Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 265

Date de la décision : 2014-11-26

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS produites par Canada Bread Company, Limited à l'encontre des demandes d'enregistrement nos 1,485,346 et 1,485,347 pour les marques de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS et SMART & DELICIOUS TORTILLAS au nom de La Tortilla Factory.

[1]               Canada Bread Company Limited (Canada Bread) s'oppose à l'enregistrement des marques de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS et SMART & DELICIOUS TORTILLAS, visées par les demandes d'enregistrement nos 1,485,346 et 1,485,347 respectivement, en liaison avec des « [Traduction] tortillas et sandwichs roulés ».

[2]               Chaque demande a été produite par La Tortilla Factory (la Requérante) le 16 juin 2010. Une demande d'enregistrement a été soumise pour chaque marque de commerce, fondée à la fois sur son emploi au Canada depuis août 2006 et sur son enregistrement et son emploi aux États-Unis.

[3]               Dans chaque cas, les motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) sont principalement fondés sur des allégations de confusion entre la marque de commerce de la Requérante et la famille de marques de commerce alléguées de Canada Bread qui sont constituées du terme « SMART » ou composées de celui-ci pour des produits de boulangerie.

[4]               Les deux parties ont produit des preuves et des plaidoyers écrits dans chaque cas. Seule Canada Bread était représentée à l'audience, laquelle a été tenue le 16 juillet 2014 et où les deux cas ont été entendus ensemble.

[5]               Pour les raisons exposées ci-dessous, il y a lieu de rejeter chaque opposition.

Motifs d'opposition

[6]               Chaque opposition a été présentée par voie d'une déclaration d'opposition produite le 5 mai 2011. Dans chaque cas, une déclaration d'opposition modifiée a été produite le 18 juillet 2012, avec l'autorisation du registraire.

[7]               À titre de préambule aux motifs d’opposition, Canada Bread allègue être propriétaire de « [Traduction] plusieurs marques de commerce canadiennes et enregistrements connexes ainsi que de demandes d'enregistrement de marques de commerce composées du mot « SMART » ou contenant celui-ci, aux fins d'emploi en liaison avec une variété de marchandises et de services, y compris des produits de boulangerie » (appelés collectivement dans la déclaration d'opposition modifiée la Famille de Marques de commerce SMART).

[8]               Je reproduis ci-dessous le tableau qui figure au paragraphe 5 de la déclaration d'opposition modifiée produite dans chaque cas. Selon les allégations de Canada Bread, le tableau détaille la Famille des Marques de commerce SMART appartenant à Canada Bread et pour laquelle des demandes d'enregistrement ont été produites bien avant la date de premier emploi revendiquée de la Requérante.

No d'enregistrement ou de demande

Marque de commerce

Date de dépôt

Date d'enregistrement

LMC708,753

SMART & Dessin

25 janvier 2006

4 mars 2008

LMC761,257

DEMPSTER’S SMART

9 décembre 2005

10 mars 2010

1,282,503

POM’S SMART

9 décembre 2005

 

[9]               Dans chaque cas, les motifs d'oppositions sont fondés sur des allégations selon lesquelles :

                                            i.            la Requérante n'a pas employé la marque de commerce au Canada en liaison avec les services décrits dans la demande depuis la date de premier emploi allégué [alinéas 38(2)a)/30b) de la Loi];

                                          ii.            la Requérante n'a pas employé la marque de commerce aux États-Unis en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises et de services décrits dans la demande [alinéas 38(2)a)/30d) de la Loi];

                                        iii.            la Requérante ne peut pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque de commerce au Canada, compte tenu de la Famille de Marques de commerce SMART de Canada Bread [alinéas 38(2)a)/30i)];

                                        iv.            la marque de commerce n'est pas enregistrable, puisqu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées SMART & Dessin (LMC708,753), DEMPSTER'S SMART (LMC761,257) et SMART (LMC827,840) [alinéas 38(2)b)/12(1)d) de la Loi];

                                          v.            la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce, étant donné la confusion avec la Famille de Marques de commerce SMART de Canada Bread qui a déjà été employée au Canada par Canada Bread et pour lesquelles des demandes d'enregistrement ont déjà été produites par Canada Bread [alinéas 38(2)c)/16(1)a) et 16(1)b) de la Loi];

                                        vi.            la marque de commerce n'est pas adaptée de manière à distinguer les marchandises de la Requérante de celles de Canada Bread, en raison de la Famille de Marques de commerce SMART de Canada Bread [alinéa 38(2)d)/article 2 de la Loi].

[10]           Je note que, dans chaque cas, la déclaration d'opposition originale a seulement été modifiée par l'ajout d'un motif distinct invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), alléguant la confusion avec la marque de commerce déposée SMART de Canada Bread (no LMC827,840). Le motif d'opposition a été ajouté en tant que motif d'opposition définitif. Je souligne que le préambule et les allégations de la déclaration d'opposition originale n'ont pas été autrement modifiés. Ces commentaires m'amènent à aborder les observations de Canada Bread relativement à la contre-déclaration au dossier.

Contre-déclaration

[11]           Dans chaque cas, la Requérante a produit une contre-déclaration en réponse à la déclaration d'opposition originale du 23 septembre 2011. La Requérante n'a pas demandé l'autorisation de modifier sa contre-déclaration pour faire suite à la déclaration d'opposition modifiée.

[12]           À l'audience, l'agent de Canada Bread a soutenu que le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), fondé sur l'enregistrement no LMC827,840 pour la marque de commerce SMART, devrait être accueilli dans chaque cas, parce que la Requérante n'a pas nié ce motif d'opposition ajouté dans la déclaration d'opposition modifiée. À cet égard, l'agent de Canada Bread a souligné que, dans l'argument présenté au paragraphe 1.b de la contre-déclaration, lequel est reproduit ci-dessous, seul le motif d'opposition fondé sur les enregistrements des marques de commerce SMART & Dessin et DEMPSTER'S SMART est nié :

[Traduction] La Marque de commerce est enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) puisque la Marque de commerce ne crée pas de confusion avec les marques déposées de l'Opposante (LMC708,753 et LMC761,257) (« Marques déposées de l'Opposante ») qui sont énoncées dans la déclaration d'opposition.

[13]           Je suis d'accord avec les observations de Canada Bread, selon lesquelles la Requérante a précisément nié le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d) contenu dans la déclaration d'opposition originale. Cependant, dans chaque cas, la contre-déclaration contient une dénégation générale de l'ensemble des allégations contenues dans la déclaration d'opposition. Cette dénégation générale, qui figure au paragraphe 2, se lit comme suit : « [Traduction] La Requérante nie toutes les allégations contenues dans la déclaration d'opposition, et somme cette dernière d'en prouver le bien-fondé ».

[14]           À mon avis, la dénégation générale qui figure dans chaque contre-déclaration au dossier est suffisamment vaste pour constituer une dénégation suffisante du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), fondé sur l'allégation de confusion avec l'enregistrement no LMC827840.

La preuve au dossier

La preuve de Canada Bread

[15]           À titre de preuve à l'appui de son opposition, Canada Breat a produit dans chaque cas un affidavit de Mike Ponter, souscrit le 20 janvier 2012 et accompagné des pièces 1 à 6. M. Ponter est le directeur du marketing chez Canada Bread. Bien que la Requérante ait obtenu une ordonnance l'autorisant à contre-interroger M. Ponter dans chaque cas, elle ne l'a pas fait.

[16]           Environ deux mois avant l'audience, soit le 14 mai 2014, Canada Bread a produit dans chaque cas les copies certifiées des enregistrements nos LMC708,753 (SMART & Dessin), LMC761,257 (DEMPSTER’S SMART), LMC812,868 (POM’S SMART), LMC802,724 (POM SMART) et LMC827,840 (SMART). Canada Bread a indiqué que cela s'est fait conformément au paragraphe 18 de son plaidoyer écrit, qui se lit comme suit : « [Traduction] Par conséquent, des copies certifiées de la marque de commerce déposée SMART seront soumises à la Commission des oppositions avant la date de l'audience ».

[17]           Pour des raisons que j'ignore, Canada Bread n'a pas été informée, à ce moment, que les copies certifiées ne peuvent être produites à titre de preuve supplémentaire qu'avec l'autorisation du registraire, en vertu de l'article 44 du Règlement sur les marques de commerce, DORS 96/195. Après que j'ai soulevé cette question au début de l'audience, l'agent de Canada Bread a demandé dans chaque cas l'autorisation de produire des copies certifiées à titre de preuve, parce que celles-ci ont prétendument pour objet de démontrer l'existence des enregistrements sur lesquels sont fondés les deux motifs d'opposition invoqués en vertu de l'alinéa 12(1)d). J'ai ensuite indiqué à l'agent que je trancherais la question de la demande d'autorisation dans ma décision.

[18]           Il faut dire que la pratique relative à la demande d'autorisation de produire une preuve à la toute dernière étape d'une procédure d'opposition n'est pas recommandée. Effectivement, le fait de soumettre une demande alors que la procédure d'opposition en est à l'étape de l'audience pourrait s'avérer suffisamment accablant pour que le registraire estime qu'il n'est pas dans l'intérêt de la justice d'accepter la demande en question.

[19]           Cela dit, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de trancher la question de la demande d'autorisation, parce que le résultat des motifs d'opposition invoqués en vertu de l'alinéa 12(1)d) ne dépend pas de l'octroi ou du refus de la demande. D'une part, c'est un principe de droit bien établi que le registraire a le pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre des marques de commerce pour confirmer que l'enregistrement allégué à l'appui d'un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d) est en vigueur à la date de la décision. D'autre part, les copies certifiées ont été émises le 4 novembre 2013, il y a de cela plus d'un an. Donc, même si je devais accepter la demande, j'exercerais tout de même le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer l'existence des enregistrements allégués.

La preuve de la Requérante

[20]           À titre de preuve à l'appui de chaque demande, la Requérante a produit les affidavits d'Adrienne Jarabek, souscrit le 17 mai 2012 et accompagné de sa pièce A, et de Sam Tamayo, souscrit le 27 juin 2012 et accompagné de ses pièces A à D. Mme Jarabek est stagiaire en droit, employée par l'ancien agent des marques de commerce de la Requérante. M. Tamayo est le PDG de la Requérante.

[21]           Canada Bread a obtenu une ordonnance l'autorisant à contre-interroger les deux déposants, dans chaque cas. Cependant, elle a seulement contre-interrogé M. Tamayo. La transcription du contre-interrogatoire, la pièce IST‑1 de la transcription ainsi que la réponse aux engagements sont au dossier.

Fardeau ultime et fardeau initial

[22]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que chaque demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi qui sont invoquées dans la déclaration d'opposition au dossier. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, Canada Bread doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à Canada Bread signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF)].

Rejet des motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 30

[23]           La date pertinente pour l'examen des circonstances relatives à un motif d'opposition fondé sur le non-respect de l'article 30 de la Loi est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[24]           Dans chaque cas, les motifs d'opposition invoquant le non-respect des alinéas 30b), 30d) et 30i) de la Loi sont rejetés sommairement pour les raisons exposées ci-dessous.

Non-respect de l'alinéa 30b) de la Loi

[25]           Il est allégué dans le motif d'opposition que la Requérante n'a pas employé la marque de commerce en liaison avec les services décrits dans la demande à la date de premier emploi alléguée. Cependant, chaque marque de commerce a fait l'objet d'une demande d'enregistrement en liaison avec les marchandises. Dans la décision Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF), la Cour fédérale a ordonné que les oppositions soient évaluées en fonction des motifs d’opposition tels qu'ils sont plaidés. Si un opposant soutient qu'une demande contrevient à une disposition de la Loi en raison de circonstances précises, il n'est pas permis de repousser la demande au motif qu'elle ne respecte pas cette disposition de la Loi pour des raisons différentes de celles invoquées.

[26]           Quoi qu'il en soit, Canada Bread n'a produit aucune preuve pour corroborer une allégation selon laquelle la Requérante n'a pas employé la marque de commerce au Canada depuis la date de premier emploi alléguée. Elle ne s'est pas non plus appuyée sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe. En effet, Canada Bread n'a pas présenté d'observations concernant ce motif d'opposition, ni dans son plaidoyer écrit ni à l'audience.

[27]           Par conséquent, le motif d'opposition est rejeté dans chaque cas parce qu'il n'est pas valide. Autrement, il est rejeté en raison du défaut de Canada Bread de s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe.

Non-respect de l'alinéa 30d) de la Loi

[28]           Canada Bread n'a pas présenté d'observations concernant ce motif d'opposition, ni n'a produit de preuve pour corroborer l'allégation selon laquelle la Requérante n'avait pas employé la marque de commerce aux États-Unis. Par conséquent, le motif d'opposition est rejeté dans chaque cas en raison du défaut de Canada Bread de s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe.

Non-respect de l'alinéa 30i) de la Loi

[29]           Rien ne démontre que la Requérante était au courant des droits antérieurs allégués par Canada Bread. Quoi qu’il en soit, la seule connaissance des droits antérieurs qu’allègue une partie opposante n’empêche pas la partie requérante de produire sincèrement les déclarations prévues à l’alinéa 30i) de la Loi. Si une telle déclaration est produite par la partie requérante, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation de l’alinéa 30i) que dans des cas exceptionnels, par exemple s'il y a existence de mauvaise foi ou de non-conformité à une loi fédérale qui rend fausse la déclaration de la partie requérante [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la page 155 et Canada Post Corporation c Registrar of Trade-marks (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Ce n'est pas le cas ici.

Examen des autres motifs d'opposition

[30]           Dans chaque cas, les autres motifs d'oppositions concernent la probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce alléguées de Canada Bread qui sont constituées du terme SMART, ou qui contiennent ce terme; ces motifs soulèvent les questions suivantes :

1.   La marque de commerce est-elle enregistrable en date d'aujourd'hui?

2.   La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce à la date de premier emploi revendiquée?

3.   La marque de commerce était-elle distinctive des marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[31]           Comme dans le cas des arguments, la preuve et les représentations des parties sont identiques dans chaque procédure. Pour faciliter la consultation, j'utiliserai le singulier dans mon analyse des questions. En outre, j'utiliserai « la Marque » pour désigner de façon interchangeable les marques de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS et SMART & DELICIOUS TORTILLAS, mais je ferai la distinction entre les deux au besoin. Par conséquent, mes conclusions s'appliqueront aux deux procédures.

[32]           En ce qui concerne l'analyse des questions, je note d'abord que M. Ponter affirme dans son affidavit que Canada Bread est propriétaire des marques de commerce suivantes au Canada [paragraphes 2 à 7 de son affidavit] :

         SMART et Dessin, enregistrement no LMC708,753, « [Traduction] pains, petits pains et pains mollets »;

         DEMPSTER’S SMART, enregistrement no LMC761,257, « [Traduction] pains, petits pains et pains mollets »;

         POM SMART, enregistrement no LMC802,724, « [Traduction] pains, petits pains et pains mollets, muffins anglais, tortillas et bagels »;

         POM’S SMART, enregistrement no LMC812,868, « [Traduction] pains, petits pains et pains mollets »;

         SMART, demande no 1,363,511, « [Traduction] (1) Produits de boulangerie, nommément pains. (2) Pains à hot-dog et pains à hamburger. (3) Muffins anglais, bagels et tortillas »;

         SMART, demande no 1,363,513, « [Traduction] grignotines, nommément petits gâteaux, biscuits, gâteaux soufflés, barres de collation, barres de céréales »;

         SMARTMAN, demande no 1,382,655, « [Traduction] Produits de boulangerie, nommément pains, petits pains, pains mollets, tortillas, pitas, muffins anglais, bagels et petits gâteaux »;

         SMARTMAN Dessin, demande no 1,382,656, « [Traduction] Produits de boulangerie, nommément pains, petits pains, pains mollets, tortillas, muffins anglais, bagel et petits gâteaux ».

[33]           Les marques de commerce susmentionnées et les marchandises auxquelles elles sont associées sont subséquemment désignées collectivement dans l'affidavit de M. Ponter comme étant les « Marques » et les « Marchandises » respectivement [paragraphe 9 de l'affidavit]. En outre, M. Ponter affirme qu'il produit des copies d'extraits « de ces demandes » tirés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes en pièce 1 de son affidavit [paragraphe 8 de l'affidavit]. Toutefois, la pièce 1 est constituée de copies d'extraits de quatre enregistrements mentionnés dans son affidavit, et non de demandes.

[34]           Comme je reviendrai sur les marques de commerce invoquées dans l'analyse suivante des questions, je me contenterai de dire que je suis d'accord avec la Requérante sur le fait que ce ne sont pas toutes les marques de commerce mentionnées par M. Ponter qui ont été plaidées dans la déclaration d'opposition modifiée.

La Marque est-elle enregistrable en date d'aujourd'hui?

[35]           Cette question découle des motifs d'opposition alléguant que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné la confusion avec les marques de commerce déposées SMART & Dessin (LMC708,753) reproduite ci-dessous, DEMPSTER'S SMART (LMC761,257) et SMART (LMC827,840) de Canada Bread.

SMART & DESIGN

[36]           La date pertinente pour l'examen des circonstances entourant un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[37]           Comme j'ai exercé le pourvoir de discrétion du registraire, je confirme que les trois enregistrements invoqués sont en règle au nom de Canada Bread. Puisque cette dernière s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la question consiste donc à déterminer si la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime de prouver que la Marque ne présente aucune probabilité raisonnable de confusion avec les marques de commerce déposées qui ont été invoquées.

[38]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont impartis ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[39]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire d'attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4e) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC) pour consulter une discussion exhaustive sur les principes généraux qui régissent le critère relatif à la confusion.]

[40]           À mon avis, la marque de commerce déposée SMART de Canada Bread constitue son argument le plus solide. Autrement dit, s'il s'avère que la confusion n'est pas probable entre la Marque et la marque de commerce déposée SMART, cela signifie qu'elle ne le serait pas davantage entre la Marque et les marques de commerce déposées SMART et Dessin et DEMPSTER'S SMART. Par conséquent, je vais centrer mon analyse sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce SMART (LMC827,840) déposée en liaison avec les marchandises suivantes : (1) Produits de boulangerie, nommément pains. (2) Pains à hot-dog et pains à hamburger. (3) Muffins anglais, bagels et tortillas.

[41]           Dans la décision Masterpiece, précitée, la Cour suprême du Canada a déclaré que le degré de ressemblance entre les marques, bien qu'il s'agisse du dernier facteur énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi, est souvent susceptible d'avoir la plus grande incidence sur l'examen de la confusion; la Cour a donc décidé de commencer son analyse en examinant ce facteur. Par conséquent, je passe à l'examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[42]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faille considérer les marques de commerce dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever des similitudes ou des différences entre leurs éléments constitutifs. La première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante au moment d'évaluer la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, p. 188 (CF 1re inst)]. Au paragraphe 64 de la décision Masterpiece, la Cour écrit que pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de d'abord considérer s'il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique.

[43]           À mon avis, l'adjectif laudatif DELICIOUS et les mots descriptifs WRAPS ou TORTILLAS, selon le cas, ne sont pas particulièrement frappants ou uniques. Par conséquent, comme la marque de commerce SMART de Canada Bread est présente entièrement en tant que premier élément de la Marque, il existe nécessairement un degré de ressemblance assez élevé entre les marques de commerce en cause.

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[44]           Comme la Requérante a fait référence à la preuve de l'état du registre présentée dans l'affidavit d'Adrienne Jarabek relativement au facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a), je tiens à mentionner que je reviendrai sur cette preuve au moment de considérer les autres circonstances de l'espèce.

[45]           Pour les raisons qui suivent, j'estime que le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a), qui réunit les caractères distinctifs inhérents et acquis, ne s'applique en faveur d'aucune des parties.

[46]           En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent, j'estime que les marques de commerce en cause présentent un caractère distinctif inhérent presque semblable. De plus, j'estime qu'elles présentent un faible caractère distinctif inhérent.

[47]           D'abord, le terme SMART est un mot courant de la langue anglaise. En outre, je suis d'accord avec la Requérante pour dire que le terme SMART possède une connotation laudative, suggérant que le produit est en quelque sorte un meilleur choix que les autres produits offerts sur le marché. Le mot SMART dans le contexte des produits alimentaires laisse entendre que les produits constitueraient un choix plus sain que les autres produits sur le marché. Enfin, ni l'adjectif laudatif DELICIOUS ni les mots descriptifs WRAPS ou TORTILLAS, selon le cas, n'augmentent le caractère distinctif inhérent de la Marque.

[48]           Étant donné qu'il est possible d'accroître la force d'une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l'usage, je vais maintenant examiner la preuve produite par les parties.

La preuve de Canada Bread Affidavit de Mike Ponter

[49]           Afin de mieux comprendre mon examen de la preuve de Canada Bread, j'estime qu'il est pertinent de reproduire d'abord la déclaration qui figure au paragraphe 10 de l'affidavit :

[Traduction]
Depuis 2005, Canada Bread [Company, Limited] et ses prédécesseurs (y compris POM Bakery Limited et Multi-Marques Inc) (ci-après appelés l'Opposante) ont employé de façon considérable et continue les Marques au Canada dans la pratique normale du commerce en liaison avec les Marchandises.

[50]           D'après une interprétation raisonnable de cette déclaration, je comprends que le terme « Opposante » employé par M. Ponter dans son affidavit fait collectivement référence à Canada Bread, POM Bakery Limited et Multi-Marques Inc. En outre, comme je l'ai déjà mentionné, M. Ponter utilise le terme « Marques » pour désigner collectivement les marques de commerce précédemment mentionnées par Canada Bread et le terme « Marchandises » pour désigner collectivement les marchandises associées à ces marques de commerce. Par conséquent, mon emploi des termes « Opposante », « Marques » et « Marchandises » dans l'examen suivant de la preuve de Canada Bread reflétera l'emploi qu'a fait M. Ponter de ces termes dans son affidavit.

[51]           Je résume comme suit la preuve produite par M. Ponter concernant l'emploi et la promotion des Marques au Canada depuis 2005 [paragraphes 11 à 14 et 17 à 20 de l'affidavit] :

         des exemples d'emballages de Marchandises vendues en liaison avec les Marques sont joints en pièce 2 de l'affidavit;

         pour les années 2009 à 2011, le volume et la valeur approximatifs des ventes de Marchandises en liaison avec les Marques sont les suivants :

o   26,8 millions d'unités/73,9 millions de dollars en 2009;

o   26,1 millions d'unités/67,4 millions de dollars en 2010;

o   19,8 millions d'unités/52,9 millions de dollars pour une partie de 2011;

         des exemples de factures montrant des ventes de Marchandises arborant les Marques sont joints en pièce 3 de l'affidavit. Je note que ces factures concernent les années 2006 à 2008; la plus ancienne est datée du 23 mars 2006 et la plus récente du 18 mars 2008. Je reviendrai au fait que toutes ces factures ont été émises par Multi-Marques Inc;

         l'Opposante mène des campagnes publicitaires promotionnelles exhaustives et d'envergure, y compris du marketing dans les points de vente où sont présentées les Marchandises en liaison avec les Marques. Des exemples de documents publicitaires et promotionnels sont joints en pièce 5 de l'affidavit;

         la publicité se fait par l'entremise de divers médias au Canada, y compris la radio, la télévision, Internet, des publications papier et d'autres tribunes, comme les événements sportifs;

         les marques de commerce POM'S SMART, SMART et SMARTMAN Dessin sont annoncées dans le cadre d'événements sportifs comme les parties de hockey professionnel des Canadiens de Montréal au Centre Bell et les parties de football professionnel des Alouettes de Montréal, qui sont diffusées à l'échelle nationale. M. Ponter affirme qu'il présente des copies de « [Traduction] photos prises à ces événements » en pièce 4 de son affidavit. Je note qu'étant donné la qualité douteuse de la reproduction des documents, je ne peux pas établir clairement ce que peuvent constituer des photos prises lors d'événements sportifs. Tout de même, il est évident que la pièce 4 contient d'autres documents. Par exemple, il y a un document qui provient probablement du Centre Bell et qui porte la mention Document révisé présenté à Multi-Marques Mai 2007;

         les dépenses engagées par l'Opposante pour « [Traduction] la promotion, l'annonce et la mise en marché de Marchandises arborant la Marque » s'élevaient à 3,4 millions de dollars en 2009, à 6,85 millions de dollars en 2010 et à 2,84 millions de dollars en 2011;

         les Marques de l'Opposante se trouvent sur le site Web à l'adresse www.multimarques.com. Des imprimés du site Web sont joints en pièce 6 de l'affidavit;

[52]           Le fait que M. Ponter fournisse une preuve sans distinction entre les Marques et les Marchandises expose assurément cette preuve aux critiques. Par exemple, malgré le volume/valeur considérable des ventes depuis 2009, on ne sait pas quelle proportion peut être attribuée à la vente de produits de boulangerie arborant la marque de commerce SMART. La preuve qui porte sur l'annonce et la promotion des Marques est également critiquable.

[53]           Cela dit, si je tiens compte globalement des copies des emballages de produits, des factures de 2006 à 2008 et des ventes de 2009 à 2011, j'estime que la preuve est suffisante pour établir l'emploi de la marque de commerce SMART au Canada en liaison avec des produits de boulangerie depuis la plus ancienne date de premier emploi revendiquée dans l'enregistrement no LMC827,840, soit février 2006.

[54]           En effet, je suis convaincue que les photocopies des emballages de produits qui figurent en pièce 2 établissent l'emploi de la marque de commerce SMART en liaison avec des produits de boulangerie, plus particulièrement des gâteaux, des muffins anglais, des bagels, des tortillas, du pain, des pains à hot-dog et des pains à hamburger. En ce qui concerne les observations de la Requérante selon lesquelles sept des neuf photocopies d'emballages de produits « [Traduction] montrent clairement [...] la marque maison POM dans la partie supérieure de l'emballage accompagnée du terme "Smart" en caractère stylisé au centre de l'emballage », je me contenterai de dire que la Loi n'établit pas de distinction entre les marques primaires et secondaires [voir Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC (2010), 87 CPR (4th) 123 au paragraphe 47 (CF)].

[55]           En outre, M. Ponter fournit une preuve quant au volume et à la valeur des ventes de Marchandises pour les années 2009 à 2011. J'accepte aussi les factures produites en pièce 3 comme une preuve corroborant les ventes au Canada de produits de boulangerie associés aux Marques pendant les années 2006 à 2008, y compris la marque de commerce SMART. Cependant, comme je l'ai mentionné précédemment, on voit que Multi-Marques Inc. est la société qui a émis ces factures. Par conséquent, je vais maintenant me pencher sur la question qui découle des factures produites par Canada Bread.

[56]           La Requérante fait valoir que comme Multi-Marques Inc. est clairement une entité distincte, la preuve ne permet pas d'établir l'emploi des Marques au Canada par Canada Bread. Pour résumer ces observations, je reproduis le paragraphe 79 du plaidoyer écrit de la Requérante :

[Traduction]
Dans la mesure où [Canada Bread] s'appuie sur les ventes de Multi-Marques Inc. entre 2005 et 2008 pour corroborer une revendication d'emploi depuis avant 2009, la Requérante souligne qu'aucune des demandes de [Canada Bread] en pièce 1 de l'affidavit Ponter ne fait référence à Multi-Marques Inc. comme étant un prédécesseur en titre. En outre, M. Ponter ne mentionne aucunement dans sa preuve que Multi-Marques Inc. est un licencié de [Canada Bread]. Comme la relation entre Multi-Marques Inc. et [Canada Bread] n'est pas claire, un tel emploi ne peut s'appliquer en faveur de [Canada Bread].

[57]           Même si je reconnais que M. Ponter désigne Multi-Marques Inc. comme étant un prédécesseur de Canada Bread, il n'en demeure pas moins qu'il n'y a aucune déclaration dans son affidavit pour expliquer la chaîne de titres des Marques. Plus précisément, nous ne savons pas depuis quand les Marques appartiennent à Canada Bread, ni à quelle période elles appartenaient à Multi-Marques Inc. ou à POM Bakery Limited. J'ajouterais que, lorsque j'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer l'existence des trois enregistrements invoqués, j'ai noté que Canada Bread avait été identifiée dans chaque cas comme l'« Inscrivante », c'est-à-dire la personne ou l'entité à qui le droit de protection a été accordé à l'origine. Autrement dit, Canada Bread n'était pas inscrite en tant que propriétaire des marques de commerce après qu'elles ont été enregistrées. Enfin, ce qui est tout aussi important, M. Ponter ne mentionne aucunement que Multi-Marques Inc. est un licencié de Canada Bread.

[58]           Comme le plaidoyer écrit de Canada Bread n'aborde pas la question qui découle des factures, j'ai invité l'agent de Canada Bread à présenter ses observations lors de l'audience.

[59]           D'abord et avant tout, l'agent de Canada Bread a soutenu que la Requérante n'avait pas contre-interrogé M. Ponter. Il a également fait valoir que Multi-Marques était un nom commercial de Canada Bread. Lorsque j'ai demandé à l'agent de préciser la preuve pertinente, il a attiré mon attention sur l'avis suivant, figurant au bas des imprimés tirés du site Web [pièce 6] :

« Copyrights and trademarks owned or used under license by Multi-Marques ‑ a division of Canada Bread Company, Limited. » (Droits d'auteurs et marques de commerce détenus ou utilisés sous licence par Multi-Marques – une division de la Boulangerie Canada Bread, Limited)

[60]           L'agent de Canada Bread a également soutenu que l'avis sur le site Web suffisait pour que Canada Bread puisse bénéficier de la présomption établie au paragraphe 50(2) de la Loi. Dans cet article, il est prévu que « dans la mesure où un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l'objet d'une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire ».

[61]           Pour les raisons qui suivent, les observations verbales de l'agent de Canada Bread ne m'ont pas convaincue que je pouvais conclure au fait que Canada Bread avait bénéficié de l'emploi des Marques par Multi-Marques Inc.

[62]           D'abord, le fait que M. Ponter n'a pas été contre-interrogé ne m'empêche pas d'apprécier la valeur de la preuve qu'il a produite. Je reconnais que le témoignage écrit de M. Ponter, selon lequel les Marques sont employées depuis 2005, n'a pas été contesté dans le cadre d'un contre-interrogatoire. D'autre part, comme je l'ai mentionné plus tôt, son témoignage écrit est ambigu.

[63]           Je ne suis pas convaincue qu'il faut accorder un poids important à l'avis publié sur le site Web en tant que preuve que Multi-Marques est un nom commercial de Canada Bread, surtout du fait que M. Ponter ne fait aucunement mention d'activités commerciales de Canada Bread sous ce nom. Néanmoins, si cet avis avait une quelconque valeur en tant que preuve que Multi-Marques est une division de Canada Bread plutôt qu'une entité distincte, je suis d'avis que cette preuve remonte à la date des imprimés tirés du site Web, soit le 17 janvier 2012. Assurément, cette information n'aide aucunement Canada Bread à établir que Multi-Marques Inc. n'était pas une entité légale distincte en 2006-2008.

[64]           Enfin, bien que l'avis public ait été reconnu par le registraire, sur les emballages ou les étiquettes de marchandises, la Loi ne définit pas ce que constitue un avis public adéquat. Par conséquent, je reconnais que dans certains cas, un avis publié sur un site Web peut être considéré comme un « avis public » en vertu du paragraphe 50(2) de la Loi. Cela dit, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si c'est le cas en l'espèce. À nouveau, je ne vois pas comment l'avis publié sur le site Web le 17 janvier 2012 viendrait aider à établir que l'emploi des Marques de 2006 à 2008 par Multi-Marques Inc. était autorisé par Canada Bread, laquelle détenait un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des Marchandises.

[65]           En résumé, après avoir examiné l'affidavit de M. Ponter dans son ensemble, j'estime qu'il est suffisant pour établir l'emploi de la marque de commerce SMART au Canada en liaison avec des produits de boulangerie depuis février 2006. Cependant, puisque l'affidavit est ambigu, je ne suis pas convaincue qu'il permet d'établir que Canada Bread peut profiter de l'emploi de la marque SMART par Multi-Marques Inc. pour les années 2006 à 2008.

[66]           Enfin, il n'existe aucune preuve permettant d'établir clairement que le volume et la valeur des ventes fournis pour les années 2009 à 2011 concernent des ventes faites par Canada Bread. Même si le fait de ne produire aucune facture pour les années 2009 à 2011 n'est pas rédhibitoire en soi pour le dossier de Canada Bread, il n'en demeure pas moins que les seules factures produites ont été émises par Multi-Marques Inc. Par conséquent, dans les circonstances de l'espèce, je ne suis pas prête à conclure, à partir de la preuve dont je suis saisie, que la marque de commerce SMART a été employée par Canada Bread elle-même de 2009 à 2011.

[67]           Ultimement, je ne peux pas conclure que la marque de commerce SMART a acquis un caractère distinctif à la suite de sa promotion ou de son emploi par Canada Bread ou pour son bénéfice.

Preuve de la Requérante  Affidavit de Sam Tamayo

[68]           Pour commencer, je note que dans mon examen de la preuve, je ne tiendrai pas compte des déclarations de M. Tamayo qui sont des opinions sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées par le registraire dans le cadre des présentes procédures. De plus, je ne ferai référence à son contre-interrogatoire que dans la mesure où il est pertinent dans le contexte de son témoignage écrit et des observations des parties. Enfin, dans mon examen de la preuve de la Requérante, mon utilisation du terme « Marques SMART & DELICIOUS » correspond à la désignation collective des marques de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS et SMART & DELICIOUS TORTILLAS par M. Tamayo dans son affidavit.

[69]           M. Tamayo atteste que la Requérante est une entreprise californienne indépendante qui fabrique des tortillas et des produits alimentaires connexes qu'elle vend aux courtiers en denrées alimentaires, aux restaurants et aux magasins d'alimentation à l'échelle des États-Unis. La Requérante vend ses marchandises au Canada par l'entremise de Tree of Life Canada, un distributeur d'aliments de spécialité et d'aliments naturels [paragraphe 2 de l'affidavit].

[70]           Je résume comme suit la preuve produite par M. Tamayo concernant l'emploi et la promotion des Marques SMART & DELICIOUS au Canada, en liaison avec des tortillas et des sandwichs roulés depuis 2006 :

         les Marques SMART & DELICIOUS ont été employées sur des emballages de produits, le site Web de la Requérante (www.latortillafactory.com), du papier à correspondance officielle, des cartes de visite et des dépliants et présentations publicitaires [paragraphes 8 et 9 de l'affidavit];

         un imprimé de la page d'accueil du site Web [pièce A] ainsi que des copies d'un « emballage de produit » [pièce B], de « fiches de vente » [pièce C] et d'un coupon de promotion [pièce D] sont produits en tant qu'exemples d'emploi des Marques SMART & DELICIOUS. Je note au passage que la pièce B semble contenir des copies de maquettes d'emballages de produits plutôt que des copies de véritables emballages de produits.

         pour les années 2006 à 2012, le volume et la valeur approximatifs des « ventes de marchandises » en liaison avec les Marques SMART & DELICIOUS sont les suivants [paragraphe 10 de l'affidavit] :

o   2 246 unités / 50 423 $ en 2006;

o   8 310 unités / 170 117 $ en 2007;

o   15 278 unités / 323 785 $ en 2008;

o   19 960 unités / 418 733 $ en 2009;

o   31 334 unités / 649 955 $ en 2010;

o   27 733 unités / 654 809 $ en 2011;

o   9 494 unités / 203 448 $ en 2012 (à la date de l'affidavit);

         les campagnes publicitaires et promotionnelles au Canada ont lieu trois fois par année pendant quatre semaines, au moyen de rabais offerts aux clients de Tree of Life Canada. Il n'y a aucune publicité à la télévision, à la radio ou dans des publications au Canada [paragraphe 13 de l'affidavit, Q107 à Q110].

[71]           À mon avis, la preuve telle qu'elle est produite par M. Tamayo est critiquable. Par exemple, on ne m'a donné aucun détail concernant le nombre de Canadiens qui ont consulté le site Web de la Requérante. De plus, je ne dispose d'aucun renseignement me permettant de tirer une conclusion sur la portée de la distribution du matériel promotionnel, comme les coupons de promotions produits en pièce D. Enfin, ce qui est tout aussi important, comme M. Tamayo présente le volume et la valeur des ventes sans établir de distinction entre les Marques SMART & DELICIOUS, je ne peux pas tirer de conclusion sur l'étendue des ventes des marchandises de la Requérante en liaison avec chacune des marques de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS et SMART & DELICIOUS TORTILLAS.

[72]           Ultimement, j'estime que la preuve de la Requérante telle qu'elle a été produite par M. Tamayo ne me permet pas de tirer une conclusion significative quant au caractère distinctif acquis de la Marque.

Alinéa 6(5)b) – La période d'emploi des marques de commerce

[73]           Selon ce que je comprends de ses observations, Canada Bread fait valoir que même si la demande d'enregistrement de la Marque allègue un emploi au Canada depuis août 2006, ce facteur s'applique en sa faveur parce que sa preuve établit l'emploi de sa Famille de marques de commerce SMART depuis 2005.

[74]           Bien que la preuve produite par Canada Bread corrobore la plus ancienne date de premier emploi revendiquée dans l'enregistrement no LMC827,840 pour la marque de commerce SMART, soit février 2006, comme il en a été question précédemment, Canada Bread n'a pas démontré qu'elle a employé elle-même la marque de commerce SMART ou qu'elle a bénéficié de son emploi au Canada.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[75]           Ce sont les états déclaratifs des marchandises de la demande d'enregistrement de la Marque et des marchandises de l'enregistrement de Canada Bread qui doivent être considérés pour l'examen des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d), au titre du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d) [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[76]           Les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) s'appliquent en faveur de Canada Bread.

[77]           Je suis d'accord avec Canada Bread pour dire qu'il n'y a aucun fondement dans l'observation de la Requérante selon laquelle le genre de marchandises des parties est reconnaissable parce que la Marque n'est pas associée à une gamme complète de produits de boulangerie, mais seulement à des tortillas et à des sandwichs roulés. Outre le fait que la marque de commerce SMART est enregistrée en liaison avec des « tortillas », il y a un recoupement évident entre les « sandwichs roulés » et les marchandises visées par l'enregistrement de Canada Bread.

[78]           En ce qui concerne la nature du commerce, je ne suis pas d'accord avec la suggestion de la Requérante, à savoir que le fait que ses marchandises apparaissent souvent dans des présentoirs individuels constitue un élément important [Q60]. À cet égard, je me contenterai de dire que le paragraphe 6(2) de la Loi énonce clairement qu'il n'est pas nécessaire que les marchandises soient vendues côte à côte. Dans la mesure où les marchandises des deux parties sont vendues dans des épiceries et des supermarchés, il existe un recoupement évident entre les voies de commercialisation [paragraphe 15 de l'affidavit Ponter; paragraphe 11 de l'affidavit Tamayo, Q12].

Autres circonstances de l'espèce – État du registre

[79]           Une preuve de l'état du registre sert à montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble des marques figurant au registre. La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en dégager des conclusions sur l'état du marché, et l'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché que si l'on relève un nombre significatif d'enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[80]           La Requérante s'appuie sur la preuve de l'état du registre présentée par voie de l'affidavit d'Adrienne Jarabek pour corroborer son dossier. En bref, la Requérante prétend que la preuve établit que les marques de commerce qui contiennent le mot SMART sont très présentes dans le commerce alimentaire, y compris pour les produits de boulangerie, et donc les consommateurs sont sans doute habitués de faire la distinction entre ces marques de commerce.

[81]           Mme Jarabek affirme qu'elle a effectué une recherche dans la base de données NameReporter d'OnScope Group Inc., qui selon elle reflète les dossiers électroniques de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, afin de repérer les enregistrements en vigueur et les demandes en suspens concernant des marques de commerce contenant le mot « smart » [paragraphe 2 et 3 de l'affidavit]. Mme Jarabek poursuit en indiquant qu'elle a « [Traduction] ensuite revu manuellement les résultats globaux de la recherche, soit 1 360 résultats, pour y repérer toute marque contenant le mot « smart » et dont la liste de marchandises connexes contient des produits alimentaires »; une copie des résultats de cette recherche est jointe en pièce A de son affidavit [paragraphe 3 de l'affidavit].

[82]           La pièce A de l'affidavit est un tableau indiquant 129 marques de commerce ainsi que les détails de chacune : « Status » (État), « Date », « Wares/Services » (Marchandises/Services), « App. No. » (No de la demande) et « Owner » (Propriétaire). Comme Canada Bread a choisi de ne pas contre-interroger Mme Jarabek, je n'ai aucune raison de croire que les détails reproduits dans le tableau ne sont pas une reproduction exacte de ce qui figurerait sur les imprimés complets des enregistrements et des demandes. En effet, Canada Bread n'a pas contesté l'exactitude des résultats de recherche produits en pièce A de l'affidavit. Canada Bread soutient plutôt qu'aucune conclusion ne peut être tirée de la preuve de l'état du registre parce qu'elle ne divulgue pas suffisamment d'enregistrements pertinents.

[83]           À cet égard, Canada Bread a fait valoir dans son plaidoyer écrit qu'après un examen et une analyse approfondis du rapport de recherche, il n'existe aucune marque de commerce déposée contenant le mot « smart » associée aux marchandises et aux services de Canada Bread, y compris des produits de boulangerie. Canada Bread a également soutenu que l'état déclaratif des marchandises et des services contenu dans les enregistrements des marques de commerce SMART SPOT, SMART SELECTIONS MADE EASY et SMART SELECTIONS BIEN CHOISIR fait référence à des produits à base de pommes de terre, alors que ses marques de commerce sont associées à une variété de marchandises et de services, y compris des produits de boulangerie et non des produits à base de pommes de terre. À l'audience, l'agent de Canada Bread a simplement indiqué qu'il reprenait les observations qui se trouvaient dans le plaidoyer écrit de Canada Bread. Autrement dit, l'agent de Canada Bread n'a formulé aucune représentation pour aborder les observations contenues dans le plaidoyer écrit de la Requérante.

[84]           Les observations de la Requérante portent que des 129 marques de commerce, 99 sont visées par des enregistrements ou des demandes accueillies; bon nombre des marques de commerce figurant en pièce A sont associées à des produits de boulangerie, y compris du pain, des petits pains, des pains mollets, des bagels, des gâteaux, des biscuits, des muffins et d'autres produits semblables et appartiennent à plusieurs entités.

[85]           Après avoir considéré exclusivement les marques de commerce déposées, à la lumière de mon examen des résultats de recherche, Mme Jarabek a choisi 70 enregistrements. Ce ne sont pas tous ces enregistrements qui englobent des marchandises considérées comme des produits alimentaires (par exemple SPUD SMART a été enregistrée pour des « [Traduction] publications périodiques, nommément des magazines dont le contenu s'adresse aux producteurs et transformateurs de pommes de terre »). De plus, je reconnais que certaines des marques de commerce sont enregistrées en liaison avec des services. Quoi qu'il en soit, il demeure évident qu'un grand nombre de marques de commerce déposées concernent des produits alimentaires et autres produits connexes, y compris des produits de boulangerie. Je me contenterai de noter les exemples suivants de marques de commerce appartenant à des tiers, associées à des produits de boulangerie ou à des produits identiques à ceux en cause :

         SMART FIESTA (LMC805,543) pour des « tortillas ... »;

         EAT A COOKIE SKIP A SERVING BE SMART FOR LIFE (LMCA796,822) pour des « biscuits »;

         MASTER CHOICE LIFESMART SMART EATING FOR LIFE & Dessin (LMC445,370) pour des « … biscuits et craquelins … »;

         SCHNEIDERS SMART LUNCH & Dessin (LMC772,041) pour des « … bagels … produits de boulangerie-pâtisserie, nommément barre de riz croquante »;

         SIMPLY SMART MEALS (LMC811,746) pour du « … pain … »;

         SMART & HEALTHY (LMC711,521) pour des « produits de boulangerie, nommément du pain »;

         SMART AS A COOKIE (LMC503,535) pour des « biscuits »;

         SMART FOR LIFE CUPCAKE DIET (LMC805,630) pour des « petits gâteaux et muffins »;

         SMART PACK (LMC754,635) pour des « … produits de boulangerie, nommément du pain, des petits pains, des petits pains mollets, des bagels ... »;

         SMART‑GRAIN (LMC709,933) pour des « … pains … biscuits … »;

[86]           Ultimement, je suis convaincue que la preuve de l'état du registre montre suffisamment d'enregistrements pertinents pour que je puisse tirer une conclusion en faveur de la Requérante. Autrement dit, je conclus que l'état du registre concernant les marques de commerce qui contiennent le terme « smart » affaiblit la protection accordée à la marque de commerce SMART de Canada Bread.

Les autres circonstances de l'espèce — Aucun cas réel de confusion

[87]           Une partie opposante n'est pas tenue de démontrer les cas de confusion. C'est à la partie requérante qu'incombe le fardeau de démontrer l'absence de probabilité de confusion. Le fait qu'il n'existe aucune preuve de confusion ne libère aucunement une partie requérante du fardeau de la preuve qui lui incombe. Néanmoins, une conclusion défavorable peut être tirée de l'absence de preuve de cas réels de confusion lorsqu'il y a preuve d'un emploi simultané significatif des marques [voir Mattel Inc, précité à la page 347].

[88]           En l'espèce, je n'accorde aucune importance au témoignage écrit de M. Tamayo, dans lequel il dit ne pas être au courant de cas où la Requérante ou ses produits ont été confondus avec Canada Bread ou ses produits [paragraphe 4 de son affidavit (tel que corrigé par la pièce IST-1 de la transcription)]. En effet, M. Tamayo a reconnu lors du contre-interrogatoire qu'il n'avait pas fait de vérifications et qu'il se pouvait donc qu'il ne soit pas au courant de cas de confusion [Q46 à Q49].

Autres circonstances de l'espèce - Famille de marques de commerce

[89]           Canada Bread fait valoir que le fait qu'elle possède une famille de marques de commerce contenant le mot SMART constitue une autre circonstance de l'espèce à l'appui d'une conclusion en sa faveur. Je ne suis pas d'accord. J'estime qu'il ne s'agit pas d'un cas où Canada Bread peut faire valoir une famille de marques de commerce.

[90]           Une partie qui cherche à tirer avantage de la protection plus étendue que confère l'existence d'une famille de marques de commerce doit d'abord établir l'emploi des marques de commerce qui composent cette famille [voir MacDonald’s Corporation c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst)]. Mis à part les lacunes découlant de la présentation de la preuve par voie d'une désignation collective des Marques, il s'ensuit de mon examen de l'affidavit Ponter que Canada Bread n'a pas produit de preuve d'emploi par elle-même ou pour son bénéfice.

[91]           J'aimerais ajouter que la présomption de l’existence d’une famille est repoussée lorsqu’une preuve démontre que la caractéristique commune de la famille alléguée est enregistrée et employée par d’autres [voir Thomas J. Lipton Inc c Fletcher’s Fine Foods Ltd (1992), 44 CPR (3d) 279 (COMC) à la p 286-7].

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[92]           Dans Man and His Home Ltd c Mansoor Electronic Ltd (1999), 87 CPR (3d) 218 (CF 1re inst), la Cour a déclaré ceci concernant les marques qui ne présentent qu'un faible caractère distinctif inhérent :
[Traduction]

Il est de jurisprudence constante que les marques de commerce qui contiennent des mots qui évoquent les marchandises ou les services qu'offre leur propriétaire sont considérées comme des marques faibles qui n'ont droit, par conséquent, qu'à une faible protection. En pareil cas, même une légère différence entre les marques suffit pour réduire la probabilité de confusion. En outre, lorsqu'une personne adopte un mot d'usage courant et cherche à empêcher ses concurrents de faire de même, les marques de commerce ont un caractère distinctif inhérent moindre et le degré de protection accordé par le tribunal est limité. Finalement, lorsqu'une partie choisit d'employer un nom évocateur non distinctif indépendamment de tout caractère distinctif acquis, elle doit accepter une certaine confusion sans sanction.

[93]           En appliquant le test en matière de confusion, j'ai étudié la situation sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Dans mon appréciation de l'ensemble des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi et de leur importance relative, je suis convaincue que les différences entre les marques de commerce, lorsque considérées globalement, suffisent pour établir une distinction entre la Marque et la marque de commerce SMART.

[94]           En effet, bien que j'aie conclu qu'il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques de commerce, il n'en demeure pas moins que la marque de commerce SMART de Canada Bread présente un faible caractère distinctif inhérent. De plus, Canada Bread n'a pas produit de preuve établissant que sa marque de commerce présente un caractère distinctif acquis, quel qu'il soit. Enfin, la preuve de l'état du registre s'applique en faveur de la Requérante. Si je considère la preuve au dossier, j'estime qu'une conclusion en faveur de Canada Bread en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi accorderait effectivement à Canada Bread un monopole déraisonnable sur le mot SMART par rapport aux produits alimentaires.

[95]           Par conséquent, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime de démontrer qu'il n'existe aucune probabilité de confusion entre la marque de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS ou SMART & DELICIOUS TORTILLAS et la marque de commerce déposée SMART de Canada Bread (LMC827,840).

[96]           Comme j'ai indiqué précédemment que la marque de commerce déposée SMART constitue l'argument le plus solide de Canada Bread, je conclus également que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime de démontrer que la marque de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS ou SMART & DELICIOUS TORTILLAS ne risque pas de créer de la confusion avec les marques de commerce déposées SMART & Dessin (LMC708,753) et DEMPSTER'S SMART (LMC761,527) de Canada Bread.

[97]           Par conséquent je rejet chacun des motifs d'opposition invoqués en vertu de l'alinéa 12(1)d).

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque à la date de premier emploi revendiquée?

[98]           Cette question découle des motifs d'opposition alléguant que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)a) et b) de la Loi, étant donné la confusion avec la Famille de Marques de commerce SMART de Canada Bread qui avaient déjà été employées au Canada par Canada Bread et pour lesquelles des demandes d'enregistrement avaient déjà été produites au Canada.

[99]           Pour commencer, je note que tant dans les plaidoyers écrits que dans les plaidoyers oraux, Canada Bread n'a pas établi de distinction entre le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)a) et celui invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)b) de la Loi. Canada Bread a essentiellement soutenu que sa preuve démontre l'emploi de sa Famille de marques de commerce SMART avant le mois d'août 2006 et que les deux motifs d'opposition devraient être accueillis à l'analyse de la confusion au titre du paragraphe 6(5) de la Loi.

[100]       De plus, je souligne que les marques de commerce invoquées à l'appui des deux motifs d'opposition sont alléguées en tant que « Famille de marques de commerce SMART », comme il a été indiqué précédemment. À mon avis, cette partie des arguments ne peut se lire que comme une référence aux marques de commerce énumérées dans le tableau qui figure dans la déclaration d'opposition au dossier. Comme je l'ai mentionné plus tôt, lorsque Canada Bread a modifié la déclaration d'opposition pour y ajouter le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), sur le fondement de la marque de commerce déposée SMART, elle n'a pas modifié le tableau de la déclaration d'opposition originale afin d'y ajouter cette marque de commerce. Donc, contrairement à ce qui est indiqué au paragraphe 6 du plaidoyer écrit de Canada Bread, la marque de commerce déposée SMART n'a pas été identifiée dans le tableau de la déclaration d'opposition modifiée.

[101]       Comme je l'ai mentionné précédemment, la Cour fédérale a ordonné, dans la décision Massif Inc, précitée, que les oppositions soient évaluées en fonction des motifs d’opposition tels qu'ils sont plaidés. À mon avis, les marques de commerce précisément invoquées par Canada Bread à l'appui de ces motifs d'opposition sont celles identifiées au paragraphe 5 de la déclaration d'opposition modifiée, à savoir : SMART & Dessin (LMC708,753), DEMPSTER’S SMART (LMC761,257) et POM’S SMART (1,282,503). Autrement dit, je considère que les arguments n'englobent aucune allégation de confusion avec la marque de commerce SMART de Canada Bread précédemment employée ou visée par une demande.

[102]       C'est à la lumière des commentaires ci-dessus que je vais maintenant me pencher tour à tour sur les motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement, invoqués en vertu des alinéas 16(1)a) et b) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement, invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi

[103]       Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'appui de ce motif d'opposition, Canada Bread doit démontrer que chacune de ses marques de commerce SMART & Dessin, DEMPSTER'S SMART et POM'S SMART alléguées ont été employées au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, soit août 2006 [voir l'alinéa 16(1)a) de la Loi] et n'ont pas été abandonnées à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque, soit le 9 mars 2011 [paragraphe 16(5) de la Loi].

[104]       Comme la Requérante n'a pas donné de date particulière au mois d'août 2006, je considère que la date de premier emploi revendiquée est la dernière journée du mois, soit le 31 août 2006 [voir Khan c Turban Brand Products Ltd (1984), 1 CPR (3d) 388 (COMC)]. Cela dit, j'estime toutefois qu'il n'est pas pertinent de déterminer si la preuve produite par Canada Bread établit l'emploi de chacune des marques de commerce invoquées avant le 31 août 2006.

[105]       En effet, ma conclusion précédente, selon laquelle l'affidavit ne permet pas d'établir l'emploi des Marques par Canada Bread elle-même ni d'établir un emploi pour son bénéfice, s'appliquerait à n'importe laquelle des marques de commerce invoquées. Par conséquent, je conclurais au rejet du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)a), du fait que Canada Bread n'a établi l'emploi d'aucune de ses marques de commerce alléguées avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(1)b) de la Loi

[106]       Pour s'acquitter du fardeau de preuve à l'appui de ce motif d'opposition, Canada Bread doit démontrer que toute demande sur laquelle elle se fonde a été produite avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande d'enregistrement de la Marque [alinéa 16(1)b) de la Loi] et était toujours en cours à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque [paragraphe 16(4) de la Loi].

[107]       Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette le motif d'opposition dans sa totalité.

[108]       Dans la mesure où le motif d'opposition est fondé sur les marques de commerce SMART & Dessin (LMC708,737) et DEMPSTER'S SMART (LMC761,257), il est rejeté parce qu'il n'a pas été dûment plaidé, étant donné que les deux marques de commerce en étaient à l'étape de l'enregistrement en date du 9 mars 2011.

[109]       Cependant, dans la mesure où le motif d'opposition est fondé sur la marque de commerce POM'S SMART, demande no 1,282,503, je suis convaincue que Canada Bread s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait. En effet, ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, j'ai confirmé que la demande no 1,282,503 a été déposée le 9 décembre 2005, sur la base d'un emploi proposé, et qu'elle était en cours le 9 mars 2011 [voir Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliance Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC) à la p 529].

[110]       La position de Canada Bread n'est pas plus solide dans le cas du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)b) que dans le cas du motif invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d). À mon avis, elle est encore plus faible, puisque que le préfixe POM'S, qui constitue clairement l'élément le plus frappant de la marque de commerce alléguée, crée d'autres différences entre les marques de commerce sur le plan de la présentation, du son et des idées suggérées.

[111]       Ultimement, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime d'établir que la marque de commerce SMART & DELICIOUS WRAPS ou SMART & DELICIOUS TORTILLAS n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce POM'S SMART, demande no 1,282,503, en date du 31 août 2006.

La Marque était-elle distinctive des marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[112]       Cette question découle du motif d'opposition alléguant que la Marque n’est pas distinctive au titre de l'article 2 de la Loi, car elle n'est pas adaptée à distinguer la Marque « [Traduction] des marchandises de [Canada Bread] en raison de la Famille de marques de commerce SMART [Canada Bread] ».

[113]       À nouveau, j'estime qu'il n'est pas pertinent de déterminer si Canada Bread s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit d'établir qu'une ou plusieurs de ses marques de commerce alléguées étaient devenues suffisamment connues en date du 5 mai 2011 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[114]       En effet, comme l'affidavit Ponter ne permet pas d'établir l'emploi par Canada Bread elle-même ou l'emploi pour son bénéfice, il s'ensuit qu'il aurait eu emploi non distinctif de l'une ou l'autre des marques de commerce alléguées. Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif devrait être rejeté, parce que Canada Bread n'a pas établi que l'une ou l'autre de ces marques de commerce avait été employée en date du 5 mai 2011, de manière à annuler le caractère distinctif de la Marque, telle qu'elle a été plaidée par Canada Bread.

Décision

[115]       Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les demandes 1,485,346 et 1,485,347 au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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