Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 106

Date de la décision : 2010-07-15

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par l’Association canadienne des bijoutiers à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1140354 pour la marque de certification CERTIFIED GEMOLOGIST au nom de l’American Gem Society

[1]               Le 10 mai 2002, l’American Gem Society (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de CERTIFIED GEMOLOGIST à titre de marque de certification (la Marque). Lorsqu’elle a été produite, la demande était fondée uniquement sur l’emploi de la Marque au Canada par des titulaires de licence en liaison avec des [traduction] « services d’analyse, d’évaluation et de classification de diamants » depuis au moins 1996.

[2]               La Requérante a reçu un rapport de l’examinateur l’informant que la Marque n’était pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), parce qu’elle donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse des services visés par la demande puisqu’elle indiquait clairement que ces services étaient fournis par des gemmologues agréés. La Requérante a modifié sa demande pour répondre aux remarques de l’examinateur et, également, pour faire état de l’emploi et de l’enregistrement de la Marque aux États‑Unis en liaison avec des [traduction« services en matière de pierres précieuses, nommément classification de pierres précieuses » et pour revendiquer le bénéfice de l’article 14 sur la foi de cet enregistrement. Elle a alors produit un affidavit de Ruth Batson (signé le 28 octobre 2004) au soutien de sa revendication du bénéfice de l’article 14. La demande modifiée décrivait la norme associée à la Marque dans les termes suivants : [traduction] « Cette norme est définie en détail dans le document intitulé AGS DIAMOND GRADING STANDARDS MANUAL AND WORKBOOK qui a été déposé. »

La marque de certification peut être utilisée seulement par une personne qui remplit les conditions suivantes :

(i)                       réussir un cours ayant trait à l’examen des diamants approuvé par la Requérante;

(ii)                     être employée par une entreprise membre de la Requérante ou associée à une entreprise membre en règle de la Requérante depuis au moins un an;

(iii)                   réussir l’examen de certification annuel de la Requérante.

[3]               La Requérante s’est ensuite désistée du droit à l’usage exclusif, en dehors de la Marque, du mot GEMOLOGIST, en réponse à une demande de l’examinateur qui avait constaté que l’enregistrement américain renfermait un tel désistement.

[4]               L’état déclaratif des services figurant dans la demande indique actuellement « services en matière de pierres précieuses, nommément classification de pierres précieuses » (les Services), relativement à la fois à l’emploi de la Marque au Canada et à son emploi et à son enregistrement à l’étranger.

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 30 mars 2005.

[6]               Le 23 août 2005, l’Association canadienne des bijoutiers (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle a invoqué dix motifs d’opposition :

1)      alinéa 30a) – la demande ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des services spécifiques en liaison avec lesquels la Marque a été employée;

2)      alinéa 30b) – la demande ne renferme pas la date à compter de laquelle la Requérante ou ses prédécesseurs en titre désignés ont employé la Marque et l’Opposante prétend que la Requérante n’a pas en fait employé la Marque avec les services visés à l’alinéa précédent;

3)      alinéa 30d) – la déclaration relative à l’emploi et à l’enregistrement de la Marque par la Requérante aux États‑Unis n’est pas véridique et exacte car la Requérante n’a pas employé la marque alléguée aux États‑Unis avant que la demande en cause en l’espèce soit produite, soit le 10 mai 2002;

4)      alinéa 30f) – la demande ne renferme pas les détails de la norme définie que l’emploi de la Marque est destiné à indiquer;

5)      alinéa 30f) – la demande ne renferme pas une déclaration portant que la Requérante ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou ne se livre pas à l’exécution des services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée, et la Requérante se livre dans les faits à l’exécution de tels services;

6)      article 2 – la marque alléguée n’est pas distinctive car elle ne distingue pas véritablement les services en liaison avec lesquels elle aurait été employée par la Requérante des marchandises ou services d’autres propriétaires, notamment l’Opposante, et elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi;

7)      alinéa 12(1)b) – la marque alléguée n’est pas enregistrable parce que, lorsqu’elle est sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels elle serait employée, des conditions de leur production, des personnes qui les produisent ou du lieu d’origine de ces services;

8)      alinéa 12(1)b) et paragraphe 14(1) – la marque alléguée n’est pas enregistrable sans égard à l’alinéa 12(1)b) parce que, contrairement au paragraphe 14(1), elle est dépourvue de caractère distinctif, eu égard aux circonstances, y compris la durée de l’emploi qui en a été fait au Canada, aux États‑Unis et dans d’autres pays;

9)      article 23 – la marque alléguée n’est pas enregistrable à titre de marque de certification parce que la Requérante se livre à la fabrication, à la vente, à la location à bail ou au louage de marchandises ou à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification aurait été employée;

10)  alinéa 12(1)e) et article 10 – la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement parce que la Marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production des services, de sorte que l’adoption de la marque alléguée par la Requérante en liaison avec les services visés par la demande ou son emploi sont susceptibles d’induire en erreur.

[7]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

[8]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une copie certifiée du dossier de la poursuite concernant la demande en cause en l’espèce, deux affidavits de Marta Tandori Cheng et un affidavit de Catherine Sproule.

[9]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Ruth Batson. L’Opposante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger Mme Batson sur son affidavit et a produit une transcription de ce contre‑interrogatoire ainsi que des réponses à certaines questions auxquelles la Requérante s’était engagée à répondre ou qui avaient été mises en délibéré.

[10]           L’Opposante a produit en contre‑preuve un affidavit d’Heather Resnick. La Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger Mme Resnick sur son affidavit. Comme Mme Resnick n’était pas disponible à cette fin, son affidavit a été retourné à l’Opposante et ne fait pas partie du dossier.

[11]           Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

[12]           Je résumerai maintenant les éléments des affidavits produits par les parties que je considère les plus pertinents en l’espèce.

Preuve de l’Opposante

Affidavit de Mme Cheng du 20 avril 2006

[13]           Mme Cheng est une agente de marques de commerce au service des agents de marques de commerce de l’Opposante. Son premier affidavit renferme quatre types d’éléments de preuve.

[14]           En premier lieu, elle produit des copies de différentes définitions de [traduction] « gemmologue », d’[traduction] « agréer », d’[traduction] « agréé » et de [traduction] « coentreprise » tirées de dictionnaires.

[15]           En deuxième lieu, elle fournit différents renseignements obtenus en ligne auprès du bureau des brevets et des marques de commerce des États‑Unis. Ces renseignements ont trait à des demandes d’enregistrement et à des enregistrements de marque de commerce appartenant à une partie dont le nom inclut les mots « American Gem Society ».

[16]           En troisième lieu, elle produit des imprimés de certaines pages trouvées sur Internet en faisant une recherche concernant www.ags.org le 18 avril 2006.

[17]           En quatrième lieu, elle affirme que Gary Travis lui a dit que certaines des pages Web qu’elle avait trouvées étaient très semblables à celles obtenues le 28 juillet 2005. Il s’agit d’une preuve par ouï‑dire qui est nettement inadmissible. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte du paragraphe 19 et de la pièce Q du premier affidavit de Mme Cheng.

Affidavit de Mme Cheng du 14 juillet 2006

[18]           Le deuxième affidavit de Mme Cheng offre trois types d’éléments de preuve.

[19]           Mme Cheng fournit les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée dans YAHOO Canada le 14 juillet 2006 afin de trouver des sites Web contenant les mots [traduction] « gemmologue agréé » sans l’abréviation « AGS ».

[20]           Elle fournit aussi des imprimés de pages tirées de chacun des sites Web qu’elle a retracés grâce à cette recherche.

[21]           Finalement, elle produit les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée dans YAHOO Canada afin de trouver des sites Web contenant les mots [traduction] « gemmologue agréé » sans l’abréviation « AGS » ou l’expression « American Gem Society ».

Contestation de l’admissibilité des affidavits de Mme Cheng

[22]           La Requérante s’est opposée à certains éléments de preuve produits par Mme Cheng qu’elle juge litigieux. Elle se fonde à cet égard sur Cross‑Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd. c. Hyundai Auto Canada (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.), ainsi que sur des décisions subséquentes où le registraire des marques de commerce a fait référence à cet arrêt. Pour déterminer la validité de l’objection, je dois tenir compte des différents types d’éléments de preuve produits par Mme Cheng.

[23]           À l’audience, la Requérante a indiqué qu’elle ne s’opposait pas au fait que Mme Cheng avait fourni des définitions tirées de dictionnaires et des enregistrements de marque de commerce parce que ces éléments de preuve ne comportaient ni opinion ni analyse. Elle conteste cependant l’admissibilité des résultats des recherches effectuées dans Internet et de l’analyse que Mme Cheng en a faite. Mme Cheng n’expose aucune analyse de sa preuve dans ses affidavits, mais la Requérante prétend que les résultats des recherches dans Internet [traduction] « ne devraient pas être admis, ou alors aucun poids ne devrait leur être accordé, car ils exigent une analyse et une preuve sous forme d’opinion qui sont inadmissibles » (paragraphe 6 du plaidoyer écrit de la Requérante). Au paragraphe 8, la Requérante écrit :

[traduction] Même si la preuve décrite ci‑dessus était admissible, elle consiste en grande partie en des imprimés de résultats obtenus au moyen d’un moteur de recherche dans Internet dont le contenu n’est pas vraiment analysé. Cette preuve constitue du ouï‑dire, du ouï‑dire double ou triple dans certains cas. Cette seule raison justifie qu’aucun poids ne lui soit accordé, compte tenu du fait que cette preuve n’est pas nécessaire et qu’elle n’est pas fiable.

 

[24]           À l’audience, la Requérante a soutenu en outre que le fait de ne pas avoir porté les résultats des recherches effectuées dans Internet par Mme Cheng à l’attention de Mme Batson pendant son contre‑interrogatoire est également problématique.

[25]           Je ne suis pas d’accord avec la Requérante lorsqu’elle dit que les résultats des recherches effectuées dans Internet qui ont été produits en preuve par Mme Cheng sont controversés. Je comprends qu’une stratégie de recherche doit être élaborée avant d’effectuer une recherche. La stratégie employée en l’espèce ressort clairement des pièces jointes aux affidavits de Mme Cheng, mais c’est le processus de réflexion qui a mené à cette stratégie et qui n’a pas été dévoilé qui préoccupe la Requérante. Or, je ne crois pas que les préoccupations exprimées par la Cour d’appel fédérale dans Cross‑Canada s’appliquent légitimement en l’espèce. Je ne vois pas comment on pourrait considérer que l’intérêt d’un agent employé par une partie fausse ces résultats. Il est très clair que la recherche avait pour but de voir si une personne ou une autre entreprise que la Requérante employait l’expression [traduction] « gemmologue agréé » sur un site Web canadien. Je ne vois pas comment le fait que cette preuve a été produite par une employée de l’agent de l’Opposante fait en sorte qu’elle est moins appropriée ou qu’elle soulève plus de doutes que si l’Opposante ou son agent avait eu recours à un enquêteur externe pour effectuer ces recherches et signer un affidavit. Dans les deux cas, la Requérante pourrait, si elle le voulait, contre‑interroger la personne produisant cette preuve pour savoir pourquoi elle a choisi les termes de recherche qu’elle a utilisés. La réponse semble évidente en l’espèce. Dans l’ensemble, la preuve ne me paraît pas controversée. Je souligne également que la Requérante aurait pu, si elle l’avait voulu, fournir les résultats de ses propres recherches dans Internet pour contredire les résultats des recherches effectuées par l’Opposante.

[26]           À mon avis, les pièces contestées prouvent que les pages imprimées figuraient dans Internet à une date donnée. Cela ne signifie évidemment pas que quelqu’un a lu ces pages, mais seulement que quelqu’un a choisi de mettre ces pages en ligne et que celles‑ci étaient accessibles au Canada au moment de la recherche. Si elle est suffisante et antérieure à la date pertinente, une telle preuve peut être utile pour savoir si d’autres personnes emploient l’expression [traduction] « gemmologue agréé ». Comme elle n’est pas produite pour faire foi du contenu des pages, mais simplement de leur existence, il n’est pas question de ouï‑dire à mon avis.

[27]           L’analyse qui précède ne devrait pas être interprétée comme si elle signifiait que les affidavits des employés de l’agent d’une partie devraient toujours être pris en compte. Je dis simplement que je ne pense pas que les parties des affidavits de Mme Cheng en question soient inacceptables.

Affidavit de Mme Sproule du 24 juillet 2006

[28]           Mme Sproule est la directrice exécutive de l’Opposante depuis au moins 2000. Elle nous informe que l’Opposante a été constituée en 1924 en organisation nationale sans but lucratif dédiée au soutien et à l’expansion des ventes de bijoux et du secteur de la bijouterie au Canada. L’Opposante fait la promotion de normes et de codes de déontologie pour ses membres et offre des cours et des séminaires dans le domaine de la gemmologie. Elle représentait environ plus d’un millier de bijoutiers de partout au Canada en juillet 2006.

[29]           Mme Sproule dit ce qui suit : [traduction] « Selon mon expérience dans le commerce des bijoux et des pierres précieuses au Canada, il est courant pour les bijoutiers et les gemmologues qui sont employés par des bijouteries et des entreprises de gemmologie et qui ont obtenu des diplômes ou des certificats en suivant d’autres cours de gemmologie ou de bijouterie que ceux offerts par l’American Gem Society de se présenter comme des “gemmologues agréés”. » Mme Sproule ne produit cependant aucune pièce au soutien de cette affirmation. Les deux pièces qu’elle a produites ont trait à la classification des diamants; l’une d’elles est un diplôme de [traduction] « classificateur de diamants agréé ».

Preuve de la Requérante

Affidavit de Mme Batson du 23 février 2007

[30]           Mme Batson est la directrice exécutive et la chef de la direction de la Requérante depuis 2002.

[31]           La pièce A de son affidavit est l’affidavit qu’elle a signé le 28 octobre 2004 au soutien de la revendication du bénéfice de l’article 14 par la Requérante dans le cadre de la demande en cause en l’espèce. Cette question sera abordée plus loin de façon distincte.

[32]           La Requérante, une association commerciale de bijoutiers détaillants, d’évaluateurs indépendants, de fournisseurs et de membres choisis de l’industrie, a été fondée en 1934.

[33]           La Requérante est [traduction] « affiliée » à American Gem Society Laboratories, LLC et à AGS Advanced Instruments Division. Celle‑ci [traduction] « offre les outils et la formation nécessaires à la prestation de services en matière de pierres précieuses ». Quant à American Gem Society Laboratories, LLC, elle [traduction] « se spécialise dans l’utilisation des techniques et des procédés scientifiques de pointe pour évaluer et classifier les diamants, en se conformant aux AGS Diamond Grading Standards et en promouvant des règles de déontologie et des connaissances reconnues ».

[34]           Mme Batson affirme que [traduction] « la marque CERTIFIED GEMOLOGIST est un titre qui est employé en liaison avec la prestation de services en matière de pierres précieuses conformément à une norme définie par l’AGS [la Requérante] au Canada et aux États‑Unis depuis au moins 1942 ». Au paragraphe 9, elle énumère les trois conditions qu’une personne doit remplir pour avoir le droit d’employer la Marque. Au paragraphe 14, elle affirme que l’emploi autorisé de la Marque au Canada est subordonné à l’obtention d’une licence en vertu de laquelle la Marque ne peut être employée qu’en liaison avec des services qui sont conformes aux normes de qualité établies ou approuvées par la Requérante.

[35]           Le site Web de la Requérante indique que le titre de gemmologue agréé est l’un des nombreux titres qu’elle confère; les autres titres sont bijoutier agréé, fournisseur agréé et évaluateur de pierres précieuses agréé (pièce E).

[36]           Mme Batson nous informe que la Canadian Gemmological Association permet aux personnes à qui le titre CERTIFIED GEMOLOGIST a été accordé par la Requérante de devenir membre associé de l’association (paragraphe 18 de la pièce O).

[37]           Au paragraphe 19, Mme Batson dit que des efforts soutenus ont été déployés pour promouvoir la Marque. La preuve qu’elle a produite à cet égard ne semble pas cependant avoir trait au Canada.

[38]           Au paragraphe 21, Mme Batson atteste que la Requérante veille au respect de ses droits liés à la Marque. Pour le démontrer, elle produit des copies de six mises en demeure envoyées, à la fin de 2006, à des personnes aux États‑Unis qui auraient employé la Marque sans son autorisation (pièce Q); on ne connaît pas la suite qui a été donnée à ces mises en demeure.

Affidavit de Mme Batson du 28 octobre 2004

[39]           Comme je l’ai mentionné précédemment, on a fait valoir à l’encontre de la demande en cause en l’espèce que la Marque donnait une description claire des services de la Requérante. En réponse, la Requérante a revendiqué le bénéfice de l’article 14 de la Loi et a produit ce premier affidavit de Mme Batson à l’appui de cette revendication.

[40]           Les pièces D et E de l’affidavit de Mme Batson sont deux brochures qui, selon elle, constituent des exemples du matériel de marketing employé au Canada et dans d’autres pays. Ces brochures font mention de la Marque, mais on ne sait pas quelle quantité de brochures a été distribuée au Canada ni quand exactement cette distribution a eu lieu.

[41]           Les pièces F, G et H de l’affidavit de Mme Batson sont des [traduction] « copies conformes d’imprimés de sites Web mentionnant des bijoutiers du Canada et établissant l’emploi de CERTIFIED GEMOLOGIST ». Ces pages tirées de sites Web de tiers datent de 2004 et mentionnent une entreprise située à Cranbrook, en Colombie‑Britannique, une personne vivant à London, en Ontario, et une entreprise de l’Ontario ayant son siège à Clinton.

[42]           La pièce L jointe à l’affidavit de Mme Batson est une [traduction] « copie conforme d’imprimés d’un moteur de recherche dans Internet, www.google.com, qui indiquent que 756 pages Web (27 du Canada) ont été retracées lors d’une recherche à l’aide des expressions “certified gemologist” et “ags” ». Ces imprimés sont constitués de quatre pages datées du 16 juin 2004. La troisième page indique que 27 résultats ont été obtenus lorsque la recherche a été limitée aux pages provenant du Canada, mais des résumés des dix premiers de ces 27 résultats seulement ont été produits. Seuls cinq de ces dix résumés concernent clairement le Canada, et certains d’entre eux se chevauchent (deux ont trait à Ottawa, deux aux Nash Jewellers de London et un à Cranbrook (C.‑B.)).

[43]           Mme Batson a affirmé que la valeur et le volume approximatifs totaux des services en matière de pierres précieuses exécutés en liaison avec la Marque par les membres de la Requérante au Canada étaient de 57 millions de dollars américains, alors que la valeur et le volume approximatifs totaux de la publicité faite relativement à ces services par la Requérante et par ses membres au Canada atteignaient 3,4 millions de dollars américains (paragraphes 11 et 12). Je comprends que ces chiffres représentent le montant total des services fournis et annoncés entre 1942 (la date du premier emploi dont il est question dans l’affidavit de Mme Batson) et le 28 octobre 2004 (la date de l’affidavit).

Contre‑interrogatoire de Mme Batson

[44]           J’estime qu’il n’y a qu’une petite partie de la transcription de 175 pages du contre‑interrogatoire qui est importante. Les renseignements pertinents ont surtout été donnés en vertu d’engagements.

[45]           À la page 67, Mme Batson a déclaré que la Marque est censée être employée comme [traduction] « titre professionnel ».

[46]           Aux pages 137 et 138, elle a expliqué que la recherche dont il est question dans la pièce L de son affidavit du 28 octobre 2004 incluait le paramètre de recherche AGS parce qu’elle avait pour but de trouver des [traduction] « gemmologues agréés qui sont des membres authentiques de l’American Gem Society ».

[47]           Aux pages 138 à 144, des questions ont été posées au sujet des chiffres des ventes et des dépenses de publicité indiqués dans l’affidavit de Mme Batson du 28 octobre 2004. On a appris que les chiffres des ventes représentent les ventes brutes de toutes les entreprises membres de la Requérante, ce qui signifie que, si une entreprise a 50 employés dont un seul est autorisé à employer la Marque, les ventes des 50 employés sont incluses. En outre, ces chiffres des ventes engloberaient les ventes de diamants et non seulement la classification de ceux‑ci, ainsi que les ventes de bijoux qui ne comprennent pas de pierres précieuses. On a appris également que les dépenses de publicité ont été calculées à l’aide d’une norme de l’industrie établie à six pour cent du montant brut des ventes. Sur la foi de ces renseignements, je conclus que les chiffres des ventes présentés dans l’affidavit ne témoignent pas de la réputation que la Marque de la Requérante aurait pu acquérir au Canada, mais qu’ils pourraient être très gonflés. De plus, je considère que les chiffres des dépenses de publicité ne sont pas valables pour deux raisons : 1) même si je pouvais convenir que les normes de l’industrie s’appliquent aux membres canadiens de la Requérante, la preuve n’indique pas que la Marque figurait dans toutes les annonces publiées par ces parties; 2) il y a très peu d’éléments de preuve indiquant que la Marque a fait l’objet de publicité au Canada.

[48]           À la question 57, qui visait à savoir quelle publicité la Requérante avait faite de la Marque au Canada, Mme Batson a répondu :

[traduction] [La Requérante] mène une campagne de publicité très solide et agressive sur le Web. Nous annonçons nos membres sur cnn.com, Yahoo et le réseau AOL. De plus, nous remettons à nos membres des textes d’annonces pour la radio et de la publicité télévisée et imprimée, qu’ils peuvent ensuite utiliser dans leur collectivité pour promouvoir le titre que leur a conféré l’American Gem Society.

[49]           Je souligne que je ne dispose d’aucune preuve de ce à quoi ressemble cette publicité, ni du fait qu’un membre canadien de la Requérante s’en est servi.

[50]           Aux pages 129 et 130, Mme Batson a été interrogée au sujet de la déclaration qu’elle a faite au paragraphe 5 de son premier affidavit, selon laquelle [traduction] « la Marque CERTIFIED GEMOLOGIST est employée en liaison avec [des services en matière de pierres précieuses distingués par CERTIFIED GEMOLOGIST] aux États‑Unis et au Canada depuis au moins 1942 ». Elle a répondu : [traduction] « Le titre de gemmologue agréé est employé aux États‑Unis depuis 1942 et, grâce à nos membres en Amérique du Nord, la réputation et la terminologie se sont incontestablement étendues au Canada depuis ce temps ». Elle ignorait toutefois si un Canadien avait été membre de l’association depuis 1942 et je dispose de peu d’éléments de preuve – voire d’aucun – étayant l’affirmation ci‑dessus. (Questions 680 à 684)

[51]           Il y a eu deux nouveaux titulaires du titre CERTIFIED GEMOLOGIST au Canada en 2006 (engagement no 7). Il y avait 19 Canadiens titulaires de ce titre en 2007 : cinq en Colombie‑Britannique, deux au Manitoba, 9 en Ontario et trois au Québec (engagement no 15). En 2006 et en 2007, 95 examens de renouvellement d’agrément ont été envoyés à des personnes au Canada (engagement no 6). Ce nombre doit inclure les titulaires des différents titres conférés par la Requérante puisqu’il n’y avait que 19 titulaires du titre CERTIFIED GEMOLOGIST. 

[52]           Au cours du contre‑interrogatoire, la Requérante a produit une version modifiée de la pièce Q qui était jointe à l’affidavit de Mme Batson du 23 février 2007 parce qu’on lui avait fait remarquer que la version originale de la pièce n’aurait pas dû comprendre, en plus des mises en demeure envoyées à des adresses au Canada, des mises en demeure envoyées à des adresses situées aux États‑Unis. La pièce modifiée comprend sept mises en demeure envoyées à des adresses situées au Canada en 2006. La preuve ne permet pas de savoir si les personnes qui ont reçu ces mises en demeure ont cessé d’employer le titre de « gemmologue agréé ». 

Fardeau de preuve

[53]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe cependant d’abord à l’Opposante de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Motif no 1 – alinéa 30a)

[54]           Je suis d’accord avec la Requérante quand elle dit que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial quant à ce motif. Celui‑ci est donc rejeté.

[55]           J’ajouterais que l’Opposante a soutenu que l’état descriptif des services, qui indiquait à l’origine [traduction] « services d’analyse, d’évaluation et de classification de diamants », n’aurait pas dû être élargi pendant la poursuite de manière à indiquer [traduction] « services d’analyse, d’évaluation et de classification de pierres précieuses ». Il est vrai que l’expression « pierres précieuses » a un sens plus large que le mot « diamants », mais la déclaration d’opposition ne dit rien au sujet de cette question. En outre, je suis d’avis que celle‑ci ne fait pas partie des motifs d’opposition admissibles (voir l’article 38).

Motif no 2 – alinéa 30b)

[56]           La Requérante alléguant une date de premier emploi, je m’intéresserai surtout à la prétention selon laquelle elle n’a pas employé la Marque au Canada avec les services indiqués depuis la date de premier emploi revendiquée dans l’enregistrement, soit depuis au moins 1996 (ce qui est interprété comme le 31 décembre 1996).

[57]           Le fardeau de preuve incombant à l’Opposante relativement à la question du non‑respect de l’alinéa 30b) n’est pas lourd [Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la page 89]. L’Opposante peut s’en acquitter en se servant de la preuve de la Requérante, à la condition que cette preuve soit clairement incompatible avec les revendications contenues dans la demande [Brasserie Labatt Ltée c. Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), à la page 230; Williams Telecommunications Corp. c. William Tel Ltd.(1999), 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)]. L’alinéa 30b) exige aussi que la marque de commerce visée par la demande ait été employée sans interruption dans la pratique normale du commerce depuis la date revendiquée [Brasserie Labatty Ltée c. Benson & Hedges (Canada) Ltée et les Brasseries Molson, Société en nom collectif Breweries, a Partnership (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), à la page 262].

[58]           L’Opposante se sert du contre‑interrogatoire de Mme Batson pour s’acquitter de son fardeau initial. Plus précisément, elle se fonde sur le fait que, en réponse à certaines questions mises en délibéré, Mme Batson a indiqué qu’il n’existe pas de dossiers antérieurs à 2006 [voir, par exemple, les réponses données aux questions 345, 353 et 355]. L’Opposante a souligné que, selon les normes définies dans la demande, la Marque peut être employée seulement par une personne qui, notamment, [traduction] « a réussi l’examen de certification annuel [de la] Requérant[e] ». L’Opposante a toutefois mentionné, lorsqu’elle a été interrogée, qu’il n’existait aucun dossier antérieur à 2006 concernant le nombre d’examens de renouvellement d’agrément envoyés à des personnes au Canada. Les dossiers de la Requérante lui ont seulement permis de répondre qu’il y avait 19 titulaires du titre CERTIFIED GEMOLOGIST au Canada en 2006.

[59]           Bien que l’incapacité de la Requérante de répondre aux questions portant sur l’emploi de sa Marque au Canada avant 2006 (et en particulier avant le 31 décembre 1996, et entre 1996 et le 10 mai 2002) ne soit pas clairement délibérée, j’estime que cette incapacité doit être retenue contre elle. Un requérant en matière de marques de commerce devrait s’appuyer sur la date d’emploi la plus ancienne qui peut être établie. Lorsque la validité de la date alléguée est contestée et qu’une preuve lui est demandée pour la démontrer, il ne devrait pas pouvoir se défendre en affirmant simplement qu’il ne possède plus cette preuve.

[60]           J’estime que l’Opposante a réussi, grâce au contre‑interrogatoire de Mme Batson, à soulever des doutes quant à l’emploi de la Marque par la Requérante au Canada depuis au moins 1996. Comme la Requérante n’a pas produit de preuve établissant cette date, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli. Toutefois, comme la demande a deux fondements et que cette disposition n’est pas pertinente pour ce qui est de l’emploi et de l’enregistrement de la Marque aux États‑Unis sur lesquels s’appuie la Requérante, le motif fondé sur l’alinéa 30b) ne peut être accueilli qu’en ce qui concerne l’emploi au Canada.

Motif no 3 – alinéa 30d)

[61]           L’Opposante n’a soulevé aucun doute quant à l’emploi de la Marque par la Requérante aux États‑Unis avant la production de la demande au Canada. Ce motif est donc rejeté puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif no 4 – alinéa 30f)

[62]           La demande renferme les détails de la norme définie que l’emploi de la Marque est destiné à indiquer. L’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ce motif est également rejeté.

Motif no 5 – alinéa 30f)

[63]           La demande renferme une déclaration portant que la Requérante ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou ne se livre pas à l’exécution des services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée. Elle est donc conforme à l’alinéa 30f) sur le plan de la forme. La Requérante doit cependant aussi se conformer à cette disposition sur le plan du fond. Je dois donc déterminer si la déclaration portant que la Requérante ne s’est pas livrée à l’exécution des services faisant l’objet de la demande est véridique. La date pertinente à cet égard est la date de production de la demande [Flowers Canada/Fleurs Canada Inc. c. Maple Ridge Florist Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 110 (C.O.M.C.)].

[64]           L’Opposante soutient que la Requérante se livre à l’exécution des services parce qu’elle est l’associée majoritaire de deux entités qui exécutent des services de classification de diamants : American Gem Society Laboratories et American Gem Society Laboratories LLC. Cette allégation est fondée notamment sur des documents obtenus du bureau des brevets et des marques de commerce des États‑Unis, en particulier les enregistrements de marque de commerce suivants :

1.      l’enregistrement no 2835236 pour la marque SETTING THE HIGHEST STANDARD FOR DIAMOND GRADING, fondé sur l’emploi depuis le 25 juillet 2002 en liaison avec des [traduction] « services en matière de pierres précieuses, nommément classification de pierres précieuses »;

2.      l’enregistrement no 2572470 pour la marque AGS GEMOLOGICAL LABORATORIES et Dessin, fondé sur l’emploi depuis le 31 octobre 1995 en liaison avec [traduction] « la classification, l’analyse et l’évaluation de diamants »;

3.      l’enregistrement no 2270028 pour la marque AMERICAN GEM SOCIETY LABORATORIES, fondé sur l’emploi depuis le 31 octobre 1995 en liaison avec [traduction] « la classification, l’analyse et l’évaluation de diamants ».

[65]           Ces enregistrements étaient à l’origine au nom d’une coentreprise appelée American Gem Society Laboratories, composée notamment de la Requérante, avant d’être cédés à American Gem Society Laboratories, LLC (une société à responsabilité limitée) en 2005 [pièces I, J, K, L et M de l’affidavit de Mme Cheng du 20 avril 2006].

[66]           Mme Batson a déclaré au paragraphe 6 de son affidavit du 23 février 2007 : [traduction] « American Gem Society Laboratories, une coentreprise du Nevada, est devenue American Gem Society Laboratories, LLC, une société à responsabilité limitée du Nevada, en 2005. [La Requérante] était la propriétaire majoritaire d’American Gem Society Laboratories et elle est demeurée la propriétaire majoritaire d’American Gem Society Laboratories, LLC après le changement. » Mme Batson a affirmé également que la Requérante ne se livre pas à l’exécution des services en liaison avec lesquels la Marque est employée (paragraphe 10); cette affirmation a cependant été formulée au présent le 23 février 2007.

[67]           Au cours de son contre‑interrogatoire, Mme Batson a confirmé que la Requérante est toujours l’une des deux associées d’American Gem Society Laboratories LLC et qu’elle reçoit 51 % des profits de cette entité (questions 120, 121 et 133 à 135). American Gem Society Laboratories LLC classifie et évalue des diamants (questions 141 à 144). L’autre associée est American Gem Society Investors, [traduction] « un groupe d’investisseurs » selon Mme Batson (question 121). Une question complémentaire au sujet d’American Gem Society Investors a été refusée parce qu’elle n’était pas pertinente (question 126).

[68]           Mme Batson affirme qu’American Gem Society Laboratories LLC [traduction] « a son propre conseil d’administration, séparé de celui de [la Requérante] […] Elle constitue une entité en soi. Elle a sa propre équipe de gestion. Elle a ses propres employés et ses bureaux ne sont pas situés dans le même immeuble que ceux de [la Requérante] » (question 136). La Requérante a le droit de nommer sept des 13 membres du conseil d’administration d’American Gem Society Laboratories LLC; trois de ses propres administrateurs font partie de ce conseil, deux qui sont nommés en vertu du droit de la Requérante de nommer sept administrateurs et un qui est nommé par American Gem Society Investors (questions 150 à 157).

[69]           L’Opposante soutient que, [traduction] « en raison de sa participation dans American Gem Society Laboratories LLC et du fait qu’elle reçoit la plus grande partie des profits de celle‑ci, la Requérante se livre dans les faits à l’exécution des services pour lesquels l’enregistrement est demandé ».

[70]           Dans l’ensemble, il n’est pas clair si le rôle de la Requérante dans la coentreprise American Gem Society Laboratories l’empêchait de faire la déclaration exigée selon laquelle elle ne se livrait pas à l’exécution des Services le 10 mai 2002. L’agente de la Requérante a fait valoir à l’audience qu’au Nevada une coentreprise ressemble davantage à une entité composée de membres ou à une société à responsabilité limitée qu’à une société de personnes. Je ne dispose cependant d’aucune preuve qui le démontre ou qui décrit les conséquences de ce fait. Étant donné que le fardeau ultime incombe à la Requérante, je peux seulement conclure qu’elle n’a pas produit de preuve qui, tout bien considéré, permette de réfuter la présomption invoquée par l’Opposante. En conséquence, le présent motif d’opposition est accueilli.

Motif no 6 – article 2

[71]           Le paragraphe traitant du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif n’explique pas suffisamment pourquoi la Marque n’est pas distinctive. Cependant, lorsqu’on tient compte de toute la déclaration d’opposition et de la preuve, il est évident que l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive pour deux raisons : premièrement, parce qu’elle est clairement descriptive – mes commentaires concernant le motif fondé sur l’alinéa 12(1)b) sont pertinents ici – et, deuxièmement, parce qu’elle est employée par d’autres, une raison qui n’est pas valable car je ne dispose pas d’une preuve d’autres entités employant des marques ou une terminologie similaires à la date pertinente, soit le 23 août 2005. [Au sujet de la date pertinente, voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.); au sujet des actes de procédure corrigés par la preuve, voir Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB et al. (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.).]

Motifs nos 7 et 8 – alinéa 12(1)b) et paragraphe 14(1)

[72]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)b) parce que, [traduction] « lorsqu’elle est sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle serait employée, des conditions de leur production, des personnes qui les produisent ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services ». L’Opposante a fait valoir également que, contrairement au paragraphe 14(1), la Marque [traduction] « est dépourvue de caractère distinctif, eu égard aux circonstances, y compris la durée de l’emploi qui en a été fait au Canada, aux États‑Unis et dans d’autres pays ».

[73]           La question de savoir si la Marque est clairement descriptive doit être considérée du point de vue de l’acheteur moyen des services en cause. En outre, la Marque ne doit pas être disséquée en ses éléments constitutifs et analysée de façon minutieuse : elle doit plutôt être considérée dans son ensemble en tenant compte de l’impression immédiate qu’elle laisse [Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27 et 28 (C.F. 1re inst.); Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183, à la page 186 (C.F. 1re inst.)]. On entend par « nature » une particularité ou une caractéristique du produit, et « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » [Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, à la page 34 (C. de l’É.)].

[74]           Selon la Requérante, la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est la date de ma décision. Je suis toutefois d’accord avec l’Opposante : la date pertinente est la date de production de la demande, soit le 10 mai 2002 [Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 250 (C.F. 1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

[75]           L’Opposante fait valoir qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial puisque les définitions des mots CERTIFIED et GEMOLOGIST que l’on retrouve dans les dictionnaires étayent son allégation selon laquelle la Marque est clairement descriptive. Elle rappelle que l’opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve initial en produisant des définitions de dictionnaires au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) dans Flowers Canada (ci‑dessus), qui concernait la marque de certification MASTER FLOREST. Je conviens que les définitions tirées de dictionnaires ont permis à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial.

[76]           L’Opposante s’appuie aussi, pour s’acquitter de son fardeau initial, sur la déclaration faite sous serment par Mme Sproule selon laquelle [traduction] « il est courant pour les bijoutiers et les gemmologues qui sont employés par des bijouteries et des entreprises de gemmologie et qui ont obtenu des diplômes ou des certificats en suivant d’autres cours de gemmologie ou de bijouterie que ceux offerts par l’American Gem Society de se présenter comme des “gemmologues agréés” ». Mme Sproule n’a cependant pas démontré que c’était le cas le 10 mai 2002.

[77]           En ce qui concerne le bénéfice de l’article 14 revendiqué par la Requérante, l’Opposante soutient que cette revendication ne peut pas être accueillie puisque la date pertinente au regard de l’article 14 est également la date de production de la demande et que l’enregistrement effectué aux États‑Unis sur lequel la Requérante s’appuie à cet égard est postérieur au 10 mai 2002. L’Opposante se réfère à Zorti Investments Inc. c. Party City Corp. (2004), 36 C.P.R. (4th) 90 (C.O.M.C.), où le commissaire Martin a déclaré aux pages 95 et 96 :

L’article 14 établit un mécanisme analogue à celui du paragraphe 12(2), lequel permet l’enregistrement de marques non enregistrables aux termes de l’alinéa 12(1)b). Lorsque la requérante possède une marque de commerce correspondante déjà enregistrée dans un autre pays, le paragraphe 14(1) prévoit une exception à l’alinéa 12(1)b) comparable à l’exception établie par le paragraphe 12(2) (Les brasseries Molson, précitée). La date pertinente pour l’examen des circonstances se rapportant au paragraphe 14(1) devrait donc logiquement être la même que pour l’analyse exigée pour l’application des articles 12(1)b) et 12(2), c’est-à-dire, la date à laquelle la demande d’enregistrement a été produite, comme on l’a dit plus haut. De fait, avant la décision Lubrication Engineers, c’est la position que la Commission des oppositions avait prise (voir, par exemple, Holiday Juice Ltd. v. Sundor Brand Inc. (1990), 33 C.P.R. (3d) 509, p. 512‑513 (C.O.M.C.). Non seulement le recours à une date pertinente ultérieure serait-il irrationnel mais il favoriserait injustement les requérants étrangers par rapport aux requérants canadiens, lesquels doivent démontrer que leurs marques clairement descriptives étaient devenues distinctives à la date où ils ont produit leur demande.

 

La requérante doit donc prouver l’enregistrement étranger et démontrer que la marque dont elle demande l’enregistrement n’était pas dépourvue de caractère distinctif au Canada, ainsi que l’exige l’alinéa 14(1)b) de la Loi, et ce, à la date de la production de sa demande. Bien qu’il s’agisse là d’un fardeau de preuve moins lourd que celui qu’impose le paragraphe 12(2) de la Loi, il n’en demeure pas moins exigeant (Supershuttle International, Inc. c. Registraire des marques de commerce (2002), 19 C.P.R. (4th) 34, p. 42 (C.F. 1re inst.).

 

En l’espèce, la revendication de la requérante fondée sur l’article 14 ne peut être reçue pour deux raisons. Premièrement, l’enregistrement correspondant aux États-Unis n’a été effectué qu’après la production de la présente demande. Deuxièmement, l’affidavit de M. Zepf montre que l’emploi de la marque et la publicité faite à son égard n’ont commencé que bien après la date pertinente. La preuve présentée par la requérante pendant l’examen initial de sa demande n’a pas été soumise dans le cadre de l’opposition; celle-ci ne peut donc y avoir recours (voir la décision Les brasseries Molson, à la p. 241). Quoi qu’il en soit, il est peu probable, étant donné que la présente demande est fondée sur l’emploi projeté de la marque, que la preuve produite antérieurement ait pu être utile à la requérante. Par conséquent, le premier motif d’opposition est accueilli.

 

[78]           Je souscris au raisonnement exposé dans Zorti. Je devrais mentionner cependant que la Requérante s’est fondée notamment, pour ce qui est de la date pertinente, sur les remarques que j’ai faites dans Kraft Canada Inc. c. ConAgra Grocery Products Co. (2000), 10 C.P.R. (4th) 265 (C.O.M.C.). Or, il importe de souligner que cette décision a été rendue à l’époque où la date pertinente pour le caractère descriptif était la date de la décision du registraire. La Cour fédérale est ensuite revenue à la date de production de la demande (voir Fiesta Barbeques, ci‑dessus), ce qui m’oblige maintenant à m’écarter des remarques incidentes que j’ai formulées en 2000.

[79]           Comme l’indique l’extrait de Zorti qui est reproduit ci‑dessus, la Requérante doit prouver que, à la date de production de sa demande au Canada, la Marque était enregistrée dans le ressort étranger et qu’elle n’était pas dépourvue de caractère distinctif. En l’espèce, il ne fait aucun doute que la première condition n’est pas remplie. Par conséquent, l’Opposante a gain de cause pour ce qui est des septième et huitième motifs d’opposition.

[80]           Pour que la décision soit complète, je dois mentionner que l’Opposante a soutenu que, même si l’enregistrement de la Requérante aux États‑Unis existait le 10 mai 2002, la revendication fondée sur l’article 14 devrait être rejetée : i) parce que la Requérante employait CERTIFIED GEMOLOGIST, AMERICAN GEM SOCIETY, et non la Marque, et ii) parce que le fait que les mots CERTIFIED GEMOLOGIST figurent sur un certificat n’équivaut pas à l’emploi de la marque de certification puisque ces mots sont employés pour indiquer un titre professionnel et non pour indiquer que les services sont conformes à une norme définie. En ce qui concerne le deuxième point, l’Opposante s’est appuyée sur Assn. des Assureurs-vie du Canada c. Assn. provinciale des Assureurs-vie du Québec (1988), 22 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), et sur Groupe Conseil Parisella, Vincelli c. CPSA Sales Institute (2003), 31 C.P.R. (4th) 308 (C.O.M.C.). Je ne me prononcerai pas sur la valeur de ces prétentions subsidiaires de l’Opposante.

[81]           Je mentionnerai toutefois que la Requérante a indiqué à l’audience qu’elle voulait tirer parti de l’alinéa 12(2) si je statuais qu’elle ne pouvait pas se prévaloir du bénéfice de l’article 14. Or, elle ne peut pas le faire car il serait injuste de permettre à un requérant de modifier sa demande pour revendiquer le bénéfice du paragraphe 12(2) alors que le processus est aussi avancé (voir Conseil canadien des ingénieurs c. Rotherbuhler Engineering Co. (2005), 50 C.P.R. (4th) 115, à la page 126 (C.O.M.C.), où une demande similaire visant à ajouter une revendication fondée sur le paragraphe 14(1) avait été présentée vers la fin du processus). De toute façon, le paragraphe 12(2) exige une preuve plus importante que le paragraphe 14(1), notamment une ventilation par province ou territoire.

Motif no 9 – article 23

[82]           Je ne pense pas que l’article 23 puisse servir de fondement au motif d’opposition concernant la non‑enregistrabilité prévu à l’alinéa 38(2)b). Je rejette donc ce motif d’opposition. Je souligne cependant que j’ai traité de l’objet de ce motif lorsque j’ai examiné le motif no 5.

Motif no 10 – alinéa 12(1)e) et article 10

[83]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial relativement à ce motif. Par conséquent, celui‑ci est rejeté.

Décision

[84]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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