Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

de Dollar General Merchandising, Inc. à la

demande no 1198883 produite par R. Steinberg

en vue de lenregistrement de la marque de

commerce DOLLAR GENERAL                        

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Le 3 décembre 2003, R. Steinberg a produit une demande d’enregistrement fondée sur l’emploi projeté au Canada de la marque de commerce DOLLAR GENERAL, pour des « services de magasin de détail dans le domaine des marchandises diverses ». La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce en date du 21 juillet 2004. Le 17 décembre 2004, Dollar General Intellectual Property, L.P. (DGIP) a produit une déclaration d’opposition fondée en partie sur l’emploi de la marque DOLLAR GENERAL au Canada. Le registraire des marques de commerce a fait parvenir à la requérante une copie de la déclaration d’opposition le 13 janvier 2005, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. La requérante a par la suite produit et fait signifier une contre­­­­­-déclaration. Ultérieurement, l’opposante s’est vu accorder la permission de produire une déclaration d’opposition modifiée afin de désigner Dollar General Merchandising, Inc. comme le successeur en titre de la marque DOLLAR GENERAL de DGIP.  

 


La preuve de l’opposante se compose de plusieurs affidavits souscrits par les personnes suivantes : Roch Riley (deux affidavits), stagiaire; Margaret Fitzpatrick, agente des marques de commerce; Lillian Joan Sigurdson, bibliothécaire; Tonia Morgan, technicienne juridique; Robert R. Stephenson, avocat en droit des affaires de DGIP; Cathleen O’Banion, directrice principale de la publicité; Johanne Baril, adjointe juridique; Rose Barrand, Art Everhart, James F. May, Ella Catchpole et Ronald Sharlow, gérants de magasins exploités sous la marque DOLLAR GENERAL, dans l’État de New York, aux États­‑Unis. La preuve de la requérante consiste en l’affidavit de Marc Percher, président d’une société faisant affaires dans la vente en gros de marchandises diverses. L’opposante s’est par la suite vu accorder la permission de produire une preuve additionnelle, à savoir un second affidavit de Robert R. Stephenson, pour établir la chaîne de titres pour la marque DOLLAR GENERAL de la première opposante à l’opposante actuelle. Seule l’opposante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties ont été habilement représentées par des avocats lors de la tenue de l’audience.

 

Déclaration dopposition

Les motifs d’opposition se résument comme suit.

 

Comme premier motif d’opposition, il est allégué que la demande en cause ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce parce que, à la date de production de la demande, la requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque visée par la demande pour les services qui y étaient décrits.

 


Comme deuxième motif d’opposition, il est allégué que la demande en cause ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que la requérante savait qu’elle n’avait pas le droit d’employer la marque visée par la demande. La marque faisant l’objet de la demande est identique à la marque DOLLAR GENERAL qui avait déjà été employée par l’opposante et son prédécesseur en titre dans exactement le même domaine de services de magasin de détail. En outre, l’opposante est la propriétaire désignée dans une demande d’enregistrement en instance pour la marque de commerce DOLLAR GENERAL créant de la confusion, en liaison des services de magasin de détail dans le domaine des marchandises diverses. 

 

Comme troisième motif d’opposition, il est allégué que la marque visée par la demande n’est pas enregistrable, en vertu du paragraphe 16(1) [sic] et de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, en raison de l’emploi antérieur par l’opposante de la marque DOLLAR GENERAL et de la demande d’enregistrement déjà produite pour la marque DOLLAR GENERAL.

 

Comme quatrième motif d’opposition, il est allégué que la requérante n’a pas le droit de faire enregistrer la marque visée par la demande, en vertu du paragraphe 16(1) [sic] et de l’alinéa 16(3)a) de la Loi en raison de l’emploi antérieur par l’opposante et de la demande d’enregistrement déjà produite pour la marque DOLLAR GENERAL.

 

Comme cinquième motif d’opposition, il est allégué que la marque de commerce DOLLAR GENERAL visée par la demande ne distingue pas véritablement les services de la requérante de ceux de l’opposante en raison de l’emploi antérieur et continu de la marque DOLLAR GENERAL de l’opposante.

 


Preuve de lopposante

Robert Stephenson

Le témoignage de M. Stephenson se résume comme suit. L’opposante est un important détaillant à marge réduite de marchandises diverses qui répond principalement aux besoins des familles ayant un revenu faible, moyen ou fixe. L’opposante offre un assortiment de marchandises de consommation de base dont des produits de santé et de beauté, des aliments emballés, des produits de nettoyage pour la maison, des articles ménagers et des vêtements. Le premier magasin DOLLAR GENERAL a ouvert ses portes au Kentucky, aux États‑Unis en 1955. En avril 2005, l’opposante et ses filiales exploitaient environ 7 500 magasins dans 30 États américains. À la fin de janvier 2005, l’opposante exploitait 7 320 magasins et ses ventes se chiffraient à environ 7,6 milliards de dollars par année. L’opposante possède divers enregistrements de marque de commerce aux États‑Unis qui comprennent, en tout ou en partie, l’expression DOLLAR GENERAL, à l’égard de services de magasin de détail et de services connexes et elle a produit une demande d’enregistrement (no 1241198) semblable au Canada le 17 décembre 2004, laquelle est fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis au moins avril 2001. Plusieurs des magasins de l’opposante sont situés près de la frontière canado‑américaine, soit dans les villes de Niagara Falls, Lewiston, Ogdensburg et Massena dans l’État de New York. Les consommateurs canadiens achètent couramment des produits dans les magasins frontaliers. L’opposante fait également connaître sa marque DOLLAR GENERAL aux Canadiens par des envois postaux et par sa présence sur Internet. Son site Web traite généralement environ 185 demandes par mois en provenance du Canada.

 


En mars 2005, M. Stephenson a reçu un appel de Marc Percher qui représente Les Industries Encore. Au dire de M. Stephenson, M. Percher l’a avisé que la demande en cause avait été produite par R. Steinberg pour le compte de Encore et que la demande serait retirée en contrepartie d’une indemnité de 20 millions de dollars. M. Percher a justifié ce montant en disant que les investisseurs de son projet se désisteraient si Encore n’obtenait pas la marque de commerce DOLLAR GENERAL. Dans des conversations qui ont suivi, M. Percher a fait savoir que la demande en cause pourrait être retirée si l’opposante faisait des Industries Encore son fournisseur exclusif de produits de bonneterie pour les magasins DOLLAR GENERAL (vraisemblablement des magasins qui seraient exploités par l’opposante au Canada).

 

Le deuxième affidavit de M. Stephenson, produit comme preuve additionnelle, établit la chaîne de titres pour la marque DOLLAR GENERAL à partir de DGMI jusqu’à l’opposante actuelle au dossier, à savoir Dollar General Merchandising, Inc.

 

Autres témoignages

Les autres affidavits produits en preuve pour le compte de l’opposante servent généralement à corroborer ou à préciser la preuve de M. Stephenson. Les affidavits de Rose Barrand, Art Everhart, James F. May, Ella Catchpole et Ronald Sharlow, en particulier, servent à corroborer le témoignage de M. Stephenson selon lequel les Canadiens font des achats dans les magasins frontaliers de l’opposante situés dans l’État de New York.

 


Preuve de la requérante

Marc Percher

Le témoignage par affidavit de M. Percher se résume comme suit. M. Percher est le président d’une entreprise exploitée au Québec sous le nom commercial « Les Industries Encore ». L’entreprise est établie dans la vente en gros de marchandises diverses, notamment des sous‑vêtements, des articles de bonneteries, des montres et des bijoux. À l’automne 2003, M. Percher a décidé d’étendre les activités de son entreprise en ajoutant l’exploitation de magasins de détail dans le domaine des marchandises diverses. La marque DOLLAR GENERAL a été choisie en raison de sa nature bilingue et parce qu’elle indiquait au public le type d’entreprise que Les Industries Encore exploiterait. À l’époque, M. Percher connaissait l’existence des magasins de détail exploités sous la marque DOLLAR GENERAL aux États‑Unis, mais il ne savait que ces magasins de détail étaient présents au Canada. M. Percher s’est adressé à des tierces parties pour voir si elles étaient intéressées à investir dans le nouveau projet d’affaires de sa société. Comme M. Percher ne voulait pas faire connaître publiquement ce nouveau projet d’affaires avant d’avoir mis en place le financement, il a demandé à son épouse Ruth Steinberg (la requérante inscrite au dossier) de produire la demande d’enregistrement en cause pour Les Industries Encore.

 


M. Percher a été bien avisé par ses avocats que la demande d’enregistrement pour la marque DOLLAR GENERAL faisait l’objet d’une opposition par DGIP. Il a de plus été avisé qu’il était allégué dans la déclaration d’opposition que DGIP avait employé sa marque DOLLAR GENERAL au Canada avant la date de production de la demande d’enregistrement par son épouse. M. Percher a joint l’opposante et il a été mis en communication avec M. Robert Stephenson. M. Percher lui a demandé si l’opposante exploitait au Canada des magasins de détail sous la marque DOLLAR GENERAL. M. Stephenson a répondu par la négative, mais il a expliqué que DGIP souhaitait étendre sa chaîne de magasins de détail au Canada et était donc [traduction] « disposée à régler la procédure d’opposition par une indemnité pour les frais engagés jusqu’à ce jour ». M. Percher a demandé à M. Stephenson de quel ordre était l’indemnité à laquelle il songeait. M. Stephenson a répondu en lui demandant ce qu’il envisageait comme indemnité. Comme M. Percher n’avait pas établi de montant à l’avance, il a répondu pour plaisanter « quelques milliards de dollars ». Avant que la conversation ne prenne fin, M. Stephenson a dit à M. Percher qu’il recommuniquerait avec lui. Une discussion subséquente n’a abouti à aucun règlement.

 

Premier motif dopposition - alinéa 30e)

Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce qui prévoit ce qui suit :

 

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

[. . .]

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui‑même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui‑même et par l’entremise d’un licencié.

 


La date pertinente pour apprécier si la demande satisfait aux exigences de l’alinéa 30e) est la date de production de la demande : voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475. Comme toujours, c’est à la requérante qu’incombe le fardeau d’établir que sa demande n’enfreint pas les dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce que l’opposante a allégué dans sa déclaration d’opposition. Toutefois, suivant les règles de preuve usuelles, il incombe aussi à l’opposante de prouver les faits inhérents aux allégations avancées dans la déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298. L’existence d’un fardeau à l’endroit de l’opposante relativement à une question particulière signifie que, pour que la question soit considérée un tant soit peu, l’opposante doit présenter une preuve suffisante des faits au soutien de ses allégations.

 

L’alinéa 30e), reproduit précédemment, exige que le requérant déclare qu’il a l’intention d’employer au Canada la marque faisant l’objet de la demande, mais il ne s’agit pas simplement d’une exigence de forme. Ainsi, le requérant désigné doit avoir l’intention véritable d’employer la marque visée par la demande. À partir du paragraphe 29 de son plaidoyer écrit, l’opposante soutient que la requérante en l’espèce, à savoir R. Steinberg, n’avait pas à vrai dire cette intention :

 

[traduction] En l’espèce, il est évident que Ruth Steinberg [la requérante désignée] n’avait pas l’intention d’employer la marque de commerce [DOLLAR GENERAL]. La demande d’enregistrement de la marque de commerce a été présentée pour le compte de la société Les Industries Encore. Toutefois, aucune disposition de la Loi sur les marques de commerce ni aucune pratique canadienne en matière de marques de commerce ne permet à un particulier de produire une demande d’enregistrement de marque de commerce pour le compte d’une société […]

 


Par ailleurs, rien n’indique dans la preuve que la requérante a produit une demande d’enregistrement avec l’intention d’accorder aux Industries Encore une licence d’emploi de la marque de commerce DOLLAR GENERAL.

 

[…] la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir qu’elle avait l’intention d’employer la marque de commerce DOLLAR GENERAL au Canada.

 

 

L’opposante s’appuie notamment sur la décision Cellular One Group, a Partnership c. Brown (1996), 69 C.P.R.(3d) 236, aux pages 240 et 241, dans laquelle la Commission a fait l’analyse suivante de l’alinéa 30e) :

[traduction] La demande de la requérante est conforme à l’alinéa 30e) de la Loi puisqu’elle comporte la déclaration qui y est exigée. La question est donc de savoir si la requérante s’est conformée quant au fond à cet alinéa, c’est‑à‑dire si sa déclaration portant qu’elle avait l’intention d’employer la marque de commerce dont elle demandait l’enregistrement est véridique.

                                                   [ . . . ]

 


La preuve semble indiquer que Lloyd Brown et Peter Lashchuk ont constitué en société Cellular One Inc. le 3 avril 1987 et que la société a exploité une entreprise de téléphonie cellulaire en liaison avec la marque de commerce CELLULAR ONE à partir de cette date. Le fait que la requérante actuellement inscrite au dossier, Bell Mobility Cellular Inc., ait produit une autre demande d’enregistrement pour la marque de commerce CELLULAR ONE, fondée sur l’emploi par elle‑même et par Cellular One Inc. depuis le 3 avril 1987, est compatible avec ce qui précède. En fait, la requérante reconnaît, à la page 13 de son plaidoyer écrit, que Cellular One Inc. avait employé la marque visée par la demande depuis le 3 avril 1987. Il semblerait donc que la déclaration de Lloyd Brown, faite au moment de produire la présente demande, relativement à son intention d’employer la marque était fausse. Il semblerait que M. Brown voulait plutôt que ce soit sa société, Cellular One Inc., qui emploie la marque CELLULAR ONE et que cet emploi avait en réalité déjà commencé.Compte tenu de ce qui précède, il incombait à la requérante de prouver que Lloyd Brown avait en fait l’intention d’employer la marque visée lorsqu’il a produit la présente demande. La requérante n’a pas réussi à établir cette intention. Elle est d’avis que Lloyd Brown a probablement produit la présente demande d’enregistrement en son nom par erreur. La requérante soutient de plus que, puisqu’il n’y avait aucune intention frauduleuse de la part de M. Brown, sa demande ne devrait pas être repoussée étant donné qu’il n’en a retiré aucun avantage. Je ne souscris pas à cette opinion. Même si je doute que M. Brown ait eu une intention frauduleuse lorsqu’il a produit la présente demande, il a bel et bien ainsi obtenu une priorité sur les autres commerçants et sa demande en instance peut avoir empêché d’autres commerçants de présenter des demandes d’enregistrement pour des marques identiques ou similaires. Quoi quil en soit, la non-conformité aux exigences de lalinéa 30e) nest pas une pure question de forme et la fausse déclaration de M. Brown frappe la présente demande de nullité absolue dès le départ : voir les décisions Atlantic Queen Sea Foods Ltd. c. Frisco‑Findus S.A. (1992), 44 C.P.R. (3d) 261, à la page 267, et Mirabel Fisheries Ltd. c. HydroSerre Inc. (1994), 55 C.P.R. (3d) 567.

[Je souligne.]

 

De même, en l’espèce, la preuve au dossier permet à l’opposante de s’acquitter de son fardeau relativement à l’allégation suivant laquelle la requérante R. Steinberg n’avait pas l’intention d’employer la marque visée par la demande d’enregistrement. Je ne prête aucune intention frauduleuse à la requérante, mais il ressort clairement de la preuve que la requérante a agi simplement comme prête‑nom pour les besoins commerciaux des Industries Encore. Par conséquent, je conclus que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e) et je la repousse pour cette raison.

 

Autres questions


Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée précédemment, il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs d’opposition. J’ajouterais toutefois que je suis d’accord avec l’observation faite par l’avocat de la requérante à l’audience, suivant laquelle l’opposante n’a pas établi l’emploi de sa marque de commerce au Canada, emploi qu’elle avait allégué dans sa déclaration d’opposition. J’ajouterais également que je suis d’accord avec l’observation faite par l’avocat de l’opposante à l’audience, selon laquelle, compte tenu de la preuve produite par l’opposante, je peux tenir compte du fait que la marque de l’opposante est devenue connue au Canada au moins dans la mesure nécessaire pour soutenir les motifs d’opposition alléguant l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif : à cet égard, voir Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB, 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), à la page 296, paragraphe 22.         

 

Décision

Compte tenu de ce qui précède, la demande en cause est repoussée.  

 

Cette décision a été rendue en vertu d’une délégation de pouvoir prévue au paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 11 MARS 2009.

 

Myer Herzig,

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


 

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