Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

 

Référence : 2014 COMC 67

Date de la décision : 2014-03-20
TRADUCTION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par That Franchise Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,470,941 pour la marque de commerce BiN HERE… BiN THERE & Dessin, au nom de Saascorp Ltd.

 

 

[1]               That Franchise Inc. (l'Opposante) s'est opposé à l'enregistrement de la marque de commerce BiN HERE… BiN THERE & Dessin (reproduite ci-dessous) (la Marque), qui est l'objet de la demande no 1,470,941 produite par Saascorp Ltd. (la Requérante).

BiN HERE... BiN THERE & DESIGN.

[2]               La Requérante a produit sa demande d'enregistrement le 23 février 2010, sur la base de l'emploi de la Marque au Canada depuis le 6 mai 2008 en liaison avec divers services de gestion des déchets (les Services). L'état déclaratif des services est reproduit intégralement à l'Annexe « A » de la présente décision.

[3]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition sont les suivants :

(i)                 la Requérante n'a pas commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services à la date de premier emploi revendiquée dans la demande;

(ii)               la Marque n'est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée appartenant à l'Opposante;

(iii)             la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, car la Marque crée de la confusion avec des marques de commerce appartenant à l'Opposante, qui ont été employées au Canada avant la date de premier emploi alléguée par la Requérante;

(iv)             la Marque ne distingue pas les Services de la Requérante des services de l'Opposante.

[4]               Les motifs (ii) à (iv) énoncés ci-dessus sont liés à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée BIN THERE DUMP THAT de l'Opposante (LMC642,547) et/ou sa marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin (reproduite ci-dessous) (les détails relatifs à chacune des marques de commerce de l'Opposante sont présentés à l'Annexe « B » de la présente décision).

BIN THERE DUMP THAT MINI DISPOSAL & ENVIRONMENTAL SERVICES & DESIGN

[5]               Pour les raisons exposées ci-dessous, j’ai conclu que la présente demande d’enregistrement doit être repoussée.

Le dossier

[6]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 15 février 2011. Dans sa contre-déclaration, la Requérante a contesté l'ensemble des motifs d'opposition.

[7]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit un affidavit de Jayda Sutton, souscrit le 28 octobre 2011, ainsi qu'un affidavit de Michael Kernaghan, souscrit le 25 octobre 2011.

[8]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Sabrina Perry ainsi qu'un affidavit d'Andy Brunelle, tous deux souscrits le 22 février 2012.

[9]               À titre de preuve en réponse, l'Opposante a produit un second affidavit de Michael Kernaghan, souscrit le 14 juin 2012.

[10]           Aucun contre-interrogatoire n'a été mené.

[11]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; toutefois, seule l'Opposante a sollicité une audience, et seule l'Opposante était présente à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[12]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[13]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475];

         article 38(2)b)/article 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         article 38(2)c)/article 16(1) – la date de premier emploi revendiquée par la Requérante [voir l'article 16(1)];

         article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d'opposition

Article 30b) – Non-conformité

[14]           Le fardeau initial qui incombe à un opposant au titre de l'article 30b) est léger [Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), p. 89] et, pour s'en acquitter, l'opposant peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle du requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216, p. 230 (CF 1re inst.)]. Cependant, si l'opposant choisit de s'appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, il doit démontrer que la preuve du requérant est clairement incompatible avec les revendications que le requérant a formulées dans sa demande [voir Ivy Lea Shirt Co c. 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 CPR (4th) 562, pp. 565-566 (COMC), conf. par 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst.)].

[15]           Comme je l'ai indiqué précédemment, l'Opposante allègue que la Requérante n'a pas commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services à la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Le principal argument avancé par l'Opposante relativement à ce motif est que la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les Services au sens de l'article 4(2) de la Loi.

[16]           L'article 4(2) de la Loi porte qu'une marque de commerce est réputée « employée » en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services. En l'absence d'une preuve de l'exécution réelle des services, l'emploi de la marque de commerce dans l'annonce de ces services est suffisant pour satisfaire aux exigences de la Loi du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (RMC)].

[17]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante s'appuie à la fois sur sa propre preuve et sur la preuve de la Requérante. Pour les raisons exposées ci-dessous, la preuve présentée par l'Opposante confirme que les Services n'ont été exécutés ou prêts à être exécutés en liaison avec la Marque que plusieurs mois après la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. De plus, la preuve de la Requérante confirme que, à la date de premier emploi revendiquée, la Requérante n'avait ni annoncé ni exécuté les Services en liaison avec la Marque, et que les Services n'étaient pas prêts à être exécutés.

[18]           S'agissant de sa propre preuve, l'Opposante cite l'affidavit de Mme Sutton. La pièce A de l'affidavit de Mme Sutton est une copie d'un Provisional Certificate of Approval [certificat provisoire d'approbation] délivré à la Requérante le 12 août 2008 par le ministère de l'Environnement, autorisant la Requérante a exploité un système de gestion des déchets dans la province de l'Ontario. L'Opposante soutient que ce document démontre que la Requérante n'était pas autorisée à fournir quelque service de gestion des déchets que ce soit dans la province avant le 12 août 2008; il s'ensuit que la Requérante n'a pu commencer à employer la Marque au Canada dans la pratique normale du commerce en liaison avec les Services que trois mois après la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Comme nous le verrons dans les paragraphes qui suivent, cet élément de preuve vient corroborer les déclarations de M. Brunelle qui sont comprises dans la preuve que la Requérante a elle-même produite.

[19]           M. Brunelle a joint à son affidavit une Annexe A qu'il décrit comme [traduction] « la chronologie de la création de BiN HERE… BiN THERE ». L'Opposante soutient que la chronologie présentée par M. Brunelle démontre que la date de premier emploi revendiquée par la Requérante correspond à la date à laquelle la Requérante a été constituée en société. Bien que cela soit vrai, ce fait n'est pas suffisant à lui seul pour mettre en doute la date de premier emploi revendiquée par la Requérante [voir Canadian Occidental Petroleum Ltd c. Oxychem Canada Inc (1990), 33 CPR (3d) 345 (COMC)]. Je souligne, toutefois, que l'affidavit de M. Brunelle et la chronologie qui y est annexée comportent d'autres incohérences qui, elles, soulèvent des doutes sérieux quant à l'exactitude des déclarations que la Requérante a formulées dans sa demande.

[20]           Je n'ai pas de raison de douter que la Requérante ait projeté de commencer à offrir ses Services en liaison avec la Marque à la date revendiquée dans la demande. En effet, dans son affidavit, M. Brunelle explique que la conception du logo BiN HERE… BiN THERE a commencé en 2007, et que le logo a donc été imaginé, créé et plusieurs fois remanié bien avant le 6 mai 2008. Pour étayer ses dires, il a joint, comme pièces E, F et G, divers rendus du logo, allant du dessin initial au dessin final retenu. Dans la même veine, il a également joint, comme pièce B, une copie de la page couverture de la première version du plan d'affaires BiN HERE…BiN THERE, dans lequel la Marque occupe une place considérable, préparée en août 2007 et révisée en mars 2008.

[21]           S'agissant de la chronologie de [traduction] « la création de BiN HERE…BiN THERE », présentée par M. Brunelle, il est évident que M. Brunelle a fixé la date de constitution en société de la Requérante au 6 mai 2008 de façon délibérée, car il prévoyait qu'à cette date, il serait en possession d'un camion dûment certifié pourvu d'un système de chargement et de déchargement de bennes ainsi que d'un mécanisme à bâche, avec lequel exécuter les Services. La chronologie de M. Brunelle fait également état d'autres activités accomplies avant le 6 mai 2008, notamment l'élaboration d'un plan d'affaires en vue d'obtenir le financement nécessaire pour l'entreprise.

[22]           Toutefois, selon la chronologie de M. Brunelle, des retards ont fait en sorte que la Requérante, nouvellement constituée en société, a reçu le camion susmentionné uniquement le 17 juin 2008. De même, la chronologie indique que la Requérante a obtenu l'assurance responsabilité civile relative au véhicule uniquement le 20 juin 2008, et l'assurance responsabilité commerciale générale uniquement le 24 juin 2008.

[23]           M. Brunelle indique ensuite dans sa chronologie avoir appris, le 14 juillet 2008, que la Requérante devait détenir à la fois un certificat de [traduction] « système de gestion des déchets » du ministère de l'Environnement et un numéro CVOR (Commercial Vehicle Operator’s Registration [immatriculation de l'utilisateur du véhicule utilitaire], attribué par le ministère des Transports. Il affirme que, [traduction] « à ce moment », la Requérante a présenté des demandes afin d'obtenir à la fois le certificat et le numéro CVOR. On trouve, en outre, le passage suivant dans la chronologie de M. Brunelle relativement à la date du 12 août 2008, lequel concorde avec la preuve de l'Opposante décrite précédemment (pièce A de l'affidavit de Mme Sutton) :

[traduction]
Avons reçu notre Certificat provisoire d'approbation - Système de gestion des déchets. (comme en atteste l'affidavit de Jayda Sutton produit par l'Opposante)

M. Brunelle ne fait pas d'autre mention du numéro CVOR.

[24]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la preuve de l'Opposante, combinée à la preuve que la Requérante a elle-même produite, soulève de sérieux doutes quant à l'exactitude de la date de premier emploi que la Requérante revendique dans sa demande. Plus particulièrement, il appert que la Requérante n'a été en possession de l'équipement, de l'assurance ou de l'autorisation gouvernementale nécessaires pour exécuter les Services que plusieurs mois après la date de premier emploi revendiquée. Bien qu'il ne fasse aucun doute que la Requérante a été constituée en société à la date de premier emploi revendiquée, la simple constitution en société ne constitue pas un emploi d'une marque de commerce au sens de l'article 4 de la Loi. En outre, les activités préalables au lancement mentionnées par M. Brunelle, telles que la création et la conception du logo BiN HERE…BiN THERE, et l'emploi de la Marque dans le plan d'affaires de la Requérante, ne constituent pas non plus un emploi de la Marque au sens de l'article 4(2) de la Loi [voir James c. Kinder-Care Learning Centers, Inc (1983), 76 CPR (2d) 229 (COMC) et Wing Nuts Café c. Joyce 2006 CanLII 80223 COMC].

[25]           En tout état de cause, même si la preuve n'avait pas présenté d'incohérences en ce qui concerne la disponibilité des Services à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, la chronologie de M. Brunelle démontre que la Requérante n'a entrepris d'activités publicitaires et n'a réellement exécuté les Services qu'après la date de premier emploi revendiquée. À cet égard, les activités de nature publicitaire les plus lointaines qui figurent dans la chronologie de M. Brunelle concernent le lancement du site Web de la Requérante le 29 mai 2008. Enfin, il semble, d'après la pièce « BB » annexée à la chronologie de M. Brunelle qui, affirme ce dernier, est une copie de la première déclaration de TPS/TVH produite par la Requérante, que l'exécution réelle des Services a débuté à un moment donné au cours de la période de déclaration s'étendant du 6 juillet 2008 au 30 septembre 2008.

[26]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial en s'appuyant sur sa propre preuve, d'une part et, d'autre part, en démontrant que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec la revendication selon laquelle la Requérante emploie la Marque au Canada depuis le 6 mai 2008. Je dois maintenant déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu'à la date de production, la demande était conforme aux exigences de l'article 30b) de la Loi. La Requérante n'a produit aucune preuve à cet égard; la Requérante ne s'est donc pas acquittée de son fardeau ultime. En conséquence, ce motif d'opposition est accueilli.

[27]           Je termine l'analyse de ce motif en reproduisant un passage du paragraphe 4 de l'affidavit de M. Brunelle :

[traduction]
4. J'insiste sur le fait qu'il existe une courbe d'apprentissage pour toute personne, entreprise ou entité juridique lorsque quelque chose de nouveau est créé. Je n'avais pas de « manuel d'instructions » à ma disposition lorsque j'ai lancé BiN HERE…BiN THERE le 6 mai 2008, ni avant ni pendant le lancement. Il y a eu, au début, certains retards et les renseignements requis n'étaient pas tous disponibles d'emblée. Pour cette raison, certains renseignements concernant l'entreprise ne concordent pas avec la date du 6 mai 2008 et, de ce fait, l'Opposante est devenue obsédée par cette date et s'en sert pour mettre en doute le bien-fondé de ma demande de marque de commerce. […]

[28]           En réponse à ces remarques de M. Brunelle, je cite mon collègue Jean Carrière, membre de la Commission, qui dans Vibe Venture LLC c. 3681441 Canada Inc 2009 CanLII 82160 (COMC) a expliqué avec justesse l'importance et la raison d'être de l'article 30b) de la Loi :

[traduction]
Il n’y a aucun doute que le non-respect des dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi constitue un motif d’opposition valable [voir Structureco Inc c. Jean (1997), 79 CPR (3d) 331 et Lise Watier Cosmetiques Inc c. Villoresi (2009), 76 CPR (4th) 196)]. En produisant une demande fondée sur une date de premier emploi antérieure à la véritable date de premier emploi, un requérant empêche la production d’une déclaration d’opposition par des opposantes qui peuvent avoir des droits ayant pris naissance entre la date de premier emploi revendiquée par la requérante et la véritable date de premier emploi.

Analyse des autres motifs d’opposition

[29]           J'analyserai maintenant les motifs d'opposition restants, lesquels sont tous liés à la probabilité de confusion avec les marques de commerce BIN THERE DUMP THAT et/ou BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante. Je commencerai par évaluer la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante, car je considère que cette marque constitue l'argument le plus solide de l'Opposante.

Confusion – Motif d'opposition fondé sur l'article 16

[30]           En règle générale, la date pertinente pour l'examen d'un motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) est la date de premier emploi revendiquée [article 16(1)a)]. Toutefois, lorsqu'au titre d'un motif d'opposition fondé sur l'article 30b), un opposant a contesté avec succès la date de premier emploi revendiquée par un requérant, la date pertinente pour l'examen d'un motif d'opposition fondé sur l'article 16(1) devient la date à laquelle le requérant a produit sa demande [voir American Cyanamid Co c. Record Chemical Co Inc (1972), 6 CPR (2d) 278 (COMC); Everything for a Dollar Store (Canada) Inc c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd, (1998), 86 CPR (3d) 269 (COMC)]. Par conséquent, la date pertinente pour déterminer la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante est le 23 février 2010.

[31]           Dans son plaidoyer écrit et dans la preuve qu'elle a produite, la Requérante semble contester le droit de l'Opposante de soulever un motif d'opposition sur la base d'une marque de commerce qui n'est pas enregistrée. Plus particulièrement, M. Brunelle affirme dans son affidavit que [traduction] « l'Opposante a seulement obtenu des droits à l'égard de la marque de commerce […] qui est formée des quatre mots ». Plus loin, il ajoute : [traduction] « J’allègue que la désignation “Bin There Dump That et Dessin” (demande de MC no 1516819) n'a pas d'incidence sur notre demande de marque de commerce puisqu'en date d'aujourd'hui, l'enregistrement de la marque “Bin There DumBin There Dump Thatp That et Dessin” visée par la demande no 1516819 n'a pas été accordé par l'OPIC ».

[32]           Or, un motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) permet à un opposant d'invoquer les droits sur une marque de commerce reconnus par la common law; c'est-à-dire les droits sur une marque de commerce qui existent indépendamment de son enregistrement. L'Opposante a invoqué les droits sur sa marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin qui lui sont conférés par la common law, tel qu'il appert de son motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) de la Loi. Ce motif d'opposition est distinct et indépendant d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi, lequel concerne expressément la confusion avec une marque de commerce enregistrée.

[33]           Cela dit, l'Opposante a tout de même, à l'égard de ce motif d'opposition, le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin était déjà en usage à la date de production de la demande de la Requérante, à savoir le 23 février 2010, et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la Marque, à savoir le 15 septembre 2010.

[34]           Des éléments de preuve concernant l'emploi de la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante ont été produits par la voie de l'affidavit de M. Kernaghan. Dans son affidavit, M. Kernaghan explique que, depuis 2003, les services liés aux marques de commerce BIN THERE DUMP THAT et BIN THERE DUMP THAT & Dessin sont exécutés au Canada de façon continue et à grande échelle par des franchisés aux termes de licences octroyées par l'Opposante. Il affirme qu'en tout temps, l'Opposante a exercé, dans le cadre de ces licences, un contrôle sur l'emploi que ses franchisés faisaient de ces marques de commerce, et sur les caractéristiques et la qualité des services exécutés en liaison avec ces marques de commerce. Il affirme également que tous les franchisés ont signé un contrat de franchise détaillé en vertu duquel l'Opposante exerce un contrôle strict sur l'emploi que font les franchisés de ces marques de commerce ainsi que sur les caractéristiques et la qualité des services exécutés en liaison avec ces marques de commerce. Il a fourni, comme pièce C de son affidavit, un spécimen de contrat de franchise qui, affirme-t-il, est représentatif des dispositions relatives au contrôle de la qualité et du type de contrat que l'Opposante a conclu avec chacun de ses franchisés. Compte tenu de cette preuve, je considère que tout emploi effectué par de tels franchisés est un emploi sous licence qui profite à l'Opposante, conformément aux dispositions de l'article 50 de la Loi.

[35]           M. Kernaghan affirme que 16 franchisés étaient déjà en activité à la date de premier emploi alléguée par la Requérante. Il atteste que les ventes annuelles approximatives des services visés par la licence, exécutés en liaison avec les marques de commerce BIN THERE DUMP THAT et BIN THERE DUMP THAT & Dessin, ont été supérieures à 500 000 $ dès 2003, qu'elles ont franchi le cap du million de dollars en 2007 et qu'elles s'élevaient à plus de 5 000 000 $ en 2010.

[36]           Comme preuve supplémentaire de l'emploi des marques de commerce BIN THERE DUMP THAT de l'Opposante, M. Kernaghan a joint les éléments de preuve pertinents suivants :

         des copies d'écran du site Web www.bintheredumpthat.com de l'Opposante (pièce D), qui comprennent des photographies de camions et de bennes montrant clairement les marques de commerce et qui, selon M. Kernaghan, illustrent la façon dont ces marques de commerce sont affichées bien en vue par les franchisés de l'Opposante depuis 2003;

         des annonces montrant clairement les marques de commerce BIN THERE DUMP THAT qui ont été publiées dans les annuaires Yellow PagesMC par les franchisés de l'Opposante depuis 2004 (pièce E);

         des exemples de documents publicitaires sur lesquels les marques de commerce figurent bien en vue et qui, depuis 2003, ont été distribués à raison de plusieurs centaines de milliers d'exemplaires dans les boîtes aux lettres résidentielles de Canadiens (pièce F).

[37]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l'égard de ce motif relativement aux services consistant à déposer des bennes à ordures/recyclage vides à une résidence, puis à ramasser ces bennes une fois pleines et à assurer l'élimination des matières résiduelles. Par conséquent, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[38]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[39]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Les critères énumérés ci-dessus ne constituent pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[40]           L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a), lequel concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties, favorise l'Opposante. S'agissant du caractère distinctif inhérent, les marques des parties possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent, car elles comportent toutes deux un jeu de mots évident. Néanmoins, comme je l'ai mentionné précédemment, l'Opposante a produit une preuve de l'emploi à grande échelle de sa marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin au Canada depuis 2003. En revanche, tel qu'il ressort de mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 30b), la Requérante a commencé à employer la Marque à un moment donné au cours des mois qui ont suivi la date de premier emploi qu'elle revendique.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante est devenue connue au Canada en liaison avec des services de gestion des déchets dans une mesure bien plus importante que la Marque. Par conséquent, je considère que ce facteur favorise l'Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques ont été en usage

[42]           Bien que la Requérante ait pu commencer à employer la Marque à un moment donné au cours des mois qui ont suivi la date de premier emploi qu'elle revendique, l'Opposante a établi l'emploi de sa marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin au Canada depuis 2003. Ainsi, j'estime que la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante est employée au Canada depuis plus longtemps que la Marque et, par conséquent, ce facteur favorise l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[43]           Les services de gestion des déchets de la Requérante sont extrêmement semblables aux services de gestion des déchets de l'Opposante et, par conséquent, ces derniers se recoupent. En outre, il est évident, au vu de la preuve et du recoupement entre les services des parties, que les voies de commercialisation des parties se recoupent également.

[44]           Compte tenu de ce qui précède, les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent l'Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[45]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faille considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême a fait observer qu’il est préférable, au moment de comparer des marques de commerce, de se demander d’abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique.

[46]           Pour les raisons exposées ci-dessous, j'estime qu'il existe une ressemblance substantielle entre les marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées. Ce facteur favorise donc l'Opposante.

[47]           Dans son affidavit, M. Brunelle décrit, avec justesse, la Marque de la manière suivante :

[traduction]
Le dessin de BiN HERE…BiN THERE […], montre clairement deux formes rectangulaires représentant une benne amovible classique aussi appelée conteneur à déchets. Sur le logo, une des bennes se trouve sur le sol et contient les mots « BiN HERE… », tandis que l'autre benne est chargée sur le camion et contient les mots « BiN THERE ».

[48]           Au paragraphe 7 de son affidavit, M. Brunelle décrit ce qui, selon lui, aurait servi d'inspiration pour la Marque. Il mentionne, en particulier, une chanson de Johnny Cash, dont il a joint les paroles comme pièce H. Il explique que le principal refrain de cette chanson est « I’ve been everywhere man » [j'ai voyagé partout, mon ami] et affirme : [traduction] « en deux mots, mon inspiration est “I’ve got bins here… and I’ve got bins there (man)” [j'ai eu des bennes ici... et j'ai eu des bennes là (mon ami)]. » Or, il n'y a aucune preuve indiquant que le consommateur moyen associerait la Marque avec cette chanson. En outre, j'estime qu'il est évident que la Marque est un jeu de mots inspiré de l'expression « been here… been there » [je me suis promené un peu partout], et que l'emploi des mots « here » et « there » dans l'expression évoque l'idée d'être allé « partout » ou « en tous lieux ».

[49]           La marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante est, elle aussi, formée de mots du dictionnaire d'usage courant et d'un dessin de camion. Tout comme la Marque, la marque de l'Opposante est un jeu de mots; inspiré, celui-là, de l'expression « been there, done that » [je suis déjà passé par là].

[50]           Ainsi, les marques des parties évoquent toutes deux un jeu de mots lié à l'idée du dépôt ou du placement de bennes à déchets. J'ajouterai qu'en plus de comprendre toutes deux les mots « bin there », les marques des parties comprennent également toutes deux un dessin de camion qui accentue encore davantage la ressemblance visuelle générale qui existe entre elles.

Conclusion

[51]           Dans l'application du test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles (2011), 92 CPR (4th) 361, la Cour suprême du Canada a insisté sur l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion. En l'espèce, j'ai conclu que les marques des parties présentent des similitudes sur le plan visuel, sur le plan sonore et dans les idées qu'elles suggèrent.

[52]           À cela s'ajoute le fait que les services des parties sont identiques ou se recoupent, tout comme les voies de commercialisation. Enfin, la preuve démontre que la marque de l'Opposante est devenue mieux connue au Canada, grâce à un emploi plus substantiel s'étendant sur une plus longue période.

[53]           Ainsi, compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas, à la date du 23 février 2010, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) de la Loi est accueilli relativement à la marque de commerce BIN THERE DUMP THAT & Dessin de l'Opposante. Par conséquent, je n'examinerai pas la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale BIN THERE DUMP THAT (LMC642,547) de l'Opposante, qui a également été invoquée au soutien de ce motif d'opposition.

Autres motifs d'opposition

[54]           Comme j'ai déjà tranché en faveur de l'Opposante relativement à deux des motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[55]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

 

______________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

 

 


Anenxe « A »

Numéro de demande

Marque de commerce

Services

1,470,941

BiN HERE... BiN THERE & DESIGN

[traduction]
(1) Services de gestion des déchets et services d'entreposage temporaire de conteneurs.

(2) Placer des bennes à déchets/ordures/matériaux à recycler (aussi appelés conteneurs amovibles) à des emplacements résidentiels, commerciaux ou industriels, puis enlever les bennes/conteneurs une fois pleins et assurer l'élimination de leur contenu.

(3) Placer des bennes de stockage vides à des emplacements résidentiels, commerciaux ou industriels, puis enlever les bennes vides ou déplacer les bennes et leur contenu à un autre endroit, selon le cas.

(4) Placer des bennes à déchets/ordures/matériaux à recycler (aussi appelés conteneurs amovibles) à des emplacements résidentiels, commerciaux ou industriels, fournir des services d'enlèvement des déchets/ordures ou de nettoyage des matériaux à recycler, puis enlever les bennes/conteneurs une fois pleins et assurer l'élimination de leur contenu.

 


 

Annexe « B »

Numéro d'enregistrement

Marque de commerce

Marchandises/Services

LMC642,547

BIN THERE DUMP THAT

[traduction]
Marchandises : Bennes à ordures/recyclage.

 

Services : Dépôt de bennes à ordures/recyclage vides à une résidence, puis collecte de ces bennes une fois pleines et élimination des matières résiduelles.

Autre :

Marque de commerce

Marchandises/Services

BIN THERE DUMP THAT MINI DISPOSAL & ENVIRONMENTAL SERVICES & DESIGN

[traduction]
Marchandises : Bennes à ordures/recyclage.

 

Services : Dépôt de bennes à ordures/recyclage vides à une résidence, puis collecte de ces bennes une fois pleines et élimination des matières résiduelles.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.