen des marchandises et des services des parties qui sont identiques ou similaires, je dois conclure qu’il pourrait également y avoir un chevauchement des commerces des parties. Bien que je ne sois pas convaincue que les commerces des parties soient similaires en ce qui concerne les viandes et légumes surgelés de la Requérante, il incombe à la Requérante de les distinguer et elle ne l’a pas fait. Par conséquent, en l’absence d’une preuve de la Requérante, et pour évaluer la possibilité de confusion, je suppose qu’il existe un chevauchement des voies de commercialisation des parties par l’entremise des supermarchés, même si je ne crois pas que les viandes et les légumes surgelés de la Requérante et les noix de l’Opposante soient vendus côte à côte.    

 

al. 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

Bien que l’Opposante ait reconnu que sa marque EMERALD a été employée en liaison avec différents logos et dessins au fil des ans, je suis d’accord avec l’Opposante que l’emploi de la marque EMERALD, en soi, a été constant. Les marques des parties sont donc identiques dans la présentation, le son et dans les idées qu’elles suggèrent. 

 

conclusion quant à la probabilité de confusion

Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la marque EMERALD de la Requérante n’est pas adaptée à distinguer ses marchandises et ses services des marchandises liées à la marque EMERALD de l’Opposante. À cet égard, les marques des parties sont identiques et la plupart de leurs marchandises et services sont aussi similaires, sinon identiques. La Requérante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est adaptée à distinguer ses marchandises puisqu’elle est susceptible de créer de la confusion avec la marque de l’Opposante. Tel qu’énoncé dans  Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery, supra, p. 130 :

L’intimée cherche à monopoliser l’emploi de la marque et il s’agit de savoir si elle en a le droit. Que quelqu’un d’autre en ait le droit n’a rien à voir. Seul importe le fait que la marque soit adaptée ou non à distinguer les marchandises de l’intimée sur le  marché. De toute évidence, elle ne serait pas ainsi adaptée s’il y avait six ou sept marchands de vin qui l’employaient déjà sur leurs étiquettes et, pour la même raison, elle ne le serait pas si on la savait déjà employée par un autre commerçant du même type de marchandises. (Caractères gras ajoutés.)

 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est donc accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

L’Opposante a soutenu en outre que la Requérante n’avait pas droit à l’enregistrement de la marque aux termes de l’al. 16(3)a) parce que la Marque crée de la confusion de par sa similarité avec les marques EMERALD et EMERALD OF CALIFORNIA & Dessin de l’Opposante, lesquelles avaient été employées antérieurement au Canada et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande de la Requérante. Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve relativement à ce motif d’opposition.

 

La plupart de mes conclusions quant la question de la confusion s’appliquent également à ce motif d’opposition.  Le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est accueilli, car la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa marque EMERALD et les marques de l’Opposante. 

 

Décision

 

Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu du par. 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT à Gatineau (Québec), le 27 mai 2009. 

 

C.R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

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