Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 198

Date de la décision : 2011-10-31

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP visant l’enregistrement no LMC656,258 de la marque de commerce HOME ENTERTAINMENT SOURCE & Dessin au nom de Groupe Cantex Inc.

[1]               Le 23 janvier 2009, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Groupe Cantex Inc. (l’Inscrivante), propriétaire de l’enregistrement no LMC656,258 visant la marque de commerce HOME ENTERTAINMENT SOURCE & Dessin (la Marque), reproduite ci‑dessous :

 

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des services d’« exploitation de commerces de détail vendant des produits électroniques », traduits ainsi en anglais pour la publication de l’annonce : « operation of retail businesses selling electronic products » (les Services).

[3]               L’article 45 de la Loi oblige le propriétaire inscrit de la marque de commerce à indiquer si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour l’établissement de l’emploi se situe entre le 23 janvier 2006 et le 23 janvier 2009 (la Période pertinente).

[4]               Le paragraphe 4(2) de la Loi définit ainsi l’« emploi » en liaison avec des services :

4. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, il ne suffit pas de simplement déclarer qu’il y a eu emploi pour prouver celui‑ci [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, confirmé par (1980), 53 C.P.R. (2d) 63 (C.A.F.)]. Bien que les exigences en matière de preuve d’emploi sous le régime de l’article 45 ne soient pas très élevées [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance de preuve [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services spécifiés dans l’enregistrement.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit un affidavit souscrit par Michael Bittman, vice-président (Électronique, photographie & informatique) de Groupe Cantrex Inc., l’Inscrivante.  Les parties ont toutes deux produit des observations écrites, et elles étaient présentes à l’audience.

[7]               M. Bittman déclare travailler pour l’Inscrivante depuis le mois de janvier 2006. Il explique que celle‑ci est le plus grand groupe canadien de commercialisation et d’achat dans les secteurs du meuble, de l’électroménager, de la literie, de l’électronique, de la photographie, du recouvrement de plancher et de la décoration et qu’elle compte plus de 1 200 points de vente. Il fournit des copies de pages Web du site de l’Inscrivante, www.cantrex.com, qui décrit les activités de l’entreprise, dont il ressort clairement que l’un des secteurs d’activités de l’Inscrivante consiste en la vente de produits électroniques à des détaillants indépendants en leur offrant de la publicité collective coopérative, des rabais de la part de fournisseurs participants, des ristournes de volume, des remises pour paiement rapide, des délais de paiement, etc. Parmi les avantages que l’Inscrivante dit offrir aux détaillants membres de son « Réseau Cantrex » figurent un pouvoir d’achat substantiel et des affiliations avec des fournisseurs. Bref, il est clair que le site Web s’adresse aux détaillants indépendants afin de les aider à faire concurrence aux magasins à grande surface. Je constate qu’il ne fournit aucun renseignement relatif à des produits particuliers et qu’il n’indique pas que les consommateurs peuvent acheter des produits électroniques individuels depuis le site.

[8]               M. Bittman affirme que, pendant la Période pertinente, 10 000 visites ont été effectuées aux pages Web montrant la Marque et fournissant des renseignements sur les services fournis en liaison avec elle. Bien qu’il ressorte de l’ensemble de l’affidavit que le site Web s’adresse aux détaillants canadiens, je relève que le document ne mentionne pas expressément que les visites étaient effectuées depuis le Canada.

[9]               Le déposant indique en outre qu’en cliquant sur la Marque, dans la page d’accueil, l’utilisateur accède à un autre site Web, www.hescanada.com, qui a été lancé au mois de juin 2008. Des copies de pages téléchargées de ce site sont jointes à l’affidavit, à l’annexe B. Le contenu de la page À propos de nous commence de cette façon :

          Home Entertainment Source (HES) est une marque déposée du Groupe Cantrex Inc. Il s’agit d’un réseau de choix de détaillants d’électronique canadiens qui se sont unis afin de pouvoir vous offrir des prix préférentiels sur toutes les MEILLEURES marques sur le marché. Avec le pouvoir d’achat combiné de près de 50 magasins et toujours en croissance, HES vous offre les meilleurs prix et plus.

          En achetant chez l’un de nos détaillants canadiens qui appartient à des propriétaires indépendants exploitants, vous obtenez :

          Des opportunités de rabais des manufacturiers

          Un service fiable avant et après la vente fourni par un détaillant de VOTRE région

          Le service conseil personnalisé d’un expert en cinéma maison et en télévision haute définition

          L’assurance d’un service personnalisé et chaleureux

          Le service d’installation professionnel sur demande

          Des programmes de garanties prolongées à l’échelle du pays émis par l’une des plus importantes compagnies d’assurance au Canada

          Des taux de financement préférentiels.

[10]           Le contenu de cette page me semble viser les consommateurs. D’autres pages présentent des articles dans le domaine de la technologie et des produits électroniques. Ce site ne donne pas lui non plus de renseignements sur des produits déterminés, pas plus qu’il n’indique que les consommateurs peuvent acheter des articles électroniques directement de l’Inscrivante à partir du site. M. Bittman déclare qu’il y a eu environ 20 visites à ce site pendant la Période pertinente. Bien qu’il soit évident que ce site s’adresse aux Canadiens, l’affidavit ne mentionne explicitement nulle part que le site a été visité depuis le Canada.

[11]           M. Bittman explique en ses propres mots comment fonctionne l’entreprise de l’Inscrivante. Elle emploie et autorise l’emploi de la Marque pour identifier, à l’intention des consommateurs, un réseau de détaillants de produits électroniques exploités dans divers endroits du Canada. Le pouvoir d’achat que procure le regroupement de près de 50 magasins permet à ces détaillants d’offrir aux consommateurs des produits de marque à des prix raisonnables. Le déposant déclare que l’Inscrivante choisit les détaillants en raison de leur excellent service avant et après vente. 

[12]           La pièce D renferme des copies de circulaires imprimées et distribuées avant le 1er janvier 2009. Selon M. Bittman, elles ont été produites par l’Inscrivante à l’intention de certains des détaillants membres du réseau (Brisco Furniture & Appliance Ltd., P.A. Soundworks, Brian Reimer Audio, Delphi et Flint’s Appliances & Electronics) qui les ont fait circuler dans leur marché géographique à la date imprimée sur la circulaire ou avant. Les adresses figurant sur ces circulaires indiquent clairement que ces détaillants sont situés au Canada. Je constate que les circulaires semblent être des documents promotionnels pour 2008 et que la Marque y figure clairement au recto et au verso. Le déposant déclare que d’autres membres du réseau ont distribué de semblables circulaires dans leur marché géographique; aucune date n’a été donnée à cet égard.

[13]           Relativement aux circulaires, il semble que l’Inscrivante s’occupe de leur impression et en acquitte les frais; la pièce F est une facture adressée à l’Inscrivante pour la production d’une circulaire. L’Inscrivante distribue ensuite les circulaires aux membres du réseau lors de leur inscription; la pièce H est la ventilation de la distribution aux détaillants ayant adhéré au réseau de 375 900 circulaires.

[14]           M. Bittman joint à son affidavit un échantillon d’annonce préparée et payée par l’Inscrivante pour Brisco Furniture & Appliance Ltd. Il déclare que l’annonce a paru dans l’édition de The Times du 21 mars 2007 et que des annonces semblables portant le nom d’autres détaillants ont été publiées dans les marchés géographiques respectifs de ceux‑ci au cours de la même période. Aucune donnée relative au tirage de ces journaux n’a été fournie.

[15]           M. Bittman indique que chaque membre du réseau de l’Inscrivante est autorisé à afficher la Marque sur sa devanture et il fournit un échantillon de l’affiche adhésive qui est fournie aux membres (pièce G). Toutefois, il n’y a aucune preuve indiquant que des magasins l’aient effectivement posée. De la même façon, un échantillon d’étiquette de prix portant la Marque a été produit (pièce F), mais il n’y a aucun élément de preuve établissant que les détaillants ont effectivement utilisé ces étiquettes.

[16]           L’affidavit, considéré objectivement dans son ensemble, indique clairement que l’Inscrivante ne vend pas elle‑même de produits électroniques au détail. Elle s’occupe plutôt de sourçage, d’achat et de revente en gros de produits de marque à des détaillants membres de son « réseau ». Elle n’exploite pas de commerce de détail dans un établissement déterminé ou sur l’Internet. Selon moi, le site Web principal de l’Inscrivante a principalement pour objet d’informer les détaillants indépendants cherchant à s’approvisionner à bon prix pour revente au consommateur final. Le site Web de produits électroniques www.hescanada.com encourage les consommateurs à faire affaire avec les détaillants indépendants affiliés à l’Inscrivante.

[17]           La Partie requérante affirme que sans emplacement géographique de vente au détail l’Inscrivante n’« exploite » pas de commerce de vente au détail; l’Inscrivante soutient pour sa part que même sans magasin de détail elle « exploite un commerce de vente au détail ».

[18]           À ce sujet, l’Inscrivante fait valoir qu’elle offre ses services par l’intermédiaire de son site Web, d’annonces, de circulaires, etc., et que la Marque dirige les consommateurs vers les détaillants qui vendent les produits électroniques. Elle ajoute que bien qu’elle ne soit pas propriétaire des commerces de détail, elle est affiliée à eux et facilite leur exploitation, si bien qu’elle emploie la Marque en liaison avec les Services ainsi qu’il est indiqué dans l’enregistrement.

[19]            En outre, on a indiqué que l’Inscrivante permet à des détaillants de produits électroniques d’employer la Marque en liaison avec la vente de ces produits, et qu’elle choisit ces détaillants et leur fournit le matériel à utiliser, conservant ainsi le contrôle sur la Marque. L’Inscrivante soutient qu’elle exerce ainsi le contrôle voulu pour pouvoir se prévaloir de l’emploi de la marque en vertu de l’article 50 de la Loi. Je ferais remarquer ici, toutefois, que M. Bittman n’a pas établi l’existence d’un accord de licence (écrit, verbal, implicite ou autre) entre l’Inscrivante et l’un des membres du réseau. Le déposant qualifie les détaillants d’« utilisateurs autorisés » sans fournir de détails sur le fondement de l’autorisation. Quoi qu’il en soit, même en supposant l’existence des accords de licence requis, je ne serais pas convaincue que les détaillants emploient la Marque en liaison avec des services de vente au détail. Par exemple, l’emploi des affiches d’identification de magasin ou des étiquettes de prix dont l’Inscrivante a produit un échantillon n’a pas été prouvé; seul l’emploi de la Marque sur des circulaires et des annonces qui ont, en fait, été créées par l’Inscrivante l’a été. Je conviens avec la Partie requérante qu’il ne s’agit pas là de l’emploi de la Marque par le détaillant, mais de publicité collective, à savoir l’un des avantages de l’appartenance au réseau.

[20]           Pour ce qui est de la nature des services de l’Inscrivante, j’estime que « l’exploitation de commerces de détail » exige que l’Inscrivante (ou un titulaire de licence) offre véritablement des services de vente au détail. Ces services peuvent être offerts dans une installation physique [C.R.A.C. Centre de Recherche et d’analyses sur les Corporations Ltee c. IMCO Trading Co. (1993) 53, C.P.R. (3d) 122 (C.O.M.C.], par commande postale [Saks & Co. c. Canada (registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.)], ou par Internet [Law Office of Philip B. Kerr c. Face Stockholm Ltd. (2001) 16 C.P.R. (4th) 105 (C.O.M.C.)]. Plus particulièrement, s’agissant de l’Internet, l’exploitation d’un site Web accessible aux Canadiens, fournissant des renseignements et des prix sur des produits précis, a été considérée comme des « services de magasin de détail » [voir TSA Stores Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2011), 91 C.P.R. (4th) 324 (C.F. 1re inst.)] [TSA]. 

[21]           Contrairement aux faits en cause dans TSA, toutefois, les sites Web de l’Inscrivante n’offrent pas de services de vente au détail, comme des renseignements sur les produits ou les prix destinés au consommateur final; ils fournissent plutôt de l’information à l’usage des détaillants et encouragent les consommateurs à acheter de détaillants (indépendants, de quartier) possédant un établissement physique. L’Inscrivante semble exploiter une entreprise de grossiste s’occupant de sourçage à l’intention de détaillants indépendants et fournissant des services connexes de garantie; les détaillants vendent à leur tour ces produits au consommateur final. Ces services peuvent épauler des détaillants, et la Marque peut figurer sur des circulaires pour indiquer au consommateur qu’il s’agit de produits de marque abordables et fiables comme ceux qui sont vendus dans des grandes surfaces d’appareils électroniques, mais il ne s’agit pas de l’« exploitation de commerces de détail ». Je veux bien convenir que les avantages de l’appartenance au réseau de l’Inscrivante peuvent se répercuter sur le consommateur et qu’en conséquence la Marque peut présenter un intérêt pour le consommateur final mais, à mon avis, un grossiste qui soutient ses produits ne s’adonne pas nécessairement à l’« exploitation de commerces de détail ».

[22]           Je suis d’avis que l’Inscrivante cherche en fait à modifier le sens de l’expression « exploitation de commerces de détail » afin que l’enregistrement corresponde à l’emploi véritable qu’elle fait de la Marque. Cela n’est pas possible sous le régime de l’article 45 de la Loi [voir Sim & McBurney c. Parry (2010) 81. C.P.R. (4th) 262 (C.F. 1re inst.)].

[23]           Pour ces motifs, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément à l’article 45 parce que l’emploi au sens du paragraphe 4(2) n’a pas été établi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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