Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 183

Date de la décision : 2013-10-25
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Christine Stover à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,493,497 pour la marque de commerce ParaLegal Solutions au nom de Toni L. Wallner, exerçant sous le nom Paralegal Solutions

Introduction

[1]               La présente opposition concerne une demande produite le 24 août 2010 par Toni Wallner, exerçant sous le nom Paralegal Solutions (la Requérante) en vue de faire enregistrer la marque de commerce ParaLegal Solutions (la Marque) sur la base d’un emploi depuis le 26 février 2004 en liaison avec des documents juridiques (les Marchandises) et des services juridiques qui ne requièrent pas de donner un avis juridique (les Services).

[2]               Les motifs d’opposition soulevés par Christine Stover (l’Opposante) dans une déclaration d’opposition datée du 9 mai 2011 sont fondés sur les alinéas 30a), b), i), 12(1)b) et 16(1)c), et sur l’article 2 (caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi). Les motifs d’opposition sont exposés en détail à l’Annexe A de la présente décision.

Fardeau ultime et fardeau de preuve initial

[3]               L’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés. Si ces faits existent, la Requérante doit alors démontrer que la demande est conforme aux dispositions de la Loi et que les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante ne sauraient faire obstacle à l’enregistrement de la marque de commerce visée par la demande [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F. 1re inst.)].

[4]               La première question consiste à déterminer si l’Opposante a produit une preuve suffisante pour appuyer chacun de ses motifs d’opposition. Je conclus, pour les raisons exposées ci-après, que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c) de la Loi. Bien que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial à l’égard de tous les motifs d’opposition fondés sur l’article 30, seuls les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30a) (pour ce qui est des Marchandises seulement) et b) de la Loi sont accueillis. Je conclus également que la Marque donne une description claire de la nature des Services. Enfin, puisque j’accueille certains des autres motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question du caractère distinctif de la Marque.

Remarques préliminaires

[5]               La Requérante et l’Opposante sont toutes deux des parajuristes. L’Opposante détient, depuis le 26 septembre 2008, un permis de parajuriste délivré par le Barreau du Haut-Canada (Law Society of Upper Canada (LSUC)). Elle exerce sa profession en Ontario. La Requérante est, elle aussi, parajuriste. Elle affirme exercer la profession de parajuriste dans la province de l’Alberta depuis le 4 juillet 2002. Il appert de la preuve respective des parties que les études requises pour devenir parajuriste et les fonctions qui peuvent être exercées par un parajuriste varient d’une province à l’autre

[6]               J’ai tenu compte, aux fins de ma décision, de l’ensemble de la preuve, à savoir les affidavits de Christine Stover et de Toni L. Wallner, et des plaidoyers écrits produits par les parties. Cependant, je n’aborderai dans le corps de ma décision que les parties de la preuve et des observations qui sont pertinentes du point de vue de mes conclusions. Les parties, qui possèdent certaines connaissances juridiques, ont, à quelques reprises, franchi la ligne entre faits pertinents et opinion juridique. En l’absence d’une preuve quant à l’expertise des déposantes dans le domaine du droit des marques de commerce, je n’ai tenu aucun compte des opinions juridiques formulées dans les affidavits produits par ces dernières.

[7]               La demande a été produite sur la base d’un premier emploi en liaison avec les Marchandises et avec les Services qui serait survenu le 26 février 2004. L’Opposante allègue employer sa marque depuis le 10 octobre 2007, une date qui est antérieure à la date de production de la demande (24 août 2010), mais pas à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. L’Opposante a toutefois contesté la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Il ne fait aucun doute que les marques et/ou les noms commerciaux des parties créent de la confusion, d’une part, parce qu’elles sont identiques, et, d’autre part, parce que les parties œuvrent dans le même domaine général, à savoir les services juridiques. En fait, la Requérante admet au paragraphe 22 de l’affidavit de Mme Wallner que les services des parties sont pratiquement identiques.

[8]               Je tiens également à souligner que je n’ai tenu aucun compte des allégations contenues dans les plaidoyers écrits des parties qui ne sont pas corroborées par la preuve au dossier. À titre d’exemple, la Requérante affirme dans son plaidoyer écrit avoir communiqué avec son institution bancaire et confirmé qu’elle a ouvert un compte sous la Marque le 9 avril 2003. Il n’y a aucune preuve de ce fait au dossier.

[9]               Enfin, dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante allègue avoir produit, le 9 mai 2011, une demande en vue de faire enregistrer PARALEGAL SOLUTIONS; elle n’a toutefois pas fourni le numéro de cette demande. En outre, comme cette demande a été produite après la présente demande, il n’y a, sans surprise, aucun motif d’opposition fondé sur cette demande non identifiée.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi

[10]           L’Opposante soutient que seuls les « services juridiques » sont mentionnés dans le Manuel des marchandises et des services publié par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), et que les Services, tels qu’ils sont décrits, n’y figurent pas. Le Manuel des marchandises et des services contient une liste détaillée de marchandises et de services, mais cette liste n’est pas exhaustive. En l’absence d’autres éléments de preuve, je considère que les Services sont décrits dans les termes ordinaires du commerce.

[11]           Dans son affidavit, Mme Stover affirme [TRADUCTION] « ne pas voir quel genre de marchandises les « documents juridiques » peuvent bien constituer ». Mme Stover fait valoir qu’habituellement, les documents juridiques, tels les contrats, les actes notariés, les ordonnances des tribunaux et les statuts constitutifs délivrés par une instance gouvernementale, sont l'aboutissement des services juridiques. Mme Stover allègue que ces documents ne sont pas des marchandises grand public qui peuvent être produites en série et vendues sous une marque de commerce. Mme Stover prétend, en outre, que des « formulaires juridiques » pourraient constituer des marchandises grand public pouvant être produites en série et vendues sous une marque de commerce. Les baux, les testaments, les procurations et les cautions figureraient au nombre de ces documents.

[12]           Je ne suis pas prêt à accepter la distinction que l’Opposante établit entre « documents juridiques » et « formulaires juridiques ». Un testament ou un bail, par exemple, peut être considéré comme un « document juridique ». Un acte d’achat pourrait se trouver sous la forme d’un formulaire imprimé et néanmoins constituer un « document juridique ». Cependant, étant donné les nombreux types de documents que la désignation « documents juridiques » peut englober, je la considère trop générale. Une analogie peut être établie avec la désignation générale qu’est celle de « vêtements ». Si un requérant emploie une telle description, il devra préciser quels types de vêtements sont visés par sa demande.

[13]           Je conclus que les Marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce. En conséquence, ce motif d’opposition est accueilli, mais uniquement en ce qui concerne les Marchandises.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi

[14]           L’alinéa 30i) de la Loi exige simplement que le requérant se déclare convaincu d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services décrits dans la demande. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande. Un opposant ne peut invoquer l’alinéa 30i) que dans des cas bien précis, comme lorsqu’une fraude de la part du requérant est alléguée [voir Sapodilla Co Ld c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)].

[15]           L’Opposante allègue, pour les raisons exposées ci-après, que la Requérante a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a produit sa demande le 24 août 2010.

[16]           Dans son affidavit, Mme Stover explique que, le 6 octobre 2007, elle a commandé un rapport de recherche préliminaire Nuans pour le nom « PARALEGAL SOLUTIONS », qu’elle a joint à son affidavit comme pièce B. Elle allègue que le rapport n’a révélé ni dénomination sociale ni nom commercial enregistré au nom de la Requérante, qui prétend exploiter son entreprise sous ce nom commercial depuis le 26 février 2004, à Red Deer, en Alberta. « PARALEGAL SOLUTIONS » est toutefois cité dans le rapport comme un nom commercial employé en Alberta, mais la date correspondant à cette citation est le 24 juin 1998. Un rapport subséquent a fourni des détails au sujet de cette citation, tel qu’il est exposé ci-après. Il appert de ces détails que cette citation est sans rapport avec la Requérante.

[17]           Mme Stover allègue n’avoir trouvé aucune inscription téléphonique active au Canada pour une entreprise portant le nom PARALEGAL SOLUTIONS dans le cadre des [TRADUCTION] « recherches dans des annuaires téléphoniques en ligne » qu’elle a effectuées en octobre 2007. Elle ne mentionne pas cependant dans quels annuaires téléphoniques en ligne elle a effectué ses recherches à ce moment-là.

[18]           Mme Stover allègue ensuite qu’en novembre 2010, elle a commandé un autre rapport de recherche préliminaire Nuans qui a révélé l’existence de deux enregistrements de nom commercial pour PARALEGAL SOLUTIONS en Alberta; elle a produit une copie de ce rapport. Elle a ensuite commandé, en décembre 2010, deux recherches de nom commercial en Alberta relativement à ces deux inscriptions; les résultats sont joints à son affidavit. Le rapport d’une de ces recherches révèle que l’entreprise 787403 Alberta Ltd était exploitée sous le nom commercial PARALEGAL SOLUTIONS, enregistré le 24 juin 1998, en Alberta. Aucune personne n'est mentionnée dans ce rapport, qui est joint comme pièce D à l’affidavit de Mme Stover; cette dernière affirme néanmoins que cette entreprise est sans rapport avec la Requérante. Cette entreprise a été « radiée » parce qu’elle n’a pas fourni ses déclarations annuelles, tel qu’il appert d’un autre rapport obtenu auprès de l’Alberta Corporate Registration System (système d’enregistrement des entreprises de l’Alberta) le 10 janvier 2012. Il est indiqué dans ce rapport que la [TRADUCTION] « date de radiation » est le « 2006/12/02 ».

[19]           L’autre rapport de l’Alberta Corporate Registration System concerne la Requérante. Cette dernière a enregistré le nom commercial PARALEGAL SOLUTIONS le 16 août 2010, mais il est indiqué dans ce rapport que la [TRADUCTION] « date de commencement » est le « 2004/02/26 », ce qui correspond à la date de premier emploi revendiquée dans la présente demande.

[20]           Mme Stover allègue ensuite qu’elle n’a trouvé aucune preuve dans quelque registre public que ce soit qui confirmerait que Mme Wallner a employé la Marque à titre de nom commercial en Alberta en liaison avec ses services ou à titre de marque de commerce avant 2010. Mme Stover ne précise pas toutefois dans quels registres elle a effectué ses recherches pour en arriver à cette conclusion.

[21]           Mme Stover affirme également avoir découvert, aux alentours d’août 2010, que le numéro de téléphone de la Requérante était inscrit dans un annuaire téléphonique en ligne sous « Paralegal Solutions ». Elle a téléphoné à la Requérante pour lui demander de renoncer à la Marque et cesser de l’employer, car, affirmait-elle, elle détenait des droits antérieurs à l’égard de la Marque. Dans son affidavit, Mme Wallner reconnaît avoir reçu des appels téléphoniques de la part de Mme Stover; le premier remontant au 14 août 2010. D’autres appels téléphoniques ont été faits par l’Opposante, tel qu’il appert des déclarations que Mme Wallner et Mme Stover ont fait dans leur affidavit respectif à ce sujet.

[22]           L’Opposante fait valoir qu’à la suite de ces appels téléphoniques, la Requérante était pleinement consciente des droits de l’Opposante. Ce n’est qu’après ces appels téléphoniques que la Requérante a produit sa demande d’enregistrement de nom commercial en Alberta (16 août 2010) et la présente demande (24 août 2010). Selon l’Opposante, la Requérante a donc agi de mauvaise foi lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement à l’égard de la Marque.

[23]           Pour sa part, la Requérante allègue qu’après avoir reçu l’appel téléphonique de l’Opposante le 14 août 2010, elle a commandé, le 16 août 2010, un rapport NUANS auprès de la base de données du gouvernement fédéral pour le nom Paralegal Solutions. Deux citations ont été repérées : une entreprise à propriétaire unique enregistrée le 10 octobre 2007 en Ontario et un nom commercial enregistré le 24 juin 1998 en Alberta (correspondant à la citation décrite ci-dessus); elle a produit une copie de ce rapport.

[24]           Il ressort clairement de ces faits que la Requérante revendique des droits antérieurs sur la base de la date de premier emploi du nom commercial Paralegal Solutions allégué dans sa demande, soit le 26 février 2004, tandis que l’Opposante prétend détenir des droits antérieurs du fait qu’elle n’a trouvé aucune preuve d’emploi du nom commercial Paralegal Solutions par la Requérante avant août 2010. Quoi qu’il en soit, d’après l’Opposante, la Requérante n’a obtenu l’enregistrement de ce nom commercial en Alberta qu’en août 2010, c’est-à-dire après que l’Opposante ait elle-même obtenu son enregistrement en Ontario, en octobre 2007.

[25]           Dans son affidavit, Mme Wallner affirme qu’en Alberta, à la différence de la pratique qui a cours en Ontario, la profession de parajuriste n’est pas régie par la Law Society of Alberta. Elle ajoute qu’elle exerce la profession de parajuriste dans la province de l’Alberta depuis le 4 juillet 2002. Elle dit avoir commencé à exploiter son entreprise sous le nom « ParaLegal Solutions » à temps partiel, en tant que propriétaire unique, puis être passée à une exploitation à temps plein sous ce nom le 26 février 2004.

[26]           Étant donné la date de premier emploi qu’elle revendique, la Requérante était fondée à produire la présente demande. En fait, elle a été constante en ce qui concerne sa revendication du 26 février 2004 comme date de premier emploi, car elle a mentionné cette date dans sa demande pour faire enregistrer le nom commercial « ParaLegal Solutions » en Alberta, dans la présente demande et dans son affidavit.

[27]           Compte tenu de l’ensemble de cette preuve, je ne peux conclure que la Requérante a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a produit la présente demande. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[28]           L’Opposante a le fardeau initial de produire certains éléments de preuve à l’appui de ce motif d’opposition. Subsidiairement, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son léger fardeau de preuve [voir York Barbell Holdings Ltd c. ICON Health & Fitness, Inc (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

[29]           J’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial. Aucune des recherches effectuées par Mme Stover en octobre 2007 n’a révélé que la Requérante exploitait une entreprise en Alberta sous le nom commercial « ParaLegal Solutions ».

[30]           Par conséquent, la Requérante devait prouver qu’elle employait la Marque au sens des paragraphes 4(1) et (2) de la Loi à la date de premier emploi revendiquée, à savoir le 26 février 2004. Le simple fait d’affirmer que la Marque était en usage à la date de premier emploi revendiquée n’est pas suffisant.

[31]           Outre les affirmations de Mme Wallner quant à l’emploi qu’elle a fait de la Marque « à temps partiel » à partir d’avril 2003, puis à temps plein à partir de la date de premier emploi revendiquée, le document le plus ancien faisant référence à la Marque parmi ceux qui ont été produits, est un relevé de compte de téléphone daté du 23 août 2006, joint comme pièce A à son affidavit, sur lequel figure le nom de la Requérante et, juste en dessous, la Marque. Mme Wallner allègue que ce relevé a été émis après que la Requérante ait demandé d’ajouter une ligne téléphonique supplémentaire à son compte. Elle allègue également qu’elle détient un permis d’exploitation d’entreprise sous le nom « Paralegal Solutions » délivré par la Ville de Red Deer. Plus loin dans son affidavit, Mme Wallner admet qu'elle a reçu son premier compte de téléphone arborant la Marque le 23 août 2006 et qu'elle figure dans l’annuaire Telus depuis novembre 2006 (voir le paragraphe 18 de l’affidavit de Mme Wallner). La Requérante fait valoir que cette date de premier emploi du 23 août 2006 serait, de toute façon, antérieure à la date de premier emploi revendiquée par l’Opposante, à savoir octobre 2007.

[32]           Je n’ai trouvé aucune preuve autre qu’une simple déclaration d’emploi de la Marque depuis le 26 février 2004, tel qu’il est revendiqué dans la demande. Si la Requérante a effectivement commencé à employer la Marque à cette date, elle aurait pu produire des cartes d’affaires qu’elle utilisait à cette époque, des spécimens de factures émises pour services rendus, ou tout document promotionnel qu’elle a utilisé lorsqu’elle a démarré son entreprise sous la Marque.

[33]           Au paragraphe 19 de son affidavit, Mme Wallner parle du 23 août 2006 comme de la date possible de premier emploi de la Marque; elle affirme que : [TRADUCTION] « La Requérante emploie, comme en témoigne son compte de téléphone (pièces « A » et « G »), « PARALEGAL SOLUTIONS » depuis au moins le 23 août 2006 et soumet respectueusement que c’est l’emploi du nom par l’Opposantes (sic) depuis 2007 qui est de nature à causer de la confusion avec le nom de la Requérantes (sic), et non l’inverse […] ».

[34]           Je n’ai pas à déterminer, aux fins de ce motif d’opposition, laquelle des parties a employé la Marque en premier. Je dois cependant déterminer si la preuve au dossier corrobore la date de premier emploi du 26 février 2004 que la Requérante revendique dans sa demande. Tel qu’il appert de la preuve décrite ci-dessus, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’elle a commencé à employer la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services le ou vers le 26 février 2004 au sens des paragraphes 4(1) et (2) de la Loi.

[35]           Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c) de la Loi

[36]           Le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi étant accueilli, la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) n’est plus la date de premier emploi revendiquée par la Requérante dans sa demande, mais la date de production de la demande (24 août 2010) [voir Everything for a Dollar Store (Canada) Inc c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)].

[37]           L’Opposante devait établir que son nom commercial Paralegal Solutions avait été employé au Canada avant le 24 août 2010 et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date d’annonce de la demande (9 mars 2011) [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[38]           La Loi ne définit pas ce qui constitue l’emploi d’un nom commercial. Ce point a cependant été examiné dans l’affaire Mr. Goodwrench Inc c. General Motors Corp, (1994) 55 C.P.R. (3d) 508 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Simpson a formulé les observations suivantes :

[TRADUCTION]
Aucune disposition de la Loi ne définit ou ne décrit l'emploi d'un nom commercial. Toutefois, dans l'affaire Professional Publishing Associates Ltd. c. Toronto Parent Magazine Inc., (1986), C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), le juge Strayer s’est penché sur ce problème et a conclu que les principes énoncés à l'art. 2 et au para. 4(1) de la Loi s'appliquaient à l'emploi d'un nom commercial.
Il s’est exprimé ainsi :

Bien que la Loi sur les marques de commerce ne définisse pas le terme « emploi » à l'égard des noms commerciaux, je suis convaincu qu’un tel emploi doit avoir lieu dans la pratique normale du commerce et en lien avec la catégorie ou les catégories de personnes avec lesquelles ce commerce est censé être effectué.

En conséquence, le critère qui sera appliqué à la présente espèce sera celui de l’emploi dans la pratique normale du commerce.

[39]           Je m’appuie également sur la décision rendue dans Pharmx Rexall Drug Stores Inc c. Vitabrin Investments Inc, (1995) 62 C.P.R (3d) 108, dans laquelle l’agent d’audience D. Martin a indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION]
« Cependant,
la constitution ou l’enregistrement d’une société sous un nom donné ne constitue pas en soi un emploi de ce nom comme marque de commerce ou nom commercial. »

[40]           Je dois appliquer ces principes dans le cadre de mon examen de la preuve qui sera décrite ci-après afin de déterminer si l’Opposante a établi l’emploi antérieur de son nom commercial Paralegal Solutions en liaison avec des services parajuridiques.

[41]           Mme Stover allègue qu’elle détient, depuis le 26 septembre 2008, un permis de parajuriste délivré par le Barreau du Haut-Canada. Elle a produit une copie de son profil contenu dans le répertoire du Barreau du Haut-Canada. Je ne considère pas que ce document en soi établit l’emploi de son nom commercial Paralegal Solutions. En fait, le nom d’entreprise qui figure dans ce document est Paralegal Solutions Professional Corporation, un nom commercial qui n’a pas été invoqué dans la déclaration d’opposition. En outre, le document produit ne comporte aucune indication selon laquelle l’Opposante aurait obtenu son permis du Barreau du Haut-Canada à cette date.

[42]           Au paragraphe 14 de son affidavit, Mme Stover affirme être la propriétaire du nom commercial Paralegal Solutions dûment enregistré le 10 octobre 2007 en vertu des lois de l’Ontario. Elle a produit, comme pièce F de son affidavit, son « Permis principal d’entreprise », qui a été délivré à cette date. Or, un tel document n’établit pas l’emploi d’un nom commercial selon les paramètres définis ci-dessus.

[43]           Mme Stover fait valoir qu’elle est la présidente de Paralegal Solutions Professional Corporation (la Corporation), une corporation dûment enregistrée en vertu des lois de la Province de l’Ontario depuis le 1er septembre 2011 ; elle a produit une copie des statuts constitutifs. Cette allégation est problématique à plusieurs égards. Premièrement, cette entité n’est pas partie à la présente opposition. Deuxièmement, cette corporation n’existait pas à la date pertinente et, troisièmement, des documents relatifs à la constitution d'une société ne constituent pas une preuve adéquate de l’emploi d’un nom commercial.

[44]           Mme Stover allègue ensuite qu'elle emploie son site Web PARALEGALSOLUTIONS.BIZ pour annoncer ses services juridiques partout en Amérique du Nord et qu'elle a reçu de nombreuses demandes de renseignements au sujet de ses services juridiques. Elle a produit une copie de la page d’accueil, sur laquelle figurent le nom commercial et/ou la marque de commerce PARALEGAL SOLUTIONS. Toutefois, Mme Stover n’a pas précisé la date à laquelle le site Web a été créé. Par conséquent, cette partie de la preuve de l’Opposante n’est pas d’une grande utilité puisqu’il m’est impossible de déterminer si son site Web était accessible aux Canadiens avant la date pertinente.

[45]           Mme Stover allègue que sa marque de commerce PARALEGAL SOLUTIONS figure sur les enseignes apposées sur la devanture de son lieu d’affaires, devant son bureau, sur ses cartes d’affaires et sur son papier à correspondance officielle et qu'elle a été annoncée dans les journaux; Mme Stover a produit des photos et des spécimens de ces éléments. Je souligne qu’ici encore, aucune date n’est associée aux photos et aux documents produits. Je ne peux donc pas déterminer si un ou plusieurs de ces éléments étaient en usage avant la date pertinente. En outre, le papier à correspondance officielle et la carte d’affaire arborent le nom de la Corporation, laquelle a été constituée après la date pertinente. Enfin, l’Opposante n’a pas soulevé un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi, à savoir que la Requérante n’avait pas droit à l’enregistrement de la Marque parce que cette dernière créait de la confusion avec la marque de commerce PARALEGAL SOLUTIONS de l’Opposante antérieurement employée au Canada, mais bien un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c) de la Loi qui concerne l’emploi antérieur d’un nom commercial. Même si je considérais l’emploi du terme « marque de commerce » dans son affidavit comme une erreur typographique, et que je lisais plutôt « nom commercial », cela n’aurait pas d’incidence sur ma décision.

[46]           Elle allègue que ses [TRADUCTION] « entreprises » figurent toutes deux dans le répertoire en ligne des entreprises de la municipalité de Chatham-Kent, et a produit une copie de la liste des parajuristes de cette municipalité. Là encore, aucune date n’a été fournie à savoir à quel moment le nom commercial Paralegal Solutions a été publié dans ce répertoire pour la première fois. De plus, étant donné que le nom de la Corporation figure dans le document produit et que cette dernière a été constituée après la date pertinente, je dois présumer que la liste produite a été publiée après la date pertinente et qu’elle n’est, par conséquent, d’aucune aide pour l’Opposante.

[47]           Mme Stover affirme ensuite avoir écrit des articles qui ont été publiés dans des publications juridiques et dans des publications juridiques électroniques, telles que le bulletin de la British Columbia Paralegal Association qui est distribué aux membres de cette association, et a produit une copie de cet article. Cet article semble avoir été publié au printemps 2008. Elle y décrit les exigences du Barreau du Haut-Canada auxquelles il faut satisfaire pour devenir parajuriste, relate son expérience personnelle de ce processus, et expose les grandes lignes de son cheminement professionnel ainsi que quelques-unes de ses réalisations. La publication d’un article de cette nature n’équivaut pas à l’emploi d’un nom commercial en liaison avec des services parajuridiques.

[48]           Dans l’ensemble, la preuve de l’Opposante ne permet pas d’établir que l’Opposante a employé un nom commercial dans la pratique normale du commerce au Canada en liaison avec des services parajuridiques avant le 24 août 2010. Il n’est nulle part fait mention de chiffres de ventes antérieurs à la date pertinente (en l’espèce, il s’agirait probablement d’honoraires pour des services parajuridiques fournis en liaison avec le nom commercial Paralegal Solutions); il n’y a aucune preuve que des publicités ont été publiées avant la date pertinente. Aucune date n’est précisée quant à la parution de l’unique publicité qui a été produite.

[49]           Pour toutes ces raisons, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial et, par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi

[50]           L’alinéa 12(1)b) de la Loi a pour objet d’empêcher qu’un unique commerçant monopolise un terme donnant une description claire et place, ainsi, des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment Ltd c. Canada (le Registraire des marques de commerce) (1990), 34 C.P.R. (3d) 154 (C.F. 1re inst.), para. 15]. En outre, la décision à savoir si une marque de commerce donne une description claire doit être fondée sur la première impression eu égard aux marchandises ou aux services en cause et sur le sens commun [voir Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c. Canada (Procureur général) (2010), 89 C.P.R. (4th) 301 (C.F. 1re inst.); conf. (2012), 99 C.P.R. (4th) 213 (C.A.F.)].

[51]           La date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition est la date de production de la demande (24 août 2010) [voir Fiesta Barbeques Ltd c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

[52]           Tel qu’il appert du quatrième motif d’opposition exposé à l’Annexe A, seuls les Services sont visés par ce motif d’opposition.

[53]           Mme Stover a joint à son affidavit le profil professionnel établi par le gouvernement de l’Alberta pour la profession de parajuriste, dans lequel on trouve le passage suivant : [TRADUCTION] « Les parajuristes accomplissent un travail juridique indépendant sous la supervision d’avocats. Ils exercent des fonctions juridiques et administratives courantes et assistent les avocats relativement aux affaires plus complexes. »

[54]           En réponse à ce motif d’opposition, la Requérante affirme dans sa contre-déclaration que la Marque est [TRADUCTION] « presque identique au nom commercial PARALEGAL SOLUTIONS de l’Opposantes (sic) enregistré en Ontario pour ce qui est de sa nature descriptive ». L’argument de la Requérante est essentiellement le suivant : « si ma marque de commerce est descriptive, alors la marque de commerce de l’Opposante l’est tout autant ». Or, la marque de commerce en cause dans la présente affaire n’est pas la marque de commerce de l’Opposante, mais la Marque.

[55]           Le mot « Paralegal » [parajuriste; parajuridique] peut être employé comme nom ou comme adjectif. Le Canadian Oxford Dictionary en donne la définition suivante :

[TRADUCTION]
Paralegal [parajuriste; parajuridique] :  

Adjectif qualifie ou concerne les aspects auxiliaires du droit.

Nom personne possédant une formation dans les affaires juridiques auxiliaires, mais n’étant pas pleinement qualifiée pour exercer la profession d’avocat, assistant juridique.

[56]           Sans effectuer d’analyse grammaticale approfondie de la Marque et en me bornant à appliquer le sens commun, j’estime que la Marque donne une description claire de la nature des Services. La Marque décrit clairement le fait que les Services sont fournis par des « parajuristes » et prennent la forme de « solutions à des questions juridiques fournies par des parajuristes ».

[57]           J’accueille ce motif d’opposition dans la mesure où il concerne les Services.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi (caractère distinctif de la Marque)

[58]           Étant donné que j’ai accueilli le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi; que j’ai accueilli en partie son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) (pour ce qui est des Marchandises seulement); et que j’ai également accueilli en partie son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) (pour ce qui est des Services seulement), il n’est pas nécessaire que j’examine ce dernier motif d’opposition.

 

Décision

Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Annexe A

 

 

 

Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

 

1.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi) en ce qu’elle ne décrit pas les Marchandises et les Services dans les termes ordinaires du commerce;

2.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi en ce que la Marque n’a pas été employée de façon continue, ou n’a pas été employée du tout, par la Requérante depuis la date revendiquée du 26 février 2004;

3.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada, car la Requérante était pleinement consciente de l’existence du nom commercial déposé de l’Opposante et de l’emploi antérieur de nom commercial avant la date de production de la demande de la Requérante;

4.      La Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi, car la Marque donne une description claire, en anglais, de la nature des services en liaison avec lesquels elle est employée;

5.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)c), car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial Paralegal Solutions qui avait été antérieurement employé et révélé au Canada par l’Opposante;

6.      Suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas et ne peut pas être distinctive des marchandises et des services de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

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