Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation : 2013 COMC 61

Date de la décision : 2013-04-04

DANS L'AFFAIRE INTÉRESSANT LES OPPOSITIONS produites par le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario à l'encontre des demandes d'enregistrement no 1,333,782 et 1,333,783 pour les marques de commerce The Retired Teachers of Ontario et Les Enseignantes et Enseignants Retraités de l’Ontario produites par The Retired Teachers of Ontario / Les Enseignantes et Enseignants Retraités de l’Ontario.

[1]               Le 26 janvier 2007, The Retired Teachers of Ontario/Les Enseignantes et Enseignants Retraités de l’Ontario (la « Requérante ») a produit des demandes d'enregistrement des marques de commerce The Retired Teachers of Ontario (1,333,782) et Les Enseignantes et Enseignants Retraités de l’Ontario (1,333,783) (les « Marques ») fondées sur un emploi au Canada depuis mai 1998 en liaison avec les marchandises et services suivants (les « marchandises et services ») : 

Marchandises :

Horloges; vêtements tout-aller, nommément chemises, pulls d’entraînement, chandails, polos, tee-shirts, pantalons d’entraînement, coupe-vent, vestes, cravates, foulards; couvre-chefs, nommément visières, casquettes de baseball, chapeaux; articles pour boire et manger, nommément grandes tasses, verres, verres doseurs, tasses à thé, soucoupes, assiettes; sacs, nommément fourre-tout, sacs pour ordinateur, serviettes, sacs à dos, mallettes, sacs de voyage; parapluies; bijoux; cartes à jouer; statues; instruments d’écriture.

 

Services :

(1) Services d’association en rapport avec la promotion des intérêts d’enseignants retraités, d’administrateurs de l’enseignement retraités et d’autres retraités qui touchent une rente ou des allocations en vertu de la Loi sur le régime de retraite des enseignants, nommément recommandation de questions importantes pour les enseignants retraités comme le Régime de pensions du Canada, le Régime de retraite des enseignants, les services de santé du gouvernement et les lois gouvernementales en rapport avec ce qui précède; suivi des lois sur les pensions et apport de commentaires et recommandation d’améliorations aux changements proposés à ces lois; services de soutien et de défense pour les enseignants actifs et l’éducation publique; diffusion d’information présentant un intérêt particulier pour les enseignants retraités de l’Ontario au moyen de brochures et d’un site Web; distribution d’un magazine trimestriel contenant de l’information et des mises à jour sur des sujets d’intérêt pour les enseignants retraités; tenue d’ateliers et diffusion d’information en matière de retraite et sur d’autres enjeux d’intérêt pour les enseignants retraités de l’Ontario; coordination de services de voyages pour les membres, nommément liaison avec une agence de voyages pour la coordination de vacances et de voyages d’intérêt pour les membres.

(2) Services d’assurance, nommément gestion et offre de régimes d’assurance soins médicaux, soins dentaires, hospitalisation, soins de longue durée, vie, accidents, habitation et automobile pour les membres; consultation de spécialistes de l’extérieur, de l’administrateur du régime d’assurance et de l’assureur pour garantir une protection d’assurance de qualité et adaptée aux besoins; règlement des plaintes des participants au régime d’assurance qui ont été lésés.

 

[2]               La Requérante a revendiqué le bénéfice du paragraphe 12(2) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C., 1985, ch. T-13 (la Loi) et demande que les enregistrements des Marques soient limités à la province de l'Ontario.

[3]               La Requérante a renoncé au droit à l'utilisation exclusive des mots RETIRED, TEACHERS et ONTARIO en dehors de la marque de commerce faisant l'objet de la demande d'enregistrement no 1,333,782 et des mots ENSEIGNANTES, ENSEIGNANTS, ONTARIO et RETRAITÉS en dehors de la marque de commerce faisant l'objet de la demande d'enregistrement no 1,333,783.

[4]               Les demandes ont été publiées aux fins d’opposition dans l’édition du 8 octobre 2008 du Journal des marques de commerce.

[5]               Le 9 mars 2009, le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chaque demande. Le 8 juillet 2011, l'Opposante a été autorisée à modifier sa déclaration d'opposition du 11 mai 2011 dans les deux dossiers. Les motifs d'opposition sont essentiellement identiques pour chacune des demandes et peuvent être résumés dans les termes suivants :

  • aux termes des alinéas 38(2)c) et 16(1)a), b) et c) de la Loi, la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement des marques en raison de la confusion éventuelle créée avec l'Opposante et les noms de marque de leur prédécesseur en titre (Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et Régime des enseignants de l'Ontario) ainsi qu'avec la marque de commerce TEACHERS' qui a fait l'objet de la demande d'enregistrement no 1,144,430 (la Marque Teachers') qui ont été utilisées précédemment par l'Opposante et leur prédécesseur en titre;

 

  • aux termes des alinéas 38(2)a) et 30(i), à la date de la production de la demande des Marques, la Requérante était bien au courant des droits d'une marque de commerce de l'Opposante et de la marque Teachers'; par conséquent, la Requérante ne pouvait pas être convaincue, comme l'exige l'alinéa 30i) de la Loi, qu’elle avait le droit d’employer les Marques;

 

  • aux termes des alinéas 38(2)a) et 30b), la Requérante n'a pas utilisé les Marques en liaison avec les marchandises et services conformément à l'alinéa 30b) de la Loi à la date de la première utilisation alléguée ou à tout autre moment;

 

  • aux termes de l'alinéa 38(2)d) et de l'article 2, les Marques ne sont pas et ne peuvent être distinctives des marchandises et services.

[6]               Dans chaque cas, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l'Opposante et en exigeant la preuve. Dans sa contre-déclaration, la Requérante a également revendiqué le bénéfice du paragraphe 12(2) de la Loi.

[7]               À l'appui de ses oppositions, l'Opposante a déposé l'affidavit de Marlye Monfiston, un agent de marques de commerce à l'emploi de l'agent de l'Opposante. 

[8]               La Requérante a déposé l'affidavit de Simon Leibovitz, le directeur des services de l'administration et aux membres pour le compte de la Requérante. M. Leibovitz a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire et de ses réponses aux engagements fait partie du dossier.

[9]               Les deux parties ont déposé des observations écrites et étaient toutes deux représentées à l’audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[10]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela dit, il appartient initialement à l’Opposante de produire des preuves admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits qu’elle allègue à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298].

[11]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition soulevés sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a) et article 30 – la date de dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd., (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475 et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.), p. 432];

         alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(1) – la date du premier emploi alléguée [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

         alinéa 38(2)d) et article 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004) 34 C.P.R. (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

Non-conformité à l'alinéa 30b) de la Loi

[12]           Quant à la question de la non-conformité avec les dispositions de l'alinéa 30b) de la Loi, le fardeau de la preuve initialement exigé de l'Opposante est moins strict puisque les faits concernant le premier emploi par la Requérante relèvent particulièrement des connaissances de celle-ci [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd.(1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), page 89]. De plus, l'alinéa 30b) exige que, dans le cours normal des affaires, la marque demandée ait été employée continûment depuis la date de la demande [voir Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), p. 262].

[13]           Pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe, l’Opposante peut se fonder sur  les éléments de preuve de la Requérante, incluant la transcription du contre-interrogatoire [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1ière inst.); York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health and Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.); Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership, (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), p. 230; Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Française de Commerce International Cofci, S.A., (1991), 35 C.P.R. (3d) 406 (C.O.M.C.); Credit Union Central of Canada c. Community Credit Union Ltd (2005), 48 C.P.R. (4th) 226 (C.O.M.C.)].

[14]           La Requérante soutient que lorsque l'Opposante s'appuie sur la preuve soumise par la Requérante afin de s'acquitter de son fardeau de preuve, il lui incombe de démontrer que les éléments de preuve de la Requérante sont « nettement  incompatibles » avec les allégations soulevées dans sa demande [voir Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562, aux p. 565-566 (C.O.M.C.), confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[15]           Lors de l'audience, l'Opposante a soutenu qu'elle n'avait pas à démontrer que la preuve était nettement incompatible avec la date d'emploi alléguée, mais qu'il lui suffirait d'identifier les contradictions et les incohérences dans la preuve ([voir Credit Union, supra et Muscle Tech Research & Development Inc c. Petrillo (2008), 70 C.P.R. (4th) 385 (C.O.M.C.)]. L'Opposante a soutenu qu'en l'espèce, alors que l'auteur de l'affidavit de la Requérante a été contre-interrogé et que ce contre-interrogatoire visait à aborder l'exactitude de la date d'emploi alléguée, elle n'avait pas à satisfaire au critère plus strict de caractère « nettement incompatible » des éléments de la preuve pour s'acquitter de son fardeau de preuve. 

[16]           L'Opposante soutient qu'il apparaît que la Requérante a choisi une date de premier emploi à partir du fait que, le 27 mai 1998, la Requérante a voté une résolution pour adopter une nouvelle dénomination sociale comprenant les Marques, nommément The Retired Teachers of Ontario/les Enseignantes et enseignants retraités de l’Ontario. La preuve démontre que la Requérante n'a pas adopté sa nouvelle dénomination sociale avant le 1er juillet 1998 (voir paragraphe 2 de l'affidavit de Leibovitz et la pièce A).

[17]           L'Opposante soutient que la Requérante n'aurait pas été autorisée à utiliser la nouvelle dénomination sociale avant que le nom commercial n'ait été dûment enregistré (ce qui a été fait le 1er juillet 1998) en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur les noms commerciaux, L.R.O. 1990, ch. B-17. La Requérante soutient que, en tant qu'organisme sans but lucratif, elle n'a pas à se conformer à la Loi sur les noms commerciaux puisqu'elle n'est pas une « entreprise » selon la définition qu'y en est donnée [voir Loi sur les noms commerciaux, article 1]. Je note que la Requérante, en réponse à l'engagement pris durant le contre-interrogatoire, a précisé qu'elle est une « personne morale sans capital-actions constituée en vertu de la Loi sur les personnes morales de l'Ontario, Partie 2 ».

[18]           Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Leibovitz affirme, sans en produire la preuve, que la Requérante a employé les Marques au Canada depuis au moins le mois de mai 1998. Au cours de l'audience, la Requérante a soutenu que l'affirmation de M. Leibovitz concernant l'emploi des marques depuis mai 1998 ne constituait pas une conclusion légale, mais plutôt un énoncé de fait. Je ne suis pas d'accord; je suis plutôt d'avis que, compte tenu du sens technique du terme « emploi » dans le contexte d'une procédure d'opposition en matière de marque de commerce, l'affirmation de M. Leibovitz est nécessairement une conclusion légale portant sur la question de l'emploi des marques conformément à l'article 4 de la Loi.

[19]           L'Opposante a ensuite examiné la preuve en vue de relever la preuve documentaire la plus ancienne montrant les Marques. La Requérante a reconnu que les documents spécifiés étaient les documents les plus anciens de la preuve au dossier eu égard à l'emploi des Marques; toutefois, la Requérante disconvient que la preuve était nettement incompatible avec la date de premier emploi alléguée. Je passe maintenant au résumé des observations formulées par l'Opposante concernant ces documents.

[20]           L'Opposante relève la preuve documentaire la plus ancienne comme étant une copie de l'édition de juin 1998 de la publication de la Requérante portant le nom District Updater (pièce D). L'Opposante soutient que le seul emploi des Marques dans ce document est l'annonce en première page qui se lit comme suit [TRADUCTION] : « C'est officiel – à compter du 1er juillet, notre organisme s'appellera The Retired Teachers of Ontario/les Enseignantes et enseignants retraités de l’Ontario (RTO/ERO) ». L'Opposante soutient que cette annonce ne constitue pas l'emploi d'une marque de commerce au sens de l'article 4 de la Loi et que, plus précisément, il ne s'agit pas d'un emploi en tant qu'identificateur de source ou d'un emploi en liaison avec des marchandises ou des services précis. Je suis d'accord. De plus, l'Opposante soutient que les mots des marques ne distinguent d'aucune manière des autres mots composant la dénomination sociale de la Requérante et ne pourraient, par conséquent, être perçus comme étant une marque de commerce. Je suis d'accord. M. Leibovitz affirme que ce document a été distribué à environ 800 membres exécutifs de l'organisme de la Requérante. L'Opposante soutient que cela ne saurait être une communication avec le public pouvant être considérée comme étant de la publicité. Je suis d'accord. Enfin, l'Opposante soutient que la preuve présentée par la Requérante montre que l'édition du mois de juin 1998 du District Updater a été distribuée à compter du 30 juin 1998, puisque qu'elle comprend l'énoncé « Au 30 juin 1998, le nombre d'adhérents atteint 38 615 (membres titulaires et associés) » (page 4 de la pièce D). Je suis d'accord.

[21]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d'accord avec l'Opposante que l'édition du mois de juin 1998 du District Updater est contradictoire avec la date de premier emploi alléguée du mois de mai 1998.

[22]           L'Opposante soutient que la deuxième plus ancienne preuve documentaire présentée par la Requérante sur laquelle figure les mots formant les Marques est une copie de l'édition du mois de juin 1999 d'une publication intitulée RTO/ERO Newsletter (pièce E). Les mots des Marques apparaissent à deux reprises dans la publication dans (1) la cartouche de titre à la page 2 comprend l'énoncé indiquant que le bulletin est [TRADUCTION] : « publié régulièrement par The Retired Teachers of Ontario/Les Enseignantes et enseignants retraités de l’Ontario » et (2) une publicité à la page 15 sur des articles promotionnels de RTO/ERO. L'Opposante soutient que, dans le premier cas, les mots sont utilisés comme faisant partie d'un nom commercial et ne distinguent d'aucune manière des autres termes de la dénomination sociale. Je suis d'accord. Dans le second cas, les mots sont intégrés à une publicité sur des marchandises. L'Opposante soutient que la présence des Marques dans une publicité ne constitue pas un emploi en liaison avec les marchandises. Je suis d'accord. Je note également que les images des articles promotionnels qui se trouvent dans la publicité sont trop petites pour voir si les Marques figurent ou non sur ces articles. En outre, lors de son contre-interrogatoire, M. Leibovitz a reconnu que les Marques ne figuraient pas sur plusieurs de ces articles promotionnels (Q54 - 55). L'Opposante soutient que la présence des marques dans cette publication ne constitue pas un emploi conforme aux dispositions de l'article 4 de la Loi. Je suis d'accord. Enfin, l'Opposante soutient que même si l'un de ces cas suffisait pour établir que l'emploi des Marques est conforme aux dispositions de l'article 4 de la Loi, un tel emploi aurait eu lieu plus d’un an après la date de premier emploi alléguée. Je suis d'accord.

[23]           L'Opposante soutient que la Requérante n'a pas été en mesure d'expliquer l'incompatibilité entre la date de premier emploi alléguée et la plus ancienne preuve d'emploi des Marques en liaison avec les marchandises et services. La seule raison donnée pour expliquer cette incompatibilité est celle mise de l'avant par M. Leibotivz au cours de son contre-interrogatoire voulant que la Requérante ne conserve pas ses documents plus de dix ans. L'Opposante soutient que, par conséquent, une fois l'opposition déposée, les documents les plus anciens auxquels elle aurait dû avoir accès étaient ceux produits à compter du mois de mars 1999. L'Opposante soutient que la Requérante a été informée de la possibilité d'une opposition lorsqu'une demande de prolongation du délai a été déposée avant le mois de décembre 2008 et que, par conséquent, la preuve documentaire datant de la période pertinente aurait dû être disponible à ce moment-là.

[24]           L'Opposante soutient que la preuve présentée par la Requérante elle-même sème le doute sur l'exactitude de la date de premier emploi alléguée à un point tel que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve. Je suis d'accord. Il incombe donc à la Requérante de démontrer un emploi continu des marques en liaison avec les marchandises et les services depuis la date alléguée (mai 1999) jusqu'à la date du dépôt des demandes d'enregistrement (26 janvier 2007).

[25]           L'Opposante soutient que la Requérante n'a pas démontré qu'elle a utilisé, à un moment ou à un autre, la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande d'enregistrement. Plus précisément, l'Opposante souligne que la Requérante n'a présenté aucune preuve documentaire de la vente de ces marchandises. De plus, l'Opposante soutient que lors de son contre-interrogatoire, M. Leibovitz a reconnu qu'il n'existait aucune preuve de telles ventes pouvant constituer un emploi aux termes de l'article 4 de la Loi (q. 121 à 146 du contre-interrogatoire). Lors de son contre-interrogatoire, M. Leibovitz a reconnu que les deux factures d'un fournisseur de la Requérante, datées du 11 et du 17 mai 2000 (pièces X et Y), sont les seules preuves concernant des ventes des articles promotionnels (q. 116 à 119). Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis que la Requérante n'a produit aucune preuve indiquant qu'il y a un transfert de la propriété ou de la possession des Marchandises dans le cours normal des affaires à la date de premier emploi alléguée.

[26]           En ce qui concerne les services, l'Opposante soutient qu'aucun élément de la preuve ne démontre que les Marques ont été utilisées pour la prestation ou dans la publicité de quelque service que ce soit avant le mois de juillet 1999, au plus tôt. L'Opposante a également souligné les divers aveux faits par M. Leibovitz au cours du contre-interrogatoire concernant l'absence de preuve de l'emploi des Marques en liaison avec divers services à la date pertinente :

         la Requérante n'a déposé aucune preuve démontrant la publicité ou la promotion des services [TRADUCTION] « en appui et en défense des intérêts des enseignants actifs et de l'enseignement public » (q. 156);

         la Requérante n'a fait paraître aucune publicité dans des publications externes avant environ l'année 2000 (q. 61);

         M. Leibovitz n'avait connaissance d'aucune facture ni de tout autre document faisant preuve de la vente des marchandises et services (q. 121 à 146);

         la Requérante n'a déposé aucune preuve démontrant la publicité ou la promotion des services [TRADUCTION] « en appui et en défense des intérêts des enseignants actifs et de l'enseignement public » (q. 156);

         la Requérante n'a offert aucun des services [TRADUCTION] « d'animation d'ateliers et d'information sur la retraite et d'autres sujets d'intérêt pour les enseignants retraités de l'Ontario » avant l'année 2002 (q. 163 à 166).

[27]           À l'appui de ses demandes, la Requérante a invoqué le rapport financier vérifié du 31 décembre 1998, qui fait état des dépenses de publicité au cours de l'exercice financier 1998 (pièce R), qu'elle a déposé et qui avalise la conclusion voulant que les marchandises et services faisaient l'objet de publicité en 1998. Les documents font état de dépenses imputées aux postes « bulletins » et « articles promotionnels ». Bien que je suis convaincue que cela suggère que la Requérante faisait la promotion de ses Marchandises et Services au cours de l'année 1998, je ne suis pas convaincue que les rapports financiers vérifiés sont un fondement suffisant pour avaliser la conclusion voulant que les Marques étaient employées en liaison avec ces marchandises et services à la date de premier emploi alléguée.

[28]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la Requérante ne s'est pas déchargée du fardeau de démontrer l'emploi continu des Marques à compter de la date de premier emploi alléguée (mai 1998) jusqu'à la date du dépôt de sa demande visant les Marques (26 janvier 2007). En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) de la Loi est accueilli. 

Non-conformité à l'alinéa 30i) de la Loi

[29]           Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée à l’alinéa 30i), le motif fondé sur cet alinéa devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi (voir Sapodilla Co. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) à la page 155). La Requérante a fourni la déclaration requise et il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel; en conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité 

Alinéas 16(1)a) et c) de la Loi

[30]           L'Opposante n'a présenté aucune preuve de l'emploi, à un moment quelconque, de sa marque TEACHER'S ou de ses noms commerciaux Ontario Teachers’ Pension Plan Board et Ontario Teachers’ Plan (Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario). Compte tenu de ce qui précède, l'Opposante ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve en vertu des alinéas 16(1)a) et c) de la Loi; par conséquent, ces motifs d'opposition sont rejetés. 

Alinéa 16(1)b) de la Loi

[31]           En raison de l'accueil du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b), la date pertinente pour l'analyse de ce motif d'opposition n'est plus la date de premier emploi alléguée, mais bien celle du dépôt de la demande. Malgré qu'il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce TEACHERS'S revendiquée par l’Opposante, l'Opposante a le fardeau initial de prouver que la demande visant la marque de commerce alléguée en appui au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)b) était en instance au moment du dépôt de la demande (26 janvier 2007) et l'était encore à la date de l'annonce de la demande visant la Marque (8 octobre 2008) [paragraphe 16(5) de la Loi]. 

[32]           La demande de l'Opposante visant la marque TEACHER'S a été déposée avant la date de dépôt et est demeurée en instance à la date de l'annonce de la Marque. En conséquence, l'Opposante s'est déchargée de son fardeau de preuve en ce qui concerne ce motif d'opposition.

[33]           Je note que l'Opposante n'a présenté aucune observation pour étayer ce motif d'opposition.

[34]           Récemment, dans l'arrêt Masterpiece, la Cour suprême du Canada a examiné l'importance du facteur de l'alinéa 6(5)e) dans le cadre d'une analyse de la probabilité de confusion entre les marques des parties conformément à l'article 6 de la Loi (voir para. 49).

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[35]           Dans les circonstances de l'espèce, j'estime qu'il convient de commencer par l'analyse du degré de ressemblance entre les marques des parties.

[36]           La seule similitude entre les marques des parties découle de l'inclusion du mot TEACHERS dans la demande no 1,333,782 et de sa traduction française (ENSEIGNANTES et ENSEIGNANTS) dans la demande no 1,333,783. Le mot TEACHERS est descriptif et ne comporte aucun caractère distinctif inhérent eu égard aux marchandises et services des parties. Par conséquent, l'inclusion de ce mot non distinctif ne suffit pas à créer une grande similitude entre les marques des parties.

[37]           Je ne suis pas convaincue que les autres circonstances de l'espèce soient d'une importance telle qu'il existe une probabilité de confusion [voir Masterpiece, supra au para. 49].

[38]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)b) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif – Alinéa 38(2)d) de la Loi

[39]           Bien que repose sur la Requérante un fardeau de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue ses services de ceux offerts par d’autres au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd., (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], la charge de présentation repose sur l’Opposante qui doit prouver les allégations de fait à l’appui de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[40]           Selon le fardeau qui lui incombe, l'Opposante est tenue de démontrer qu'au moment de la production de la déclaration d'opposition, au moins une des marques TEACHER'S et les noms commerciaux de l’Opposante était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd., (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, conf. dans (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (CF)].

[41]           Étant donné que l'Opposante n'a fourni aucune preuve de l'utilisation ou de la notoriété de la marque TEACHER'S ou de ses noms commerciaux, Ontario Teachers’ Pension Plan Board et Ontario Teachers’ Plan, l'Opposante ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve et, par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Décision

[42]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse les demandes d'enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Pierre Henrichon

 

 

 

 

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