Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de The Courtyard Restaurant Inc. à la demande no 1,001,979 présentée par Marriott Worldwide Corporation, en vue de l’enregistrement de la marque de commerce COURTYARD                                                      

 

Le 13 janvier 1999, la Marriott Worldwide Corporation (la « requérante ») a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce COURTYARD (la « marque »), en liaison avec des « services d’hôtel, de restaurant, de traiteur, et de bar; exploitation de bars‑salons; la fourniture d’installations pour réunions, conférences et expositions; des services de réservation de chambres d’hôtel » sur le fondement d’un emploi au Canada depuis au moins le 24 juillet 1997.

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 29 mars 2000. La société Courtyard Restaurant Inc. (l’« opposante ») a déposé une déclaration d’opposition le 29 août 2000. Ses motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

 

1.      La demande n’est pas conforme + à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la « Loi »), au motif que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque au Canada en liaison avec les services décrits dans la demande. Elle savait, pendant toutes les périodes pertinentes, qu’une marque de commerce identique était et est utilisée par l’opposante et (ou) son prédécesseur en titre Court Yard Inn Limited (le « prédécesseur »).

 

2.      La requérante n’est pas la personne qui a droit d’obtenir l’enregistrement de la marque aux termes de l’alinéa 16(1)a) puisque, à la date du dépôt de la demande, la marque créait de la confusion avec la marque de commerce COURTYARD, que l’opposante et (ou) son prédécesseur avaient déjà employée ou fait connaître au Canada depuis au moins le mois de juillet 1980.

 

3.      La requérante n’est pas la personne qui a droit d’obtenir l’enregistrement de la marque aux termes de l’alinéa 16(1)c) puisque, à la date du dépôt de la demande, la marque créait de la confusion avec la raison sociale The Courtyard Restaurant Inc. et le nom commercial Courtyard Restaurant, qui avaient été antérieurement employés par l’opposante depuis au moins le 31 décembre 1994 et (ou) son prédécesseur depuis au moins le mois de juillet 1980.

           

4.      La marque n’est pas distincte parce qu’elle ne crée aucune distinction ni n’est adaptée de manière à distinguer les services de la requérante des services d’autrui, notamment les services associés à la marque de commerce COURTYARD de l’opposante et aux noms commerciaux The Courtyard Restaurant Inc. et Courtyard Restaurant.

 

Le 16 novembre 2001, la requérante a obtenu l’autorisation de déposer une contre‑déclaration modifiée, datée du 20 juin 2001. En plus d’y nier essentiellement les motifs d’opposition, elle allègue que la marque COURTYARD de l’opposante crée de la confusion avec sa propre marque THE COURTYARD CAFE, dont le numéro d’enregistrement est le TMA205,682.

 

Chaque partie, représentée à l’audience, a produit une preuve et présenté des arguments écrits.

 

Dates pertinentes

 

La date pertinente en ce qui concerne les circonstances se rapportant au motif d’opposition fondé sur le non‑respect de l’article 30 de la Loi est le date de dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)]. La date pertinente relativement aux circonstances se rapportant à la question du droit à l’enregistrement aux termes des alinéas 16(1)a) et c) de la Loi est la date du premier emploi qui est alléguée dans la demande. À la page 20 de ses arguments écrits, l’opposante soutient que [traduction] « la date pertinente aux fins d’évaluer le caractère distinctif des marques de commerce et du nom commercial est la date de la décision rendue dans le cadre de l’instance qui la met en cause, c.‑à‑d. la date de la décision de la Commission d’opposition ». Contrairement à ce que soutient l’opposante, la date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est généralement considérée comme étant la date de dépôt de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].


Preuve de l’opposante

 

La preuve, déposée en conformité avec l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996) (le « Règlement »), consiste en l’affidavit de Phillip Waserman, daté du 12 février 2001. Bien que la requérante ait obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger M. Waserman, elle ne s’est pas prévalue de son droit. Le 21 août 2006, l’opposante a demandé l’autorisation de déposer des éléments de preuve supplémentaires en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement, mais le registraire lui a refusé cette autorisation le 24 août 2006.

 

D’abord et avant tout, j’aimerais discuter de la décision de l’opposante d’invoquer l’affaire Andres Wines Ltd. c. E.J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.) à l’appui de sa prétention selon laquelle, étant donné l’absence d’un contre‑interrogatoire, la preuve produite par M. Waserman n’est pas contestée et ne peut être écartée. Je reconnais qu’en l’absence d’un contre‑interrogatoire, les déclarations faites par M. Waserman sont recevables et doivent être prises en considération. J’estime tout de même que l’absence d’un contre‑interrogatoire ne m’empêche pas d’apprécier le poids de ses déclarations en vue de déterminer les conclusions qui doivent en être tirées. À cet égard, je note les remarques que le juge Thurlow a formulées dans Andres Wines :

 

5    […] Étant donné l'absence de tout contre-interrogatoire, il me semble que, sauf dans les cas où le bien-fondé de l'objection a été établi, ils [les affidavits] sont recevables et font foi de leur contenu, y compris ce qui peut normalement en être déduit, et que, comme ils ne sont aucunement contredits, cette cour peut tout aussi bien […] décider quelles conclusions il y a lieu de tirer tant des affidavits que du défaut de l'appelante d'apporter d'autres éléments à l'appui de ses motifs d'opposition. [nous soulignons]

 

M. Waserman est président de l’opposante depuis le 31 décembre 1994. Il affirme qu’en cette qualité et grâce aux dossiers de l’opposante et de son prédécesseur, il est personnellement au courant des faits énoncés dans son affidavit.

 

M. Waserman affirme que le prédécesseur a ouvert les portes d’un restaurant, connu sous le nom de Courtyard Restaurant, en juillet 1980, et que depuis lors, l’opposante ou son prédécesseur ont exploité un restaurant connu sous le nom de Courtyard. Une brochure décrivant l’historique des lieux où se trouve le restaurant, au 21, rue George, à Ottawa, est jointe à titre de pièce « A ». Le logo reproduit ci‑après figure dans la partie supérieure de la première page :

Je note à ce moment‑ci que le logo en question figure sur divers échantillons accompagnant l’affidavit. Étant donné la connotation descriptive qui se rattache au mot « restaurant », je considère que toute preuve pertinente de l’emploi du logo reproduit ci‑dessus, ou d’un logo semblable à celui‑ci, ou encore du mot « courtyard », combiné au mot « restaurant », au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, équivaut à un emploi de la marque de commerce COURTYARD [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, S.A., (1985) 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), et Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R.(3d) 535 (C.O.M.C.)].

 

Le paragraphe 3 de l’affidavit est ainsi rédigé :

 

[traduction] Le prédécesseur de l’opposante a commencé à exploiter un restaurant sous le nom de Courtyard en juillet 1980, mais l’opposante elle‑même emploie continuellement et fréquemment au Canada sa marque de commerce en common law Courtyard et (ou) Courtyard Restaurant et son nom commercial Courtyard Restaurant dans le cours normal du commerce, en liaison avec des services de restaurant et de bar, depuis au moins le 31 décembre 1994, et n’a jamais cessé d’employer cette marque de commerce.

 

Je remarque à ce moment‑ci que le renvoi par lequel M. Waserman regroupe la « marque de commerce en common law Courtyard et (ou) Courtyard Restaurant et son nom commercial Courtyard Restaurant » de l’opposante revient à maints endroits dans l’affidavit. À mon avis, cette omission de préciser si la preuve se rapporte à la marque de commerce ou aux noms commerciaux allégués dans la déclaration d’opposition engendre une ambiguïté qui doit être résolue à l’encontre de l’opposante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. En conséquence, je considère que la preuve présentée par M. Waserman se rapporte à la marque de commerce alléguée COURTYARD de l’opposante (la « marque de l’opposante »), et non à sa dénomination sociale alléguée, The Courtyard Restaurant Inc., ou à son nom commercial allégué, Courtyard Restaurant.

 

M. Waserman a déposé comme exemples d’emplois une carte professionnelle (pièce « B »), un menu remontant à 1980 (pièce « C »), un menu du mois de mai 1994 (pièce « D »), et un menu actuel (pièce « E »), ainsi qu’une pochette d’allumettes remise aux clients de l’opposante (pièce « F »). Il n’y a aucune preuve relative à la distribution de la carte professionnelle, ni de preuve se rapportant à la distribution de la pochette d’allumettes, sur laquelle on peut lire, comme sur le menu datant de 1980, THE COURT YARD RESTAURANT & PIANO PARLOR. Je remarque que le devant de la page couverture du menu qui remonte au mois de mai 1994 est identique à celui de la page couverture du menu actuel. L’endos de la page couverture des deux menus décrit l’historique des lieux. J’estime donc raisonnable de conclure que le menu produit à titre de pièce « E » est représentatif des menus qui auraient été employés au restaurant de l’opposante à partir du 31 décembre 1994.

 

La requérante fait valoir que, puisque M. Waserman n’a fourni aucun renseignement relatif à la date et à la nature de la transaction par laquelle l’opposante a acquis les droits à l’égard de sa marque, cette dernière ne peut tirer profit d’un emploi par son prédécesseur. Le représentant de l’opposante a reconnu au cours de l’audience qu’il n’y avait aucune preuve documentaire de la cession ni aucun renseignement sur la date à laquelle celle‑ci est survenue. Toutefois, se fondant sur l’arrêt Andres Wines, il a fait valoir que la déclaration était suffisante pour démontrer que l’opposante a acquis les droits auprès du prédécesseur et qu’elle peut tirer profit de l’emploi par ce dernier de la marque de l’opposante. Je ne peux retenir cet argument de l’opposante. Je souscris plutôt à la prétention de la requérante selon laquelle, puisqu’il n’y a aucune preuve relative à la date et à la nature de la transaction par laquelle l’opposante a acquis les droits à l’égard de sa marque, cette dernière ne peut invoquer l’emploi de cette marque que depuis le 31 décembre 1994. J’aimerais ajouter que, si j’avais accepté l’argument de l’opposante, j’aurais dû me pencher sur l’argument subsidiaire de la requérante selon lequel la preuve produite par M. Waserman relativement à l’emploi par le prédécesseur constitue une preuve par ouï‑dire inadmissible. J’aurais ensuite tenu compte du fait que la requérante n’a pas contre‑interrogé M. Waserman sur sa déclaration concernant son accès aux dossiers du prédécesseur et sa connaissance personnelle des activités de celui‑ci.

 

M. Waserman produit des pages tirées de l’actuel site web de l’opposante (pièce « G »), qui ont apparemment été imprimées le 29 janvier 2001. Dans ses arguments écrits, la requérante analyse le site web de l’opposante, notant que l’adresse URL a été enregistrée le 25 novembre 1999. La requérante n’a présenté aucune observation sur l’importance de l’enregistrement de l’adresse URL. En outre, à l’audience, son représentant a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve concernant la date de l’enregistrement de l’adresse URL. Puisque nous ne disposons d’aucune preuve fiable ni d’aucun renseignement sur la date à laquelle l’opposante a entrepris l’exploitation de son site web ou de tout site web antérieur, j’arrive à la conclusion que la pièce « G » établit l’existence d’un emploi de la marque de l’opposante dans l’annonce de services le 29 janvier 2001. Il n’y a aucune preuve relative au nombre de Canadiens qui ont consulté le site web.

 

Si l’on s’en remet à l’allégation de M. Waserman, les recettes totales tirées de la vente de services liés à la marque de l’opposante dépassaient les cinq millions de dollars entre les années 1995 et 2000. Il ne fournit cependant aucune répartition annuelle de ces recettes.

 

M. Waserman affirme que l’opposante consacre de plus en plus de temps et d’argent à faire la promotion de son restaurant par voie de diverses activités promotionnelles, dont des affiches, des livrets de coupons, des coupons dans les journaux, des annonces dans les journaux et les revues et des commandites de festivals. Les documents suivants sont déposés à titre d’exemples d’annonces : une annonce parue dans la revue What’s on/Voici Ottawa-Hull du mois de mai 1984 (pièce « H »); un article paru dans le Ottawa Business News du 28 août 1987 (pièce « I »); des critiques de restaurant publiées dans le Ottawa Citizen du 6 mai 1988, 25 mai 1988 et 23 janvier 1992 (pièces « J » à « L »); et le livret de coupons de 2001 du Marché By d’Ottawa (pièce « M »). Je n’accorde aucune importance aux pièces « H » à « L », car elles sont antérieures au 31 décembre 1994. Quoi qu’il en soit, l’article et les critiques ne constituent pas des annonces de la marque de l’opposante [voir Williams Companies Inc. et al. c. William Tel Ltd. (2000), 4 C.P.R. (4th) 253 (C.O.M.C.)]. Ils permettent uniquement d’inférer qu’un certain nombre de citoyens d’Ottawa auraient été informés de l’existence du restaurant exploité par le prédécesseur.

 

M. Waserman affirme que l’opposante participe régulièrement au Winterlude/Bal de Neige d’Ottawa‑Hull de 2001. On peut supposer que le renvoi à l’année 2001 en particulier n’aurait pas dû figurer dans la déclaration de M. Waserman, puisqu’il fait référence à la « participation régulière » de l’opposante au Winterlude/Bal de Neige. Il n’y a tout de même aucune preuve quant à la date à laquelle l’opposante a commencé à participer au festival d’hiver. La déclaration de M. Waserman selon laquelle le festival d’hiver est un festival bien connu qui attire des centaines de milliers de visiteurs ne constitue pas une preuve fiable. M. Waserman fournit une copie de la brochure qui contient le programme de 2001 (pièce « N »), affirmant que celle‑ci est distribuée partout au Canada, dans divers journaux. Sa déclaration ne constitue pas une preuve fiable de la portée de la distribution de la brochure, mais je suis disposée à inférer que la brochure contenant le programme de 2001 a été distribuée au moins dans les journaux d’Ottawa‑Hull (Gatineau). Il fournit des pages tirées du site web de la Commission de la capitale nationale, dans lesquelles l’opposante figure au nombre des restaurants officiels du Bal de Neige (pièce « O »). Les pages tirées du site web ont apparemment été imprimées le 8 février 2001. Il n’y a aucun renseignement sur le nombre de Canadiens qui ont consulté le site web.

 

M. Waserman affirme également que le restaurant de l’opposante fait régulièrement l’objet de promotions dans la revue Wedding Bells ainsi que sur le site web de Wedding Bells comme lieu de réception possible. Il fournit une copie d’une annonce parue dans le numéro de printemps/été de 2001, qui semble être l’édition d’Ottawa (pièce « P »). Il produit également des pages tirées du site web, qui ont apparemment été imprimées le 2 février 2001 (pièce « Q »). Il n’y a aucune preuve portant sur le tirage de la revue Wedding Bells, ni de renseignement concernant le nombre de Canadiens ayant accès au site web.

 

D’après les allégations contenues au paragraphe 12 de l’affidavit, la valeur approximative en dollars des annonces et promotions faites en 1998 et 1999 était de plus de 46 000 $ et 47 000 $ respectivement [à noter que le représentant de l’opposante a reconnu que le renvoi à la « requérante » au paragraphe 12 de l’affidavit est erroné et qu’il aurait plutôt fallu lire « opposante »].

 

Je n’accorde pas beaucoup d’importance à la déclaration de M. Waserman selon laquelle [traduction] « l’opposante a acquis une clientèle et bâti une réputation solides grâce à l’emploi de ses marques de commerce en common law » (paragraphe 13), dans la mesure où elle se rapporte aux questions qui doivent être tranchées par le registraire. En outre, je n’accorde aucune valeur à sa déclaration selon laquelle les lecteurs de la revue En Route ont choisi le restaurant associé à la marque comme l’un des cent meilleurs restaurants au Canada en 1992 et 1994 (paragraphe 14). Non seulement cette revue est‑elle antérieure au 31 décembre 1994, mais il est impossible d’en tirer quelque conclusion que ce soit quant à son impact.

 

Enfin, M. Waserman affirme ceci (au paragraphe 15) :

 

[traduction] L’opposante est au courant de cas où il y a eu confusion entre son restaurant et l’hôtel/restaurant de la requérante. Plus particulièrement, dans le marché By d’Ottawa, l’établissement de l’opposante et celui de la requérante sont situés à deux pâtés l’un de l’autre. En raison de cette grande proximité des deux établissements, certains clients de chaque restaurant se sont présentés au mauvais endroit pour leurs réservations.

 

Se fondant sur l’arrêt Andres Wine, l’opposante fait valoir que la déclaration de M. Waserman ne peut être écartée. La requérante soutient que la déclaration ne fait la preuve d’aucune confusion réelle. L’opposante soutient à juste titre qu’il n’est pas nécessaire de faire la preuve d’une confusion réelle [voir Oshawa Holdings Ltd. c. Fjord Pacific Marine Industries Ltd. (1981), 55 C.P.R. (2d) 39 (C.A.F.)]. Dans la décision rendue récemment dans l’affaire Société Canadian Tire Limitée c. Accessoires d’auto Nordiques Inc. 2006 CF 1431, le juge Blais a dit ceci :

 

42. Bien qu'il ne soit pas nécessaire de faire la preuve d'une confusion réelle pour pouvoir conclure à l'existence d'un risque de confusion, le défaut de présenter des éléments de preuve tendant à démontrer l'existence de cas concrets de confusion constitue une des « circonstances de l'espèce » qui a été jugée importante par les tribunaux. Dans l'arrêt récent que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] A.C.S. 23, voici ce que dit le juge Binnie au paragraphe 55 :

 

La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente, mais elle n’est pas nécessaire (Christian Dior, S.A., par. 19), même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant dix ans : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.).  Comme nous le verrons plus loin, une conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée. [nous soulignons]

 

Même si je suis disposée à accepter l’argument de l’opposante selon lequel la déclaration de M. Waserman ne peut être écartée, je ne crois pas pouvoir conclure de manière satisfaisante que cette déclaration équivaut à une preuve de confusion réelle. Si j’ai tort de conclure ainsi, j’arrive alors à la conclusion que la déclaration en elle‑même ne permet pas d’établir à quel moment les cas de confusion se sont produits et, par conséquent, si les cas allégués de confusion s’étaient produits à la date qui doit être prise en compte aux fins de chaque motif d’opposition.

 

Preuve de la requérante

 

La preuve, produite conformément à l’article 42 du Règlement, tient dans les affidavits d’Anthony Colantino, datés du 11 septembre 2003 (le « premier affidavit ») et du 25 septembre 2003 (l’« affidavit supplémentaire »). M. Colantino a été contre‑interrogé par l’opposante le 23 juin 2004. La transcription de son contre‑interrogatoire et de ses réponses aux engagements font partie du dossier. Plutôt que de résumer le contre‑interrogatoire, je vais me reporter aux portions que je considère pertinentes aux fins de mon examen de la preuve.

 

M. Colantino est le directeur des services spéciaux et séjours prolongés pour les hôtels de Marriott International, Inc. (« Marriott International ») et ses sociétés affiliées qui sont situés Canada, ce qui inclut la requérante. À la date du premier affidavit, il détenait ce poste depuis un an, mais il travaillait pour Marriott International et ses sociétés affiliées depuis le mois de janvier 1986. Dans le cadre de ses fonctions, M. Colantino est chargé notamment de gérer et de surveiller l’emploi, dans la région dont il répond, ce qui inclut le Canada, des marques de Marriott International et de la requérante, notamment des marques COURTYARD, COURTYARD BY MARRIOTT et THE COURTYARD CAFE, auxquelles il renvoie collectivement comme étant les « marques COURTYARD ». Je ferai remarquer que toute ambiguïté découlant d’un renvoi collectif aux marques de commerce de la requérante sera résolue à l’encontre de cette dernière [voir Conde Nast Publications Inc., précitée].

 

M. Colantino dresse l’historique commercial de Marriott International en plus de fournir des renseignements de nature générale sur ses activités. À la date du premier affidavit, Mariott International comptait plus de 2 600 établissements d’hébergement aux États‑Unis et dans 68 autres pays et territoires. M. Colantino affirme que la requérante, une filiale à cent pour cent de Marriott International, est propriétaire de certaines marques de commerce employées à l’extérieur des États‑Unis, notamment au Canada. Il affirme également que ces marques de commerce incluent les [traduction] « marques COURTYARD, la marque de haute renommée MARRIOTT et d’autres marques de commerce connexes ». Les certificats d’authenticité des trois enregistrements suivants sont joints au premier affidavit (pièces « A » à « C ») :

 

Marque de commerce

No d’enregistrement

Date d’enregistrement

Services

COURTYARD BY MARRIOTT

TMA494,208

4 déc. 1987

Services d’hôtel et de restaurant

Déclaration d’emploi produite le 23 avril 1998.

COURTYARD BY MARRIOTT & TREE DESIGN

TMA487,835

20 janv. 1998

Services d’hôtel

Déclaration d’emploi produite le 4 décembre 1997.

THE COURTYARD CAFE

TMA205,682

7 mars 1990

Exploitation de restaurants, de salles à manger, de bars‑salons et de manière générale de points de vente et de services d’alimentation et de boissons de toutes sortes.

Employée au Canada depuis au moins 1972.

 

Les notes en bas de page de l’enregistrement no TMA205,682 indiquent que la requérante est devenue propriétaire par cession. Elles indiquent en outre que la cession a été enregistrée le 19 septembre 2000 et que le changement a été effectué le 16 juin 2000. Bien que la requérante ait souligné que, depuis qu’elle a produit cette preuve, sa marque de commerce COURTYARD & Design de la demande no 1,181,273 est devenue l’enregistrement no TMA622,036, l’enregistrement en question n’a pas été produit en preuve. À l’audience, le représentant de l’opposante a formulé diverses allégations relatives à la cession de l’enregistrement no TMA205,682. Il suffit de dire que la propriété, la validité et le caractère exécutoire de cet enregistrement ne sont pas en cause dans la présente affaire. Cela étant dit, la propriété des enregistrements mentionnés précédemment ne confère pas automatiquement à la requérante le droit d’obtenir l’enregistrement de la marque [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.)]. Compte tenu des observations du représentant de la requérante à l’audience, j’aimerais ajouter que la présente instance ne permet pas de déterminer si la marque de l’opposante est enregistrable.

 

Dans son affidavit supplémentaire, M. Colantino affirme que la requérante octroie des licences d’emploi de ses marques COURTYARD au Canada en liaison avec des services notamment d’hôtel, de restaurant et de bar‑salon, conformément à des contrats de licence ou de franchise. Il affirme en outre qu’aux termes de ces contrats la requérante conserve le plein contrôle à l’égard de la nature et de la qualité des services offerts sous la bannière des marques COURTYARD par les détenteurs de licences et de franchises; les contrats énoncent également des directives et consignes détaillées concernant l’emploi des marques de commerce et les services fournis en liaison avec celles‑ci. Si l’on se fie aux déclarations de M. Colantino, les établissements des détenteurs de licences et de franchises canadiens sont supervisés étroitement, sous le contrôle direct et (ou) indirect de la requérante, notamment par voie d’inspections régulières. Ces inspections sont menées par M. Colantino lui‑même, par des membres de l’équipe régionale et par les inspecteurs de l’assurance de la qualité, qui se présentent deux fois par année à chaque hôtel [p. 45 et 46 de la transcription].

 

M. Colantino affirme que la marque a été employée pour la première fois aux États‑Unis en 1983, dans l’état de la Georgie. Le premier hôtel COURTYARD, qui a ouvert ses portes en 1983, était situé à Atlanta [p. 7 de la transcription]. Depuis l’ouverture du premier hôtel COURTYARD, de nombreux hôtels ont ouvert leurs portes partout aux États‑Unis, notamment dans des états qui sont couramment fréquentés par les voyageurs canadiens. À la date du premier affidavit, on comptait approximativement 600 hôtels COURTYARD dans onze pays, tous offrant des services d’hôtel, de restaurant et de bar‑salon. 540 de ces hôtels se trouvaient aux États‑Unis et au Canada. Le premier hôtel COURTYARD du Canada a ouvert ses portes à Montréal, en juillet 1997. À la date du premier affidavit, il y avait neuf hôtels COURTYARD dans les villes canadiennes suivantes : Niagara Falls, Ottawa, Toronto (5 hôtels), Montréal et Québec. Deux autres établissements, l’un à Hamilton et l’autre à Toronto, devaient ouvrir en 2004. Une copie du guide de 2003-2004 des hôtels COURTYARD exploités par Marriott dans le monde entier est produite (pièce « D »).

 

M. Colantino affirme que, depuis son acquisition en 2000, la marque de commerce THE COURTYARD CAFE a été employée sans interruption en liaison avec l’exploitation de restaurants, de salles à manger et de bars‑salons, la vente d’aliments et de boissons et la prestation de services de restaurant dans plusieurs restaurants au Canada. Les lieux où ces établissements se trouvent (centre‑ville d’Ottawa, Toronto Markham, Toronto Mississauga, Toronto Vaughan, Niagara Falls et l’aéroport de Toronto) ont été identifiés au cours du contre‑interrogatoire [p. 5 de la transcription].

 

M. Colantino affirme que les clients du Canada fréquentent souvent les hôtels Marriott de toutes les enseignes. D’après les statistiques fournies dans le premier affidavit, le nombre de clients provenant du Canada et ayant séjourné dans des hôtels Marriott de toutes les enseignes dans le monde entier est le suivant : 596 027 en 2000, pour un total de 1 359 795 chambres‑nuits, et 612 231 en 2001, pour un total de 1 357 795 chambres‑nuits. Quant au nombre de clients provenant du Canada et ayant séjourné dans des hôtels Marriott COURTYARD dans le monde entier, il est le suivant : 162 434 en 2001, pour un total de 307 654 chambres‑nuits, et 188 406 en 2002, pour un total de 346 594 chambres‑nuits. D’après M. Colantino, les chiffres se rapportant aux années 2001 et 2002 qui concernent les clients canadiens ayant séjourné dans des hôtels Marriott COURTYARD partout dans le monde sont valables également pour les années précédentes. Un service sans frais de réservation par téléphone est offert au Canada pour des séjours dans des hôtels COURTYARD dans le monde entier.

 

D’après M. Colantino, même les clients qui séjournent dans des hôtels Marriott portant une enseigne autre que celle de COURTYARD auraient été exposés à la marque du fait de leur séjour. Au cours de son contre‑interrogatoire, M. Colantino a été appelé à expliquer sa déclaration en donnant un exemple de ce qu’il voulait dire. Il a expliqué que la requérante compte plus de 600 établissements Courtyard en Amérique du Nord et que le Courtyard Cafe, qui est une marque de Courtyard, est utilisé dans de nombreux endroits, de sorte que si des voyageurs se rendent aux États‑Unis ou que des voyageurs provenant du Canada se rendent aux États‑Unis, ils connaissent le Courtyard Cafe s’ils ont séjourné dans un hôtel Courtyard by Marriott [p. 7 et 8 de la transcription]. Puisque M. Colantino renvoie expressément aux « 600 établissements Courtyard en Amérique du Nord » et aux voyageurs qui ont séjourné dans un « hôtel Courtyard by Marriott », l’on pourrait soutenir que ses réponses ne concernent pas les hôtes qui ont séjourné dans des hôtels Marriott portant une enseigne autre que celle de COURTYARD.

 

D’après les chiffres annuels fournis dans le premier affidavit, le total des ventes de tous les services associés aux hôtels COURTYARD de 1997 à 2003 (en partie) s’élevait à plus de 190 millions de dollars canadiens, et les ventes d’aliments et de boissons pour la même période s’élevaient à plus de 19 millions de dollars canadiens.

 

Dans son premier affidavit, M. Colantino affirme que pour ainsi dire tous les hôtels COURTYARD sont dotés d’un restaurant et bar‑salon, qui dans de nombreux cas font l’annonce et la promotion du « restaurant COURTYARD ou THE COURTYARD CAFE ». Il fournit des photocopies de photographies prises à l’été 2001, d’une affiche que l’on trouve au restaurant de l’hôtel COURTYARD BY MARRIOTT d’Ottawa, à titre d’exemples d’annonces (pièce « E »), ainsi que d’exemples de documents représentatifs de points de vente (pièces « F‑1 » à « F‑15 »); des copies en couleur des pièces F-3, F-12 et F-14 ont été déposées en réponse à des engagements).

 

Si l’on se fie aux renseignements fournis dans le premier affidavit, les services d’hôtel, de restaurant et autres services connexes associés à la marque font l’objet d’une promotion par divers moyens, à savoir : des documents de points de vente (pièces « D », « F‑1 » à « F‑15 »); l’internet; une publicité imprimée dans des publications et journaux canadiens (pièces « G » à « J »; une copie couleur de la pièce « I » a été produite en réponse à un engagement; voir aussi la pièce « A », jointe à l’affidavit supplémentaire); une publicité imprimée dans des publications de l’étranger diffusées au Canada; des annonces télévisées; des promotions saisonnières annuelles et des offres promotionnelles en combinaison avec les services d’autres sociétés (pièces « K » et « L »); le site web du Marriott (pièces « M » et « N »); et des envois par la poste aux membres du programme de fidélisation MARRIOTT REWARDS (pièce « O »). M. Colantino précise le nombre de membres que compte le programme de fidélisation MARRIOTT REWARDS et qui résident au Canada pour chaque année à compter de 1997 jusqu’au 15 août 2003. D’après les chiffres annuels fournis dans l’affidavit supplémentaire, les dépenses totales de la requérante au titre de la publicité au Canada pour toutes les activités promotionnelles se rapportant aux services associés aux marques COURTYARD se sont élevées à plus de 982 230 $ US de 2001 au 18 juillet 2003.

 

En faisant le point sur mon analyse de la preuve de la requérante, je remarque que M. Colantino a été contre‑interrogé longuement sur les marques de commerce reproduites dans les pièces « F‑1 » à « F‑15 » [p. 12 à 23 de la transcription] et les pièces « G » à « O » [p. 23 à 45 de la transcription]. L’opposante, dans ses arguments écrits, insiste sur le contre‑interrogatoire de M. Colantino pour faire valoir que l’on ne peut invoquer ces pièces pour établir l’existence d’un emploi de la marque depuis au moins le 24 juillet 1997, car elles ne montrent pas l’emploi de la marque; elles font plutôt état d’une multiplicité de marques composées contenant le mot « courtyard ». Il est vrai que certains échantillons font état de l’emploi du mot ou de la marque COURTYARD BY MARRIOTT ou de la marque de commerce THE COURTYARD CAFE, que je ne considère pas comme étant un emploi de la marque. Je suis convaincue cependant que l’emploi du mot « courtyard » en conjonction avec les caractéristiques nominales, comme des arbres, ou en combinaison avec d’autres mots identifiant les lieux (par exemple le centre‑ville de Toronto, l’aéroport de Toronto), équivaut à un emploi de la marque.

 

Analyse des motifs d’opposition

 

Les motifs d’opposition reposent essentiellement sur des allégations d’emploi antérieur de la marque de commerce COURTYARD et (ou) d’emploi antérieur de la raison sociale The Courtyard Restaurant Inc. et du nom commercial Courtyard Restaurant par l’opposante et (ou) son prédécesseur. Je dois faire remarquer que, sauf pour un renvoi général aux services dans le quatrième motif d’opposition, aucun des arguments formulés dans la déclaration d’opposition ne précise les services associés à la marque de commerce alléguée de l’opposante, à sa raison sociale et à son nom commercial. Pour ce qui est de déterminer si les arguments sont suffisants sur le fondement de la preuve et de la déclaration d’opposition [voir Novopharm Ltd. c. Astrazeneca et al (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.)], j’arrive à la conclusion que la requérante pourrait à tout le moins comprendre que l’opposante se fondait sur un emploi antérieur de la marque de commerce, de la raison sociale et du nom commercial allégué, en liaison avec des services de restaurant.

 

Alinéa 30i)

 

Si la requérante a le fardeau ultime d’établir que la demande est conforme à l’alinéa 30i) de la Loi, il appartient d’abord et avant tout à l’opposante d’établir l’existence des faits invoqués à l’appui du motif d’opposition [voir Joseph E. Seagram & Sons Limited c. Seagram Real Estate Ltd. (1984) 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

 

Faisant valoir que les pièces jointes au premier affidavit n’appuient pas l’existence d’un emploi de la marque depuis la date déclarée dans la demande, l’opposante soutient que la requérante n’a pas satisfait aux exigences de l’article 30 de la Loi et, par conséquent, qu’elle n’a pas le droit d’employer la marque. Je remarque qu’un motif d’opposition qui conteste la date alléguée du premier emploi aurait été fondé régulièrement sur le non‑respect de l’alinéa 30b) de la Loi. L’opposante n’ayant pas plaidé un tel motif d’opposition, je ne peux le prendre en considération [voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (3d) 12 (C.F.1re inst.)]. L’opposante fait valoir également que, puisqu’il n’y a aucune preuve appuyant  la date alléguée du premier emploi, la requérante ne peut se fonder sur l’emploi ou l’enregistrement de la marque aux États‑Unis pour faire comme il se doit la déclaration requise à l’alinéa 30i) de la Loi. La requérante a fait remarquer, à juste titre, qu’elle n’invoque pas l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États‑Unis à l’appui de la demande. À tous égards, je ferai remarquer qu’un motif d’opposition qui conteste le fondement de l’enregistrement et de l’emploi à l’étranger serait à juste titre fondé sur le non‑respect de l’alinéa 30d) de la Loi.

 

Je ne suis pas convaincue que l’opposante s’est acquittée de la charge initiale qui lui incombe de démontrer que la requérante était au courant de l’emploi de la marque de l’opposante à l’époque pertinente. Quoi qu’il en soit, lorsqu’une requérante a fait la déclaration requise à l’alinéa 30i) de la Loi, le motif fondé sur l’alinéa 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il y a preuve de mauvaise foi de la part de la partie requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. À mon avis, il n’y a aucune preuve qui permette de conclure à la mauvaise foi de la requérante en l’espèce. En outre, et nonobstant ma remarque précédente relativement à la propriété des enregistrements nos TMA494,208 et TMA487,835, je souscris à l’argument de la requérante selon lequel la propriété de ces enregistrements à la date pertinente lui permettait de faire avec sincérité la déclaration requise à l’alinéa 30i) de la Loi.

 

Compte tenu de ce qui précède, je rejette le premier motif d’opposition.

 

Absence d’un droit à l’enregistrement

 

En dépit de la charge incombant à la requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque et la marque de commerce et les noms commerciaux allégués dans la déclaration d’opposition, l’opposante a, au départ, la charge d’établir que sa marque de commerce et ses noms commerciaux allégués étaient utilisés à la date pertinente (24 juillet 1997) et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande (29 mars 2000) [paragraphe 16(5) de la Loi].

 

Alinéa 16(1)a)

 

Sur le fondement d’une interprétation raisonnable de l’affidavit de M. Waserman, je suis convaincue que l’opposante s’est acquittée de la charge initiale d’établir qu’elle a employé antérieurement sa marque, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, et qu’elle n’a pas abandonné cette marque en liaison avec des services de restaurant. À cet égard, je souligne que je dispose du témoignage écrit de M. Waserman sur l’emploi de la marque de l’opposante par elle‑même depuis le 31 décembre 1994. M. Waserman fournit également les chiffres de ventes d’une période qui précède la date pertinente et un menu (pièce « E ») qui affiche la marque.

 

Le critère relatif à la confusion ressortit à la première impression et au souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l'emploi d'une marque crée de la confusion avec une autre marque lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances, notamment celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi.

 

Dans l’arrêt Mattel, Inc., le juge Binnie a formulé les remarques suivantes relativement à l’évaluation des critères sous le régime du paragraphe 6(5) de la Loi :

 

54  Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion.  Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ».  Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte.  Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.).  Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir.

(…)

56  Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »?  Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent.  Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117.  C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13.  Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693.  […].

 

Avant de me pencher sur la probabilité de confusion, je ferai remarquer que, dans ses arguments écrits, la requérante a reconnu que la date pertinente aux fins du motif d’opposition relatif à l’absence d’un droit à l’enregistrement est la date du premier emploi déclarée dans la demande. Or, lorsqu’elle a commenté ce motif d’opposition, la requérante s’est reportée à une preuve touchant la date pertinente aux fins du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. Je reconnais que, puisque les motifs d’opposition relatifs à l’absence d’un droit et au caractère distinctif sont souvent fondés dans les deux cas sur une probabilité de confusion, il peut être plus pratique de les analyser ensemble. Toutefois, dans les cas où la différence entre les dates pertinentes peut avoir une incidence sur le sort de chaque motif, il serait préférable que les parties examinent la preuve en fonction de la date pertinente.

 

Dans ses arguments écrits, l’opposante s’est reportée à diverses décisions dans lesquelles on a conclu que les marques de commerce en cause prêtaient à confusion par leur similarité. Aussi intéressants ces précédents puissent‑ils être, je ferai remarquer que la question de la confusion entre la marque et la marque de l’opposante est une question de probabilités et de « circonstances de l’espèce » compte tenu des faits propres à la présente affaire.

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue

 

Dans mon examen du caractère distinctif inhérent de chaque marque de commerce, je remarque que « courtyard » est un nom anglais courant, que The Oxford Canadian Dictionary définit comme étant [traduction] « un endroit entouré de murs ou d’immeubles, qui donne fréquemment sur une rue ». Puisqu’un certain nombre de pièces jointes à l’affidavit de M. Waserman permettent d’établir que le restaurant est situé dans une cour, la requérante fait valoir que la marque de l’opposante décrit le lieu du restaurant et que, pour cette raison, elle décrit clairement le lieu d’origine des services et elle n’est pas distinctive. Dans la décision Great Lakes Hotels Ltd. c. Noshery Ltd. (1968), 56 C.P.R. 165, l’on a conclu que le mot PENTHOUSE, dont le sens est reconnu comme désignant les lieux situés sur le toit ou au dernier étage d’un immeuble, suggérait fortement la nature ou la qualité des services de restaurant et ne décrivait pas clairement le lieu d’origine de ces services. Pour arriver à sa décision, le juge Cattanach a dit ceci :

 

[traduction] Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué précédemment, le mot « Penthouse » décrit le lieu du restaurant où ces services sont fournis, mais il ne renvoie pas, à mon avis, aux services qui y sont offerts. Toute allusion implicite à la nature ou à la qualité de ces services ne constitue qu’une vague suggestion relative à ceux‑ci.

(…)

L’interdiction énoncée à l’alinéa 12(1)b) vise le mot qui indique le lieu d’origine des services ou des marchandises. De toute évidence, pour qu’il ne puisse être enregistré à titre de marque de commerce, le mot doit dénoter une certaine forme de rapport entre les marchandises et le lieu. Pour être invalide, il doit avoir été rattaché à un article par la personne qui fait le commerce de telles marchandises en vue de tirer profit d’un lien bien connu et généralement reconnu de l’article avec la localité. Les exemples sont fréquents : « Florida » en association avec les oranges, « Ceylon, Chine ou Dargeeling », en association avec le thé, entre autres nombreuses importations semblables. Le nom d'un établissement commercial ou d'une usine ne constitue pas nécessairement la description d'un lieu d'origine des marchandises ou des services à moins que ce nom ne soit indissociable de ces marchandises ou services.

 

Je n’arrive pas à comprendre comment le mot « penthouse » pourrait avoir une telle connotation. En ce qui a trait à la première impression, le mot « Penthouse » ne transmet aucun sens ayant un lien direct avec des services d’alimentation, de traiteur ou de restaurant.

 

Compte tenu de l’affaire Great Lakes, j’arrive à la conclusion que la marque de l’opposante ne décrit pas clairement le lieu d’origine des services et qu’elle suggère fortement leur nature ou leur qualité. Du même coup, on pourrait faire valoir que la connotation suggestive ténue se rattache elle aussi à la marque.

 

Bien que je sois convaincue que la marque de l’opposante était devenue connue à la date pertinente, la preuve ne me permet toutefois pas de conclure qu’elle était bien connue à l’extérieur de la région d’Ottawa. En ce qui concerne les arguments écrits de la requérante, je ne peux dire avec certitude si cette dernière se fonde sur les allégations de voyageurs canadiens ayant fréquenté des hôtels COURTYARD aux États‑Unis depuis 1983 comme facteurs ayant une incidence sur la mesure dans laquelle la marque était devenue connue au Canada à la date du premier emploi déclarée dans la demande. Quoi qu’il en soit, il suffit de dire qu’il n’y a aucune preuve indiquant que la marque était devenue connue au Canada grâce à l’annonce des services de la requérante dans des publications diffusées au Canada ou dans des émissions radiophoniques avant le 24 juillet 1997 [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.1re inst.)].

 

Compte tenu de ce qui précède, je considère que, bien que les marques de commerce de l’une et l’autre partie soient intrinsèquement fortes, la mesure dans laquelle elles sont devenues connues joue en faveur de l’opposante.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

 

La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage favorise l’opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de services et la nature du commerce

 

La requérante soutient que je devrais prendre en considération le fait que la marque est employée dans le contexte de l’exploitation d’un restaurant par un hôtel alors que la marque de l’opposante est uniquement associée à un restaurant et que, pour cette raison, chaque partie occupe son propre secteur de prédilection. L’opposante fait valoir qu’il n’y a dans l’état déclaratif des services aucune restriction visant les services de l’opposante fournis dans un hôtel. L’opposante fait valoir également que les services de chaque partie se rapportent à des services d’accueil.

 

Puisqu’il n’y a rien dans l’état déclaratif des services qui indique que les services de restaurant associés à la marque sont accessoires à ses services d’hôtel, je ne peux retenir l’argument selon lequel il est possible d’établir une distinction entre les services de restaurant des parties. En outre, j’estime raisonnable de conclure à l’existence d’un chevauchement entre les services de restaurant et « les services de traiteur et de bar; l’exploitation de services de bar‑salon ». En conséquence, j’arrive à la conclusion qu’il n’existe aucune différence au niveau de la nature du commerce compte tenu des services de restaurant de l’opposante et des services de « restaurant, traiteur et bar; exploitation de bars‑salons » associés à la marque.

 

Je conclus que les services d’hôtel et les services de restaurant sont des services distincts [voir Ritz-Carlton Hotel Co. of Montreal Ltd. c. Federal Diversiplex Ltd. (1979), 59 C.P.R. (2d) 123 (C.O.M.C.)]. Pour cette raison, je suis d’accord avec la requérante, qui soutient qu’un hôtel occupe un créneau différent de celui d’un restaurant. De même, il n’y a aucune preuve que la marque de l’opposante ait jamais été employée en liaison avec des services d’hôtel ou avec des services se chevauchant comme la « fourniture d’installations pour réunions, conférences et expositions; des services de réservation de chambres d’hôtel » à la date pertinente ou, en fait, à quelque moment que ce soit.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

Dans la plupart des cas, le facteur principal est le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980) 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), conf. par (1982), 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)]. Il n’existe aucune différence entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Circonstances additionnelles

 

Je ne peux faire droit à l’argument de la requérante selon lequel ses enregistrements et ses demandes antérieurs concernant les marques COURTYARD sont des circonstances additionnelles qui doivent être prises en compte dans le contexte de ce motif d’opposition. Peu importe à quel point la marque peut être liée à des enregistrements antérieurs, je répète que ces derniers ne confèrent pas automatiquement à la requérante le droit à l’enregistrement de la marque.

 

La requérante fait valoir que je devrais prendre en considération le fait que la marque a été employée dans des hôtels américains où ont séjourné des Canadiens depuis 1983. Je ne suis pas convaincue que la preuve au dossier permette de considérer ce fait comme une circonstance pertinente dans la détermination de la probabilité de confusion à la date pertinente. De même, si la requérante soutient à juste titre que sa marque de commerce MARRIOTT est de haute renommée, question sur laquelle je ne me prononcerai pas, il se pourrait que les Canadiens qui ont séjourné dans les hôtels de la requérante aux États‑Unis soient susceptibles, voire davantage susceptibles d’avoir connu la marque de commerce MARRIOTT plutôt que la marque.

 

Enfin, je ne crois pas que la question de la preuve d’une confusion réelle ou de l’absence de celle‑ci ait quelque incidence que ce soit sur le sort de ce motif d’opposition. Je n’arrive pas à comprendre comment l’opposante pourrait avoir facilement accès à une preuve de confusion réelle, puisqu’il semble que les cas de confusion aient été peu probables avant la date du premier emploi de la marque. En conséquence, l’on ne peut tirer aucune inférence de l’absence de preuve d’une confusion réelle à la date pertinente.

 

Aux fins de l’application du critère relatif à la confusion, j’ai tenu compte du fait qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je conclus que la requérante s’est acquittée de la charge qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la marque, en liaison avec des services « d’hôtel; fourniture d’installations pour réunions, conférences et expositions; des services de réservation de chambres d’hôtel », ne crée aucune confusion avec la marque de l’opposante.  Je ne suis pas convaincue cependant que la requérante s’est acquittée de la charge qui lui incombait de montrer qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la marque de l’opposante et la marque, en liaison avec des « services de restaurant, de traiteur, et de bar; exploitation de bars‑salons ».  J’accueille par conséquent le motif d’opposition relatif à l’absence d’un droit à l’enregistrement fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi en ce qui concerne ces services.

 

Alinéa 16(1)c)

 

J’ai déjà indiqué qu’étant donné l’ambiguïté qu’engendre la façon dont M. Waserman désigne collectivement la « marque de commerce en common law Courtyard et (ou) Courtyard Restaurant et son nom commercial Courtyard Restaurant » de l’opposante, je considère que son témoignage se rapporte à la marque de l’opposante. En conséquence, j’arrive à la conclusion que l’opposante ne s’est pas acquittée de la charge initiale d’établir l’existence d’un emploi antérieur de la raison sociale The Courtyard Restaurant Inc. ou du nom commercial Courtyard Restaurant. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence d’un droit à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(1)c) de la Loi.

 

Caractère distinctif

 

Le motif d’opposition repose sur une probabilité de confusion entre la marque et la marque de commerce et les noms commerciaux allégués dans la déclaration d’opposition. La requérante est tenue en droit d’établir que la marque est adaptée de manière à distinguer ou distingue effectivement ses services de ceux d’autrui partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. L’opposante a cependant la charge de prouver que sa marque de commerce et ses noms commerciaux allégués étaient devenus suffisamment connus à la date pertinente pour annuler le caractère distinctif de la marque [voir Motel 6, Inc., supra; Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)].

 

D’entrée de jeu, j’arrive à la conclusion que l’opposante ne s’est pas acquittée de la charge initiale d’établir que ses noms commerciaux avaient acquis un certain caractère distinctif au 29 août 2000.

 

Aux fins de l’analyse de ce motif d’opposition, je dois me pencher sur l’argument invoqué à l’audience par l’agent de la requérante sur le fondement de l’enregistrement no TMA205,682 pour la marque de commerce THE COURTYARD CAFE. L’agent de la requérante a fait remarquer que cette dernière est propriétaire de la marque de commerce THE COURTYARD CAFE depuis le 16 juin 2000 et qu’elle et son prédécesseur en titre utilisent la marque de commerce en question au Canada depuis au moins l’année 1972. En conséquence, au 29 août 2000, l’opposante était la nouvelle utilisatrice de la marque de commerce COURTYARD en liaison avec des services de restaurant. Donc, en sa qualité de nouvelle utilisatrice, elle ne peut invoquer le caractère distinctif acquis de sa marque de commerce et ne pourrait contester avec succès le caractère distinctif de la marque. À l’appui de sa prétention, la requérante invoque les décisions Remo Imports Ltd. c. Jaguars Cars Limited et al (2006), 47 C.P.R. (4th) 1 (C.F. 1re inst.), et Humpty Dumpty Foods Ltd. c. George Weston Ltd (1989), 24 C.P.R. (3d) 354 (C.F. 1re inst.).

 

Dans la décision Remo, le juge Shore a déclaré qu’un nouvel utilisateur ne devrait pas pouvoir renforcer sa thèse en produisant une preuve susceptible de démontrer que sa revendication est plus solide du fait de l’emploi de sa marque de commerce après avoir pris connaissance de la revendication antérieure de l’ancien utilisateur à l’égard de cette marque. Je souligne que, puisqu’il est question dans l’affaire Remo d’une action intentée pour commercialisation trompeuse et en contrefaçon/radiation, on peut soutenir qu’elle se distingue d’une instance en opposition [voir Unilever Canada Inc. v Sunrider Corp., 2006 CarswellNat 2018, 2006 (C.O.M.C. 27 mars 2006)]. Cela étant dit, je prends acte des commentaires suivants du juge Shore au paragraphe 327 :

 

Le principe selon lequel le nouvel utilisateur qui adopte la marque bien connue de l'ancien utilisateur ne devrait pas bénéficier du caractère acquis découlant de l'emploi qu'il fait de cette marque détournée a été appliqué dans d'autres cas que la radiation. Voici des exemples : (…)

 

(3) Dans Humpty Dumpty, le juge Martin a conclu que la Commission des oppositions des marques de commerce n'aurait pas dû tenir compte de l'emploi que la demanderesse (le nouvel utilisateur) avait fait de sa marque après que la demande pendante de l'opposante (ancien utilisateur) concernant la même marque avait été invoquée à l'encontre de la demande d'emploi projeté du nouvel utilisateur, y compris l'emploi fait par ce dernier avant la date pertinente pour l'examen du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif (c'est-à-dire la date de production de l'opposition) :

 

[...] je tiens à ajouter que j'accueillerais aussi l'appel pour le motif que le président n'aurait pas dû accepter la preuve [du nouvel utilisateur] relativement à l'utilisation de la marque de commerce projetée après que [le nouvel utilisateur] eut reçu l'avis que lui a fait parvenir le Bureau des marques de commerce le 10 mai 1985. On précisait dans cet avis que la marque de commerce de l'intimée ne pourrait vraisemblablement être enregistrée vu l'antériorité de la demande de [l'ancien utilisateur] et la possibilité de confusion avec la marque de [ce dernier].

 

À mon avis, l’affaire Remo se distingue encore de la présente affaire, ne serait‑ce que parce qu’elle mettait en cause une marque de commerce de haute renommée. En fait, il n’y a dans la présente affaire aucune preuve qui puisse mener à la conclusion que la marque de commerce THE COURTYARD CAFE était bien connue à la date pertinente. De plus, puisqu’il n’y a aucune preuve que l’opposante était au courant de l’emploi de la marque de commerce THE COURTYARD CAFE, je suis d’avis que la présente affaire se distingue de l’affaire Humpty Dumpty.

 

À mon sens, la preuve au dossier établit que la marque était devenue davantage connue au Canada que la marque de l’opposante à la date pertinente. En conséquence, aux fins de ce motif d’opposition, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a) de la Loi joue en faveur de la requérante. Toutefois, la période pendant laquelle les marques ont été en usage ainsi que le degré de ressemblance entre elles dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, favorisent l’opposante. En outre, j’estime que mes conclusions précédentes sur le type de services et la nature du commerce associés aux marques en cause valent également à l’égard de ce motif d’opposition. Je prends note du fait que l’emploi de la marque n’a semblé avoir aucune incidence sur la croissance de l’entreprise de l’opposante. En dépit des arguments convaincants et exhaustifs formulés lors de l’audience par le représentant de la requérante, je ne suis pas convaincue que ces éléments de preuve ainsi que l’absence de preuve d’une confusion réelle sont des circonstances additionnelles suffisantes pour conclure qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre les marques de commerce. À mon avis, ces « circonstances de l’espèce » permettent tout au plus de répartir à parts égales les probabilités de confusion.

 

Compte tenu de ce qui précède, j’arrive à la conclusion que la preuve au dossier permet effectivement d’établir que la marque de l’opposante était devenue, au 29 août 2000, suffisamment connue dans la région d’Ottawa pour annuler le caractère distinctif de la marque en association avec des « services de restaurant, de traiteur, et de bar; exploitation de bars‑salons », mais non pas en association avec des services « d’hôtel; la fourniture d’installations pour réunions, conférences et expositions; des services de réservation de chambres d’hôtel ».

 

Je suis d’avis que le dernier motif d’opposition doit être retenu en ce qui concerne les services « de restaurant, de traiteur, et de bar; exploitation de bars‑salons ».

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en ce qui concerne les services « de restaurant, de traiteur, et de bar; exploitation de bars‑salons », et je rejette l’opposition pour ce qui est des services « d’hôtel; la fourniture d’installations pour réunions, conférences et expositions; des services de réservation de chambres d’hôtel », en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi [voir l’affaire Produits Menager Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.), qui autorise la décision partagée].

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 21E JOUR DE DÉCEMBRE 2006.

 

 

 

Céline Tremblay

Présidente par intérim

Commission d’opposition des marques de commerce

 

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