Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2013 COMC 106

Date de la décision : 2013-06-13
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Pacific Western Brewing Company Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,303,617 pour la marque de commerce PACIFICO LIGHT au nom de Cerveceria Del Pacifico, S.A. de C.V.

Dossier

[1]        Le 31 mai 2006, Cerveceria Del Pacifico, S.A. de C.V. a produit une demande d’enregistrement à l’égard de la marque de commerce PACIFICO LIGHT pour emploi en liaison avec les marchandises [TRADUCTION] « bières», fondée sur 1) un emploi projeté au Canada, et 2) l’emploi et l’enregistrement de la marque au Mexique.

 [2]       La Requérante a également produit deux demandes d’enregistrement connexes pour la marque nominale PACIFICO CLARA et pour l’étiquette PACIFICO & Dessin (reproduite ci-dessous).


Les demandes d’enregistrement connexes étaient toutes deux fondées sur l’emploi au Canada depuis au moins octobre 1998, plutôt que sur un emploi projeté ou sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger. Ces deux demandes connexes ont toutefois été abandonnées peu avant la tenue de l’audience à laquelle il était prévu que les trois oppositions soient instruites ensemble.

[3]        La présente demande d’enregistrement pour la marque de commerce PACIFICO LIGHT a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 juillet 2008 et Pacific Western Brewing Company Ltd. s’y est opposée le 18 août 2008. Le 30 septembre 2008, le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, conformément aux dispositions du paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. La requérante a alors produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[4]        La preuve de l’opposante est formée des affidavits de Kazuko Komatsu et de Kathy Barry. La preuve de la requérante est constituée des affidavits de Generosa Castiglione; de Mabel Hung; de Jane Buckingham; et de Robert William Armstrong. La requérante a subséquemment demandé et obtenu l’autorisation de produire l’affidavit de Stewart Piddle en remplacement de l’affidavit de Robert William Armstrong : voir la décision de la Commission du 27 janvier 2011. M. Priddle a été contre-interrogé relativement à son témoignage par affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire et d’un engagement connexe fait partie de la preuve au dossier. La preuve en réponse de l’opposante consiste en l’affidavit de Rosana Wedenig. Seule l’opposante a produit un plaidoyer écrit; les parties étaient, cependant, toutes deux représentées à l’audience qui s’est tenue le 30 mai 2013.

 

Déclaration d’opposition

Arguments

[5]        L’opposante allègue être la propriétaire inscrite de 11 marques de commerce « PACIFIC » déposées, c’est-à-dire des marques comprenant le terme PACIFIC, y compris les marques PACIFIC, PACIFIC DRAFT, PACIFIC PILSNER & Dessin et PACIFIC WESTERN enregistrées pour emploi en liaison avec des marchandises décrites comme des boissons alcoolisées brassées. L’opposante a antérieurement employé ses marques en liaison avec de la bière et son nom commercial Pacific Western Brewing Company Ltd. au sein de l’industrie des boissons alcoolisées brassées.

 

Motifs d’opposition

[6]        Les motifs d’opposition soulevés par l’opposante peuvent être résumés comme suit :

1.  Alinéa 30d)

            La requérante n’a pas fourni suffisamment de détails en ce qui concerne l’enregistrement de sa marque de commerce PACIFICO LIGHT à l’étranger.

2.  Alinéa 30i)

            La requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la marque PACIFICO LIGHT visée par la demande étant donné l’existence des marques de l’opposante.

3.  Alinéa 12(1)d)

            La marque PACIFICO LIGHT visée par la demande n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques déposées de l’opposante.

4. Article 14

            La marque PACIFICO LIGHT visée par la demande n’est pas enregistrable, car i) elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques déposées de l’opposante, et ii) elle diffère de la marque déposée au Mexique.

5.  Article 16

            La requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque PACIFICO LIGHT visée par la demande, car cette marque crée de la confusion avec les marques et le nom commercial de l’opposante antérieurement employés au Canada.

6.  Article 2

            La marque PACIFICO LIGHT visée par la demande n’est pas distinctive de la bière de la requérante compte tenu de l’emploi antérieur par l’opposante des marques et du nom commercial de l’opposante.

 

Preuve de l’opposante

Kazuko Komatsu

[7]        Mme Komatsu atteste être la propriétaire, la présidente et la directrice générale de l’entreprise de l’opposante. L’opposante et ses prédécesseurs exercent des activités de fabrication et de vente de bière en Colombie-Britannique en liaison avec les marques de commerce PACIFIC de l’opposante depuis au moins 1984. Les marques de l’opposante figurent bien en vue sur les bouteilles de bière, les canettes de bière et les cartons d’emballage, tel qu’il appert des diverses pièces jointes à l’affidavit de Mme Komatsu. Le nom commercial Pacific Western Brewing de l’opposante figure sur chacune des canettes et des bouteilles de bière vendues par l’opposante. Les ventes en gros de l’opposante en ce qui concerne la bière vendue sous ses marques PACIFIC PILSNER & Dessin, PACIFIC, PACIFIC GENUINE DRAFT et PACIFIC DRAFT ont été, en moyenne, d’environ 4 millions de dollars annuellement de 1992 à 2005, et de 8,2 millions de dollars annuellement en 2006 et en 2007. Les ventes ont dépassé les 10 millions de dollars annuellement en 2008 et en 2009.  

 

Kathy Barry

[8]        Mme Barry atteste être une assistante-bibliothécaire à l’emploi du cabinet qui représente l’opposante. Par la voie de son affidavit, elle a produit en preuve des définitions tirées de dictionnaires Espagnol-Anglais montrant que le mot espagnol « pacifico » signifie « pacific » en anglais [« pacifique » en français]. J’estime que la preuve de Mme Barry a peu de valeur probante.

 

Preuve de la requérante

Stewart Priddle – Preuve par affidavit

[9]        M. Priddle atteste être le directeur du marketing d’une entreprise en participation (« MMI ») dont l’une des parties est propriétaire de l’entreprise de la requérante. MMI est chargée de gérer l’importation, la vente et le marketing au Canada de toute la bière PACIFICO de la requérante (vraisemblablement, en liaison avec les marques reproduites ci-dessous aux paragraphes 10, 11 et 20, ou avec des variantes de ces marques). Il a travaillé avec M. Armstrong à divers titres; cependant, à la date de l’affidavit de M. Priddle, M. Armstrong ne travaillait plus pour MMI. La bière PACIFICO a été brassée pour la première fois au Mexique au début des années 1900 dans la ville portuaire de Mazatlan sur la côte du Pacifique. Aujourd’hui, la bière PACIFICO est vendue principalement dans l’Ouest canadien, c’est-à-dire en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan.


[10]      Comme pièce B, M. Priddle a joint à son affidavit une image, reproduite ci-dessous, d’une bouteille de bière et d’une caisse de six bouteilles représentatives de la façon dont les marques PACIFICO ont été employées au Canada au cours de la période de 10 ans qui a précédé la date de l’affidavit de M. Priddle, soit de 2000 à 2010.

 


[11]      La bière PACIFICO est expédiée au Canada dans des cartons d’expédition contenant 24 bouteilles de 355 ml. Comme pièce C, M. Priddle a joint à son affidavit une image, reproduite ci-dessous, du carton d’expédition employé au Canada de 2000 à 2010.

 

[12]      La bière PACIFICO est vendue dans l’Ouest canadien par l’entremise de la régie des alcools provinciale; elle est également offerte dans des épiceries, des magasins de variétés, des magasins d’alcools privés ainsi que dans des bars et des restaurants, tels que The Keg et Boston Pizza.

[13]      La valeur des ventes au détail de bière PACIFICO au Canada pour la période allant de 2001 à 2009 s’élève à plus de 14 millions de dollars, ce qui représente environ 8,6 millions de bouteilles. De 2000 à 2010, la requérante a investi plus de 500 000 $ dans des activités promotionnelles visant à faire connaître sa bière.

[14]      M. Priddle compte plus de 22 années d’expérience dans la vente au détail de boissons alcoolisées au Canada. Il se rend régulièrement dans des magasins de vente au détail de bières et de vins de l’Ouest canadien et affirme n’avoir jamais eu connaissance [TRADUCTION] « d’un seul cas où un consommateur aurait confondu la bière PACIFICO avec un ou plusieurs des produits PWB [de l’opposante], malgré le fait que les marques coexistent sur le marché de l’Ouest canadien depuis plus d’une décennie ». 

 

Stewart Priddle – Témoignage en contre-interrogatoire

[15]      En contre-interrogatoire, M. Priddle a livré un témoignage qui concorde avec sa preuve par affidavit et qui a permis d’apporter certaines précisions, y compris une correction mineure. M. Priddle a également affirmé qu’à titre d’employé, il a été sous la direction de M. Armstrong pendant une période d’environ huit ans. L’avocat de l’opposante a ensuite porté à l’attention de M. Priddle un affidavit de M. Armstrong que la requérante avait produit dans une procédure d’opposition antérieure concernant la marque PACIFICO (la requérante avait fini par abandonner cette demande également). Au paragraphe 16 de cet affidavit, M. Armstrong affirme que [TRADUCTION] « la marque de l’opposante et la marque PACIFICO coexistent depuis de nombreuses années » et qu’il n’a jamais eu connaissance d’un seul cas où un consommateur aurait confondu les produits des parties.

[16]      L’avocat de la requérante a suggéré que l’affidavit de M. Armstrong soit versé au dossier comme pièce du contre-interrogatoire de M. Priddle, mais l’avocat de l’opposante s’y est objecté. L’affidavit de M. Armstrong a donc simplement été coté à des fins d’identification. Il a, par la suite, été produit par l’opposante à titre de preuve en réponse : voir le paragraphe 22, ci-dessous.

 

Mabel Hung

[17]      Mme Hung atteste être une technicienne judiciaire à l’emploi du cabinet qui représente la requérante. Le 11 mai 2010, elle a effectué une recherche de dénominations sociales dans la base de données NUANS d’Industrie Canada afin de déterminer à quel point le terme « pacific » est couramment employé au Canada. Le rapport de recherche préliminaire généré par la base de données NUANS a révélé 13 654 noms, les 100 premiers étant joints à son affidavit comme pièce A. Une recherche distincte a été effectuée dans la base de données du registre des entreprises de la Colombie-Britannique sur BC OnLine afin de repérer les dénominations sociales d’entreprises de la Colombie-Britannique (qui ne figurent pas dans la base de données NUANS). Les résultats de cette recherche sont joints à son affidavit comme pièce B. Quinze noms ont été repérés.

 

Jane Buckingham

[18]      Mme Buckingham atteste être une recherchiste en marques de commerce, employée par le cabinet qui représente la requérante. Le 14 mai 2010, elle a effectué une recherche dans la base de données de l’OPIC afin de déterminer dans quelle mesure le terme PACIFIC est un élément courant des marques de commerce faisant actuellement l’objet d’une demande d’enregistrement ou d’un enregistrement actifs ou ayant déjà été enregistrées au Canada en liaison avec des boissons alcoolisées. Les résultats de sa recherche sont joints comme pièce B à son affidavit. Je souligne, après examen de la pièce B, que sur les vingt-six marques repérées, quinze sont au nom de l’opposante, quatre sont au nom de la requérante, à savoir, la marque visée par la présente demande, les marques visées par les deux demandes connexes mentionnées au paragraphe 2 ainsi qu’une marque déposée, et quatre sont au nom de la Compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique.  

[19]      La requérante cherche vraisemblablement à s’appuyer sur la preuve de l’état du registre pour établir que le mot PACIFIC est un élément courant des marques de commerce en usage dans l’industrie brassicole : voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.) et Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); voir également Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui appuie le principe voulant que l’on ne puisse tirer de conclusions quant à l’état du marché à partir de la preuve de l’état du registre à moins d’avoir relevé un nombre considérable d’enregistrements pertinents. Le nombre de marques appartenant à des tiers repérées par Mme Buckingham est trop peu important pour qu’on puisse en conclure que le mot PACIFIC est un élément courant des marques de commerce en usage dans l’industrie brassicole.

[20]      La marque déposée (enregistrement no LMC371,975) appartenant à la requérante qu’a repérée Mme Buckingham est reproduite ci-dessous :


Cette marque a été enregistrée le 17 août 1990 sur la base d’un emploi au Canada depuis le 14 avril 1986 en liaison avec de la bière. Il convient de souligner, cependant, que l’existence de cet enregistrement ne confère aucun avantage à la requérante dans la présente procédure : voir, à titre d’exemple, Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc., (1984), 4 C.P.R. (3d) 108, p. 115 (C.O.M.C.).

 

Generosa Castiglione

[21]      Mme Castiglione atteste être une recherchiste en marques de commerce, employée par le cabinet qui représente la requérante. Son affidavit sert à présenter en preuve, par la voie de la pièce A, une copie certifiée de l’historique du dossier de la présente demande d’enregistrement pour la marque de commerce PACIFICO LIGHT, de la date de production de la demande à la date d’annonce. J’estime que la preuve de Mme Castiglione a peu de valeur probante.

 

Preuve en réponse de l’opposante

Rosana Wedenig

[22]      Mme Wedenig atteste être une parajuriste en marques de commerce, employée par le cabinet qui représente l’opposante. Son affidavit sert à présenter en preuve, par la voie de la pièce A, une copie d’un affidavit de Robert Armstrong produit dans une procédure d’opposition concernant la marque PACIFICO visée par la demande no 1,004,052 qui avait été produite par la présente requérante. Il s’agit de l’affidavit qui a été porté à l’attention de M. Priddle lors de son contre-interrogatoire. La requérante aurait très bien pu faire valoir que l’affidavit de Mme Wedenig ne constituait pas une preuve en réponse adéquate, mais elle ne l’a pas fait. Quoi qu’il en soit, j’estime que la preuve de Mme Wedenig n’a pas de valeur probante particulière.

 

Fardeau ultime et fardeau de preuve initial

[23]      Avant d’entreprendre l’examen des allégations contenues dans la déclaration d’opposition, il convient de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau ultime qui incombe à la requérante, soit celui de prouver sa cause, et ii) le fardeau de preuve initial qui incombe à l’opposante, soit celui de corroborer les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition.  

 [24]      S’agissant du point i) ci-dessus, la requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’allègue l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Le fait qu’un fardeau ultime soit imposé à la requérante signifie que, si la Commission n’arrive pas à une conclusion déterminante après clôture de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la requérante. S’agissant du point ii) ci-dessous, l’opposante est toutefois tenue, conformément aux règles habituelles de présentation de la preuve, de s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle fonde les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p.298 (C.F. 1re inst.). Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposante relativement à une question donnée signifie que la question ne sera examinée que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

 

Examen des motifs d’opposition

[25]      J’examinerai les motifs d’opposition dans le même ordre que celui dans lequel ils sont soulevés dans la déclaration d’opposition, exception faite du quatrième motif, qui a été abandonné à l’audience.

 

Motif 1 Alinéa 30d)

[26]      L’opposante n’a produit aucune preuve à l’appui du premier motif d’opposition, et aucun élément de preuve de nature à appuyer le premier motif ne figure au dossier. L’opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau initial à l’égard du premier motif, qui est, par conséquent, rejeté.

 

Motif 2Alinéa 30i)

[27]      Un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne peut être retenu que si l’opposant allègue une fraude de la part du requérant ou que des dispositions législatives fédérales précises empêchent l’enregistrement de la marque visée par la demande : voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152, p. 155 (C.O.M.C.) et Canada Post Corporation c. le Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221. En l’espèce, aucune allégation de cette nature n’a été formulée, de sorte que les arguments exposés n’appuient pas un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i). Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est, par conséquent, rejeté.

 

Motifs 3, 5 et 6 – Alinéa 12(1d), article 16 et article 2

     La principale question est celle de la confusion.

[28]      Les motifs d’opposition restants ont trait à la question de la confusion entre la marque PACIFICO LIGHT visée par la demande et une ou plusieurs des marques PACIFIC de l’opposante. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont la date de ma décision pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d); la date de production de la demande, soit le 31 mai 2006, pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 16; et la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 18 août 2008, pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, pp. 206 à 209 (C.F. 1re inst.).

[29]      La requérante a le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque PACIFICO LIGHT visée par la demande et les marques de l’opposante, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-dessous :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[30]      Ainsi, le paragraphe 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la probabilité que des biens ou des services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir s’il y aurait un risque que la bière de la requérante vendue sous la marque PACIFICO LIGHT soit perçue comme de la bière produite, commanditée ou approuvée par l’opposante.

 

    Le test en matière de confusion

[31]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques, il faut tenir compte de « toutes les circonstances de l’espèce », y compris celles expressément énoncées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids; l’importance qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon les circonstances; voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

 

  Examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

  Le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis

[32]      Les marques PACIFIC de l’opposante ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent très marqué, car le terme PACIFIC est fortement susceptible d’être perçu par les consommateurs comme une allusion à l’océan Pacifique ou à la masse terrestre bordant l’océan Pacifique. Les marques suggèrent que les marchandises de l’opposante proviennent de la côte canadienne de l’océan Pacifique. J’estime que les marques de l’opposante sont des marques relativement faibles; une conclusion qui est corroborée par la preuve de Mme Hung concernant l’emploi courant du terme comme élément de marques de commerce canadiennes. La marque visée par la demande est formée des éléments PACIFICO, une forme légèrement modifiée du mot « Pacific », et LIGHT, qui suggère un contenu peu calorique. Considérée dans son ensemble, la marque visée par la demande est donc, elle aussi, une marque relativement faible. Je conclus de la preuve de Mme Komatsu que les marques de l’opposante avaient acquis une notoriété considérable au Canada à toutes les dates pertinentes. Il n’existe aucune preuve que la marque visée par la demande avait acquis quelque notoriété que ce soit à une ou plusieurs des dates pertinentes. Le premier facteur énoncé au paragraphe 6(5), qui concerne aussi bien le caractère distinctif inhérent que le caractère distinctif acquis, favorise donc l’opposante, en particulier à la date la plus rapprochée (la date de ma décision) en raison du caractère distinctif accru qu’ont acquis les marques de l’opposante par l’intermédiaire de ventes et de publicités, comme il est indiqué dans l’affidavit de Mme Komatsu.

 

  La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[33]      L’opposante emploie ses marques depuis 1984 alors que la requérante n’a pas encore commencé à employer sa marque. Le deuxième facteur joue donc en faveur de l’opposante à toutes les dates pertinentes.

 

  Le genre de marchandises ou entreprises, et la nature du commerce

[34]      Les marchandises, les entreprises et les commerces des parties sont essentiellement les mêmes. Par conséquent, les troisième et quatrième facteurs favorisent l’opposante.

 

  Le degré de ressemblance

[35]      Les marques des parties se ressemblent dans une mesure considérable sur les plans visuel et sonore, et dans les idées qu’elles suggèrent, car l’élément nominal dominant de la marque visée par la demande, soit PACIFICO, incorpore la totalité de l’élément nominal PACIFIC des marques de l’opposante. Le dernier facteur favorise donc, également, l’opposante.

 

  Autres circonstances de l’espèce

[36]      Une autre circonstance de l’espèce dont il convient de tenir compte est l’absence de preuve de confusion réelle. Évidemment, l’opposante n’est pas tenue de produire une preuve de cas de confusion réelle et l’absence d’une telle preuve ne donne pas nécessairement lieu à une présomption défavorable à l’opposante, pas plus qu’elle n’est déterminante en ce qui concerne la question de la confusion. Néanmoins, l’absence d’une preuve de confusion réelle au cours d’une période pertinente, malgré un recoupement des marchandises et des voies de commercialisation des parties, peut donner matière à tirer une inférence négative quant à la probabilité de confusion : voir Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.); Mercedes-Benz A.G. c. Autostock Inc., 69 C.P.R. (3d) 518 (C.O.M.C.). En l’espèce, la preuve indique que les marques PACIFIC de l’opposante et les étiquettes de la requérante (telles qu’elles sont reproduites aux paragraphes 10, 11 et 20, ci-dessus) sont employées de façon concurrente dans l’Ouest canadien depuis 2001, et que cet emploi concurrent est considérable. En outre, les marchandises des parties sont vendues par des voies de commercialisation qui se recoupent, c’est-à-dire par l’intermédiaire des détaillants de bière. La requérante soutient que, vu ces circonstances, l’absence de preuve de confusion réelle permet de présumer que la marque PACIFICO LIGHT visée par la demande ne créerait de confusion avec aucune des marques PACIFIC de l’opposante.

[37]      J’estime que l’argument de la requérante relativement à l’absence de cas de confusion réelle a un certain mérite. Cet argument serait, toutefois, bien plus solide si la présente demande était fondée sur un emploi effectif plutôt que sur un emploi projeté. À cet égard, s’il est vrai que les étiquettes qui ont été employées par la requérante comprennent l’élément nominal dominant PACIFICO, il n’en demeure pas moins que ces étiquettes se distinguent des marques de l’opposante sur le plan visuel. L’absence de cas de confusion réelle peut sans doute être attribuée à ces différences sur le plan visuel. La marque PACIFICO LIGHT visée par la demande ne se distingue pas des marques de l’opposante sur le plan visuel et, par conséquent, la tentative de la requérante d’appliquer à la marque visée par la demande les mêmes conclusions en ce qui concerne le contexte commercial, soit qu’il n’existe pas de confusion, ne me convainc pas complètement.

 

  Jurisprudence

[38]      Il existe cependant, en droit des marques de commerce, un principe qui, dans les circonstances de l’espèce, atténue l’avantage de l’opposante à l’égard du dernier facteur énoncé au paragraphe 6(5), examiné au paragraphe 35, ci-dessus. Ce principe veut que de petites différences suffisent à distinguer entre elles des marques « faibles », c’est-à-dire des marques ayant un caractère distinctif relativement faible : voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F. 1re inst.). Ce principe a été appliqué dans Coventry Inc. c. Abrahamian (1984), 1 C.P.R. (3d) 238 (C.F. 1re inst.), au para. 6, reproduit ci-dessous. Dans GSW, l’opposante fondait son opposition sur sa marque SARAH, une marque qui n’était pas intrinsèquement forte et qui n’avait pas acquis un caractère distinctif accru par l’emploi, la publicité ou d’autres moyens :

[TRADUCTION]
« La marque de commerce SARAH est un prénom féminin très répandu dans la chrétienté et, pour cette raison, son caractère distinctif inhérent est faible [voir Bestform Foundations Inc. c. Exquisite Form Brassiere (Canada) Ltd. (1972), 34 C.P.R. (2d) 163]. De telles marques sont considérées comme intrinsèquement faibles et ne peuvent bénéficier d’une protection étendue. [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 7 C.P.R. (2d) 1, [1972] C.F. 1271; et GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154]. Lorsque la marque en cause est intrinsèquement faible, de petites différences suffisent à la distinguer d’une autre marque [voir American Cyanamid Co., précitée, à la p. 5]. Zaréh, qui est également un prénom chrétien, mais qu’on rencontre chez les hommes libanais, n’est pas répandu dans ce pays. À l’évidence, il existe au moins de petites différences qui distinguent ces deux prénoms. Le caractère distinctif d’une marque intrinsèquement faible peut toutefois être accru par un emploi à grande échelle [voir GSW Ltd. c. Great West Steel, précitée]. Il appert de la preuve produite par l’appelante que cette dernière a fait un emploi et une promotion considérables des noms Sarah, Sarah Coventry, Sarah Fashion Show, etc., mais un emploi très limité de la marque de commerce SARAH. Or, il est bien établi qu’il ne suffit pas pour le propriétaire d’une marque de commerce de simplement déclarer qu’il a employé sa marque; il doit en faire la preuve [voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, [1981] 1 C.F. 679, 34 N.R. 39. »

                             (non souligné dans l’original)

 

[39]      En l’espèce, les marques PACIFIC sur lesquelles l’opposante fonde son opposition sont, elles aussi, des marques faibles et l’ajout de la voyelle « O » à la fin du mot PACIFIC permet, dans une certaine mesure, de distinguer entre elles les marques des parties. Il m’est, en outre, impossible de conclure que les marques de l’opposante ont acquis, par leur promotion et leur emploi antérieurs, un caractère distinctif suffisamment important pour leur valoir une protection étendue. L’avantage de l’opposante à l’égard du dernier, et du plus important, des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) s’en trouve donc considérablement diminué.  

[40]      J’ai également tenu compte de l’affaire San Miguel Brewing International Limited c. Molson Canada 2005, 2012 C.O.M.C. 65(Can LII), inf. par 2103 C.F. 156 (Can LII). Dans cette affaire, la requérante, San Miguel, avait produit une demande d’enregistrement pour la marque reproduite ci-dessous, en liaison avec de la bière :


[41]      Molson s’est opposée à la demande au motif que la marque créerait de la confusion avec les diverses marques de bière BLACK HORSE déposées qu’elle employait, y compris la marque reproduite ci-dessous :


[42]      La Commission a donné gain de cause à l’opposante, mais la requérante a porté la cause en appel devant la Cour fédérale, qui a infirmé la décision de la Commission sur la base d’une preuve d’emploi par des tiers des marques IRON HORSE BEER, GOLDEN HORSESHOE PREMIUM LAGER et DARK HORSE STOUT, produite par la requérante. La Cour a jugé que la preuve d’emploi par des tiers était pertinente et suffisante pour faire passer la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission de celle de la « décision raisonnable » à celle du « bien-fondé ». En outre, au paragraphe 34 de sa décision, la Cour a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]
Un coup d’œil aux étiquettes de la RED HORSE et de la BLACK HORSE suffit pour dissiper toute idée de confusion entre la marque RED HORSE (avec juste une tête de cheval) et la marque BLACK HORSE (avec un cheval vu de profil). Cependant, ce facteur n’est pas déterminant, car il n’est pas question ici d’une affaire de violation de droit d’auteur. Comme il a été mentionné plus tôt, le commissaire [de la Commission des oppositions] n’a pas pris en considération les éléments graphiques, mais il est difficile d’en faire abstraction.

 

Bien sûr, en l’espèce, il n’y a pas d’éléments de preuve démontrant que des marques comprenant le terme PACIFIC sont employés par des tiers en liaison avec de la bière (bien qu’une preuve de l’existence d’enregistrements au nom de tiers ait été présentée), et la demande de la requérante concerne une marque nominale et non une marque formée d’une partie nominale et d’une partie graphique destinée à servir d’étiquette. Il n’y a pas, en l’espèce, d’éléments graphiques permettant de distinguer la marque visée par la demande des marques de l’opposante.

 

Décision

[43]      Compte tenu des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), examinés ci-dessus, et considérant également le fait que les marques de l’opposante sont des marques faibles, que les marques de l’opposante ne peuvent bénéficier d’une protection étendue, et qu’il n’existe aucune preuve quant à l’existence de cas de confusion réelle, je conclus que la prépondérance des probabilités est également partagée, à toutes les dates pertinentes, entre la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion et la conclusion qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion.

[44]      Toutefois, comme le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion incombait à la requérante, je dois trancher à l’encontre de la requérante. En conséquence, la présente demande d’enregistrement est rejetée.

[45]      La présente décision a été rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig, Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

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