Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Tradall S.A. à la demande no 1083924 pour la marque de commerce MARTINI MASSAGE & Dessin, déposée par Martini S.p.A.       

 

 

 

 

I Actes de procédure

 

Le 22 novembre 2000, Martini S.p.A. (la « requérante ») a présenté une demande d’enregistrement de la marque de commerce MARTINI MASSAGE & Dessin, tel qu’elle est illustrée ci‑dessous,

MARTINI MASSAGE (& DESIGN)

 

(la « marque »), demande no 1083924, en liaison avec des appareils manuels pour le massage, nommément gants à massage et brosses à massage; accessoires à massage en bois ou en plastique, nommément brosses à massage; bandes à massage; éponges, gants de nettoyage, brosses à massage, applicateurs de maquillage, nommément petites éponges, pinceaux à maquillage; peignes et brosses en bois ou en plastique pour les cheveux, houppettes et éponges pour poudre faciale et crème de fond (les « marchandises »).

 

La demande est fondée sur l’emploi projeté et la requérante réclame la date de priorité du 25 octobre 2000, en raison d’une demande déposée en Italie, son pays d’origine, sous le numéro MI20000C 011745, pour la même ou sensiblement la même marque de commerce en liaison avec le même type de marchandises décrit ci‑dessus. La demande a été annoncée le 6 novembre 2002, dans le Journal des marques de commerce, aux fins de l’opposition.

 

Le 7 avril 2003, Tradall S.A. (l’« opposante ») a déposé une déclaration d’opposition, qui a été envoyée à l’opposant, le 6 mai 2003, par le registraire des marques de commerce.

 

Les motifs de l’opposition peuvent être résumés de la façon suivante :

(1)   La demande n’est pas en conformité avec l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la « Loi »), en ce que la requérante n’avait pas une intention véritable d’employer la marque au Canada en liaison avec les marchandises.

(2)   La marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’opposante :

MARTINI FIERO                                                TMA512391

MARTINI & Dessin                                 TMA502486

MARTINI & Rossi & Dessin                   TMA436346

MARTINI SPORTLINE & Belt Dessin  TMA399681

MARTINI & Dessin                                 TMA311312

MARTINI                                                 TMA284026

MARTINI & ROSSI Dessin                    TMA207908

MARTINI & Dessin                                 TMA194734

MARTINI & ROSSI                                TMA140457

MARTINI & Dessin                                 TMA125763

MARTINI & Dessin                                 TMA109536

MARTINI & Dessin                                 TMA105899

MARTINI & Dessin                                 UCA050801

MARTINI & Dessin                                 UCA508803

MARTINI & Dessin                                 UCA000214

MARTINI                                                 TMDA057478

 

(3)   La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque, conformément aux dispositions de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, étant donné qu’à la date de dépôt de la demande, cette marque créait de la confusion avec les marques déposées de l’opposante déjà employées au Canada en liaison avec les marchandises énumérées sur les certificats d’enregistrement de chacune des marques de l’opposante.

(4)   Pour les motifs qui précèdent, la marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

 

Le 9 mai 2003, la requérante a déposé une contre‑déclaration dans laquelle elle rejette tous les motifs d’opposition.

 

L’opposante a déposé les affidavits de M. Anthony Amato, de Mme Jennifer Galeano et Mme Sheree Smyth, alors que le requérant a déposé l’affidavit de Mme Thelma Thibodeau.

 

Seule l’opposante a déposé des prétentions écrites et une audience a eu lieu, au cours de laquelle les deux parties ont présenté des observations.

 

II Remarques préliminaires

 

La charge ultime revient au requérant qui doit démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais l’opposant a cependant une obligation de présentation initiale selon laquelle il doit établir les faits sur lesquels chacun des motifs d’opposition est fondé. Une fois que l’opposant a satisfait à cette obligation initiale, le requérant doit encore prouver, selon la prépondérance de la preuve, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la marque. [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293; et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Je dois d’abord signaler qu’aucune des allégations contenues dans les affidavits de M. Anthony Amato, de Mme Jennifer Galeano et de Mme Sheree Smyth n’appuient le premier motif d’opposition. Il n’existe aucune preuve de faits importants qui me pousserait à conclure que la requérante n’avait pas l’intention véritable d’employer la marque au Canada en liaison avec les marchandises lorsqu’elle a déposé sa demande. L’opposante fait valoir que la preuve de la requérante appuie ce motif d’opposition. L’argument de l’opposante est que les catalogues versés au dossier sont rédigés dans une langue étrangère, tout comme l’emballage de certaines des marchandises. Enfin, elle prétend qu’il n’existe aucune preuve d’un plan de commercialisation pour les marchandises en liaison avec la marque au Canada. Ces arguments sont mal fondés. La demande est fondée sur l’emploi projeté et la requérante n’a aucune obligation de démontrer l’emploi de la marque au Canada en ce moment. Si la demande est admise, la requérante devra déposer une déclaration d’emploi de la marque au Canada et payer le droit d’enregistrement requis. Pour ces motifs, je rejette le premier motif d’opposition.

 

La date importante pour l’appréciation des autres motifs d’opposition varie selon le motif. Ainsi, une preuve pertinente quant à un motif d’opposition ne l’est peut‑être pas pour un motif différent. Cependant, en l’espèce, les parties conviennent que la différence des dates importantes ne serait pas un facteur déterminant.

 

La question de la probabilité de confusion est au cœur de tous les autres motifs d’opposition. L’opposante fait valoir que sa marque de commerce MARTINI est notoire et qu’elle possède une famille de marques de commerce, ce qui donne à la marque MARTINI une protection plus large que celle qui est normalement accordée aux marques de commerce en général. Je vais examiner les éléments de preuve déposés par les deux parties puis analyser les motifs d’opposition.

 

III Preuve de l’opposante

 

Mme Smyth est assistante juridique pour le cabinet de l’opposante, et elle a simplement déposé des copies des enregistrements de l’opposante pour les marques de commerce citées dans sa déclaration d’opposition, sauf pour la marque MARTINI & Dessin, certificat d’enregistrement TMA109536. Tous les enregistrements précités couvrent les boissons alcoolisées, les vins ou les vermouts, exception faite des enregistrements qui suivent :

MARTINI SPORTLINE & Belt Dessin, TMA399681 : chemises polo, tee-shirts, chandails, culotte courte et jupes de tenue de sport, chaussettes et bas, bandeaux antisudoripares, casquettes et chapeaux, robes de chambre, costumes de bain, chemises, cravates, ceintures et chaussures de sport.

MARTINI SPORTLINE & BELT DESIGN

MARTINI & Dessin                                TMA311312 :  amandes, noix préparés, hot dog, cajoux et arachides transformées; olives en boîte; oignons conservés; fromage, câpres, raisins secs, croustilles, flocons de maïs et maïs soufflé.

MARTINI & DESIGN

 

MARTINI                                           TMA284026 : pantalons, jeans, chandails, chemisiers, blousons, ceintures.

 

 

M. Amato est le chef de marque principal chez Bacardi Canada Inc. (« Bacardi »). Il semblerait que l’entreprise distribue, au Canada, les marchandises qu’englobent les divers certificats d’enregistrement énumérés dans la déclaration d’opposition et définies dans son affidavit comme les « produits MARTINI ». Il n’existe aucune preuve de l’emploi des trois marques de commerce, soit MARTINI SPORTLINE & Belt Dessin (certificat d’enregistrement TMA399681), MARTINI & Dessin (certificat d’enregistrement TMA311312) et MARTINI (certificat d’enregistrement TMA284026), en liaison avec l’une ou l’autre des marchandises visées par ces enregistrements.

 

Au paragraphe 7 de son affidavit, M. Amato donne les chiffres d’affaires globaux de 1989 à 2003, « exprimés en caisses de 9 litres » des produits MARTINI. Cependant, ce terme, tel qu’il est mentionné plus haut, est un terme défini qui englobe toutes les marchandises énumérées sur les certificats d’enregistrement versés au dossier par Mme Smyth. Il y a visiblement une erreur, car il est impossible de décrire le volume des ventes des articles vestimentaires en « caisses de 9 litres ». Par conséquent, j’interpréterai ces chiffres comme s’ils s’appliquaient à la vente des boissons alcoolisées, des vins et vermouts en liaison avec l’une des marques de commerce énumérées dans la déclaration d’opposition portant sur ces marchandises. De plus, il n’y a aucune répartition du volume des ventes par marque de commerce et il est donc impossible de déterminer l’étendue de l’emploi de chacune des marques de commerce de l’opposante. Étant donné que toutes les marques déposées qui englobent des boissons alcoolisées comprennent le mot « MARTINI », je traiterai la preuve de l’opposante comme un emploi du mot servant de marque « MARTINI ».

 

M. Amato dresse la liste des sommes d’argent dépensées depuis 1995 en vue de promouvoir, d’annoncer et de commercialiser les produits MARTINI. Encore une fois, les exemples d’emballage et de publicité déposés à l’appui des allégations visaient uniquement des boissons alcoolisées, des vins et vermouts. Il n’y a aucune preuve de publicité, de commercialisation ou de documents promotionnels liés à d’autres types de marchandises, à l’exception de ce qui est décrit ci‑après.

 

M. Amato prétend que l’opposante a autorisé d’autres parties à fabriquer et à distribuer, aux fins de la vente au Canada, des articles portant l’une des marques de commerce MARTINI. Ces articles comprendraient des autocollants, des parapluies, des portes‑clés, des chronographes, des affiches, des miroirs, des panneaux en métal, des tableaux, des agitateurs, des shakers, des cendriers, des plateaux de serveurs, des cartes‑chevalet, des plateaux, des supports pour serviettes, des porte‑menus, des seaux à glace, des bols en verre, des gobelets et de la verrerie. Il n’y a aucune preuve d’une seule vente de l’un ou l’autre de ces produits et, par conséquent, il n’y a aucune preuve de l’emploi, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, des marques de commerce susmentionnées de l’opposant ou du mot servant de marque « MARTINI » en liaison avec les marchandises autres que les boissons alcoolisées. En fait, au paragraphe 11 de son affidavit, M. Amato énonce que Bacardi [traduction] « distribue régulièrement la marchandise MARTINI pour des promotions auprès des consommateurs et pour des tournois de golf... » Cet énoncé ne suffit pas pour établir « l’emploi » de l’une des marques de commerce de l’opposante, au sens juridique du mot, en liaison avec les marchandises autres que les boissons alcoolisées. Il y a des « photographies » des articles autres que les boissons alcoolisées en annexe à son affidavit. Cependant, elles semblent être tirées d’un catalogue. Quoi qu’il en soit, des photographies ou des extraits d’un catalogue ne constituent pas en soi une preuve adéquate de l’emploi d’une marque de commerce en l’absence d’une preuve de vente de ces produits. De plus, rien n’indique le volume des ventes, ni depuis quand sont vendus chacun de ces produits. Une déclaration générale indique que les articles illustrés seraient représentatifs de l’emploi de la marque de commerce MARTINI depuis au moins 1995. Faute d’une preuve documentaire satisfaisante, je ne peux pas conclure que l’une des marques de commerce de l’opposant a été employée au Canada en liaison avec les produits autres que les boissons alcoolisées.

 

Mme Galeano était, au moment de la rédaction de son affidavit, étudiante en droit au cabinet de l’opposante. Elle a versé au dossier divers extraits du site Web à l’adresse www.martini.com. Nous n’avons aucune preuve que ce site Web est réellement celui de l’opposante. À supposer que ce soit le cas, les éléments de preuve déposés par Mme Galeano constituent du ouï‑dire en ce qui a trait au contenu des extraits déposés. Sur cette question, je renvoie à l’analyse qui suit effectuée par le juge Slatter du Banc de la Reine de l’Alberta dans l’affaire Envirodrive Inc. v. 836442 Canada Inc., 2005 ABQB 446 :

 

[traduction] Le fait que ces renseignements ont été imprimés à partir de l’Internet n’a pas d’incidence directe sur leur admissibilité. Il n’y a rien de magique en ce qui a trait aux renseignements obtenus sur l’Internet. Si les renseignements de base sont admissibles en vertu d’une autre règle de preuve, le fait qu’ils sont tirés de l’Internet n’est pas déterminant. Par exemple, les tribunaux prennent couramment connaissance d’office des encyclopédies et des dictionnaires, qui sont maintenant souvent sous forme électronique. L’admissibilité de ces renseignements ne change pas en raison de leur source. Par contre, le simple fait que des renseignements sont accessibles au public et faciles à reproduire à partir de l’Internet ne les rend pas admissibles. Une telle preuve doit tout de même passer les tests normaux, y compris la règle du ouï‑dire et le témoignage d’opinion. Bien entendu, si les renseignements sont présentés uniquement en vue d’établir que certains renseignements étaient connus du public, ou dans un but autre que la véracité de leur contenu (dans un cas de diffamation par exemple), ils seraient alors admissibles (ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., [2003] C.F. 1056, 239 F.T.R. 203 (C.F.) au paragraphe 23).

 

Il faut se poser la question à savoir si les renseignements seraient admissibles s’ils avaient été obtenus d’une autre source. Par exemple, si les actionnaires minoritaires avaient remis le rapport annuel de ce compétiteur, aurait‑il été admissible? La réponse est clairement non. Le rapport annuel serait lui-même du ouï‑dire, et il ne pourrait être admis que si une personne de l’entreprise pouvait confirmer la véracité de son contenu. Il en irait de même pour les états financiers. De plus, la tentative d’utiliser le salaire versé par le compétiteur comme référence pour le salaire approprié à verser au premier dirigeant d’Envirodrive Inc. paraît s’apparenter à une tentative de preuve de faits similaires. Ce type de preuve nécessite un contre‑interrogatoire afin de vérifier si elle a réellement une force probante. Subsidiairement, il s’agit d’une tentative d’introduire indirectement un témoignage d’opinion. Par conséquent, la preuve tirée de l’Internet présentée n’a pas été admise.

 

IV Preuve de la requérante

 

Nous ne possédons aucun renseignement sur la position de Mme Thelma Thibodeau. Elle a versé au dossier des extraits du site Web de la requérante. Faute de renseignement sur sa relation avec la requérante, je considère cette preuve comme une preuve par ouï‑dire pour les mêmes raisons que celles mentionnées dans le cadre de mon analyse des preuves similaires contenues dans l’affidavit de Mme Galeano.

 

Elle a également déposé deux catalogues des produits de la requérante, des brochures publicitaires censément utilisées par la requérante, et diverses étiquettes portant la marque qu’elle a reçus de la requérante. D’après le contenu du paragraphe 5 de son affidavit, il est clair qu’elle n’est pas une représentante de la requérante. Par conséquent, ces documents, pour ce qui est de leur contenu, constituent une preuve par ouï‑dire inadmissible et je devrai en faire abstraction. De plus, nous n’avons aucune confirmation de l’utilisation de ces documents au Canada ni, le cas échéant, depuis quelle date.

 

V Appréciation de la probabilité de confusion

 

J’évaluerai la probabilité de confusion entre la marque en cause et la marque MARTINI. Pour les besoins de la présente analyse, je traiterai la marque de commerce MARTINI comme une marque de commerce notoire dans le domaine des boissons alcoolisées uniquement dans la mesure où la preuve susmentionnée me permet d’arriver à cette conclusion. Il n’y a aucune preuve de l’emploi de la marque de commerce MARTINI dans d’autres domaines que les boissons alcoolisées. Dans tous les cas, si je me suis trompé dans ma conclusion, les articles promotionnels illustrés dans la pièce C de l’affidavit de M. Amato sont, pour la plupart, des accessoires de boissons alcoolisées ou des accessoires que l’on trouverait dans un bar ou sur une terrasse où l’on peut commander une consommation, tels que des verres, des cendriers, des affiches, des agiteurs, des cartes‑chevalet, des parapluies, des plateaux de serveurs, entre autres. Parmi les articles se trouvent également une montre et un porte‑clés, mais, comme il a été conclu plus haut, il n’existe aucune preuve au dossier d’une seule vente de ces articles au Canada.

 

Récemment, dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321, la Cour suprême du Canada a discuté du critère de la confusion établi au paragraphe 6(2) de la Loi et de la façon dont il convient d’analyser les critères pertinents dans le cas d’une marque de commerce célèbre. Cependant, les principes établis dans l’arrêt Mattel seraient applicables aux marques notoires quant à la façon d’étudier les critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. J’aimerais ajouter que la conclusion de mon analyse de ces critères ne serait pas différente si j’avais conclu que la marque de commerce MARTINI était célèbre.

 

Il est évident que si une marque est notoire, elle sera reconnue par les consommateurs. Par exemple, dans le cas de la marque BARBIE, le consommateur moyen associerait une telle marque aux poupées et à leurs accessoires. Dans la même veine, le consommateur moyen associera MARTINI à des boissons alcoolisées. Cependant, la question à résoudre est la suivante : le consommateur moyen créerait-il un lien ou une association entre les marchandises et l’opposante? Par conséquent, le fait que la première réaction immédiate et instinctive d’un consommateur qui voit le mot MARTINI seul est d’associer le mot aux boissons alcoolisées n’est pas le test approprié pour déterminer la probabilité de confusion. Le requérant doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le consommateur moyen qui voit les marchandises portant la marque ne penserait pas que l’opposante est la source des marchandises.

 

Les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte comprennent : i) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; ii) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; iii) le genre de marchandises, services ou entreprises; iv) la nature du commerce; v) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

La marque en cause a un certain caractère distinctif inhérent. Cependant, le mot « massage » est descriptif de l’usage des marchandises à vendre en liaison avec la marque. Il y a une particularité qui sert à rehausser le caractère distinctif de la marque. Lors de l’audience, le requérant a fait valoir que MARTINI est le nom d’une personne et que, par conséquent, il devrait comporter un faible caractère distinctif. Afin d’appuyer un tel argument, il a uniquement fait allusion à une étiquette déposée en pièce A à l’affidavit de M. Amato. Cette étiquette portait le texte qui suit.

« In 1863 a company was founded in Turin by Alessandro Martini and… » (En 1863, une entreprise a été fondée à Turin par Alessandro Martini et …)

 

Il y a très peu d’éléments de preuve que MARTINI est un patronyme. Quoi qu’il en soit, les preuves résumées ci‑dessus démontrent l’emploi de la marque de commerce MARTINI en liaison avec des boissons alcoolisées depuis au moins 1989. Par conséquent, je n’accepte pas l’argument de la requérante selon lequel la marque aurait un faible caractère distinctif inhérent. Ce facteur joue en faveur de l’opposante.

 

Il n’y a pas la moindre connexion entre les boissons alcoolisées et les marchandises. J’arrive à la même conclusion lorsque je compare les marchandises aux articles vestimentaires ou alimentaires visés par les enregistrements TMA284026 et TMA311312. Cette circonstance joue en faveur de la requérante.

 

Il n’y a aucune preuve en ce qui concerne les voies commerciales de la requérante pour les marchandises. En raison des différences entre les marchandises et les produits énumérés dans les divers certificats d’enregistrement des marques de l’opposante, il est raisonnable de conclure que les marchandises circuleraient par des voies commerciales différentes que celles qu’utilise l’opposante. Ce facteur joue en faveur de la requérante.

 

La marque en cause inclut la totalité de la marque MARTINI de l’opposante. Il s’agit du premier mot de la marque et cette partie a, par le passé, été jugée comme un facteur important à considérer. L’idée suggérée par la marque change avec l’ajout du mot « MASSAGE », puisque que la marque sera automatiquement associée à une telle activité. MARTINI en soi, un mot inventé, ne suggère rien de particulier, sauf sa correspondance aux boissons alcoolisées, en raison de son emploi généralisé tel qu’il est décrit plus haut. Je conclus que ce facteur joue en faveur de l’opposante, en raison de la ressemblance phonétique des marques de commerce en cause.

 

Comme autre circonstance de l’espèce, l’opposante aimerait que le registraire considère que sa marque de commerce MARTINI est notoire pour les Canadiens et qu’à ce titre la portée de sa protection est plus large. J’ai déjà dit que la preuve déposée me permet de conclure que la marque de commerce MARTINI est bien connue par les Canadiens. Cependant, tel qu’il a été mentionné plus haut, sa notoriété se rapporte aux boissons alcoolisées. La question de la portée de la protection qui doit être accordée aux marques de haute renommée a été examinée dans l’arrêt Mattel, précité. Le juge Binnie a formulé les commentaires qui suivent :

 

Dans une procédure d'opposition, le droit des marques de commerce offre une protection qui transcende les gammes de produits traditionnels, sauf si le requérant démontre que l'enregistrement de sa marque n'est pas susceptible de créer de la confusion dans le marché au sens de l'art. 6 de la Loi sur les marques de commerce. La confusion est un terme défini et le par. 6(2) impose à la Commission des oppositions des marques de commerces (et ultimement, à la cour) de déterminer si l'emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure (à tort) aux acheteurs éventuels que les marchandises et services – même s'ils n'appartiennent pas à la même catégorie générale – sont néanmoins offerts par la même personne. Une telle conclusion n'est évidemment possible en l'espèce que si un lien ou une association est susceptible de s'établir dans l'esprit du consommateur entre la source des produits BARBIE, qui sont notoires, et la source des restaurants de l'intimée, qui sont moins connus. Si aucun lien n'est susceptible d'être établi, il ne peut exister de probabilité de conclusion erronée et, par conséquent, aucune confusion au sens de la Loi. (Je souligne.)

[…]

Il ne fait aucun doute que certaines marques célèbres possèdent un pouvoir protéiforme (on a prétendu, par exemple, que la marque de commerce distinctive rouge et blanche « Virgin » a jusqu'à présent été employée en liaison avec une telle diversité de marchandises et de services qu'elle ne connaît pratiquement aucune limite), alors que d'autres marques célèbres désignent clairement un produit spécifique. On dit de « Apple » qu'elle est une marque de commerce très connue associée simultanément, dans des marchés distincts, à des ordinateurs, à une étiquette d'enregistrement et à des glaces d'automobiles. La conclusion de la Commission selon laquelle la notoriété de BARBIE se limite aux poupées et aux accessoires de poupées ne signifie absolument pas que l'aura de BARBIE ne peut transcender ces produits, mais la question de savoir si elle est ou non susceptible de le faire dans le contexte d'une procédure d'opposition relative à des services de restaurant, de traiteur et de banquet est une question de fait qui dépend de « toutes les circonstances de l'espèce » (par. 6(5)). Nous ne sommes saisis ni du cas de « Virgin » ni de celui de « Apple » et je ne me prononce sur ni l'un ni l'autre, sauf pour signaler qu'ils ont été cités en exemple au cours de l'argumentation. (Je souligne.)

[…]

La confusion entre deux marques est définie au paragr. 6(2) et elle survient si, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce (6(5)), l'acheteur éventuel est susceptible d'être amené à conclure à tort

[...] que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. [Je souligne.]

Cela ne signifie pas que le genre de marchandises ou de services n'est pas pertinent. L’alinéa 6(5)c) indique expressément que « le genre de marchandises, services ou entreprises » est l'un des facteurs pertinents. Les mots soulignés au par. 6(2) visent simplement à établir en termes clairs que la catégorie générale des marchandises et services, bien que pertinente, n'est pas déterminante.

[…]

Dans le cas où l'emploi de la nouvelle marque aurait pour effet de créer de la confusion sur le marché, son enregistrement devrait être refusé, « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » (par. 6(2)). Ce qu'il importe de dire au sujet des marques célèbres, c'est que la notoriété de la marque peut passer d'une gamme de produits à une autre alors qu'une marque moins connue serait limitée à ses marchandises ou services traditionnels. Le critère qu'il convient d'appliquer est celui exposé précédemment par le juge Linden, au par. 33 :

C'est l'ensemble des circonstances qui déterminera le poids à accorder à chacun de ces éléments.

[…]

Ce qui importe, selon moi, c'est que le droit de marques de commerce est fondé sur l'emploi. Autrefois, il n'était pas possible d'enregistrer une marque en vue d'un emploi « projeté ». En l'espèce, l'expansion de la marque BARBIE dépasse la simple spéculation, mais si la marque BARBIE n'est célèbre qu'en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées dans une région où les deux marques sont employées, et si rien ne prouve que les titulaires d'une licence BARBIE, quels qu'ils soient, emploient sur le marché la marque BARBIE en liaison avec [TRADUCTION] « des services de restaurant, des services de mets à emporter, ainsi que des services de traiteur et de banquet », il est difficile de voir sur quel fondement la conclusion erronée est susceptible d'être tirée.

[…]

Il ne fait aucun doute qu'en principe, la marque de l'appelante est « célèbre »alors que celle dont l'intimée demande l'enregistrement ne l'est pas. Or, la question est de savoir s'il existe une probabilité de confusion (ou s'il y a eu confusion) sur le marché où les deux peuvent exercer leurs activités.

 

 

J’appliquerai le même raisonnement dans la présente espèce, même si elle porte sur une marque de commerce notoire plutôt qu’une marque de haute renommée. La preuve versée au dossier ne me permet pas de conclure qu’il y a un emploi étendu de la marque de commerce MARTINI de l’opposante à l’extérieur du domaine des boissons alcoolisées. Par conséquent, le consommateur n’a pas l’habitude de voir des marchandises portant la marque de commerce MARTINI qui ne sont pas des boissons alcoolisées ou des accessoires qui y sont liés. Par conséquent, le consommateur qui voit l’une des marchandises portant la marque n’associerait probablement pas les marchandises à l’opposante, comme leur source d’origine.

L’opposante a fait valoir qu’elle est propriétaire d’une famille de marques de commerce. Cependant, elle n’a pas établi l’emploi de chacune des marques faisant partie de ladite famille de marques. Par conséquent, elle ne peut pas invoquer l’argument qu’elle est propriétaire d’une famille de marques déposées qui portent le mot MARTINI dans leur nom. Le juge Cattanach dans l’affaire McDonald's Corporation et al. c. Yogi Yogurt Ltd. et al. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (CF 1re inst.) a énoncé ce qui suit à la page 114 :

[traduction] Bien que la présomption de l’existence d’une série de marques de commerce puisse survenir au moment d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce avec la conséquence indiquée, la même présomption ne survient pas dans le cas d’une procédure d’opposition. Avant que toute inférence similaire à celles qui découleraient de la présomption ne puisse survenir dans une procédure d’opposition axée sur l’emploi d’autres marques, un tel emploi doit être établi par la preuve.

Par conséquent, il reste à savoir si les appelants se sont acquittés de leur obligation d’établir l’existence d’une série de marques qui appartiennent à la société appelante avec laquelle la demande d’enregistrement de la marque de commerce MCYOGURT par la société intimée peut entrer en conflit. Cela sera rejeté par l’établissement de l’emploi suffisant des marques de commerce pour constituer une famille. (Je souligne.)

 

En conséquence, je conclus, selon la prépondérance de la preuve, qu’un consommateur qui voit les marchandises portant la marque ne penserait pas qu’elles tirent leur origine de l’opposante, étant donné la différence dans les marchandises respectives des parties et de leur voies commerciales.

 

VI Conclusion

 

Ayant conclu l’absence d’une probabilité de confusion entre la marque en cause et la marque MARTINI de l’opposante, je rejette le deuxième, le troisième et le quatrième motif d’opposition.

 

Par conséquent, par le pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante à l’enregistrement de la marque en cause, le tout conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC) EN CE 5e JOUR DE MARS 2007.

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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