Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Aloette Cosmetics Inc. à la demande no 1 048 230 produite par Medique Cosmetics Inc. (maintenant connue sous le nom de Medique Skincare Ltd) en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ALOEVITE

 

 

Le 28 février 2000, Medique Cosmetics Inc. a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ALOEVITE (la « marque »), fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis février 1998 en liaison avec un hydratant pour le visage. En 2005, Medique Skincare Ltd a été enregistrée comme auteur de la demande, conformément à un acte de cession. Ci-après, Medique Cosmetics Inc. et Medique Skincare Ltd sont collectivement désignées sous le nom de « la requérante ».

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 25 juillet 2001 en vue de la procédure d’opposition. Le 27 décembre 2001, Aloette Cosmetics Inc. (l’opposante) a déposé une déclaration d’opposition à la demande. La requérante a déposé et signifié une contre-déclaration.

 

À titre de preuve en vertu de la règle 41, l’opposante a déposé des copies certifiées de ses enregistrements canadiens des marques de commerce nos LMC291231 et LMC493107 pour les marques de commerce ALOETTE et ALOESPA, respectivement.

 

À titre de preuve en vertu de la règle 42, la requérante a déposé les affidavits de Nancy Hamilton et de Sylvia Martin. Mme Hamilton était la présidente de la requérante du 11 août 1995 au 31 décembre 1999. Mme Martin est la secrétaire-trésorière de la requérante. Le contenu de chacun des affidavits est essentiellement le même.

 

L’opposante a obtenu une ordonnance pour contre-interroger les déposants de la requérante mais ne s’en est pas prévalue.

 

Seule la requérante a déposé une plaidoirie écrite. Toutefois, les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

Les motifs d’opposition

Voici un résumé des motifs d’opposition :

 

1.                  la marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi), car elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées par l’opposante et portant les nos LMC291231 et LMC493107;

 

2.                  en contravention avec l’alinéa 16(1)c) de la Loi, la marque crée une confusion avec le nom commercial ou la dénomination sociale de l’opposante Aloette Cosmetics ou Aloette Cosmetics Inc., utilisée au Canada en liaison avec des produits cosmétiques, des produits pour le corps et des produits de soins personnels depuis au moins octobre 1979;

 

3.                  la marque n’est pas distinctive ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la requérante, en raison de l’utilisation ci-dessus mentionnée de marques et de noms semblables au point de prêter à confusion;

 

4.                  la requérante n’a pas employé la marque depuis la date de premier emploi alléguée ou n’a pas employé du tout la marque au Canada, en contravention à l’alinéa 30b) de la Loi.

 

Le fardeau de la preuve

Même si la requérante a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, l’opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment de preuves admissibles permettant de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués pour justifier chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4e) 155 (C.A.F.)].

 

Les dates pertinentes

Les dates pertinentes en ce qui a trait aux motifs d’opposition sont les suivantes : alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; alinéa 16(1)c) – la date de premier emploi de la requérante; absence de caractère distinctif – la date du dépôt de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4e) 317 (C.F. 1e inst.) à la page 324]; article 30 – la date du dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) p. 469 à la page 475].

 

Le rejet des motifs nos 2 et 3

Les motifs nos 2 et 3 sont rejetés car l’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve. Il n’y a aucune preuve portant que l’opposante a déjà employé ses marques ou ses noms. Même si les enregistrements de l’opposante sont fondés sur l’emploi, le simple fait de déposer une copie certifiée d’un enregistrement ne lui permet pas de s’acquitter de son fardeau de la preuve en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur des allégations liées à la non-admissibilité à l’enregistrement ou à l’absence de caractère distinctif [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

 

Le motif no 4

L’agent de l’opposante a axé ses allégations sur ce motif. En particulier, il a fait valoir que 1) la preuve ne démontre que des ventes symboliques à la date de premier emploi alléguée et 2) la preuve ne démontre pas d’emploi de la marque à une date ou à une autre.

 

Le fardeau qui repose sur chacune des parties relativement à un motif d’opposition visant l’alinéa 30b) est expliqué comme suit dans l’affaire Ivy Lea Shirt Co. c. Muskoka Fine Watercraft and Supply Co. (1999), 2 C.P.R. (4e) 562 (C.O.M.C.) aux pages 565-6, conf. par 11 C.P.R. (4e) 489 :

 

 

 

   [traduction]

 

Bien qu’il incombe à la requérante d’établir que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerces, l’opposante a le fardeau initial de prouver les faits qu’elle invoque pour appuyer le motif fondé sur l’article 30 (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.), aux pages 329-330; et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1e inst.)). Toutefois, le fardeau de la preuve de l’opposante concernant la question de l’inobservation de l’alinéa 30b) de la Loi par la requérante n’est pas très lourd (voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.) à la p. 89). De plus, l’opposante peut se servir de l’affidavit de la requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif. Dans ce cas, cependant, l’opposante doit prouver que la preuve de la requérante est « nettement » incompatible avec les déclarations énoncées dans sa demande.

 

De plus, l’alinéa 30b) exige un emploi continu de la marque de commerce faisant l’objet de la demande depuis la date alléguée et dans la pratique normale du commerce [Labatt Brewing Co. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1e inst.) à la page 262].

 

1)Les ventes à la date alléguée de premier emploi

La requérante met en preuve que la date de premier emploi de la marque remonte à [traduction] « janvier ou, au plus tard, février 1998, par la vente au détail à partir de notre centre d’essai et ensuite par le commerce en gros à partir du 23 avril 1998 ». « Les premiers produits vendus sous la marque ALOEVITE étaient des contenants format voyage de 15 ml, vendus à des acheteurs au détail du centre d’essai de Medique Cosmetic au coût de 1,50 $ chacun […] Les contenants de 15 ml portaient une étiquette sur laquelle était inscrit le mot ALOEVITE. De plus, le contenant format voyage était accompagné d’un document imprimé sur lequel figurait la marque de commerce ALOEVITE […] En février 1998, lorsqu’il a été établi que les ventes au détail étaient favorables et qu’il était temps de commencer la promotion du commerce en gros, les étiquettes professionnelles portant la marque de commerce ALOEVITE pour les contenants de 60 ml étaient finalisées [et] le commerce en gros des produits a débuté le 23 avril 1998 ».

 

L’opposante est d’avis que les ventes à l’essai ne sont pas des ventes réalisées dans la pratique normale du commerce, notamment lorsque les étiquettes utilisées ont un caractère non permanent. Cependant, je ne suis pas disposée à affirmer que l’emploi attesté à la date de premier emploi n’était pas un emploi s’inscrivant dans la pratique normale du commerce, pour les raisons suivantes. La requérante a ici fourni une preuve qui laisse entendre que sa pratique normale du commerce comprend la fabrication de crème pour le visage, qu’elle vend tout d’abord au détail à son centre d’essai puis par le commerce en gros. L’opposante a eu la possibilité de contre-interroger les déposants de la requérante pour démontrer qu’il ne s’agissait pas de la pratique normale du commerce de la requérante. En outre, il semble assez compréhensible qu’une partie n’investirait pas dans un étiquetage de qualité professionnelle avant de s’être assurée de la qualité marchande d’un nouveau produit par le moyen d’une étude de commercialisation. De plus, ces premières ventes à l’essai ne semblent pas être des ventes symboliques étant donné qu’une preuve existe indiquant que les ventes ont été réalisées dans un véritable cadre de commercialisation, par le commerce en gros.

 

Je conclus que la preuve de la requérante n’est pas clairement incompatible avec son allégation dans la mesure où je suis convaincue que les ventes effectuées sur le marché test dont il est question dans les affidavits constituent le début d’un emploi dans la pratique normale du commerce, étant donné la continuation dans le commerce en gros. Tel que déclaré par les déposants de la requérante, [traduction] « Medique Cosmetics a vendu des produits de façon continue et sans interruption sous la marque de commerce ALOEVITE à des consommateurs canadiens depuis au moins janvier 1998 jusqu’à aujourd’hui [le 18 mai 2002] ».

 

2) La preuve d’emploi de la marque

Le deuxième argument de l’opposante en vertu de l’alinéa 30b) est que la marque faisant l’objet de la demande n’est pas la marque qui a été employée par la requérante à n’importe moment, y compris à la date de la premier emploi alléguée par celle-ci.

 

La preuve de la requérante fait état des emplois suivants.

 

            Étiquettes apposées sur des contenants format voyage de 15 ml :

 

                                               

 

            Liste des ingrédients accompagnant les contenants format voyage de 15 ml :

                                   

 

La requérante n’a fourni aucun échantillon des étiquettes professionnelles qu’elle a commencé à employer en avril 1998.

 

La question-clé consiste à savoir si les étiquettes maison créées pour l’étude de commercialisation sont clairement incompatibles avec l’emploi allégué de la marque conformément à l’article 4. L’opposante est d’avis qu’elles le sont à cause de la mention du terme MEDIQUE devant ALOEVITE. Je suis d’accord avec l’opposante. Les étiquettes utilisées pour l’étude de commercialisation montrent vraisemblablement un emploi de la marque de commerce MEDIQUE ALOEVITE, et non simplement d’ALOEVITE. Subsidiairement, la liste d’ingrédients ci-jointe laisse croire que la marque de commerce est composée des quatre mots MEDIQUE ALOEVITE FACE CREAM, d’une part parce que la mention MC est placée avant ces mots dans l’en-tête et d’autre part parce que ces quatre mots affichent la même mise en relief dans le corps du texte. La preuve documentaire est donc clairement incompatible avec l’allégation portant qu’ALOEVITE, seule, est utilisée comme marque de commerce depuis février 1998. Je retiens donc le quatrième motif d’opposition pour ces raisons.

 

L’analyse de la probabilité de confusion conformément au motif no 1

J’ai déjà décidé que la demande sera rejetée mais je vais néanmoins examiner le dernier motif.

 

Le critère pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. En appliquant le critère de la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles spécifiquement énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi. Ces facteurs sont : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la durée pendant laquelle chacune d’elles a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. L’importance qui sera accordée à chacun des facteurs pertinents peut varier selon les circonstances [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1e inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1ere inst.)].

 

La marque de la requérante comporte un certain caractère distinctif inhérent, mais celui-ci n’est pas élevé car la marque suggère que les produits contiennent de « l’aloès » et agissent « rapidement ».

 

La marque ALOESPA de l’opposante comporte un certain caractère distinctif inhérent, mais celui-ci n’est pas élevé car la marque suggère que les produits contiennent de « l’aloès » et qu’ils sont de nature/qualité égales à ceux utilisés dans un « spa ».

 

La marque ALOETTE de l’opposante a un caractère distinctif inhérent. Même si quelques Canadiens pourraient comprendre que ce produit contient de « l’aloès », d’autres pourraient l’associer à une « alouette des champs », en particulier lorsque le mot est prononcé.

 

L’opposante ne fournit aucune preuve qui me permettrait de conclure qu’une de ses marques a acquis un certain caractère distinctif. Même si la requérante a attesté un certain emploi de sa marque, je peux au mieux conclure que sa marque a acquis un certain caractère distinctif.

 

Selon les enregistrements de l’opposante, les marques de cette dernière sont employées depuis beaucoup plus longtemps au Canada que la marque de la requérante.

 

Les marchandises des deux parties font partie de la même catégorie générale et leurs réseaux de vente se chevaucheraient probablement.

 

Même si le premier élément de la marque est souvent considéré plus important aux fins de la distinction, lorsqu’un mot est un mot commun, descriptif ou suggestif, l’importance de ce premier élément est moindre [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1ere inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 CP.R. (4e) 109 (C.O.M.C.)]. Ici, la première partie de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement par la requérante est identique à la première partie des marques de l’opposante, mais il s’agit du terme « aloe » (aloès) et je peux admettre d’office que le terme « aloe » évoque un ingrédient utilisé dans les produits et les soins de beauté. [Selon le dictionnaire Merriam Webster Online Dictionary : aloe vera [traduction] aloès ordinaire – aloès dont les feuilles fournissent une crème émolliente employée surtout dans les produits cosmétiques et de soins de la peau.]

 

Du point de vue de la prononciation, la ressemblance entre les marques n’est pas grande, celle-ci n’étant attribuée qu’à leur usage commun du préfixe descriptif « aloe ».

 

Les idées suggérées par chacune des marques sont différentes, tel qu’énoncé plus haut dans mon examen du caractère distinctif inhérent.

 

Je remarque qu’il n’y a aucune preuve de l’état du registre ou du marché concernant l’adoption du terme « aloe » dans les marques d’autres parties.

 

Après examen de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la marque de la requérante et une des marques de l’opposante à ce jour. Le facteur le plus décisif ou le plus dominant pour décider de la question de la confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce, et je suis d’avis que les différences entre les marques ici en cause sont suffisantes pour que la confusion soit peu probable [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1ere inst.), à la page 149, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70].

 

Il est difficile pour toute partie d’avoir le monopole du terme « aloe » dans le domaine de la cosmétologie et les consommateurs sont susceptibles de différencier deux produits de beauté associés au terme « aloe » en se basant sur un autre indice ou sur d’autres mots dans la marque de commerce.

 

Pour tous ces motifs, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité.

 

Décision

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en conformité avec le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en application du paragraphe 38(8) uniquement au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b).

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 26e JOUR D’AVRIL 2006.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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