Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

                                    AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Starving Students, Inc. à la demande

no 1040109 produite par STARVING STUDENTS MOVING LTD. en vue de lenregistrement de la marque de commerce

Starving Students Moving Co.

 

 

 

Le 20 décembre 1999, la requérante, Starving Students Moving Ltd., a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce STARVING STUDENTS MOVING LTD. en liaison avec des « services de déménagement et de camionnage pour clients de bâtiments résidentiels et commerciaux » et des « services de livraison de messagerie et de courrier léger », invoquant son emploi de la marque au Canada depuis le 25 octobre 1999. La demande, modifiée par la renonciation à l’emploi du mot MOVING, a été publiée aux fins d’opposition le 20 août 2003.

 

La demande a été erronément produite au nom de Starving Students Moving Ltd. et, à la suite d’une demande en ce sens le 18 janvier 2005, une correction a été apportée à la dénomination de la requérante qui a été remplacée par Starving Students Moving Co. Ltd. Par voie d’une lettre datée du 1er mars 2005, la Section de l’examen a consigné cette correction à la dénomination de la requérante.

 

 


L’opposante, Starving Students, Inc., a déposé, le 16 septembre  2003, une déclaration d’opposition, dont une copie a été transmise à la requérante le 28 octobre 2003. Selon le premier motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant le droit d’obtenir l’enregistrement de la marque en vertu de l’alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce étant donné que, à la date à laquelle elle l’aurait employée en premier lieu, la marque créait de la confusion avec la marque de commerce STARVING STUDENTS que l’opposante avait antérieurement employée ou fait connaître au Canada en liaison avec [traduction] « des services de déménagement et d’entreposage ».

 

Selon le deuxième motif d’opposition, la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement de la marque en question étant donné l’adoption et l’emploi antérieurs, par l’opposante, de la marque de commerce STARVING STUDENTS. Selon le troisième motif invoqué, la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi parce que la demande ne renferme pas la date exacte à compter de laquelle la requérante aurait employé en premier lieu la marque de commerce dont elle sollicite l’enregistrement.

 

Selon le quatrième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant le droit d’obtenir l’enregistrement de la marque en vertu de l’alinéa 16(1)a) de la Loi parce que cette marque n’a pas été employée au Canada par la requérante. Selon le cinquième motif invoqué, la marque de commerce dont l’enregistrement est sollicité n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce STARVING STUDENTS que l’opposante a employée et fait connaître au Canada.

 

La requérante a déposé et signifié une contre‑déclaration. À titre de preuve, l’opposante a produit les affidavits de Bear Barnes et de Katherine Busse. La requérante a pour sa part produit l’affidavit de Richard Allen Cooper. Les deux parties ont déposé des observations écrites et elles étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

 


 

La preuve de lopposante

Dans son affidavit, M. Barnes se présente comme le directeur général de l’opposante, Starving Students, Inc. Selon M. Barnes, c’est en novembre 1973 que le fondateur de l’opposante a commencé à employer la marque de commerce STARVING STUDENTS aux États‑Unis en liaison avec des services de déménagement. Depuis janvier 1979, l’opposante emploie le logo de la marque de commerce où les deux mots de la marque sont séparés par un dessin représentant un coeur.

 

Selon M. Barnes, l’opposante emploie plus de mille personnes aux États‑Unis. Pour la période 1999‑2003, les revenus de l’entreprise ont dépassé 125 millions de dollars. M. Barnes n’a cependant fait état d’aucune vente qui aurait eu lieu, à quelqu’époque que ce soit, au Canada en liaison avec les marques de commerce de l’opposante. Depuis 1999, l’opposante a un site Web, mais rien n’indique que ce site a été consulté par des résidents canadiens, et encore moins qu’il a été consulté par un nombre important de citoyens canadiens.

 

Dans son affidavit, Mme Busse se présente comme recherchiste en marques de commerce travaillant pour le cabinet d’agents des marques de commerce représentant l’opposante. Elle a effectué plusieurs recherches qui lui ont permis de constater qu’il n’y avait, en Colombie‑Britannique, aucune entreprise enregistrée sous l’appellation Starving Students Moving Ltd., bien qu’elle ait trouvé une compagnie exploitée activement et enregistrée sous l’appellation Starving Students Moving Co. Ltd. Mme Busse a également produit des preuves quant au contenu du site Web de l’opposante tel qu’il se présentait en 2004 et en 1999.

 


La preuve de la requérante

Dans son affidavit, M. Cooper se présente comme directeur et secrétaire de la requérante, Starving Students Moving Co. Ltd. Il affirme que la compagnie a été constituée le 8 septembre 1999. Sa prédécesseure, une entreprise à propriétaire unique, a commencé à employer la marque de commerce STARVING STUDENTS avant cette date, la marque étant, à l’époque, inscrite à la main sur les factures et les connaissements. Après sa constitution en personne morale, l’entreprise a commencé à utiliser, pour les connaissements, des formulaires imprimés portant la marque STARVING STUDENTS sous forme d’un logo dans lequel les deux mots étaient séparés par un dessin représentant un coeur, comme dans le dessin‑marque de l’opposante. La forme dessinée de la marque est la marque de commerce employée de manière continue depuis le 25 octobre 1999, date revendiquée comme date de son premier emploi. M. Cooper n’a produit aucune preuve concernant l’emploi de la marque STARVING STUDENTS MOVING LTD., dont l’enregistrement est sollicité.  

 

Les motifs dopposition

En ce qui concerne le premier motif d’opposition, il incombait initialement à l’opposante de prouver qu’elle avait commencé à employer ou à faire connaître, au Canada, sa marque de commerce STARVING STUDENTS avant la date revendiquée comme date de premier emploi par la requérante. Ainsi que nous l’avons vu, l’affidavit de Barnes n’atteste aucun emploi de cette marque au Canada par l’opposante. De plus, l’opposante n’a produit aucune preuve concernant des activités de nature à établir que l’opposante aurait fait connaître sa marque au Canada à un moment ou à un autre. Le premier motif d’opposition est par conséquent écarté.

 


Le deuxième motif d’opposition n’est pas valable en tant que motif d’opposition. L’adoption et l’emploi antérieurs de la marque par l’opposante n’empêchent aucunement la requérante de produire en toute bonne foi la déclaration prévue à l’alinéa 30i) de la Loi. Le deuxième motif d’opposition est donc, lui aussi, écarté.

 

En ce qui concerne le troisième motif d’opposition invoqué par l’opposante, il incombe à la requérante de démontrer que sa demande satisfait aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi : voir la décision visant l’opposition dans le cadre de l’affaire Joseph Seagram & Sons c. Seagram Real Estate (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, pages 329 et 330, ainsi que la décision rendue dans l’affaire John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). Cela dit, c’est à l’opposante qu’incombe la preuve en ce qui concerne ses allégations de fait étayant ce motif d’opposition. Pour ce qui est de la question de la non‑conformité aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, la charge de la preuve est cependant moins exigeante : voir la décision rendue à l’égard de l’opposition dans l’affaire Tune Masters c. Mr. PsMastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R.(3d) 84, page 89. De plus, en vertu de l’alinéa 30b), la marque de commerce dont on sollicite l’enregistrement doit avoir fait l’objet d’un emploi continu dans le cours normal des activités de l’entreprise depuis la date revendiquée : voir Labatt Brewing Co. Ltd. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. et Les brasseries Molson, une société de personnes (1996), 67 C.P.R. (3d) 258, page 262 (C.F. 1re inst.). Enfin, l’opposante peut s’acquitter de la charge qui lui incombe en matière de preuve en invoquant la preuve produite par la requérante : voir Brasserie Labatt Limitée c. Brasseries Molson, société en nom collectif (1996), 68 C.P.R.(3d) 216, page 230 (C.F. 1re inst.).

 


Comme nous l’avons vu, l’affidavit de Cooper n’atteste aucun emploi de la marque STARVING STUDENTS MOVING LTD. dont l’enregistrement est sollicité. M. Cooper a démontré l’emploi continu du logo de la marque STARVING STUDENTS à partir de la date du premier emploi revendiqué, mais il ne s’agit pas là de la marque visée par la demande d’enregistrement. La requérante prétend que la marque effectivement employée ne s’écarte que de manière tout à fait insignifiante de la marque dont l’enregistrement est sollicité. Dans mon examen de cette question, j’ai eu recours à l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour LInformatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R.(3d) 523 (C.A.F.), ainsi qu’au second principe exposé à la page 538 de la décision Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R.(3d) 535 (C.M.O.C.). La requérante s’est fondée sur la décision Alibi Roadhouse Inc. c. Grandma Lees International Holdings Ltd. (1997), 76 C.P.R.(3d) 327, dans laquelle il a été décidé que l’emploi d’un logo de la marque de commerce ALIBI constituait l’emploi d’un autre logo de la même marque. Ainsi que le juge Teitelbaum l’a fait remarquer, à la page 339 de la décision publiée, « [...] la décision définitive qu’il convient de rendre dans un cas donné dépend des faits de l’espèce ». Or, en l’espèce, l’ajout des mots MOVING LTD. et la suppression du dessin d’un coeur ne sont pas qu’un simple changement sans importance. Je considère donc que l’opposante s’est acquittée de la charge de preuve lui incombant, et que la requérante n’est pas parvenue pour sa part à démontrer, comme il lui appartenait de le faire, son emploi continu, depuis la date qu’elle revendique comme date de premier emploi, de la marque dont elle sollicite l’enregistrement. Le troisième motif d’opposition est donc retenu.

 


Le quatrième motif invoqué n’est pas un motif d’opposition valable. Les dispositions de l’article 16 de la Loi précisent les conditions dans lesquelles peut être invoquée l’antériorité du droit d’employer une marque de commerce, et le non‑emploi de la marque ne figure pas parmi celles‑ci. L’allégation de non‑emploi ne peut servir qu’à étayer l’allégation de non‑conformité aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi. Le quatrième motif d’opposition est donc écarté.

 

En ce qui concerne le cinquième motif invoqué, c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que sa marque permet de distinguer ou distingue effectivement ses services des services offerts au Canada par d’autres entreprises : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R.(3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, en ce qui concerne les circonstances entourant cette question précise, la date à retenir est celle du dépôt de la déclaration d’opposition (c.‑à‑d. le 16 septembre 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, page 424 (C.A.F.).

 

Ainsi que nous l’avons vu, l’opposante n’a pu démontrer aucun emploi de ses marques au Canada. Elle n’a pas non plus démontré que ses marques auraient atteint une certaine notoriété au Canada. L’opposante ne s’est donc pas acquittée de la charge de preuve qui lui incombait et le cinquième motif d’opposition doit donc, lui aussi, être écarté.


 

Compte tenu de l’analyse qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande produite par la requérante.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 18 SEPTEMBRE 2006.

David J. Martin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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