Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Joseph Limited à la demande no 1,006,026

produite par X.E.S.-NY Ltd.

en vue de lenregistrement de la marque

JOSEPH A. QUEST-CE QUE CEST SILK?

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Le 19 février 1999, la requérante X.E.S.-NY Ltd. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? fondée sur (1) l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États‑Unis et (2) sur l’emploi proposé de la marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Vêtements pour femmes, nommément, chandails, tee-shirts, chemisiers, gilets, caleçons, pantalons, pantalons sport, shorts, survêtements, robes, jupes, vestes et manteaux fabriqués entièrement ou partiellement, mais de façon appréciable, en soie..

 

La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot SILK en dehors de la marque.

 

La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du 10 mai 2000 du Journal des marques de commerce et, le 10 juillet 2000, Joseph Limited a produit une opposition.  Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 25 juillet 2000, laquelle a répondu en produisant et signifiant une contre‑déclaration le 27 novembre 2000.

 

L’exposé des motifs d’opposition est bref.  Il est reproduit intégralement ci‑dessous :



 


La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit d’Alan Goncalves, directeur financier de l’entreprise, et celle de la requérante, des affidavits d’Elan Eliau, président de la requérante, et de Karen Thompson, recherchiste en marques de commerce.  Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit, et elles étaient toutes deux représentées à l’audience.

 

Le témoignage de M. Goncalves peut se résumer ainsi.  L’opposante est une société anglaise de vente au détail de vêtements, parfums et cosmétiques.  Elle possède la marque JOSEPH, qu’elle emploie en liaison avec des vêtements, des articles de cuir et des cosmétiques dans de nombreux pays, dont les quinze pays membres de l’Union européenne, ainsi qu’au Japon, en Afrique du Sud et aux États‑Unis.  Au Canada, l’opposante vend les vêtements de marque JOSEPH depuis le mois de juillet 1997, par l’intermédiaire de détaillants comme Holt Renfrew (Toronto), Bacci (Vancouver), Giorgio Femme- Ursula B (Montréal) et Giorgio Couture (Toronto).  Des échantillons représentatifs d’étiquettes et de sacs portant la marque ont été joints comme pièces A et B à l’affidavit de M. Goncalves.  Les ventes annuelles de vêtements JOSEPH au Canada se sont chiffrées, pour la période 1997‑2000, à environ 390 000 £ (890 000 $ ); le montant estimatif des ventes, pour 2001, est d’environ 280 000 £ (640 000 $). L’entreprise consacre approximativement 700 000 £ par année à la publicité et la promotion à travers le monde, notamment à la publicité dans des publications internationales comme ELLE et VOGUE.

 


Le témoignage de M. Eliau pour le compte de la requérante peut être résumé ainsi.  La requérante est une société américaine qui confectionne et vend des vêtements pour dames depuis 1993.  La plus grande partie de son marché se trouve aux États‑Unis, mais elle vend aussi au Canada, dans les Caraïbes, au Mexique et dans d’autre pays.  En 1997, elle a commencé à vendre des tricots de soie et mélange de soie au Canada sous la marque JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?, par l’intermédiaire de magasins à rayons, de boutiques de prestige et de boutiques spécialisées.  Pour la période 1997‑2002 inclusivement, les ventes se sont chiffrées à environ 54 000 $ US pour approximativement 1 810 articles.  La requérante n’annonce pas ses produits au Canada, mais elle a un site web accessible aux Canadiens, dont le nom de domaine est www.josepha.com.

 

L’affidavit de Karen Thompson met en preuve l’état du registre des marques de commerce relativement à des marques de vêtements comportant le mot JOSEPH (ou son équivalent phonétique).  Les marques pertinentes relevées sont les marques verbales et figuratives suivantes :

                  JOSEF                         JOSEF SEIBEL         

JOSEPH & FEISS                  JOSEPH ABOUD

      JOSEPH JANARD    JOSEPH MAXX

JOSEPHINE

 

Chacune de ces marques déposées appartient à un propriétaire différent.  Il appert également du témoignage de Mme Thompson que le mot « Joseph » peut être considéré comme un prénom et comme un patronyme.

 

La question qui se pose en l’espèce est la question de savoir si la marque JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? crée de la confusion avec la marque JOSEPH de l’opposante. Les dates pertinentes pour l’examen de la confusion sont (i) la date du dépôt de la demande d’enregistrement, c’est‑à‑dire le 19 février 1999, en ce qui a trait (a) au premier motif d’opposition, alléguant le non‑respect de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce et (b) au deuxième motif d’opposition, alléguant que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement : voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R.(3d) 469 (COMC), et invoquant l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce, (ii) la date de l’opposition, c’est‑à‑dire le 10 juillet 2000, en ce qui a trait au dernier motif, alléguant l’absence de caractère distinctif : voir

E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R.(3d) 418 (C.F. 1re inst.).  Compte tenu des circonstances, toutefois, je ne crois pas que l’application de l’une ou l’autre date change quoi que ce soit à l’analyse de la question de la confusion en l’espèce.

 


C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du par. 6(2) de la Loi, entre sa marque et celle de l’opposante.  Il en résulte que si l’ensemble de la preuve ne permet pas de trancher cette question, la décision sera défavorable à la requérante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293, p. 297‑298 (C.F. 1re inst.).  Le critère qu'il convient d'appliquer en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait.  Les facteurs à prendre en considération pour déterminer s'il y a confusion entre deux marques sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi; il s’agit du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, de la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, du genre de marchandises, services ou entreprises, de la nature du commerce et du degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.  Cette liste n’est pas exhaustive, toutefois, car il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents.  Cependant,  ceux‑ci n’ont pas tous nécessairement le même poids, et l’importance qu’il convient d’accorder à chacun variera en fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 


La marque JOSEPH de l’opposante ne possède pas un fort caractère distinctif inhérent, à cause de sa connotation de prénom ou de patronyme : voir, par exemple, Sarah Coventry, Inc. c. Abrahamian (1984), 1 C.P.R.(3d) 238, p. 240 (C.F. 1re inst.).  Le caractère distinctif inhérent de la marque de la requérante, JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?, n’est pas non plus très fort, puisque la composante JOSEPH A. a valeur de nom et que le reste de la marque, QU’EST‑CE QUE C’EST SILK?, est constitué d’une phrase suggestive faisant allusion à la nature ou à la qualité des marchandises.  Comme des marchandises étaient vendues au Canada sous cette marque aux dates pertinentes, elle a acquis ici une notoriété limitée.  Toutefois, puisque la demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada, je ne puis attribuer d’usage ou de réputation à la marque que postérieurement à la première date pertinente, le 19 février 1999.  L’opposante ayant démontré qu’elle emploie sa marque JOSEPH au Canada depuis le mois de juillet 1997, la période pendant laquelle les marques ont été en usage la favorise.  Les marchandises des parties sont essentiellement de même nature, et il est probable qu’elles partagent les mêmes réseaux de vente.  De plus, il est significatif que la première partie de la marque de la requérante soit constituée de la marque de l’opposante.  C’est en effet la première partie d’une marque de commerce qui revêt le plus d’importance dans le caractère distinctif : voir  Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, p. 370 (C.F. 1re inst.), et Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Editions Modernes (1979) 46 C.P.R.(2d) 183, 188 (C.F. 1re inst.).

 

À la page 9 de son plaidoyer écrit, la requérant signale une circonstance à prendre en considération, savoir que :

[traduction] ... la preuve démontre que le mot JOSEPH est présent dans diverses marques de commerce employées en liaison avec des vêtements et quil est également un prénom ou un patronyme commun.  Il sagit donc dune marque faible qui ne jouit pas dune protection très étendue.


 

La requérante invoque également le principe énoncé dans l’arrêt General Motors Corp. c. Bellows (1947) 10 C.P.R. 101, p.115-116 (C.S.C.), selon lequel de légères différences suffisent à distinguer des marques faibles.  Compte tenu du témoignage de Mme Thompson, déjà mentionné, je conviens avec la requérante que la marque de l’opposante est une marque faible qui n’a pas droit à une protection étendue en l’absence d’éléments de preuve établissant que l’emploi ou la promotion qui en ont été faits lui ont procuré une notoriété importante.

 

On l’a vu, c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.   Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’aux dates pertinentes, la prépondérance des probabilités favorise légèrement la requérante en ce qui concerne la question de la confusion.  Par conséquent, l’opposition est rejetée.

 


L’opposante allègue également, dans son plaidoyer écrit, que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi parce qu’il appert de la preuve au dossier que la marque a été employée au Canada avant la date du dépôt de la demande, qui est le 10 février 1999.  Selon l’opposante, la requérante ne peut donc légitimement fonder sa demande sur l’emploi projeté de la marque et, par conséquent, la demande est viciée en raison de cette inexactitude factuelle.  Il s’agit là d’un argument valable, mais je ne puis en tenir compte parce qu’il n’a pas été invoqué dans les actes de procédure : voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (2d) 12, p. 19‑21 (C.F. 1re inst.).  De toute manière, si je donnais raison à l’opposante sur cette question, elle ne réussirait tout au plus qu’à faire invalider le deuxième motif fondant la demande d’enregistrement.  Le premier - l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États‑Unis - demeurerait valide, de sorte que la demande continuerait d’être recevable.  Par conséquent, une conclusion favorable à l’opposante sur la question de la non‑observation de l’article 30 n’aurait pas changé la décision finale en faveur de la requérante.

 

 

 

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 25 JANVIER 2005.

 

 

 

 

 

Myer Herzig,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

          

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