Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 131

Date de la décision : 2013-08-13
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par M.C. College Group, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,397,761 pour la marque de commerce MARVEL au nom de Russell L. Towle Enterprises Ltd.

[1]               Le 2 juin 2008, Russell L. Towle Enterprises Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce MARVEL (la Marque) fondée sur un emploi au Canada en liaison avec les services suivants :

(1) exploitation d’une école de coiffure – emploi au Canada depuis au moins 1952;

 

(2) exploitation d’une école d’esthétique – emploi au Canada depuis au moins 1973.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 avril 2009.

[3]               Le 15 septembre 2009, M.C. College Group, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

         suivant les alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à la date de production de la demande et à toutes les dates pertinentes, la Requérante et/ou ses prédécesseurs en titre n’avaient pas employé la Marque en liaison avec les services depuis la date de premier emploi alléguée dans la demande ou, subsidiairement, n’avaient pas employé la Marque de façon continue en liaison avec les services depuis les dates de premier emploi alléguées. En outre, la Requérante a omis d’identifier ses prédécesseurs en titre dans la demande;

         suivant les alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, la Requérante savait à toutes les dates pertinentes que l’Opposante (par l’entremise de ses prédécesseurs en titre) avait acquis les écoles de beauté Marvel d’Edmonton et Calgary et employait un(e) ou plusieurs des noms commerciaux et marques de commerce de l’Opposante (MARVEL COLLEGE, MARVEL COLLEGE & Dessin, MARVEL BEAUTY SCHOOL, MARVEL BEAUTY SCHOOL LTD., MARVEL HAIRSTYLING SCHOOL & Dessin, MARVEL TRADE AND BUSINESS COLLEGE & Design, MARVEL CAIRO, MARVEL CAIRO HAIR DESIGN CENTRE, OKANAGAN MARVEL & Dessin, MARVEL ESTHETICS SCHOOL & Dessin, OKANAGAN MARVEL SCHOOL OF HAIR AND ESTHETICS, OKANAGAN MARVEL COLLEGE, MARVEL GROUP, MARVEL GROUP OF COMPANIES, MARVEL TRADE AND BUSINESS COLLEGE INC.), et qu’elle avait employé de façon continue un(e) ou plusieurs des noms commerciaux et marques de commerce de l’Opposante en liaison avec les services de l’Opposante (exploitation d’une école de coiffure et de services de spa et de salon depuis aussi tôt que 1975; exploitation d’une école d’esthétique depuis aussi tôt que 1978 et exploitation d’une école de mode depuis aussi tôt que 1987) et, par conséquent, ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer et de faire enregistrer la Marque;

         suivant les alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, car, à la date de production de la demande et/ou à toute date de premier emploi alléguée, la Marque, telle qu’elle est revendiquée dans la demande, était susceptible de causer de la confusion avec les marques de commerce MARVEL de l’Opposante antérieurement employées ou révélées au Canada par l’Opposante et ses prédécesseurs et/ou ses licenciés;

         suivant les alinéas 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, car, à la date de production de la demande et/ou à toute date de premier emploi alléguée, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante antérieurement employés au Canada par l’Opposante, ses prédécesseurs et/ou ses licenciés;

         suivant l’alinéa 38(2)d) et l’article 2, la Marque n’est pas et ne peut pas être distinctive de la Requérante. À la date pertinente, les marques de commerce et noms commerciaux de l’Opposante avaient été employés de façon étendue par l’Opposante, ses prédécesseurs et licenciés. Étant donné que les marques de commerce, les noms commerciaux et/ou les noms de domaine (c.-à-d. www.marvelcollege.com) peuvent être confondus avec la Marque, la Marque ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les services des services de l’Opposante. De plus, la Requérante a autorisé des tiers à employer sans licence la Marque ou des marques de commerce et/ou des noms commerciaux comprenant l’élément MARVEL, de sorte que la Marque n’est plus distinctive de la Requérante.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et somme cette dernière d’en établir le bien-fondé.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit trois affidavits de Joe Cairo (deux datés du 19 février 2010 produits en preuve principale et un daté du 16 mars 2010 qui a été produit après qu'une autorisation a été accordée au titre de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce DORS/96-195 (le Règlement)) et un affidavit d’Yvonne Stern (produit à titre de preuve en réponse). Seule Mme Stern a été contre-interrogée relativement à son affidavit; la transcription a été versée au dossier. Je souligne qu’un affidavit de James Muir (le président du conseil d’administration de la Requérante) qui a été produit dans le cadre d’une affaire instruite par la Cour fédérale du Canada est joint à titre de pièce à l’un des affidavits de M. Cairo souscrits le 19 février 2010.

[6]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de James Muir. Dans cet affidavit, M. Muir atteste la véracité du contenu de son affidavit produit devant la Cour fédérale qui est joint à titre de pièce à l’un des affidavits de M. Cairo. Je désignerai, ci-après, l’affidavit de M. Muir qui est joint à l’affidavit de M. Cairo comme l’affidavit Muir no 1, et l’affidavit de M. Muir qui a été produit dans la présente procédure d’opposition comme l’affidavit Muir no 2.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à une audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[9]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475 (C.O.M.C.) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 C.P.R. (3d) 428, p. 432 (C.O.M.C.)].

         alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) – les dates de premier emploi revendiquées [voir le paragraphe 16(1) de la Loi].

         alinéa 38(2)d)/article 2 – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Remarque préliminaire

[10]           J’ai tenu compte, aux fins de ma décision, de l’ensemble de la preuve et des observations produites par les parties; cependant je n’aborderai dans le corps de ma décision que les parties de la preuve et des observations sur lesquelles j’appuie mes conclusions.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[11]           La présente affaire est complexifiée par l’existence de chaines de titres tortueuses en ce qui concerne les droits afférents à la marque de commerce en litige et par des liens présumés entre les parties. En fait, la majeure partie de l’audience a été consacrée à l’épluchage et à l’examen des points de vue divergents des parties quant aux voies que les droits afférents au nom Marvel ont empruntées depuis les années 1970.   

[12]           Plus précisément, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’Opposante (par l’entremise de ses prédécesseurs) a ou non acquis des droits à l’égard du nom MARVEL d’une personne (ou de son entreprise) qui était d’une certaine manière affiliée à la Requérante. L’Opposante soutient que cette personne, Mme Albrecht, détenait une entreprise exploitée sous le nom MARVEL qu’elle avait acquise de la Requérante et qu’elle a subséquemment cédée au prédécesseur de l’Opposante. La Requérante soutient que cette personne ne détenait aucun droit à l’égard du nom MARVEL et que, par conséquent, l’acquisition et l’emploi subséquent du nom MARVEL par l’Opposante étaient non autorisés.

[13]           Un survol général de l’affaire révèle cependant que la question fondamentale en l’espèce est directement liée au fait que, depuis les années 1970, au moins deux entités juridiques distinctes ont exploité des écoles de coiffure et/ou d’esthétique dans différentes provinces du Canada sous des noms commerciaux incorporant le mot MARVEL. La preuve donne à penser que l’Opposante et/ou ses prédécesseurs en titre ont exploité des écoles situées en Alberta et en Colombie-Britannique sous différentes marques de commerce et différents noms commerciaux MARVEL, et que la Requérante a exploité des écoles situées en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan également sous la marque de commerce MARVEL.

[14]           Indépendamment de la question de savoir si l’Opposante a ou non acquis de la Requérante des droits à l’égard de la marque de commerce MARVEL, le fait est que les marques de commerce et les noms commerciaux MARVEL sont employés en Alberta et en Colombie-Britannique par des entités autres que la Requérante depuis la fin des années 1970 et que la Requérante ne s’était encore jamais opposée à cet emploi. Il semblerait, en fait, que les parties (et/ou leurs prédécesseurs) avaient conclu à un genre d’entente, qui leur a permis de continuer à exploiter leurs entreprises respectives dans des régions géographiques distinctes pendant toutes ces années.

[15]           La preuve démontre que, pendant de nombreuses années, la Requérante a consenti à ce que les marques de commerce et noms commerciaux MARVEL soient employés par l’Opposante (et ses prédécesseurs) dans les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Par conséquent, vu les circonstances particulières de la présente espèce, j’estime qu’il serait inapproprié que j’accepte la prétention de la Requérante selon laquelle l’Opposante ne devrait pas pouvoir invoquer cet emploi sous prétexte qu’il s’agissait d’un emploi non autorisé.

[16]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses services de ceux de tiers partout au Canada, l’Opposante a, pour sa part, le fardeau de preuve initial d’établir les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif [voir Muffin Houses Inc. c. Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. Ainsi, en l’espèce, l’Opposante a l’obligation de démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, un(e) ou plusieurs de ses marques de commerce et/ou noms commerciaux MARVEL étaient devenus suffisamment connus pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, conf. par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

[17]           La preuve démontre qu’à la date à laquelle M. Cairo a souscrit son affidavit (le 9 février 2010), l’Opposante exploitait cinq établissements en Alberta et en Colombie-Britannique qui offraient des programmes et une formation dans les domaines de la coiffure, de l’esthétique et de la création de mode. Ces établissements étaient tous exploités sous des marques de commerce et des noms commerciaux comprenant le mot MARVEL.

[18]           La preuve démontre également que, depuis au moins février 1997, le nom de domaine www.marvelcollege.com, qui mène au site Web de l’Opposante www.mccollege.ca, a été détenu tour à tour par les prédécesseurs de l’Opposante et par l’Opposante.

[19]           M. Cairo a également fourni des photos des enseignes intérieures et extérieures utilisées à l’établissement d’Edmonton de l’école de l’Opposante, sur lesquelles on peut voir la marque de commerce MARVEL COLLEGE (pièce A d’un des affidavits de M. Cairo souscrits le 19 février 2010). M. Cairo a confirmé que les enseignes figurant sur les photos sont utilisées à cet endroit pour annoncer l’établissement depuis au moins 1995 et qu’elles l’étaient encore à la date à laquelle il a souscrit son affidavit. M. Cairo a également déclaré sous serment qu’avant 1995, la marque de commerce MARVEL figurait, soit seule soit comme élément constitutif du nom commercial, sur les enseignes qui étaient utilisées à cet établissement.

[20]           M. Cairo a aussi fourni des photos de l’établissement de Calgary (pièce B d’un des affidavits de M. Cairo souscrits le 19 février 2010). M. Cairo a confirmé que cette enseigne, qui arbore la marque de commerce MARVEL COLLEGE, a été utilisée de 1987 à 2009 environ (paragraphe 10). M. Cairo a également fourni une photo de l’enseigne qui a été utilisée à l’établissement de Calgary à partir d’août 2008 (pièce C d’un des affidavits de M. Cairo souscrits le 19 février 2010). Je souligne que cette photo est de piètre qualité, de sorte qu’il est difficile de discerner les mots qui figurent sur l’enseigne. Toutefois, dans son affidavit, M. Cairo atteste que le mot MARVEL figure au bas de l’enseigne sous les mots MC COLLEGE (paragraphe 10). Cette déclaration sous serment et la photo fournie par M. Cairo suffisent à me convaincre que la marque de commerce MARVEL figure également sur l’enseigne qui est utilisée depuis août 2008. M. Cairo a également déclaré sous serment qu’avant 1987, la marque de commerce MARVEL figurait, soit seule soit comme élément constitutif du nom commercial, sur les enseignes intérieures et extérieures qui étaient utilisées à cet établissement.

[21]           M. Cairo a également fourni des photos de l’enseigne extérieure de l’établissement de Red Deer, en Alberta (pièce D d’un des affidavits de M. Cairo souscrits le 19 février 2010). M. Cairo affirme que cette enseigne a été utilisée de 1987 à février 2009 environ (paragraphe 11). L’enseigne arbore la marque MARVEL COLLEGE. M. Cairo affirme qu’à la date à laquelle il a souscrit son affidavit, l’enseigne qui était utilisée à l’établissement de Red Deer était la même que celle utilisée à l’établissement de Calgary (et qu’elle arborait donc aussi la marque de commerce MARVEL).

[22]           M. Cairo a également joint à son affidavit des photos de l’enseigne extérieure de l’établissement de Kelowna, en Colombie-Britannique, qui, affirme-t-il, a été utilisée de 1997 à février 2009 environ (paragraphe 12 et pièce E). Je souligne que la marque de commerce MARVEL COLLEGE figure sur cette enseigne. M. Cairo affirme que l’enseigne actuellement utilisée à l’établissement de Kelowna est la même que celle qui est utilisée à l’établissement de Calgary; je suis donc convaincue qu’à la date à laquelle il a souscrit son affidavit, l’enseigne arborait la marque de commerce MARVEL.

[23]           M. Cairo a joint à son affidavit une photo de l’enseigne extérieure de l’établissement de Vancouver, en Colombie-Britannique, qui, affirme-t-il a été utilisée de 2000 à 2006 environ (paragraphe 13 et pièce F). Je souligne que cette enseigne arbore la marque de commerce MARVEL B.C.

[24]           M. Cairo a fourni le nombre d'inscriptions annuelles aux écoles de coiffure et d’esthétique de l’Opposante et de ses prédécesseurs pour les années 1995 à 2010 (paragraphe 18). Le nombre d'inscriptions est substantiel.

[25]           M. Cairo a fourni les inscriptions téléphoniques pour « Marvel College » qui ont figuré dans les pages blanches de l’annuaire Telus de la région d’Edmonton en 2008-2009 et en 2009-2010 (pièce J). Cet élément de preuve démontre clairement qu’un établissement MARVEL COLLEGE était exploité à Edmonton en 2008-2009 et en 2009-2010.

[26]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante a démontré qu’à la date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition, des écoles de coiffure et/ou d’esthétique étaient exploitées au moins à Edmonton, à Calgary et à Red Deer, en Alberta, ainsi qu'à Kelowna, en Colombie-Britannique, en liaison avec les marques de commerce MARVEL de l’Opposante (p. ex. MARVEL COLLEGE, MARVEL B.C., MC COLLEGE MARVEL). Il appert également de la preuve que les marques de commerce MARVEL de l’Opposante (p. ex., MARVEL COLLEGE, MARVEL B.C., MC COLLEGE MARVEL) avaient acquis une notoriété considérable à la date pertinente, du moins à Edmonton, à Calgary et à Red Deer, en Alberta, et à Kelowna, en Colombie-Britannique. L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, du moins en ce qui concerne ses marques de commerce MARVEL, je n’examinerai pas la question de savoir si les noms commerciaux et le nom de domaine invoqués par l’Opposante avaient, eux aussi, acquis une notoriété suffisante à la date pertinente.

[27]           J’estime que la preuve de l’Opposante démontre que les marques de commerce MARVEL de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues à la date du 15 septembre 2009 pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif; il s’agit donc maintenant de déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce MARVEL de l’Opposante.

[28]           Les marques de commerce de l’Opposante (p. ex., MARVEL COLLEGE, MARVEL B.C., MC COLLEGE MARVEL) incorporent toutes la Marque dans sa totalité et la Marque constitue l’élément le plus frappant et le plus unique des marques de commerce de l’Opposante; le degré de ressemblance entre les marques est donc élevé [voir l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 96 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), dans lequel la Cour Suprême du Canada a indiqué ce qui suit, au para. 64 : [TRADUCTION] « Il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique. »]. Les marques des parties sont en outre employées en liaison avec le même genre de services. Par conséquent, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’existait pas, à la date du 15 septembre 2009, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce MARVEL de l’Opposante, conformément au test en matière de confusion qui est énoncé à l’article 6 de la Loi [voir les paragraphes 6(2) et 6(5) de la Loi].

[29]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli dans la mesure où il concerne la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante MARVEL COLLEGE, MARVEL B.C. et MC COLLEGE MARVEL.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

Alinéa 30b) de la Loi

[30]           L’Opposante soutient que la preuve n’établit pas un emploi continu de la Marque depuis les dates de premier emploi revendiquées. Bien que cela puisse être vrai dans le cas des Services (1), je souligne que la Requérante n’est tenue d’établir l’emploi continu de la Marque depuis les dates revendiquées que dans la mesure où l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve initial. Lorsque l’opposant s’appuie sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial, il doit démontrer que la preuve du requérant est manifestement incompatible avec les dates de premier emploi revendiquées.

[31]           Dans ces affidavits, M. Muir fournit des éléments de preuve qui appuient la conclusion que la Requérante offre des services en liaison avec la Marque depuis 1952. Des renseignements détaillés concernant les revenus que la Requérante a tirés de ses écoles MARVEL de Toronto, Hamilton, Ottawa, Windsor, Winnipeg, Regina et Saskatoon de 1949 à 1980 sont fournis dans l’affidavit Muir no 1. La Requérante a également fourni des renseignements concernant le nombre d’inscriptions à ses écoles de coiffure et d’esthétique de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan pour les années 1992 à 2010 (paragraphes 19 à 21 de l’affidavit Muir no 1 et paragraphe 3 de l’affidavit Muir no 2).

[32]           La Requérante fait valoir que la Marque est employée de façon étendue dans les écoles de la Requérante sur des enseignes, sur du matériel promotionnel et dans des documents tels que des guides pédagogiques et des manuels afin d’indiquer que les services proviennent de la Requérante. M. Muir a joint à son affidavit les photos des groupes d’étudiants qui ont obtenu leur diplôme de l’École de coiffure Marvel de 1952 à 1970 (pièce L). Sur certaines de ces photos, on peut voir des enseignes arborant la Marque installées à l’extérieur des écoles. Je souligne cependant que les photos sur lesquelles on peut voir la Marque ne sont pas datées. M. Muir a également joint à son affidavit no 1 une série d’articles et de documents promotionnels concernant les écoles de coiffure et d’esthétique MARVEL de la Requérante qui datent de 1969 à 1997, ainsi que le Manuel de cosmétologie MARVEL (pièce W) qui, affirme-t-il, a été utilisé par le personnel et par les étudiants de 1968 à 1978 environ (paragraphe 26 de l’affidavit Muir no 1).

[33]           La Requérante a également fourni des éléments de preuve confirmant que des annonces destinées à faire connaître ses écoles de coiffure et d’esthétique MARVEL de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan ont été publiées dans les Pages jaunes. La Requérante soutient que certaines de ces annonces datent d’avant 1969.

[34]           S’il est vrai que la preuve ne renferme pas d’exemples clairs d’emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi en liaison avec des services d’école de coiffure en 1952, rien dans la preuve n’est manifestement incompatible avec la conclusion qu’un tel emploi avait lieu. Plus particulièrement, la preuve comprend des déclarations sous serment de M. Muir selon lesquelles la Requérante offrait ces services en liaison avec la Marque à cette époque, de même que des chiffres concernant les revenus générés à cette époque. En outre, la preuve établit clairement l’emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi à partir de 1969, au moins. Je n’ai aucune raison de douter que la Requérante employait la Marque d’une façon similaire en 1952.

[35]           La preuve démontre aussi clairement que la Requérante emploie la Marque en liaison avec des services d’école d’esthétique depuis au moins 1973.

[36]           Compte tenu de la preuve au dossier et en l’absence de tout contre-interrogatoire de M. Muir, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, qui est, par conséquent, rejeté.

[37]           Je ferai une dernière remarque concernant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b). L’Opposante a formulé une allégation voulant que la Requérante ait omis de décliner l’identité de ses prédécesseurs en titre dans la demande d’enregistrement de la Marque. L’Opposante n’a toutefois présenté aucun argument à l’appui de cette allégation, ni dans son plaidoyer écrit ni à l’audience. À cet égard, la Requérante a attiré mon attention sur l’affidavit Muir no 1 (paragraphes 2 à 9) qui, selon elle, appuie la conclusion que les différentes entités sont toutes liées en raison de fusions successives, de sorte que la Marque a toujours appartenue à la même entité et qu’il n’y a, par conséquent, aucun prédécesseur en titre à identifier. Je ne vois aucune raison de mettre en doute les affirmations de la Requérante et, conséquemment, cette allégation de l’Opposante est, elle aussi, rejetée.

Alinéa 30i) de la Loi

[38]           Il ressort de la preuve au dossier que la Requérante savait que des écoles de coiffure et d’esthétique étaient exploitées par l’Opposante en Alberta et en Colombie-Britannique au moment où elle a produit la demande d’enregistrement de la Marque, le 2 juin 2008. L’Opposante n’a toutefois ni plaidé ni allégué que les démarches de la Requérante relevaient de la mauvaise foi.  

[39]           Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration exigée et la présente espèce n’est pas un cas exceptionnel; conséquemment, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

[40]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce et noms commerciaux MARVEL de l’Opposante, l’Opposante a, pour sa part, le fardeau initial de démontrer qu’un(e) ou plusieurs des marques de commerce et noms commerciaux invoqués à l’appui de son motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) de la Loi étaient déjà en usage ou avaient déjà été révélés au Canada aux dates de premier emploi revendiquées (1952 dans le cas des Services (1), et 1973 dans le cas des Services (2)), et qu’ils n’avaient pas été abandonnés à la date d’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (le 15 avril 2009) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[41]           La preuve de l’Opposante établit uniquement l’emploi, par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre, d’une marque de commerce ou d’un nom commercial incorporant le mot MARVEL en date de 1975; l’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ces motifs d’opposition. En conséquence, les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement sont rejetés.

Décision

[42]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

 

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