Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 152

Date de la décision : 2013-09-17
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande d’Out Front Portable Solutions, visant l’enregistrement no LMC300009 de la marque de commerce COVER-ALL au nom de Norseman Inc.

[1]               Le 25 mai 2011, à la demande d’Out Front Portable Solutions (le Requérant), le registraire a envoyé un avis aux termes de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. [1985], ch. T -13) (la Loi) à Norseman Structures Inc. (le Propriétaire), le propriétaire inscrit pour la marque de commerce COVER-ALL (la Marque). Le Propriétaire a obtenu les droits afférents à la Marque en juin 2010 lorsqu’il a acheté les actifs du propriétaire antérieur de la Marque, Cover-All Building Systems (le prédécesseur).

[2]               La Marque est enregistrée pour son utilisation en liaison avec les marchandises suivantes [TRADUCTION] : « abris portatifs pour véhicules, installations portatives préfabriquées pour l’entreposage de véhicule, l’entreposage industriel ou commercial, installations récréatives, installations pour le bétail, bâtiments à vocation agricole. »

[3]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises énumérées dans l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date à laquelle elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période au cours de laquelle l’emploi doit être établi s’étend du 25 mai 2008 au 25 mai 2011.

[4]               La définition pertinente du terme « emploi » pour la présente décision est énoncée ainsi au paragr. 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, de simples affirmations d’emploi ne suffisent pas à prouver qu’il y a eu emploi [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (CAF)]. Même si, dans une telle instance, le seuil pour établir l’emploi d’une marque est relativement peu exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.), le propriétaire doit présenter des faits suffisants pour que le registraire puisse conclure à l’emploi de la marque de commerce au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises énumérées dans l’enregistrement.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, le Propriétaire a déposé l’affidavit de Ron Bryant. M. Bryant est le président et directeur général du Propriétaire, de même que directeur général de son entité mère, Norseman Group Ltd.

[7]               Seul le Requérant a produit un plaidoyer écrit; il n’y a pas eu d’audience orale.

[8]               Dans son affidavit, M. Bryant explique la pratique normale du commerce pour la vente des marchandises au Canada. Plus précisément, il affirme que le Propriétaire vend ses marchandises à des clients par l’intermédiaire de concessionnaires : une fois que le bâtiment (il précise que le mot « bâtiment » est synonyme du terme « abri ») est commandé, le Propriétaire conçoit et fabrique les parties du bâtiment et livre les composants soit au concessionnaire qui a placé la commande, soit directement au client. Le bâtiment est par la suite assemblé par le concessionnaire ou par le client lui-même. Le Propriétaire transmet sa facture au concessionnaire, qui, par la suite, sollicite le paiement auprès du client. M. Bryant affirme qu’il s’agit de la pratique normale du commerce pour le Propriétaire et que, d’après ce qu’il en sait, il s’agit également de la façon de procéder utilisée par son prédécesseur, Cover-All Building Systems Inc.

La Marque était-elle affichée sur les marchandises durant la période pertinente?

[9]               Dans son affidavit, M. Bryant n’a pas soumis de preuve relative à l’emploi de la Marque par le Propriétaire. En effet, M. Bryant a plutôt fourni des preuves quant aux ventes effectuées par son prédécesseur en droit, comme mentionné plus haut, c’est-à-dire réalisées par Cover-All Building Systems, Inc. M. Bryant explique que le Propriétaire a acheté la Marque lorsqu’il a acquis les biens de fabrication du prédécesseur en juin 2010; ces actifs incluent la Marque et les installations de fabrication situées en Saskatchewan. Je constate que le registraire a consigné la cession de la Marque en date du 19 novembre 2010.

[10]           Dans son affidavit, M. Bryant affirme que, selon son examen des dossiers du prédécesseur en droit, ce dernier a continuellement affiché la Marque sur les bâtiments vendus au Canada durant les trois années précédant l’acquisition de la Marque par le Propriétaire actuel (2007 – 2010). Je remarque que cette période englobe une grande partie de la période pertinente.

[11]           Pour étayer son affirmation, M. Bryant a joint à son affidavit une photographie de bâtiments sur lesquels la Marque est directement affichée (preuve A). M. Bryant a également annexé à son affidavit des photographies de divers bâtiments fabriqués et vendus par le prédécesseur et sur lesquels figure la Marque, comme montré dans la preuve A (preuve B). M. Bryant affirme que, selon son examen des dossiers du prédécesseur pour les années 2007 à 2010, les photographies présentées dans les preuves A et B sont représentatives de la façon dont la Marque était affichée sur les bâtiments vendus en liaison avec celle-ci durant cette période.

[12]           Le Requérant soutient que la preuve est insuffisante pour répondre aux dispositions du paragraphe 4(1), lequel requiert que la Marque soit visible lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises. Il allègue que M. Bryant n’a fait aucun effort pour démontrer ou même revendiquer que les bâtiments montrés dans les photographies arboraient la Marque au moment de la vente.

[13]           Dans son mémoire, le Requérant s’appuie sur les commentaires suivants de la Cour d’appel fédérale émis dans l’arrêt Syntex Inc c. Apotex Inc (1984), 1 C.P.R. (3d) 145 à 151 pour étayer son allégation que le Requérant a omis de présenter une preuve pour l’emploi de la Marque aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi [TRADUCTION] :

Une marque de commerce est réputée employée si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées. La marque est ainsi portée directement à l’attention du destinataire du transfert au moment même du transfert, qui est le point temporel crucial. De même, la marque est réputée employée si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné au même moment. [Le soulignement est mis par le Requérant.]

[14]           Tout d’abord, je tiens à souligner que Syntex est une décision à l’égard d’une injonction interlocutoire dans le cadre d’une action concernant une infraction à l’article 22, et non pas pour une instance de radiation aux termes de l’article 45. En outre, Syntex aborde un cas où la marque n’était pas affichée sur les marchandises ou sur leur emballage, mais plutôt sur un dépliant glissé dans l’emballage. Ainsi, on peut établir des distinctions entre l’arrêt Syntex et le présent cas.

[15]           Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a souligné le devoir du registraire dans les actions aux termes de l’article 45, plus précisément :

Il n’y a rien dans l’article 45 qui demande au registraire de réexaminer la question de savoir si la marque de commerce déposée est employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises. Aux termes de l’article 45, le seul devoir du registraire est plutôt de déterminer, à l’égard des marchandises que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce, telle qu’elle se trouve dans le registre, a été employée dans les trois ans précédant l’avis.

[United Grain Growers Ltd c. Lang Michener (2001), 12 C.P.R. (4th) 89, paragr. 14]

[16]           Dans United Grain Growers, la marque en litige était affichée dans un magazine, plutôt que sur la page couverture. Dans cette cause, la Cour d’appel fédérale avait tranché que :

En l’espèce, le fait que la marque de commerce déposée « Country Living » était apposée sur le magazine Country Guide lors du transfert de la propriété ou de la possession du magazine dans la pratique normale du commerce n’est pas contesté. Nous sommes d’avis qu’une fois qu’il a été établi qu’une marque de commerce déposée, telle qu’elle est inscrite dans le registre, était employée en liaison avec les marchandises que spécifie l’enregistrement, l’enquête prévue à l’article 45 est terminée.

[17]           Comme indiqué plus haut, le paragraphe 4(1) résume les circonstances pour que la marque soit réputée employée en liaison avec les marchandises. Plus précisément, la marque est réputée employée en liaison avec les marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce :

a)        elle est apposée sur les marchandises mêmes;

b)       elle est apposée sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées;

c)        elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[18]           Les observations du Requérant indiquent que l’avis de liaison décrit au point c) ci-dessus s’applique également dans le cas où la marque de commerce est apposée sur les marchandises ou sur leur emballage. J’estime que le droit est clair, et l’arrêt United Grain Growers confirme ma position : aux fins de l’article 45, la marque de commerce est réputée employée si elle figure sur les marchandises au moment du transfert.

[19]           La preuve montre clairement que la Marque est affichée sur les marchandises (preuves A et B). M. Bryant a expliqué la pratique normale du commerce : les marchandises sont vendues en parties détachées puis assemblées par le concessionnaire ou par l’acheteur. La preuve montre clairement que le bâtiment construit arbore la Marque sur le panneau frontal. Je n’ai aucune raison de remettre en doute le fait que la Marque est affichée sur ce pan avant l’assemblage, ce qui par conséquent confirme que la Marque était affichée sur les marchandises au moment du transfert.

[20]           Finalement, je constate que, comme il est abordé dans l’arrêt United Grain Growers, la tenue d’une instruction qui porterait sur la capacité de la Marque à distinguer les marchandises ne fait pas partie de la portée de l’article 45 de la Loi [consulter United Grain Growers, supra, aux paragraphes 14 à 16].

[21]           Le Requérant soutient également que les photographies soumises comme preuves pourraient avoir été prises avant la période pertinente, et ainsi ne pas étayer la conclusion que la Marque a été utilisée au cours de la période visée. Je ne suis pas d’accord. Tout d’abord, je souligne que M. Bryant affirme que les bâtiments figurant dans les photographies sont représentatifs de ceux vendus durant la période pertinente. En outre, je constate que certaines des photographies portent une date, et que ces dates appartiennent à la période pertinente. Finalement, le Requérant affirme que M. Bryant n’a pas confirmé que ces bâtiments étaient canadiens. Toutefois, étant donné la déclaration solennelle du déposant et les factures soumises, je n’ai aucune raison de remettre en question le fait que ces documents traitaient de bâtiments au Canada.

Les marchandises étaient-elles vendues durant la période pertinente?

[22]           M. Bryant a joint des copies de factures qui, selon lui, démontrent des ventes réelles de bâtiments portant la Marque au Canada par le prédécesseur durant la période pertinente (preuve C).

[23]           M. Bryant affirme que, selon son examen des dossiers du prédécesseur pour les années 2007 à 2012 et en fonction de son savoir personnel de l’industrie et des clients de ce secteur et compte tenu de sa position au sein de la société propriétaire et de Norseman Group, les factures jointes comme preuve C représentent les ventes de bâtiments portatifs préfabriqués pour les emplois suivants : 

a)        abris portatifs pour véhicules et pour l’entreposage commercial;

b)       entreposage industriel;

c)        entreposage commercial;

d)       installations utilisées à des fins récréatives;

e)        installations utilisées pour le bétail et à des fins agricoles.

[24]           Le Requérant allègue que les factures ne comportent aucune référence aux marchandises; en fait, les factures n’indiquent que la vente de matériel. Je ne suis pas d’accord avec les affirmations du Requérant à ce sujet. La preuve indique clairement que ces factures visent la vente de marchandises. Plus précisément, M. Bryant explique que le Propriétaire conçoit les bâtiments et vend les parties à des concessionnaires ou aux clients directement, et que ceux-ci doivent assembler le produit. Ainsi, la façon dont les factures sont produites est cohérente avec l’explication donnée par M. Bryant au sujet de la pratique normale du commerce. Ainsi, étant donné les déclarations solennelles du déposant, j’estime que les factures font référence à la vente de bâtiments portatifs préfabriqués.

[25]           Le Requérant allègue que la preuve soumise par le Propriétaire comporte des lacunes en vertu du fait qu’il n’a pas soumis de bons de commande. Tout d’abord, je constate que la jurisprudence est claire à ce sujet : il n’y a pas de type de preuve précis qui doivent être fournis en réplique à un avis aux termes de l’article 45 [Lewis Thomson & Sons Ltd c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), à 486]. En outre, comme mentionné plus tôt, il n’est pas nécessaire de fournir une surabondance de preuve dans les instances de radiation aux termes de l’article 45. J’estime que la représentation visuelle de la Marque sur les marchandises (comme illustrée dans les photographies jointes comme preuves A et B) et les exemples de factures prouvant la vente à des clients canadiens (comme prouvée dans les factures jointes comme preuve C) suffisent à établir que le prédécesseur utilisait la Marque durant la période pertinente.

Règlement

[26]           Compte tenu de ce qui précède, conformément aux pouvoirs qui me sont accordés aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. a

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