Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 34

Date de la décision : 2012-03-16

TRADUCTION DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Bereskin & Parr, s.e.n.c.r.l., visant l’enregistrement no LMC520276 pour la marque de commerce COCO au nom de Chanel S. de R.L.

[1]               Le 22 juin 2009, à la demande de Bereskin & Parr, s.e.n.c.r.l. (la Requérante), le registraire des marques de commerce a transmis l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. 13 (la Loi), à Chanel S. de R.L. (l’Inscrivante), la propriétaire inscrite de la marque de commerce COCO (la Marque), dont l’enregistrement porte le no LMC520276.

[2]               La Marque est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes (les Marchandises) :

Bijoux; robes; chemises; sacs, nommément sacs à main, sacs et fourre-tout; maillots de bain; gants; serviettes; vêtement, nommément manteaux, vestes; accessoires nommément ceintures.

[3]               L’article 45 de la Loi dispose que le propriétaire inscrit doit indiquer, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.  En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi se situe entre le 22 juin 2006 et le 22 juin 2009 (la Période pertinente).

[4]               La définition pertinente du terme « emploi » est énoncée au par. 4(1) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               En réponse à l’avis donné par le registraire, l’Inscrivante a produit les affidavits de Sylvain Gagnon et de Catherine Louise Cannon. Les deux parties ont déposé des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

[6]               S’agissant du premier affidavit, M. Gagnon se présente comme le premier vice-président de Chanel Inc. et affirme qu’il occupe ce poste depuis 1996. Il soutient que durant la Période pertinente Chanel Inc. a vendu une série d’articles au Canada sur lesquels était apposée la Marque. Pour étayer ces ventes, il a joint, à titre de pièce SG-1, divers imprimés tirés des dossiers de ventes de Chanel Inc. contenant des renseignements au sujet de la vente de certains de ces articles au Canada durant la Période pertinente. Il explique que dans la colonne intitulée [traduction] « Style » dans le document, un code est utilisé pour identifier les articles en question.

[7]               S’agissant du deuxième affidavit, Mme Cannon explique qu’elle travaille pour Chanel SARL à titre d’avocate principale en matière de propriété intellectuelle et qu’elle est responsable de la gestion des portefeuilles de propriété intellectuelle de cette société et de l’Inscrivante. Elle souligne qu’elle détient une procuration de la part de l’Inscrivante l’autorisant à souscrire au présent affidavit au nom de cette dernière et que son affidavit contient des faits dont elle a personnellement connaissance ou qui proviennent des dossiers de l’Inscrivante ou des sociétés affiliées de Chanel et qu’elle estime être véridiques.

[8]               Madame Cannon poursuit en expliquant que l’Inscrivante distribue au Canada des bijoux, des vêtements, des accessoires de vêtements et des produits de cuir sur lesquels est apposée la Marque par l’entremise de Chanel Inc. Pour illustrer comment la Marque figure sur ces produits, elle a fourni, à titre de pièces CLC-2 à CLC-9, des images tirées des archives de produits de l’Inscrivante qui, selon elle, correspondent à un échantillon représentatif des produits de l’Inscrivante. Elle indique que chaque image est accompagnée de renseignements propres à chacune des Marchandises, y compris un code de style utilisé pour identifier les Marchandises. Je souligne que les codes de style associés aux Marchandises sur ces images correspondent aux codes de style contenus dans les dossiers de ventes fournis au moyen de l’affidavit de M. Gagnon. De plus, Mme Cannon affirme que les Marchandises ont été vendues au Canada durant la Période pertinente et précise que les pièces illustrent les articles suivants : une série de bijoux, robes, chemises, sacs à main, sacs et sacs fourre-tout, un maillot de bain, une serviette, une veste et des ceintures.

[9]               Bien qu’elle n’ait rien fait valoir sur ce point dans ses observations écrites, la Requérante a allégué lors de l’audience que Mme Cannon n’avait aucune connaissance directe des questions sur lesquelles elle a témoigné. Dans le même ordre d’idées, la Requérante a fait valoir que Mme Cannon n’était pas une employée de l’Inscrivante, qu’elle n’a donné aucune explication concernant la façon dont ses fonctions lui permettaient d’avoir une connaissance directe de ces questions, qu’elle n’a rien dit sur l’endroit où elle a obtenu les images des produits ni sur la personne qui les lui a fournis et qu’il n’y a aucun renseignement dans son affidavit concernant les mesures prises pour vérifier les renseignements qui lui ont été fournis.

[10]           Cependant, je souligne que Mme Cannon a clairement indiqué dans son affidavit qu’elle était responsable de la gestion du portefeuille de propriété intellectuelle de l’Inscrivante dans le cadre de son travail pour Chanel SARL. Compte tenu de ses responsabilités au sein de ce qui constitue, d’après mes conclusions, une société affiliée, et des déclarations formulées dans son affidavit, je reconnais qu’elle a une connaissance des questions sur lesquelles elle a témoigné ou qu’elle a obtenu ces renseignements dans les livres comptables courants de l’Inscrivante auxquels elle a accès.

[11]           J’examinerai maintenant les observations restantes de la Requérante, lesquelles peuvent se résumer ainsi :

i.                    L’Inscrivante n’a fourni aucune preuve de la pratique normale du commerce pour les Marchandises, et compte tenu de la quantité minime de produits vendus, on ne peut confirmer si les opérations présentées en preuve sont des opérations commerciales authentiques.

ii.                  L’Inscrivante n’a pas fourni de preuve d’emploi pour chacune des Marchandises.

iii.                Rien dans la preuve ne décrit la façon dont la Marque est apposée sur les Marchandises; il n’y a donc aucune preuve établissant l’avis de liaison requis entre la Marque et les Marchandises.

o   Subsidiairement, dans les pièces où la Marque est visible, la Marque est entremêlée avec d’autres éléments, logos et images décoratives, de sorte que l’emploi est décoratif et ne permet pas de distinguer les Marchandises de l’Inscrivante de celles d’autres propriétaires, comme l’exige l’article 2 de la Loi.

[12]           En ce qui concerne le premier argument de la Requérante énoncé ci-dessus, cette dernière allègue que l’Inscrivante n’a pas fourni de preuve relative à la pratique normale du commerce, que le registraire ne peut se livrer à des hypothèses et qu’on ne peut attendre de lui qu’il connaisse la nature des affaires de l’Inscrivante [citant S.C. Johnson & Son, Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1981), 55 C.P.R. (2d) 34 (C.F. 1re inst.)]. Plus particulièrement, concernant l’affidavit de Mme Cannon, la Requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve établissant qui a vendu les Marchandises alléguées, et Mme Cannon ne mentionne pas que c’est l’Inscrivante qui a vendu ces Marchandises. De plus, Mme Cannon précise que l’Inscrivante distribue les Marchandises au Canada par l’entremise de Chanel Inc., mais rien dans la preuve ne démontre comment Chanel Inc. se procure les Marchandises ou quelle est la pratique normale du commerce pour l’Inscrivante ou Chanel Inc.

[13]           De plus, s’agissant de l’affidavit de M. Gagnon, la Requérante soutient qu’il semble que les ventes produites en preuve sont des ventes uniques, réparties au cours de la Période pertinente, et que les ventes annuelles sont symboliques. De plus, elle fait valoir que les Marchandises semblent avoir été vendues à un nombre limité de détaillants; puisqu’aucun renseignement n’a été fourni au sujet des détaillants, il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit de ventes authentiques. La Requérante s’appuie sur la décision Swift & Co. c. Monarch Fine Foods Co. Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 69 at 80 (C.O.M.C.), dans laquelle il a été conclu que [traduction] « les ventes symboliques annuelles ne constituent habituellement pas la pratique normale du commerce, et particulièrement pas lorsque le produit est vendu au détail à des consommateurs ».

[14]           Toutefois, l’Inscrivante allègue que la preuve illustre clairement la chaîne de distribution des Marchandises dans la pratique normale du commerce et que le registraire n’est donc pas tenu de se livrer à des hypothèses au sujet de la pratique normale du commerce. Je partage le point de vue de l’Inscrivante. Pour expliquer cela, Mme Cannon a clairement indiqué dans son affidavit que l’Inscrivante distribue des produits liés à la Marque au Canada par l’entremise de Chanel Inc. et que M. Gagnon, à titre de premier vice-président de Chanel Inc., atteste clairement que ces ventes ont été faites à diverses boutiques au Canada et fourni des preuves à cet effet. Par conséquent, la pratique normale du commerce de l’Inscrivante ressort de l’examen de la preuve dans son ensemble, du fait que les Marchandises proviennent de l’Inscrivante et qu’elles sont vendues par l’entremise de distributeurs à des acheteurs au détail (boutiques) au Canada. Le principe de la « pratique normale du commerce » reconnaît une continuité des actions qui vont du propriétaire, par l’intermédiaire d’opérations conclues par des mandataires ou distributeurs, jusqu’au consommateur final; une vente par l’entremise d’un distributeur peut donc être suffisante pour répondre aux exigences du paragraphe 4(1) de la Loi [voir Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing Ltd. (1971), 4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. 1re inst.); 88766 Canada Inc. c. Paulaner Salvator-Thomasbrau A.G. (1996), 68 C.P.R. (3d) 360 (C.F. 1re inst.)].

[15]           S’agissant de l’argument de la Requérante selon lequel les ventes produites en preuve sont simplement des [traduction] « ventes symboliques », les décisions invoquées par la Requérante à cet égard se distinguent nettement de la présente affaire. Par exemple, dans Molson Cos. c. Halter (1976), 28 C.P.R. (2d) 158 (C.F. 1re inst.), contrairement à l’espèce, il s’agissait d’un cas où la preuve établissait la vente unique de produits à des fins personnelles par le propriétaire inscrit. De plus, les factures présentées en preuve dans Swift & Co. et al, précité, comprenaient l’inscription [traduction] « PRODUITS PROTÉGÉS PAR LE RÉGIME DES MARQUES DE COMMERCE », étayant la conclusion selon laquelle ces ventes ne constituaient pas des opérations commerciales authentiques. Or, en l’espèce, il n’y aucune preuve établissant ou laissant croire que les ventes présentées en preuve n’étaient pas des ventes authentiques faites dans la pratique normale du commerce de l’Inscrivante [voir Osler, Hoskin, & Harcourt c. United States Tobacco Co. (1997), 77 C.P.R. (3d) 475 (C.F. 1re inst.)]. Pour établir l’« emploi », la preuve d’une seule vente peut suffire pourvu qu’elle n’ait pas été faite uniquement pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce (Phillip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al, 17 C.P.R. (3d) 237).  De plus, selon l’article 45, il n’est pas nécessaire de convaincre le registraire de l’existence d’un minimum d’activités commerciales pour maintenir l’enregistrement de la marque de commerce [voir Vogue Brassiere Inc. c. Sim & McBurney (2000), 5 C.P.R. (4th) 537 at 549 (C.F. 1re inst.); Coscelebre, Inc. v. Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 35 C.P.R. (3d) 74 (C.F. 1re inst.)].

[16]           En ce qui concerne les observations de la Requérante portant que l’emploi n’a pas été prouvé à l’égard de chacune des Marchandises, je suis d’accord que l’emploi de la Marque n’a pas été prouvé en liaison avec des « gants » et des « manteaux »; ils ne sont mentionnés nulle part dans les affidavits et ne sont établis par aucune preuve. Toutefois, je ne suis pas disposée à conclure, comme l’a fait valoir la Requérante, que le simple fait que la description des articles dans les images tirées des archives de produits de l’Inscrivante (pièce 5) mentionne le mot « sacs à main » signifie que certains articles figurant sur cette pièce ne peuvent être considérés comme des « sacs » ou des « sacs fourre-tout ». Madame Cannon indique clairement que cette pièce comprend diverses images de sacs à main, de sacs et de sacs fourre-tout, et ces images sont conformes à cette déclaration.

[17]           Enfin, s’agissant de l’observation de la Requérante portant que la preuve n’établit pas et ne décrit pas la façon dont la Marque est apposée sur les Marchandises, je souscris à la position de la Requérante, mais seulement en ce qui concerne les « serviettes », les « chemises » et les « vestes ». Toutefois, les motifs sur lesquels je me fonde pour tirer cette conclusion diffèrent de celles invoquées par la Requérante. Quant à la question de savoir si l’emploi est décoratif ou ornemental, ou s’il sert à distinguer les Marchandises de la Requérante de celles d’autres propriétaires, il s’agit de questions qui ont été jugées comme outrepassant les limites de la procédure en vertu de l’article 45 [voir Digital Attractions Inc. c. L.N.W. Enterprises Ltd. (2007), 64 C.P.R. (4th) 418 (C.O.M.C.); United Grain Growers Ltd. c. Lang Michener (2001), 12 C.P.R. (4th) 89 (C.A.F.)]. Dans la présente affaire, j’estime plutôt que la preuve concernant les « serviettes », les « chemises » et les « vestes » établit l’emploi d’une variante de la Marque. À mon avis, la Marque, dans ces exemples, semble se confondre avec d’autres éléments, à un tel point qu’elle a perdu son identité et qu’elle n’est pas reconnaissable (Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523, p. 525 (C.A.F.)). De plus, la Marque est entremêlée avec d’autres éléments au point qu’on ne peut pas dire qu’elle a conservé ses « traits dominants » [voir Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc., 44 C.P.R. (3d) 59 (CAF)].

Décision

[18]           Pour les motifs exposés ci-dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier les marchandises suivantes : « chemises; gants; serviettes; vêtements, nommément manteaux, vestes », en application du paragraphe 45 de la Loi. L’état déclaratif des marchandises modifiées sera le suivant :

Bijoux; robes; sacs, nommément sacs à main, sacs et fourre-tout; maillots de bain; accessoires nommément ceintures.

 

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Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre LL.B.

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