Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 61

Date de la décision : 2012-03-30

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Thai Agri Foods Public Company Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1303011 pour la marque de commerce Triangle & Rectangle & Dessin au nom de Choy Foong Int’l Trading Co Inc.

 

 

 

Dossier

[1]               Le 26 mai 2006, Choy Foong Int’l Trading Co Inc. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement no 1 303 011 pour la marque de commerce ci-après reproduite :

Triangle & Rectangle & design; 3 peony flowers; Words - (définie comme la Marque ou Triangle & Rectangle & Dessin; trois pivoines; mots).

[2]               Si l’on en croit la Requérante, les caractères thaï se traduisent par [traduction] « goût absolument délicieux » et la translittération se lit « Aroy-Mak ». La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots SUPREME et QUALITY en dehors de la Marque.

[3]               La demande a été produite sur la base de l’emploi au Canada depuis aussi tôt que le 1er août 2005 et concerne : des marchandises en conserve, nommément fruits et lait de coco; marchandises en bocal et en conserve, nommément poisson, fruits, légumes, épices et sucre; condiments, nommément sauce soya, sauce au poisson, sauce chili et épices (les Marchandises).

[4]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 22 août 2007. Le 10 octobre 2007, Thai Agri Foods Public Company Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, transmise par le registraire à la Requérante le 30 octobre suivant. Le 3 mars 2008, La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition plaidés.

[5]               L’Opposante a déposé en preuve l’affidavit de Steven Chan, et la Requérante ceux de Franklin Lam, Ping Di Zhang et Lily Grech. Seul M. Lam a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire fait partie du dossier, tout comme les lettres et documents joints et déposés en réponse à des engagements. À l’audience, l’agent de l’Opposante a informé le registraire que la question de savoir si la Requérante avait répondu à l’ensemble des engagements était résolue.

Motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition sont les suivants :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 (la Loi), attendu que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises depuis la date de premier emploi alléguée dans la demande;

2.      En contravention de l’alinéa 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada puisqu’à la date de la production de la demande, ou à toute autre date pertinente, elle connaissait ou aurait dû connaître l’existence des marques de commerce de l’Opposante décrites en l’espèce et l’emploi continu qu’en a fait cette dernière au Canada en liaison avec des marchandises similaires;

3.      la Marque n’est pas enregistrable compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce AROY-D de l’Opposante enregistrée au Canada le 15 mars 1991 sous le numéro LMC381453;

4.      la Requérante n’a pas le droit d’enregistrer la Marque au Canada en vertu de l’alinéa 16(1)a) de la Loi puisqu’en date du premier emploi allégué dans la demande, elle créait de la confusion avec la marque de commerce AROY-D & Dessin de l’Opposante que celle-ci employait déjà au Canada directement ou par le biais de son prédécesseur en titre, en liaison avec des marchandises similaires;

5.      aux termes de l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive en ce sens qu’elle ne distingue pas les Marchandises de celles d’autres propriétaires et en particulier de celles de l’Opposante ou de son prédécesseur en titre, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi.

 

Le fardeau de la preuve dans une procédure d’opposition

[7]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement satisfait aux exigences de la Loi, mais il incombe d’abord à l’Opposante de présenter une preuve suffisante permettant raisonnablement de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois ce fardeau initial acquitté, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs particuliers d’opposition ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1er inst.) et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Enregistrabilité de la Marque

[8]               La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)].

[9]               Pour s’acquitter du fardeau initial que lui impose ce motif d’opposition, l’Opposante doit prouver que l’enregistrement cité à l’appui existe. M. Chan est le directeur de l’exploitation de l’Opposante et occupe ce poste depuis le 1er novembre 1999. Il a produit une copie certifiée de l’enregistrement LMC381453 qui vise le lait de coco, les fruits et légumes en conserve, la chair de noix de coco et la sauce de poisson. Après vérification du registre, je confirme que cet enregistrement existe [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée. c. Manu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial. La Requérante doit maintenant prouver qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée AROY-D de l’Opposante.

[10]           Le test permettant de trancher la question de la probabilité de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois également tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Je renvoie à l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, de la Cour suprême du Canada pour l’analyse de ces critères.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[11]           La partie nominale de la Marque, à savoir « AROY-MAK », est un mot étranger, comme l’a indiqué la Requérante dans sa demande. Toutefois, rien ne prouve que le consommateur canadien moyen connaît le sens de ce mot en français ou en anglais. Puisqu’il s’agit d’un mot étranger, il a un caractère distinctif inhérent pour le consommateur canadien. Par ailleurs, la composante graphique de la Marque de même que les caractères thaïs ajoutent à son caractère distinctif. La Marque contient cependant des mots descriptifs en anglais.

[12]           La marque de commerce enregistrée AROY-D de l’Opposante possède également un caractère distinctif inhérent.

[13]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut s’accroître par l’usage ou la promotion dont elle fait l’objet au Canada. Je résumerai à présent la preuve des parties se rapportant à l’emploi de leurs marques de commerce respectives au Canada.

[14]           L’Opposante est établie en Thaïlande et elle exerce ses activités dans le secteur de la transformation des produits alimentaires. Elle vend des produits alimentaires congelés et en conserve sous différentes marques de commerce au Canada, notamment les marques AROY-D et AROY-D & Dessin. Les produits de l’Opposante sont exportés dans plus de soixante-dix pays dans le monde, y compris le Canada. En 2007, ses ventes mondiales s’élevaient à 100 000 000 $ US.

[15]           M. Chan allègue que l’Opposante utilise les marques de commerce AROY-D et AROY-D & Dessin au Canada depuis aussi tôt que 1988 en liaison avec du lait de coco en conserve, et depuis aussi tôt que 1990 en liaison avec des fruits et des légumes en conserve, de la chair de noix de coco et de la sauce de poisson (toutes ces marchandises seront ci-après désignées comme les Produits). Je précise, pour l’examen de ce motif d’opposition, que tout emploi de la marque de commerce AROY-D & Dessin, telle que reproduite ci-après, constitue un emploi de la marque de commerce enregistrée AROY‑D :

[voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A., (1985) 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.) Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R.(3d) 535 (second principe) (C.O.M.C.)].

[16]           Le mot « emploi » est un terme juridique défini à l’article 4 de la Loi. L’Opposante doit déposer des éléments de preuve pour étayer l’allégation selon laquelle elle emploie sa marque depuis 1988.

[17]           M. Chan a produit des exemplaires de factures remontant à 1989 pour prouver l’expédition et la vente de Produits AROY-D au Canada, de même que des factures représentatives établies entre 2003 et 2008. Les chiffres de ventes annuelles des Produits liés aux marques de commerce AROY-D et AROY-D & Dessin au Canada pour la période allant de 2000 à mai 2008 oscillent entre 1,3 million et près de 3,5 millions de dollars. L’entreprise de l’Opposante vend les Produits AROY-D à de grands supermarchés détaillants comme Loblaws, ainsi qu’à certains détaillants de produits orientaux en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec.

[18]           Les marques de commerce de l’Opposante sont apposées sur les boîtes et les étiquettes de produits de conserve vendus au Canada; des échantillons de ces étiquettes ont été fournis.

[19]           M. Chan affirme que l’Opposante a fait la promotion des produits auxquels se rapportent les marques de commerce AROY-D et AROY-D & Dessin au Canada dans la presse écrite et a déposé des publicités pertinentes ayant paru dans des journaux canadiens locaux entre 2004 et 2008. Cependant, il s’agissait là de journaux ethniques locaux et aucun chiffre n’a été fourni en rapport avec leur tirage. Ce type de journaux ne me permet pas d’admettre d’office qu’il existe une certaine diffusion au Canada comme pour The Globe & Mail ou le National Post, par exemple. M. Chan a également produit la photographie d’une publicité affichée sur des camions au Canada.

[20]           Cette preuve m’amène à conclure que la marque de commerce AROY-D de l’Opposante est, dans une certaine mesure, connue au Canada en liaison avec ses Produits.

[21]           M. Lam est le président directeur de la Requérante. Il affirme que celle-ci a été constituée en personne morale en 1998 conformément aux lois de l’Ontario, et que son bureau d’affaires se trouve à Etobicoke (Ontario). Ses activités consistent à importer et à vendre en gros des aliments et des produits d’épicerie. La Requérante importe au Canada divers produits alimentaires, notamment du riz, des condiments et des épices, provenant du Vietnam, de Chine, de Thaïlande, de Malaisie, de Singapour et d’Indonésie.

[22]           M. Lam allègue que l’entreprise de la Requérante a connu une croissance ininterrompue depuis sa création, et a fourni pour l’illustrer le revenu annuel de l’entreprise entre 2004 et 2008. Ce chiffre est passé de près de 2 millions de dollars à environ 4 millions de dollars. M. Lam prétend que la vente annuelle des Marchandises arborant la Marque représente environ 5 % des ventes annuelles totales de la Requérante, soit un montant allant de 100 000 $ à 200 000 $.

[23]           J’aimerais signaler à ce stade qu’une grande partie des arguments présentés à l’audience concernaient la déclaration de la Requérante voulant qu’elle ait commencé à employer la Marque aussi tôt que le 1er août 2005, ce que conteste l’Opposante. Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette question relativement au présent motif d’opposition. Pour les besoins de l’analyse, je tiendrai pour acquis que la Requérante emploie la Marque visée par la demande depuis le 1er août 2005, telle qu’elle apparaît sur une étiquette jointe à la mise en demeure de l’Opposante sommant la Requérante de cesser et de s’abstenir de vendre les produits portant la Marque, datée du 15 septembre 2005 et déposée en pièce SC‑4 avec l’affidavit de M. Chan.

[24]           L’Opposante pose la question de savoir si la Requérante peut s’appuyer sur la preuve qu’elle a produite pour s’acquitter de son fardeau de preuve. S’agissant du motif d’opposition touchant l’enregistrabilité, il n’est pas nécessaire que la Requérante prouve qu’elle emploie la Marque depuis la date de premier emploi alléguée dans sa demande. La preuve peut démontrer l’emploi de la Marque depuis le 1er ou le 2 août ou encore le 15 septembre 2005 : cela ne fait aucune différence. La date de premier emploi de la Marque devient pertinente lorsqu’il s’agit d’établir la durée d’emploi des marques de commerce. Comme le montrera mon analyse des diverses circonstances énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, même si je conclus que la Requérante emploie la Marque depuis le 1er août 2005, cela n’aura aucune répercussion négative sur l’Opposante.

[25]           M. Lam affirme que la Requérante a commencé à vendre des produits en liaison avec la Marque dans tout le Canada en août 2005, et a déposé diverses factures de vente allant d’août 2005 à aujourd’hui. Il prétend que la Requérante n’a pas besoin de faire la publicité de ses produits, et que sa réputation de vendre des aliments de qualité à prix raisonnables s’est construite de bouche à oreille. La Requérante a fait la promotion des Marchandises liées à la Marque en remettant des échantillons gratuits de ses produits à des clients potentiels comme des restaurants, des épiceries et des supermarchés. M. Lam a fourni une liste de ces échantillons promotionnels remis en 2005 et 2006. Il soutient qu’une telle promotion n’était plus nécessaire après 2006, puisque la Marque était devenue connue sur le marché.

[26]           M. Lam affirme que la Marque est apposée sur les étiquettes des conserves, des paquets, des boîtes et des seaux, et a fourni une liste détaillée des produits vendus au Canada en liaison avec la Marque ainsi qu’une photographie de chacun d’eux. Encore une fois, pour les besoins de l’analyse du présent motif d’opposition, je présumerai que toute étiquette produite par la Requérante pour attester l’emploi de la Marque au Canada constitue en fait une preuve de l’emploi de la Marque visée par la demande.

[27]           Je conclus grâce à cette analyse que la marque de commerce AROY-D de l’Opposante est plus connue que la Marque au Canada, sur la foi des chiffres de ventes et de la date de premier emploi des marques respectives des parties.

La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage.

[28]           Tel qu’il appert du résumé de la preuve exposée plus haut, ce facteur est favorable à l’Opposante attendu que son emploi de la marque de commerce AROY-D remonte à 1989 au moins.

La nature des marchandises, des services ou des entreprises, et la nature du commerce

[29]           En règle générale, l’examen de la nature des marchandises et du commerce des parties se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Il pourrait être utile de savoir quelle est la nature véritable du commerce de chacune des parties lorsqu’on lit l’état déclaratif des marchandises, pour ainsi déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce qu’avaient à l’esprit les parties, plutôt que tous les types de commerce que pourrait englober le libellé de l’état déclaratif [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)].

[30]           La Requérante reconnaît qu’il y a recoupement en ce qui concerne le lait de coco, et a tenté de faire valoir qu’il existait une différence avec les autres marchandises : par exemple, entre les légumes en conserve ou en semi-conserve.

[31]           M. Lam allègue que les produits de la Requérante, qui ne se limitent pas aux Marchandises énumérées dans son affidavit, se vendent dans 101 supermarchés et restaurants dont il a fourni la liste : il appert que l’essentiel des activités de la Requérante ont lieu en Ontario et que quelques-uns de ses clients sont au Québec et au Manitoba.

[32]           L’Opposante est basée en Thaïlande, c’est une entreprise exportatrice. M. Chan affirme que ses produits sont vendus par l’entremise de sociétés ou de courtiers à des distributeurs canadiens locaux qui les vendent à leur tour à des supermarchés canadiens et à des magasins d’alimentation spécialisés où peuvent s’approvisionner les consommateurs canadiens. M. Chan allègue que les entreprises de la Requérante et de l’Opposante sont similaires en ce sens que la Requérante importe et vend en gros des produits alimentaires, dont certains proviennent de Thaïlande, le pays d’origine de l’Opposante, et qui sont destinés à être revendus à des consommateurs canadiens dans des supermarchés, ou des magasins d’alimentation généraux ou spécialisés.

[33]           La Requérante a soutenu à l’audience que les entreprises des parties étaient différentes puisque l’Opposante exporte des produits alimentaires au Canada alors que la Requérante les importe. Je ne vois pas en quoi cette distinction serait favorable à la Requérante. En fait, cette dernière a notamment produit en preuve les affidavits de propriétaires d’un supermarché (l’affidavit Zang) et d’un restaurant (l’affidavit Grech) pour démontrer qu’ils emploient ou vendent les produits des deux parties arborant leurs marques respectives. Ces documents font voir que les produits des parties sont vendus aux mêmes clients, à savoir des magasins d’alimentation et des restaurants.

[34]           Par conséquent, non seulement les marchandises des parties relèvent de la même catégorie générale, à savoir les produits alimentaires, mais elles sont finalement vendues aux mêmes types de clients. Qu’importe s’ils proviennent d’un importateur ou d’un exportateur, ces produits seront en fin de compte vendus aux consommateurs canadiens dans des magasins d’alimentation, ou utilisés par des propriétaires de restaurant. Ces facteurs sont favorables à l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[35]           Dans l’arrêt récent Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

[36]           Le critère applicable a été décrit dans les termes suivants par le juge Binnie de la Cour suprême dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] R.C.S. 824, au paragraphe 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[37]           La Requérante fait valoir que le premier mot de la marque, AROY, est le seul point commun. Le deuxième élément est différent et la Marque comporte un dessin. La Requérante cite la décision Best Canadian Motors Inns Ltd. c. Best Western International Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 481 pour appuyer l’affirmation voulant qu’on ne puisse dissocier le dessin d’une marque de commerce de la marque elle-même. Sans vouloir contredire l’argument soulevé par la Requérante, la décision Best Western ne trouve pas à s’appliquer en l’occurrence. Ce jugement a été rendu en rapport avec l’alinéa 12(1)b) de la Loi, et il ne s’agissait pas d’établir le degré de ressemblance entre deux marques de commerce.

[38]           Les marques ne doivent pas être comparées côte à côte. Par ailleurs, il est bien établi que la première partie d’une marque de commerce est l’élément le plus pertinent pour ce qui est du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183]. Cela est d’autant plus vrai en l’occurrence puisque le premier élément dominant de la Marque, le mot AROY, est un mot étranger, qui possède un caractère distinctif inhérent pour le consommateur canadien moyen. Par conséquent, il existe bel et bien une ressemblance sonore et visuelle entre les marques des parties.

[39]           À moins qu’elle ne soit accompagnée d’un dessin unique et attrayant, le consommateur ne se souviendra probablement que de la partie nominale d’une marque de commerce. Quoi qu’il en soit, le critère s’attache au souvenir imparfait du consommateur occasionnel de la marque de commerce de l’Opposante, à savoir AROY-D. Je dois me mettre à la place de ce consommateur pour examiner la Marque. Cette personne est-elle susceptible de s’imaginer que les Marchandises arborant la Marque proviennent de l’Opposante? Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que cette question doit recevoir une réponse affirmative. Les marchandises des parties relèvent de la même catégorie générale et leurs marques se ressemblent d’un point de vue sonore et visuel puisque le premier élément dominant de leurs marques de commerce est identique.

Autres circonstances de l’espèce

[40]           D’après la Requérante, la preuve montre que les marchandises des parties portant les marques en question sont vendues dans les mêmes magasins, presque côte à côte. Elle ajoute que l’Opposante doit faire la preuve d’une confusion véritable pour avoir gain de cause, et elle cite à cet égard la décision John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). Je ne vois pas en quoi cette décision étaye l’argument de la Requérante. La Cour devait décider si le registraire avait appliqué le bon critère pour ce qui est du fardeau de la preuve de l’Opposante, qui avait soulevé un motif fondé sur l’alinéa 30b).

[41]           L’absence de confusion véritable pourrait confirmer qu’il n’existe aucune probabilité de confusion. Cependant, pour que ce facteur soit pertinent, la preuve d’un emploi important des marques par les deux parties dans la même région durant une longue période doit être établie. Les affidavits de MM. Grech et Zhang ont été signés en décembre 2008 et attestent que leurs entreprises achètent depuis 2005 les marchandises des parties portant les marques en question. Ils allèguent qu’à leur connaissance, aucun cas de confusion n’est survenu. Cependant, nous ne disposons d’aucune information sur la quantité de ces produits qu’ils ont vendue.

Conclusion

[42]           Je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est improbable que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce AROY-D de l’Opposante lorsqu’elle employée en liaison avec les Marchandises. Par conséquent, je retiens le troisième motif d’opposition.

Enregistrement

[43]           Cet autre motif d’opposition repose également sur la probabilité de confusion, mais cette fois entre la Marque et la marque de commerce AROY-D & Dessin de l’Opposante, reproduite plus haut. Les différences entre le motif d’opposition lié à l’enregistrabilité fondé sur l’alinéa 12(1)d) d’une part, et le droit à l’enregistrement fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi d’autre part, concernent la date pertinente antérieure (le 1er août 2005) associée au second motif d’opposition [voir le paragraphe 16(1) de la Loi] et la marque de commerce de l’Opposante citée. Cette date antérieure ne serait pas à l’avantage de la Requérante. En effet, cette dernière ne pourrait pas s’appuyer sur la preuve contenue dans les affidavits de MM. Zhang et Grech concernant l’usage concomitant des marques de commerce des parties (que je n’ai pas jugé pertinent en l’occurrence, de toute façon), ni sur la preuve d’emploi de la Marque de la Requérante contenue dans l’affidavit de M. Lam.

 

[44]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en démontrant qu’elle avait déjà utilisé sa marque de commerce AROY-D & Dessin et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date de l’annonce, tel que décrit dans l’analyse du précédent motif d’opposition [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Je fonde cette conclusion sur le fait que l’Opposante a produit des étiquettes portant la marque de commerce AROY-D & Dessin, que j’ai considérées, pour l’examen de l’autre motif d’opposition, comme une preuve de l’emploi de la marque nominale enregistrée AROY-D. Je renvoie à la pièce SC‑2 jointe à l’affidavit de M. Chan. Quant aux conclusions formulées plus tôt dans mon analyse des critères relevant du paragraphe 6(5) de la Loi, j’ajouterai, au moment de comparer la marque de commerce AROY-D & Dessin à la Marque, qu’elles ont toutes deux le même caractère distinctif inhérent, compte tenu de l’élément graphique qui agrémente la marque nominale AROY‑D, que la marque de commerce AROY-D & Dessin de l’Opposante était connue au Canada à la date pertinente, et que le degré de ressemblance visuelle est plus important puisque l’élément graphique de la Marque est semblable à celle de la marque de commerce AROY-D & Dessin.

[45]           En conséquence, j’accueille également le quatrième motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[46]           Comme je me suis prononcé en faveur de l’Opposante relativement à deux motifs d’opposition distincts, il n’est pas nécessaire que j’analyse les autres motifs.

Décision

[47]           En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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