Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 182

Date de la décision : 2010-11-02

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par la Société des comptables professionnels du Canada à l’encontre de la demande nº 1201516 pour la marque de commerce PA au nom de The Institute of Certified Professional Accountants of Alberta

 

Le dossier

[1]        Le 10 février 2004, l’Institute of Certified Professional Accountants of Alberta (« l’Alberta Institute » ou « l’Institut ») a produit une demande d’enregistrement à l’égard de la marque de certification PA, fondée sur l’emploi de la marque depuis le 30 septembre 1999 ou avant cette date en liaison avec les services suivants :

                                        Services de comptabilité de tiers.

 

La demande expose la norme à laquelle doivent satisfaire les personnes qui exécutent les services, qui comporte un certain nombre de conditions en matière de formation et d’expérience professionnelle indiquées ci‑dessous :

[traduction] L’utilisation de la marque de certification sert à indiquer que les services en liaison avec lesquels elle est employée sont rendus par des personnes ayant satisfait à la norme définie comme suit : (A) Les candidats doivent avoir terminé avec succès les cours suivants dans un établissement d’enseignement postsecondaire : Niveau I - Comptabilité financière 1 Microéconomie Droit commercial Gestion financière Niveau II - Comptabilité financière 2 Comptabilité de gestion 1 Statistiques Systèmes d’information informatisés Niveau III - Comptabilité financière 3 Systèmes d’information comptables Comptabilité de gestion 2 Macroéconomie Niveau IV - Art oratoire Comportement organisationnel Comptabilité financière avancée Vérification Fiscalité Niveau V - Agrément. Une fois terminé le programme susmentionné, les candidats doivent réussir aux examens d’agrément dans les domaines de la comptabilité avancée, de la vérification avancée et de la fiscalité avancée. (B) Les candidats doivent avoir une expérience pratique qui leur a permis d’acquérir le bloc de connaissances et les compétences requises dans les domaines de la comptabilité, de la vérification, de la fiscalité, des finances et de la gestion; cette expérience s’acquiert par deux années de travail à temps plein dans le domaine de la comptabilité et dans des disciplines connexes au cours des cinq années précédant la certification. OU (C) les candidats n’ayant pas le niveau d’instruction requis peuvent se présenter à un examen général d’entrée, à condition d’avoir acquis une expérience de travail à temps plein dans le domaine de la comptabilité et dans des disciplines connexes pendant au moins cinq années au cours des huit années précédant la certification.

 

[2]        La demande a été annoncée aux fins d’opposition au Journal des marques de commerce du 20 septembre 2006 et a fait l’objet d’une déclaration d’opposition de la Société des comptables professionnels du Canada le 3 octobre 2006. Le 17 octobre 2006, le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, comme le prévoit le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre‑déclaration dans laquelle elle nie de manière générale les allégations de la déclaration d’opposition.

[3]        La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de William O. Nichols. La preuve de la requérante est constituée de l’affidavit de Laura Waters‑Taverner. La preuve de l’opposante en réponse est un second affidavit de William O. Nichols. L’opposante a présenté une transcription du contre‑interrogatoire de Mme Waters‑Taverner, auquel est annexée la pièce 1, et des réponses aux engagements donnés lors du contre‑interrogatoire. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont été représentées à l’audience, tenue le 28 septembre 2010.

 

La déclaration d’opposition

[4]        Selon le premier et le deuxième motif d’opposition, fondés sur l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, la requérante i) n’a pas employé la marque en liaison avec les services depuis la date alléguée ou à tout autre moment et ii) ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque parce qu’elle connaissait la marque de certification de l’opposante.

[5]        Selon le troisième motif, fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la marque PA faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de certification déposée R.P.A. de l’opposante pour un emploi en liaison avec des services de comptabilité.

[6]        Selon le quatrième motif, qui repose sur l’article 16, la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande parce qu’à la date du premier emploi de la marque, le 30 septembre 1999, elle créait de la confusion avec la marque de certification de l’opposante qui avait été employée antérieurement. Selon le cinquième motif d’opposition, basé sur l’article 2, la marque faisant l’objet de la demande ne distingue pas les services visés dans la demande des services de l’opposante et n’est pas non plus apte à les distinguer véritablement.

 

La preuve de l’opposante

William O. Nichols

[7]        Monsieur Nichols atteste qu’il est le président de l’opposante, la Société des comptables professionnels du Canada. L’opposante est la propriétaire des marques de certification R.P.A. et A.P.A. employées en liaison avec des services de comptabilité qui répondent à la norme suivante :

[traduction] Les services sont exécutés par une catégorie de professionnels, nommément ceux qui ont réussi les cours donnés par la Société des comptables professionnels du Canada et qui ont reçu ou peuvent recevoir l’agrément de la Société des comptables professionnels du Canada.

 

[8]        L’emploi de la marque R.P.A. remonte au moins à 1989. La Société des comptables professionnels du Canada a obtenu une charte fédérale à titre de corporation constituée par lettres patentes délivrées conformément aux dispositions de la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes. L’opposante assure la compétence professionnelle de ses membres par la formation continue et par l’établissement de normes de qualification. Les professionnels qui réussissent les cours obtiennent une licence les autorisant à employer la marque R.P.A. lorsqu’ils offrent des services de comptabilité au public. La marque A.P.A. est accordée sous licence aux membres qui comptent sept ans de pratique publique et ont été titulaires du titre R.P.A. de la Société des comptables professionnels du Canada depuis 10 ans. Selon M. Nichols, [traduction] « les marques de certification R.P.A. et A.P.A. ont acquis une réputation et un achalandage en liaison avec les services de comptabilité fournis par les membres agréés de la Société des comptables professionnels du Canada et elles sont devenues reconnues au Canada comme un insigne d’excellence dans le domaine des services comptables ». La Société des comptables professionnels du Canada reconnaît les préalables offerts par de nombreuses universités et offre des cours à l’École de formation continue de l’Université de Toronto. Les personnes qui portent le titre de R.P.A. sont des répondants admissibles pour les passeports canadiens et pour les demandes de certificat de naissance auprès des Statistiques de l’état civil de l’Ontario. La Société des comptables professionnels du Canada est un établissement d’enseignement reconnu en vertu des articles 118.5 et 118.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les titulaires de licence de la marque R.P.A. affichent la marque sur le papier à en‑tête qu’ils utilisent dans la correspondance avec les clients qui reçoivent des services de comptabilité.

 

La preuve de la requérante

Laura Waters‑Taverner

[9]        Madame Waters‑Taverner atteste qu’elle est directrice de l’Alberta Institute. L’Institut a été constitué en personne morale le 30 septembre 1999 en vertu du Societies Act de l’Alberta. Madame Waters‑Taverner était auparavant la présidente de la société que la requérante a remplacée, la Society of Professional Accountants of Alberta (la société remplacée), dont l’enregistrement est daté du 24 septembre 1997. La mission de l’Alberta Institute est de promouvoir le développement général de la branche des services comptables et de veiller à ce que la profession soit exercée d’une manière qui justifie la confiance du public et des employeurs. L’emploi de la désignation PA par les membres de la société remplacée a été autorisé le 1er août 1997. Le 27 octobre 1999, tous les membres existants de la société remplacée ont été autorisés à devenir membres de l’Alberta Institute, sur délivrance de nouveaux certificats de membres.

[10]      Le Bureau des passeports du Canada reconnaît les titulaires de la désignation PA comme répondants admissibles, au même titre que les comptables professionnels titulaires des désignations APA, CA, GCA, CMA et RPA. Les membres de l’Alberta Institute au Canada, c’est‑à‑dire les titulaires autorisés à employer la marque de commerce PA certifiée par l’Alberta Institute, ont connu une croissance régulière, passant de 23 membres en 1997 à 251 membres en 2006. Comme il fallait s’y attendre, de manière générale environ la moitié des membres, sur une base annuelle, sont établis dans la province de l’Alberta. Les membres autorisés emploient la marque PA dans leurs communications avec les clients actuels et potentiels ainsi que sur leurs cartes professionnelles.

[11]      En raison des postes qu’elle a occupés à l’Alberta Institute et au sein de la société remplacée, Mme Waters‑Taverner est au courant [traduction] « de tous les contacts qui sont établis par le public et les membres potentiels…  ». Elle n’a eu connaissance [traduction] « d’aucune demande venant d’une personne du public qui avait l’intention d’entrer en contact avec l’opposante ».

[12]      En août 1999, l’opposante a demandé à la société remplacée de cesser d’employer l’expression Society of Professional Accountants [Société des comptables professionnels], demande à laquelle la société remplacée a répondu en constituant la présente requérante en personne morale.

[13]      La Registered Public Accountant’s Association of Alberta est la propriétaire de la marque représentée ci-dessous, qui a été enregistrée en mars 1996.

 

Une variante de la marque, composée des mots REGISTERED PUBLIC ACCOUNTANTS placés sous le dessin de forme ovale qui entoure les lettres stylisées RPA, est présentée sur le site Web de la propriétaire : voir la pièce N de l’affidavit de Mme Waters‑Taverner. De plus, la fin de la page Web se lit comme suit :

[traduction] La Regional Public Accounting Association (RPAA) dessert : Terre‑Neuve, le Québec, l’I.P.‑É., la Nouvelle‑Écosse, l’Ontario, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, la Colombie‑Britannique, le Nouveau‑Brunswick et toutes les villes canadiennes

 

[14]      Le site Web d’un tiers, la Registered Public Accountant’s Association of Alberta Atlantic (RPAAA) utilise (au 10 janvier 2007) le logo ovale RPA stylisé et la marque RPA, de la façon représentée comme suit :

 

 

Transcription du contre‑interrogatoire de Laura Waters‑Taverner

[15]      Comme il est expliqué dans le contre‑interrogatoire, les membres potentiels de l’Alberta Institute présentent une demande à l’Institut, accompagnée de documents attestant leur formation et leur expérience professionnelle. L’Institut décide alors si le candidat satisfait à la norme prescrite. Dans l’affirmative, celui-ci reçoit une licence d’emploi de la marque PA. La société remplacée a attribué des licences à l’égard de la marque PA depuis sa constitution en personne morale jusqu’à la cessation de son activité, le 30 septembre 1999 ou vers cette date. Par la suite, l’Institut a commencé à délivrer la licence d’emploi de la marque PA. La société remplacée et l’Institut ont appliqué les mêmes normes prescrites. Il n’y a pas eu d’entente écrite formelle de cession des droits à l’égard de la marque PA par la société remplacée à l’Institut. Le conseil d’administration de la société remplacée a plutôt tenu une réunion le 30 septembre 1999 et fait cession à l’Institut [traduction] « de tous les intérêts que nous avons dans les membres, les affiliations, les désignations, PA… et dans les autres éléments d’actif…  ». Le conseil d’administration de la société remplacée a constitué le conseil d’administration de l’Institut.

[16]      Madame Waters‑Taverner est également la présidente de l’Institute of Professional Accountants of Saskatchewan Inc. (le Saskatchewan Institute) depuis sa création le 5 décembre 2000. L’Alberta Institute délivre des licences par l’entremise du Saskatchewan Institute; en d’autres termes, la personne de la Saskatchewan qui souhaite obtenir la désignation PA en fait la demande à l’Alberta Institute et doit satisfaire à la norme définie par l’Alberta Institute. Elle reçoit alors une licence de l’Alberta Institute sous l’en‑tête d’un groupe opérationnel portant le nom commercial d’Institute of Professional Accountants (dont l’Alberta Institute a la propriété). Les autres sociétés provinciales affiliées à l’Alberta Institute sont les Certified Professional Accountants de l’Ontario, de la Colombie‑Britannique et du Manitoba. Un autre organisme affilié à l’Institut, le Canadian Institute of Professional Accountants (le Canadian Institute), est une personne morale constituée en vertu des lois fédérales. Tout professionnel peut s’adresser au Canadian Institute pour obtenir la désignation PA.

[17]      En réponse aux engagements donnés lors du contre‑interrogatoire de Mme Waters‑Taverner, la requérante, l’Alberta Institute, a fourni des copies de l’entente écrite qu’elle avait passée avec le Canadian Institute au sujet de l’emploi de la désignation PA. Il s’agit d’un document très bref, mais qui expose néanmoins i) que la requérante, l’Alberta Institute, doit exercer toutes les fonctions administratives du Canadian Institute, notamment le traitement des demandes d’inscription et les services aux membres et ii) que les membres du Canadian Institute [traduction] « seront autorisés à employer la désignation PA, qui sera en tout temps régie et contrôlée par » la requérante, l’Alberta Institute. En réponse aux engagements, l’Alberta Institute a également fourni des copies d’ententes analogues passées entre la requérante et ses organismes affiliés au Manitoba, en Saskatchewan, en Colombie‑Britannique et en Ontario.

[18]      Un engagement de fournir [traduction] « l’entente écrite passée entre chaque organisme provincial et le Canadian Institute of Professional Accountants au sujet de l’emploi de la marque de certification PA » a fait l’objet de la réponse suivante :

[traduction] Il n’existe pas d’ententes écrites passées entre les organismes provinciaux individuels (sauf l’Alberta) et le Canadian Institute of Professional Accountants, car la marque PA n’est pas contrôlée de cette manière.

 

La preuve en réponse de l’opposante

[19]      Fondamentalement, la preuve en réponse de l’opposante explique davantage les conflits antérieurs entre les parties au sujet de l’emploi des noms commerciaux ‑ comme l’expose le témoignage de la requérante ‑, et de l’emploi des marques visées en l’espèce. À mon avis, la perspective historique que présente la preuve en réponse n’est pas particulièrement pertinente à l’égard des questions à trancher dans la présente instance.

 

Les fardeaux de preuve

[20]      Il incombe au requérant d’établir que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’allègue l'opposant dans la déclaration d'opposition. L'existence d’un fardeau ultime au requérant signifie que si, après la production de la totalité de la preuve, on ne peut tirer une conclusion donnée sur cette question, celle-ci doit être tranchée à son encontre. Cependant, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposant a également le fardeau de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels il appuie chacun des motifs invoqués dans sa déclaration d’opposition : voir John  Labatt Limited  c. The Molson Companies Limited, 30  C.P.R. (3d)  293, page  298. L'existence d’un fardeau incombant à l'opposant au sujet d’une question en particulier signifie que cette question ne pourra être prise en considération que s’il existe des éléments de preuve suffisants à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à L’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Naturellement, l’opposant peut s’appuyer sur tout élément de preuve produit par le requérant pour s’acquitter de son fardeau.

 

Le premier et le deuxième motif d’opposition

[21]      Le premier motif d’opposition, fondé sur l’article 30 de la Loi, allègue que la requérante, l’Alberta Institute, n’a pas employé la marque PA en liaison avec les services spécifiés depuis la date alléguée, soit le 30 septembre1999. Pour s’acquitter de son fardeau à l’égard de ce motif d’opposition, l’opposante s’appuie a) sur une copie d’une recherche de dénominations sociales (pièce G de l’affidavit principal de M. Nichols) indiquant que la requérante a été enregistrée le 30 septembre 1999 et b) sur des lettres (pièce G de l’affidavit de Mme Waters‑Taverner) datées du 30 septembre 1999 adressées par la requérante à des personnes pour les informer i) que leur demande d’inscription a été approuvée et ii) qu’elles peuvent employer la marque PA. L’opposante demande comment la requérante peut revendiquer l’emploi de la marque PA le jour même où elle envoie à des licenciés des lettres pour les aviser qu’elle les autorise à faire usage de la désignation PA. À cet égard, l’article 23 de la Loi sur les marques de commerce n’autorise pas le propriétaire d’une marque de certification à employer la marque, mais dispose que l’emploi de la marque par des licenciés est réputé en être l’emploi par le propriétaire.

[22]      En l’absence d’autres renseignements contextuels, je conviendrais avec l’opposante i) qu’elle s’est acquittée de son fardeau relativement léger à l’égard du premier motif d’opposition et ii) que la preuve produite par la requérante ne lui permet pas de s’acquitter du fardeau qui lui incombait d’établir l’emploi de la marque PA par des licenciés à la date de premier emploi revendiquée. Cependant, l’argumentation de l’opposante repose sur la prémisse que la requérante ne peut invoquer l’emploi de la marque PA par la société remplacée parce que, selon l’opposante, la société remplacée n’a pas validement cédé ses droits de propriété sur la marque PA à la requérante le 30 septembre 1999. Je ne suis pas d’accord avec l’opposante sur cette prémisse. À mon avis, la propriété de la marque PA a fait l’objet d’une cession valide par la société remplacée à la requérante, l’Alberta Society, comme l’a décrit Mme Waters‑Taverner dans son affidavit et dans son contre‑interrogatoire et comme l’établissent les documents produits en réponse aux engagements. Il n’y a pas de document écrit formel qui atteste la cession, mais cette condition n’est pas requise pour la cession valide de la propriété d’une marque de commerce. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

[23]      Le deuxième motif d’opposition est rejeté, car la simple connaissance de la marque de l’opposante ne suffit pas pour étayer l’allégation portant que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque visée par la demande. Pour appuyer pareille allégation, il faut établir que la requérante a agi de mauvaise foi ou de façon frauduleuse ou encore qu’elle contrevient à une loi fédérale.

 

La principale question en litige

[24]      La question principale que soulèvent les autres motifs d’opposition est de savoir si la marque PA, qui fait l’objet de la demande, crée de la confusion avec l’une ou l’autre des marques de l’opposante R.P.A. et A.P.A. Les dates pertinentes pour apprécier la question de la confusion sont 1) la date de la décision, pour le troisième motif d’opposition fondé sur la non‑enregistrabilité : voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), à la page 424; ii) la date de premier emploi revendiquée pour la marque visée par la demande, en l’occurrence le 30 septembre 1999, pour le deuxième motif d’opposition alléguant l’absence de droit à l’enregistrement : voir le paragraphe 16(1) de la Loi sur les marques de commerce; iii) la date de l’opposition, en l’espèce le 3 octobre 2006, en ce qui concerne la question de l’absence de caractère distinctif : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R.(2d) 126 (C.A.F.), à la page 130, et Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R.(3d) 418 (C.F. 1re inst.).

[25]      Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque PA visée par la demande et les marques R.P.A. et A.P.A. de l’opposante, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, repris en partie ci‑dessous :

6(2)       L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées […] par la même personne, que ces marchandises  ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

Le paragraphe 6(2) ne vise donc pas la confusion entre les marques elles‑mêmes, mais vise la confusion sur l’origine des marchandises ou des services. En l’espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est de savoir s’il y a confusion entre les services de comptabilité assurés par les membres de la requérante et ceux que fournissent les membres de l’opposante.

 

Le test en matière de confusion

[26]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération dans l’appréciation de la confusion entre deux marques sont exposés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre des marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. Le poids à accorder à chacun dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

L’examen des facteurs du paragraphe 6(5)

[27]      La marque PA visée par la demande possède un caractère distinctif inhérent faible, par rapport aux services spécifiés dans la demande, parce qu’elle est un acronyme dérivé des mots « professional accountant ». La marque suggère donc fortement le type de professionnels qui sont employés pour l’exécution des services de la requérante. Je déduis de la preuve de la requérante que la marque PA faisant l’objet de la demande a acquis une certaine notoriété au Canada aux dates pertinentes les plus récentes, mais cette preuve ne permet pas de préciser qu’elle aurait acquis un caractère distinctif. La preuve de la requérante indique que le premier emploi de la marque faisant l’objet de la demande remonte au 1er août 1997, bien que la demande ne revendique pas d’emploi avant le 30 septembre 1999. Je suis disposé à conclure au vu de la preuve au dossier que la marque PA visée par la demande avait une réputation à tout le moins minimale à la date pertinente la plus ancienne. De même, les marques R.P.A. et A.P.A. de l’opposante possèdent un caractère distinctif inhérent faible du fait de la composante P.A. des marques. Je déduis de la preuve de l’opposante que la marque R.P.A. avait acquis une certaine notoriété au Canada à toutes les dates pertinentes, bien que la preuve ne permette pas de préciser qu’elle aurait acquis un caractère distinctif.

[28]      En outre, je tiens à souligner que la preuve de la requérante au sujet de l’emploi de la marque RPA par la RPAAA établit que le caractère distinctif acquis de la marque de l’opposante peut avoir été atténué par l’emploi de cette marque fait par des tiers. Toutefois, il est difficile d’en arriver à une conclusion décisive sur la mesure dans laquelle le caractère distinctif a pu se diluer, en raison de la faiblesse de la preuve relative à l’emploi par des tiers. Il est difficile également de dégager une conclusion décisive sur le caractère distinctif acquis de la marque A.P.A. de l’opposante. Je suis néanmoins disposé à déduire d’une interprétation équitable de l’ensemble de la preuve que la marque A.P.A. de la requérante avait acquis une réputation à tout le moins minimale à toutes des dates pertinentes. Par conséquent, j’estime que la preuve au dossier ne me permet de tirer aucune autre conclusion que celle de dire que le premier facteur, qui associe le caractère distinctif inhérent au caractère distinctif acquis des marques en litige, ne joue en faveur d’aucune des parties.

[29]      La période pendant laquelle les marques visées ont été en usage joue en faveur de l’opposante, qui utilise sa marque R.P.A. depuis 1989 alors que l’emploi le plus ancien de la marque PA de la requérante se situe au milieu de 1997.

[30]      Dans la présente procédure, je conclus que les services et le commerce des parties sont essentiellement identiques, chaque partie s’intéressant à assurer la prestation de services de comptabilité de haute qualité aux entreprises et aux personnes qui en ont besoin. Ces facteurs jouent donc à l’encontre de la requérante dans la mesure où il est à l’avantage de la requérante de démarquer ses services et son commerce de ceux de l’opposante.

[31]      Les marques des parties se ressemblent largement à tous égards, la marque PA visée par la demande étant constituée du suffixe qui forme une partie des marques de l’opposante R.P.A. et A.P.A. À ce sujet, je ne considère pas que les points séparateurs des lettres de la marque de l’opposante sont des caractéristiques distinctives importantes. En d’autres termes, dans la présente procédure, la marque RPA est seulement une petite variante de la marque R.P.A., soit une différence non distinctive.

[32]      Je tiens compte du principe du droit des marques de commerce exposé dans General Motors c. Bellows (1949) 10 C.P.R. 101 (C.S.C.), aux pages 115 et 116, selon lequel certains types de marques, comme les marques de l’opposante en l’espèce, n’ont pas droit à une large protection :

[traduction] […] on doit accorder une protection plus étroite à l’entreprise qui a puisé dans le vocabulaire commun du commerce le ou les mots lui servant de marque, qu’à celle dont la marque est constituée d’un mot inventé, unique ou non descriptif […]

 

[…] lorsqu’un commerçant choisit des mots d’usage courant pour former son nom commercial, cela crée nécessairement un risque de confusion. Mais il faut bien courir ce risque, à moins de consentir au premier utilisateur un monopole abusif sur l’emploi de ces mots. Le tribunal verra dans une différence assez minime un moyen suffisant d’éviter la confusion. On peut légitimement s’attendre à plus de discernement de la part du public lorsqu’un nom commercial consiste, en totalité ou en partie, en des mots décrivant des produits ou des services offerts.

 

      Il est sans aucun doute dans l’intérêt du public d’éviter la confusion entre ces marques, mais en revanche ce même intérêt public suppose la liberté du commerçant dans ses opérations ordinaires, et en particulier dans l’emploi de mots tirés de la langue.

                                                      (Non souligné dans l’original.)

 

[33]      Je prends aussi en considération le principe formulé dans Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188, selon lequel la première partie d’une marque est celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif. En l’espèce, les premières lettres des marques de l’opposante, soit R et A, servent à distinguer les marques de l’opposante de la marque visée par la demande. Cependant, lorsque la première partie d’une marque n’est pas vraiment distinctive, son importance diminue : voir la décision Vancouver Sushiman Ltd. c. Sushiboy Foods Co. (2002), 22 C.P.R. (4th) 107 (COMC).

[34]      Je prends acte également, comme circonstance pertinente de l’espèce, du fait qu’aucune personne du public n’est entrée en contact avec la requérante en pensant qu’elle entrait en contact avec l’opposante.

[35]      Considérant les facteurs du paragraphe 6(5) et les circonstances de l’espèce qui ont été précédemment examinés, considérant aussi la jurisprudence applicable aux marques « faibles », il est évident qu’aucune des parties n’a produit une preuve suffisamment convaincante. Cependant, il incombe à la requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque PA faisant l’objet de la demande et les marques R.P.A. et A.P.A de l’opposante aux dates pertinentes importantes. Je conclus que la prépondérance des probabilités en faveur ou à l’encontre de la confusion est également répartie entre les parties à toutes les dates importantes et, par conséquent, je dois trancher à l’encontre de la requérante et repousser la demande.

[36]      Il est clair que j’ai pris en considération la marque A.P.A. de l’opposante même si cette marque n’était pas invoquée dans la déclaration d’opposition. J’ai procédé ainsi compte tenu de la directive figurant dans AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Ltd. 83 C.P.R. (4th) 241 (C.A.F.), selon laquelle il faut interpréter la déclaration d’opposition à la lumière de la preuve au dossier. L’issue de la présente procédure aurait été la même si je n’avais pas pris en compte la marque A.P.A. de l’opposante.

 

Décision

[37]      Compte tenu de ce qui précède, la présente demande est repoussée. Cette décision est rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

____________________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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