Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 222

Date de la décision : 2010-12-21

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Buksesnedkeren APS à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,283,475 pour la marque de commerce H2OFF Logo au nom de Toray Kabushiki Kaisha s/n Toray Industries, Inc.

[1]               Le 12 décembre 2005, Toray Kabushiki Kaisha s/n Toray Industries, Inc. (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce H2OFF Logo (la Marque), reproduite ci‑dessous :

[2]               La demande vise les marchandises et repose sur les bases suivantes :

(a)     « Textiles tissés pour la confection de vêtements d’extérieur; manteaux, pantalons, vestes, coupe-vent et blousons », basée sur l’emploi projeté;

(b)     « Blousons pour sports », basée sur l’emploi et sur l’enregistrement au Japon le 31 janvier 1992 sous le no 2370317;

(c)     « Textiles tissés pour la fabrication de vêtements d’extérieur », basée sur l’emploi et sur l’enregistrement au Japon le 31 mars 1992 sous le no 2393227;

(d)    « Manteaux, pantalons, vestes et blousons », basée sur l’emploi et sur l’enregistrement le 30 septembre 1992 au Japon sous le no 2452855.

[3]               Lorsque indiqué, je me reporterai aux marchandises susmentionnées collectivement sous l’appellation « les Marchandises ».

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 10 janvier 2007.

[5]               Le 10 octobre 2007, Buksesnedkeren APS (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

(a)     Suivant les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’Opposante :

                                                                    i.      H2O & Dessin (no d’enregistrement LMC339,264), reproduite ci‑dessous, enregistrée pour emploi avec divers types de vêtements :

                                                                  ii.      H2O Dessin (no d’enregistrement LMC596,335), reproduite ci‑dessous, enregistrée pour emploi avec divers types de vêtements, articles chaussants et sacs :

(collectivement appelées, ci‑dessous, les marques de l’Opposante)

(b)     Suivant les alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de l’Opposante, antérieurement employées et révélées au Canada depuis le 14 janvier 1983 au moins.

(c)     La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, contrairement aux dispositions de l’alinéa 38(2)d), du paragraphe 16(1) et de l’article 2 de la Loi, car elle crée de la confusion avec les marques de l’Opposante et elle est destinée à être employée en liaison avec des marchandises recoupant celles de l’Opposante. La Marque n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante.

 

[6]               Le 19 mars 2008, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

[7]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit en preuve, conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195 (le Règlement), l’affidavit d’Erica Langwost, souscrit le 20 octobre 2008, accompagné des pièces A à D, et celui de Jean Choquette, souscrit le 20 octobre 2008, accompagné des pièces A à E. Le 9 mars 2009, l’Opposante a été autorisée en vertu de l’article 44 du Règlement à produire l’affidavit de Mats Peter Nihlén, souscrit le 15 décembre 2008, à titre de preuve supplémentaire.

[8]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit souscrit par Kazuhiko Shuto le 1er juin 2009, auquel étaient jointes les pièces A à E.

[9]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Aucune des parties n’a demandé d’audience.

La preuve

[10]           Je tiens à préciser que les déclarations des déposants exposant leur opinion au sujet de questions intéressant le fond des oppositions n’entreront pas dans l’examen de la preuve et qu’il ne leur sera accordé aucun poids [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, à la page 53 (Battle), et Les Marchands Deco Inc. c. Société Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

La preuve de l’Opposante

Erica Langwost

[11]           Mme Langwost est assistante juridique dans le cabinet des agents de l’Opposante.

[12]           Elle a joint à son affidavit une copie certifiée conforme de l’enregistrement LMC596,335 visant la marque de commerce H2O Dessin, propriété de l’Opposante (pièce A).

[13]           Sont également joints à l’affidavit de Mme Langwost des copies papier de divers sites Web, plus précisément, des documents provenant, selon elle, (i) du site Web de l’Opposante figurant à l’adresse www.H20‑sportswear.com, en date du 29 août 2008 (pièce B); (ii) du site Web de Sports Experts qui, suivant ce que déclare la déposante, est le magasin d’articles de sport exploité par le distributeur canadien de l’Opposante, Forzani Group Ltd. (Forzani), figurant à l’adresse http://sportsexperts.ca, en date du 17 octobre 2008 (pièce C) et (iii) du site Web de l’Opposante figurant à l’adresse www.buksesnedkeren.dk, en date du 20 octobre 2008 (pièce D).

[14]           L’Opposante n’ayant pas expliqué ce qu’elle cherche à prouver au moyen de ces copies papier de sites Web, je ne puis tirer grand-chose de cette preuve. En outre, la déclaration de Mme Langwost sur le lien existant entre Sports Experts et Forzani constitue du ouï‑dire et, de toute manière, il est clairement établi en droit que les copies papier de sites Web ne peuvent pas être présentées comme preuve de la véracité des déclarations qui y sont faites [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F. 1re inst.), infirmé par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.) (Candrug)]. En l’espèce, ces copies papier de sites Web permettent donc tout au plus d’inférer que les pages Web existaient aux dates susmentionnées où elles ont été imprimées.

Jean Choquette

[15]           M. Choquette est un enquêteur privé employé par le Groupe Canaprobe, entreprise d’enquête ayant son siège social dans la province de Québec. Il a déclaré que l’entreprise fournit notamment des services d’enquête relativement à des différends en matière de propriété intellectuelle. Il déclare également avoir dix ans d’expérience comme enquêteur.

[16]           Il indique dans son affidavit qu’il s’est rendu dans un magasin du détaillant « Sports Experts » le 17 octobre 2008 et qu’il y a acheté deux articles portant la marque de commerce H2O Dessin, à savoir un manteau pour homme et un manteau pour femme. Il a joint à l’affidavit une photocopie de la facture de l’achat, effectué au magasin Sports Experts sis au 7275 Sherbrooke Est, Montréal (Québec) (pièce A).

[17]           M. Choquette a également joint à son affidavit des photocopies des « étiquettes mobiles » attachées aux vêtements au moment où il en a fait l’acquisition (pièces B et C). Je constate que la marque de commerce H2O Dessin y figure bien en évidence.

[18]           Est aussi annexée à l’affidavit de M. Choquette la photocopie de l’« étiquette de produit » qui était attachée au manteau pour femme au moment de l’achat. Le déposant déclare qu’y figurent le prix du vêtement (149,99 $) et le nom du modèle particulier de manteau, à savoir le manteau H2O « CELINA » ainsi que le code barres du détaillant Sports Experts (pièce D). Je constate que le prix et le numéro de série ressortent bien, mais qu’en raison de la qualité déficiente de l’image il est difficile de distinguer la marque de commerce H2O Dessin ou le nom de modèle CELINA. Quoi qu’il en soit, M. Choquette a joint à son affidavit une série de photocopies de photos du manteau pour femme (pièce E), et je constate que le manteau qui y figure porte bien la marque de commerce H2O Dessin.

Mats Peter Nihlén

[19]           M. Nihlén est le directeur général de l’Opposante depuis le mois de mars 2008. Voici un résumé de ses déclarations.

[20]           L’Opposante a commencé à concevoir, fabriquer, distribuer et mettre en marché des produits sous ses marques en 1982.

[21]           L’Opposante est représentée dans plus de 15 pays, et elle fait la promotion et la distribution de ses produits partout dans le monde, y compris au Canada.

[22]           L’Opposante est actuellement propriétaire de l’enregistrement no LMC596,335 visant la marque de commerce H2O Dessin. Je relève qu’il ne mentionne pas l’enregistrement no LMC339,264 visant la marque de commerce H2O & Dessin.

[23]           [traduction] « [L]es marques H2O ont été crées en 1982 pour souligner la grande qualité, la polyvalence et "l’excellence de l’ajustement" » tout en faisant la promotion de valeurs mises de l’avant par l’Opposante, à savoir [traduction] « l’eau, la Scandinavie, un style de vie social et le sport ».

[24]           Depuis 1982, l’Opposante conçoit des vêtements pour hommes et femmes de tous âges visant à répondre à toutes sortes de conditions météorologiques, notamment des vêtements et accessoires d’extérieur (les produits H2O de l’Opposante). L’énoncé de mission de l’Opposante concernant les produits H2O est de [traduction] « concevoir et fabriquer des vêtements de sport fonctionnels d’allure contemporaine afin d’inspirer les gens à mener une vie active ».

[25]           Dès 1982, l’Opposante et/ou ses titulaires de licence ont activement promu, commercialisé et annoncé les produits H2O dans tout le Canada, en faisant de la publicité au moyen de circulaires et d’autres outils de promotion provenant du distributeur exclusif de l’Opposante pour le Canada, The Forzani Group Ltd./Le Forzani Group Ltd. (Forzani).

[26]           L’Opposante a vendu à Forzani pour revente aux consommateurs canadiens 326 000 $ (USD) de produits H2O pour la saison 2008 et 195 922 $ (USD) pour le printemps 2009.

[27]           L’Opposante commercialise ses produits H2O partout au Canada et dans le monde par l’intermédiaire de son site Web, www.H2O-sportswear.com. Ce site indique où trouver des détaillants de ces produits partout dans le monde, et il comporte un hyperlien menant au site Web de Forzani et donne l’adresse du Groupe à Laval (Québec).

[28]           M. Nihlén déclare aussi qu’il existe un vaste marché pour les produits H2O de l’Opposante au Canada et partout dans le monde et que les clients de l’Opposante vont des gens voulant acheter [traduction] « des vêtements de loisir actuels et fonctionnels pour homme, femme ou enfant » aux « athlètes et golfeurs de haut niveau recherchant des vêtements de qualité pour toute condition météorologique ».

La preuve de la Requérante : Kazuhiko Shuto

[29]           M. Shuto est le directeur général du département des textiles pour vêtements et vêtements de sport de la Requérante. Il travaille pour la Requérante depuis 1980 et il occupe son poste actuel depuis 2008. Voici un résumé de ce qu’il a déclaré dans son affidavit.

[30]           La Requérante est une entreprise japonaise de fabrication de produits chimiques qui a été fondée en 1926. À la date de l’affidavit (juin 2009), l’entreprise œuvrait dans plusieurs domaines, dont les [traduction] « fibres et textiles», les « plastiques et produits chimiques », les « produits de TI », les « matériaux composites en fibre de carbone », l’« environnement et l’ingénierie » et les « sciences de la vie (produits pharmaceutiques, médicaux et autres) ». Est jointe à l’affidavit la copie papier d’une page du site Web de la Requérante énumérant ces divers champs d’activité (pièce A).

[31]           Vers 1980, la Requérante a mis au point des [traduction] « textiles tissés novateurs » [traduction] « durablement déperlants », « hydrorésistants sans enduit ou adhésif », « très respirants », « naturels et doux au toucher» et « faciles d’entretien » (les tissus de la Requérante). Ces tissus peuvent être utilisés dans la confection de vêtements [traduction] « de sport, de plein air ou tout‑aller ». La Requérante a forgé le mot « H2OFF » et créé la Marque pour emploi en liaison avec ses tissus. Une copie papier tirée du site Web de la Requérante faisant la promotion de ces tissus est jointe à l’affidavit (pièce B).

[32]           La Requérante a commencé à vendre ses tissus au Japon en 1989, et elle les a vendus sans interruption depuis cette date à des fabricants de vêtements de sport, de vêtements de plein air ou de vêtements tout‑aller. M. Shuto fournit les chiffres d’affaires afférents aux ventes des tissus de la Requérante réalisées au Japon au cours des années 2003 à 2008. Ces chiffres ne sont pas pertinents en l’espèce puisqu’ils ne concernent pas le Canada; aucun poids ne leur sera donc attribué.

[33]           La Requérante a élaboré une [traduction] « politique promotionnelle » au Japon, prévoyant que les fabricants de vêtements qui se procurent ses tissus attachent aux produits finis une étiquette volante portant la Marque afin d’informer les acheteurs que le vêtement est confectionné avec les tissus de la Requérante. Je suis d’avis que cette politique peut être considérée comme un programme de publicité faisant appel à l’« association de marques ». Est joint à l’affidavit (pièce C) un échantillon d’étiquette volante portant la Marque, présenté comme représentatif des étiquettes utilisées au Japon. Puisque les fabricants de vêtements n’agissent pas comme distributeurs des tissus de la Requérante mais qu’ils les utilisent plutôt comme matière première dans la fabrication de vêtements portant leurs propres marques, la présence de la Marque sur les étiquettes attachées aux vêtements constitue, dans le meilleur des cas, un emploi de la Marque par un tiers. La Requérante ne pourrait bénéficier d’un tel emploi que si elle a octroyé des licences à cette fin. En l’espèce, la Requérante n’a fourni aucun renseignement concernant l’existence de telles licences, de sorte qu’il me faut conclure qu’il n’en existe pas. Par conséquent, l’étiquette volante ne prouve pas l’emploi de la Marque de la Requérante. De toute manière, M. Shuto a précisé que l’échantillon d’étiquette est représentatif des étiquettes utilisées au Japon, non au Canada. Enfin, même si j’acceptais l’étiquette comme preuve de l’emploi de la Marque dans un programme de publicité faisant appel à l’association de marques, il reste que l’utilisation d’une marque à des fins publicitaires ne suffit pas en soi pour constituer un emploi en liaison avec les marchandises [voir BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 (C.A.F.)].

[34]           La Requérante a commencé à vendre ses tissus ailleurs qu’au Japon vers 1992. M. Shuto a fourni les chiffres d’affaires afférents au [traduction] « commerce extérieur » des tissus de la Requérante pour les années 2003 à 2008. Bien qu’on puisse raisonnablement présumer que le Canada fasse partie des pays dans lesquels la Requérante exerce son « commerce extérieur », les pays contribuant à ces chiffres d’affaires ne sont pas mentionnés. Comme on ne sait pas si ces chiffres se rapportent au Canada, ils ne sont pas pertinents et aucun poids ne leur sera donc attribué.

[35]           Les clients internationaux les plus importants de la Requérante pour ce qui est de ses tissus sont L.L. Bean Inc., une entreprise américaine du Maine (L.L. Bean), et J. Lindeberg AB de Stockholm, en Suède (J. Lindeberg). Depuis 1992, la Requérante a vendu environ deux millions de mètres de ses tissus à L.L. Bean et 380 mille mètres à J. Lindeberg. Aucun de ces clients n’est installé au Canada. L’affidavit de M. Shuto renferme du ouï‑dire au sujet du commerce de ces clients et de leur utilisation des tissus de la Requérante dans la confection de vêtements. Le déposant affirme que la Requérante applique dans les marchés extérieurs une [traduction] « politique promotionnelle » semblable à celle qu’elle pratique au Japon et il joint à l’affidavit un échantillon d’[traduction] « étiquette promotionnelle », analogue, selon lui, à l’étiquette volante, qui est utilisée en application de cette politique dans les marchés extérieurs (pièce D). Cette étiquette promotionnelle serait utilisée dans le cadre des ventes aux clients des marchés extérieurs, notamment L.L. Bean et J. Lindeberg. Comme on l’a vu précédemment, la présence de la Marque sur de telles étiquettes ne constitue pas un emploi de celle‑ci au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Vu ce qui précède, je n’accorderai en définitive aucun poids aux déclarations de M. Shuto relatives au commerce de L.L. Bean ou J. Lindeberg.

[36]           M. Shuto déclare qu’il n’est au courant d’aucun cas de confusion chez les clients de la Requérante, dont L.L. Bean et J. Lindberg, entre les marques des parties.

[37]           Pour résumer, je suis d’avis que l’affidavit de M. Shuto ne fait aucunement la preuve que la Marque a été employée ou révélée au Canada.

Le fardeau de preuve

[38]           Il incombe à la Requérante de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[39]           La date pertinente pour l’examen de la confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[40]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de confirmer la régularité en date d’aujourd’hui des enregistrements des marques de l’Opposante. Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif d’opposition, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire suivant la prépondérance des probabilités de l’absence de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une ou plusieurs des marques de l’Opposante.

[41]           L’Opposante a présenté des éléments de preuve à l’égard de sa marque H2O Dessin, mais non à l’égard de la marque H2O & Dessin. C’est donc en rapport avec l’enregistrement LMC596,335 visant la marque H2O Dessin que la preuve de l’Opposante est le plus solide et, à moins d’indication contraire, mon analyse portera sur cette marque. La question de la confusion relative à cette marque déterminera donc l’acceptation ou le rejet de ce motif d’opposition.

[42]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[43]           En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles que mentionne expressément le paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).] 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[44]           La marque de commerce H2O Dessin est constituée de l’élément verbal H2O à traitement graphique intégré prenant la forme d’une simple police de caractères stylisée. La Requérante fait valoir, relativement au caractère distinctif inhérent de la marque de commerce H2O Dessin, qu’on peut interpréter cette marque de deux façons, soit (a) [traduction] « la formule chimique très connue de l’eau, que tous les Canadiens apprennent à l’école secondaire » soit (b) [traduction] « un simple assemblage de lettres et de chiffres ».

[45]           S’agissant de la première interprétation, la Requérante soutient que le registraire doit prendre connaissance d’office du fait que H2O est devenu synonyme d’eau, comme la Cour fédérale l’a fait dans 17394 Alberta Ltd. c. H2O Co. Beverages Ltd. (2005), 38 C.P.R. (4th) 537. Il n’est pas nécessaire que je suive le raisonnement exposé dans cette décision puisque je peux moi‑même consulter des dictionnaires pour établir le sens d’un mot [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 103 (C.O.M.C.)]. J’ai consulté le Canadian Oxford Dictionary, qui donne la définition suivante du mot « water » : [traduction] « le liquide dont sont constitués les océans, les lacs, les rivières et la pluie et qui forme l’élément fondamental des fluides des organismes vivants; formule chimique : H2O » (je souligne). On peut donc raisonnablement conclure que H2O signifie eau.

[46]           Selon la Requérante, si l’on considère que la marque H2O Dessin veut dire eau, elle est suggestive à l’égard des marchandises qu’elle vise. La Requérante appuie cet argument notamment sur les paragraphes 9 et 15 de l’affidavit Nihlén, affirmant que les vêtements vendus sous cette marque sont conçus pour toutes les conditions météorologiques, ce qui, selon elle, serait considéré comme incluant la pluie et la neige. Je relève aussi que M. Nihlén déclare, au paragraphe 8 de son affidavit, que l’eau figure parmi les valeurs de l’entreprise de l’Opposante. La Requérante affirme que la marque H2O Dessin pourrait donc suggérer [traduction] « des propriétés d’imperméabilité, de résistance à l’eau ou de conduction d’eau ». Je n’irais pas aussi loin, mais je suis disposée à accepter que la marque de commerce H2O Dessin, considérée en liaison avec les marchandises de l’Opposante visées par l’enregistrement, pourrait suggérer une qualité de ces marchandises, à savoir qu’elles peuvent être hydrofuges.

[47]           La Requérante prétend aussi que H2O Dessin serait pareillement considérée comme une marque faible si l’on y voyait plutôt un simple assemblage de lettres et de chiffres, et qu’il suffirait alors de petites différences pour qu’elle se distingue d’autres marques [voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F. 1re inst.)]. Je lui donne raison.

[48]           J’estime que les deux interprétations de la marque H2O Dessin sont acceptables et que l’adoption de l’une ou l’autre mène à la même conclusion, à savoir qu’il s’agit d’une marque faible sans grand caractère distinctif inhérent.    

[49]           La Requérante dit par ailleurs de sa Marque, avec raison, qu’il s’agit d’un mot inventé. Bien qu’elle comprenne l’élément non distinctif H2O, il est probable qu’elle se prononcerait « H-2-OFF », ce qui lui confère à mon avis un certain caractère distinctif inhérent, du fait qu’elle est dépourvue de signification. La Marque possède aussi des caractéristiques graphiques intrinsèques résidant dans les caractères cursifs de fantaisie qui la composent et la touche décorative ajoutée à la lettre « O ». Toutefois, je ne considère pas que ces caractéristiques rendent la Marque plus distinctive, parce qu’elles font partie intégrante de l’élément verbal [voir Canadian Jewish Review Ltd. c. The Registrar of Trade-marks (1961), 37 C.P.R. 89 (C.É.); CanWest Global Communications Corp. c. TV Globo Ltd., 2007 CarswellNat 1061 (C.O.M.C.)].

[50]           Puisqu’il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce au Canada en la faisant connaître par la promotion ou l’usage, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[51]           Je réitère ma conclusion antérieure selon laquelle l’affidavit Shuto ne permet pas de conclure que la Marque soit devenue le moindrement connue au Canada.

[52]           Au moyen des affidavits Choquette et Nihlén, l’Opposante a présenté, une preuve d’emploi de la marque de commerce H2O Dessin au Canada. Plus précisément, M. Choquette a illustré l’emploi de cette marque en liaison avec un manteau pour femme acheté au Canada au mois d’octobre 2008. M. Nihlén déclare en outre dans son affidavit que l’Opposante a commencé à vendre ses produits de marque H2O Dessin par l’intermédiaire de son distributeur canadien Forzani, dès 1982. Enfin, M. Nihlén déclare que Forzani a acquis pour revente aux consommateurs canadiens pour 326 000 $ (USD) de marchandises de l’Opposante en 2008, et pour 195 922 $ (USD) au printemps 2009.

[53]           Je conclus par conséquent que la marque H2O Dessin de l’Opposante est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

[54]           Vu ce qui précède, j’estime que, globalement, l’examen de ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties de façon importante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage

[55]           La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 12 décembre 2005 sur la double base de l’emploi projeté au Canada et de l’emploi et l’enregistrement Japon. Il a déjà été expliqué en détail que l’usage de la Marque au Canada n’a pas été établi. 

[56]           La marque H2O Dessin de l’Opposante a été enregistrée sous le no LMC596,335 le 3 décembre 2003, sur la base de l’emploi et l’enregistrement dans un autre pays. Cet enregistrement me permet de présumer qu’il y a eu au moins un emploi de minimis de cette marque de commerce [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. En outre, au moyen des affidavits Choquette et Nihlén, l’Opposante affirme employer sa marque et, qui plus est, présente un exemple d’emploi à compter de 2008.

[57]           Par conséquent, je conclus que ce facteur est favorable à l’Opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[58]           L’examen de la nature des marchandises et du commerce des parties, dans le cadre de l’évaluation de la confusion au sens de l’alinéa 12(1)d), se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises contenu dans l’enregistrement [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[59]           La Requérante a demandé l’enregistrement de la Marque pour emploi en liaison avec des « [t]extiles tissés pour la confection de vêtements d’extérieur; manteaux, pantalons, vestes, coupe-vent et blousons ».

[60]           L’enregistrement de la marque de commerce déposée H2O Dessin vise les marchandises suivantes :

(a)     Vêtements, nommément vestes, manteaux, costumes, chandails, shorts, pantalons, pantalons sport, robes, jupes, chemises, chemisiers, chandails à col roulé, hauts, jeans, vestes en denim, gilets, blazers, cardigans, pulls, jerseys, polos de tricot, tenues de jogging, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, maillot de bain, imperméables, foulards, mouchoirs, cravates, bonneterie, gants, bretelles, pyjamas, peignoirs, ponchos, chasubles et uniformes; articles chaussants, nommément chaussures, chaussures de course, espadrilles, couvre-chaussures et bottes; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes et bandeaux;

(b)     Valises, sacs de voyage, sacs à main, sacs à bandoulière, sacs de plage, sacs de sport, sacs à dos et havresacs; bourses, portefeuilles, étuis à cartes, parapluies et parasols.

(ci-après appelées les marchandises de l’Opposante)

[61]           Il y a clairement recoupement entre les marchandises de la Requérante et de l’Opposante constituées de vêtements. 

[62]           Bien que les « textiles tissés » de la Requérante ne soient pas identiques aux vêtements de l’Opposante, on peut raisonnablement inférer qu’il s’agit de marchandises très semblables. Du reste, le registraire a déjà statué qu’il existe [traduction] « une relation étroite entre les tissus et les vêtements, faisant en sorte que, dans l’esprit du public, ils sont perçus dans les deux cas comme provenant d’une source commune » [voir Johnson & Johnson c. C.M.A. Distributors Ltd. (1982), 74 C.P.R. (2d) 121 (C.O.M.C.), à la page 127]. C’est particulièrement vrai en l’espèce, les tissus de la Requérante étant décrits comme servant à « la confection de vêtements d’extérieur ». Il me paraît en outre raisonnable de penser que compte tenu de la politique promotionnelle que la Requérante pratique au Japon, elle voudra appliquer le même régime d’association de marques au Canada, ce qui fait que la Marque serait apposée à des vêtements confectionnés par des tiers en se servant des tissus de la Requérante. Cette inférence renforce encore le lien entre les textiles tissés de la Requérante et les vêtements de l’Opposante.

[63]           Le dossier ne renferme aucune preuve concernant la nature du commerce de la Requérante au Canada. La demande d’enregistrement n’énonce pas non plus de restriction relativement aux voies de commercialisation.

[64]           Le recoupement existant entre les marchandises des parties m’amène à conclure que, pour ce qui est des vêtements portant la Marque de la Requérante, les voies de commercialisation de la Marque et celles de la marque de commerce H2O Dessin pourraient aussi se recouper.

[65]           Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Alinéa 6(5)e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[66]           La plupart du temps, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent est le facteur le plus important, les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, confirmé par C.P.R. (2d) (C.F. 1re inst.)].

[67]           Il est pertinent pour l’analyse du degré de ressemblance entre les marques des parties de signaler que la Marque incorpore l’intégralité de l’élément verbal de la marque H2O Dessin.

[68]           H2O forme dans les deux cas la première partie de la marque. Comme on l’a vu, cet élément peut être perçu soit comme la formule chimique de l’eau soit comme un assemblage de lettres et de chiffres. Il est bien établi que, pour l’appréciation du caractère distinctif, la première partie d’une marque de commerce est la plus pertinente [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188]. Toutefois, le premier élément (H2O) perd de l’importance en l’espèce en raison de son peu de caractère distinctif inhérent [voir Vancouver Sushiman Ltd. c. Sushiboy Foods Co. (2002), 22 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)]. On mettra donc l’accent sur les autres éléments des marques des parties.

[69]           L’élément supplémentaire de la Marque est constitué des lettres « FF » servant à la création d’un mot inventé, prononcé « H-2-OFF». En elles‑mêmes, les lettres « FF » sont dépourvues de caractère distinctif inhérent puisqu’elles ne constituent qu’une suite de lettres. Pour ce qui est de la marque de commerce H2O Dessin, ce sont les caractéristiques graphiques prenant la forme de caractères stylisés qui constituent l’élément supplémentaire. Comme on l’a vu, des caractéristiques graphiques intrinsèques de cette nature contribuent peu au caractère distinctif d’une marque.

[70]           Je conclus en définitive, compte tenu des marques dans leur ensemble, que l’inclusion dans la Marque de l’élément verbal H2O dans son entier crée des similitudes visuelles et phonétiques. J’estime en outre que les autres éléments des marques des parties ne sont pas suffisamment distinctifs pour produire une différence significative entre elles dans la présentation ou le son. 

[71]           La Marque suggère l’idée que l’« eau » est maintenue à distance (off), et la marque de commerce H2O Dessin, celle de l’« eau » en général. Dans la mesure où les idées suggérées par les marques des deux parties se rapportent à l’eau, elles se recoupent elles aussi.

[72]           Par conséquent, je conclus que les marques des parties présentent des similitudes dans la présentation, le son et les idées suggérées. Ces facteurs sont favorables à l’Opposante.

Circonstance supplémentaire : enregistrement de la Marque dans d’autres pays

[73]           M. Shuto déclare que la Marque de la Requérante est une marque déposée dans de nombreux pays, et il fournit une liste des enregistrements (pièce E). Il faut signaler, toutefois, que les enregistrements à l’étranger sont dépourvus de pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a confusion et que les preuves de ces enregistrements ne sont pas prises en compte [voir Pitman-Moore Ltd. c. Cyanamid of Canada Ltd. (1977), 38 C.P.R. (2d) 140 (C.O.M.C.)].

[74]           Je suis donc d’avis que ces enregistrements ne constituent pas une circonstance supplémentaire favorable à la Requérante.

Circonstance supplémentaire : aucune confusion effective

[75]           La Requérante fait valoir que les marques des parties sont employées concurremment dans nombre de marchés qui se recoupent, en particulier dans toute l’Europe, et que l’absence de cas connus de réelle confusion en dépit d’un tel emploi constitue une circonstance pertinente. Étant donné que la Requérante est installée au Japon, je considère que les marchés extérieurs ou internationaux mentionnés par M. Shuto comprennent le Canada. C’est donc dans la seule mesure où cette mention inclue le Canada que je prends en compte les arguments de la Requérante sur ce point.

[76]           M. Shuto affirme qu’aucun des clients de la Requérante, y compris L.L. Bean et J. Lindeberg, ne l’a informé de cas de confusion entre les marques des parties. Toutefois, comme il en a été question plus haut, la coexistence des marques des parties n’est établie par aucun élément de preuve. En fait, la Requérante n’a pas fourni le moindre élément de preuve de l’emploi de la Marque au Canada.

[77]           J’estime donc qu’il n’y a pas là circonstance pertinente favorable à la demande de la Requérante.

Circonstance supplémentaire : absence des marques de l’Opposante

[78]           M. Shuto allègue en outre que lors de toutes les démarches internationales d’enregistrement entreprises par la Requérante, jamais elle ne s’est trouvée en présence des marques de l’Opposante. Encore une fois, cette allégation de la Requérante ne sera prise en compte que dans la mesure où la mention des démarches d’enregistrement partout dans le monde inclut le Canada.

[79]           L’argument n’est d’aucune utilité pour la demande d’enregistrement. La décision d’un examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’a pas valeur de précédent pour la Commission parce que le fardeau de la preuve et la preuve à établir diffèrent selon qu’il s’agit de l’examinateur ou de la Commission [Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), à la page 277 et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (C.O.M.C.) à la page 386].

[80]           Il n’y a donc pas là non plus de circonstance pertinente favorable à la demande de la Requérante.

 

Conclusion concernant l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[81]           J’ai appliqué le test en matière de confusion en fonction de la première impression et du souvenir imparfait. Ayant tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, en particulier de la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, de la période pendant laquelle elles ont été en usage, du genre de marchandises, de la nature du commerce et du degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, je ne suis pas convaincue que la Requérante a démontré, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque H2O Dessin enregistrée sous le no LMC596,335.

[82]           Vu ce qui précède, je fais droit au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi. 

Les motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement

[83]           Tel qu’il est invoqué, le motif d’absence de droit relève de l’alinéa 16(1)a) de la Loi en dépit du fait que la demande d’enregistrement est basée sur l’enregistrement de la Marque au Japon et sur son emploi projeté. Le motif d’opposition relatif à l’absence de droit à l’enregistrement devrait reposer sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a). En conséquence, je rejette ce motif d’opposition parce qu’il n’est pas bien fondé.

[84]           En supposant même que la Requérante pouvait avoir compris que le deuxième motif d’opposition reposait implicitement sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi et qu’il était donc valablement invoqué, il me faudrait écarter ce motif parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[85]           La date pertinente pour l’examen des motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement est la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, en l’occurrence le 12 décembre 2005 [voir les paragraphes 16(2) et (3) de la Loi].

[86]           Bien qu’il incombe à la Requérante de prouver suivant la prépondérance des probabilités l’absence de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante, l’Opposante a le fardeau initial d’établir que la marque de commerce invoquée à l’appui de ses motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi était employée ou révélée à la date de production de la demande et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande, soit le 10 janvier 2007 [paragraphe 16(5) de la Loi].

[87]           Comme on l’a vu, l’Opposante n’ayant pas établi que sa marque H2O & Dessin était employée ou qu’elle avait été révélée, elle n’a pas satisfait à son fardeau de preuve relativement à cette marque. Pour ce qui est de la marque de commerce H2O Dessin, je remarque qu’en dépit de la déclaration figurant dans l’affidavit de M. Nihlén, selon laquelle l’Opposante emploie cette marque depuis 1982 au moins, les spécimens d’emploi joints à l’affidavit Choquette et les chiffres d’affaires afférents aux ventes au Canada déclarés dans l’affidavit Nihlén ne se rapportent qu’aux années 2008 et 2009, quelque trois ou quatre ans après la date pertinente.

[88]           Le dossier ne renferme donc aucun élément de preuve démontrant qu’avant le 12 décembre 2005, l’Opposante a révélé ou employé ses marques au Canada au sens du paragraphe 4(1) de la Loi en liaison avec ses marchandises.

[89]           Par conséquent, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que ses marques avaient été employées ou révélées avant la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, et je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement.

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[90]           Avant d’aborder comme tel l’examen de ce motif, je dois d’abord préciser que l’Opposante s’est erronément reportée au paragraphe 16(1) de la Loi en invoquant le motif de l’absence de caractère distinctif. On peut à mon avis considérer cette mention erronée comme un simple vice technique ou une erreur d’écriture, car cette conclusion ne cause aucun préjudice à la Requérante.

[91]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue véritablement ses Marchandises des marchandises d’autres propriétaires partout au Canada ou qu’elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], c’est à l’Opposante qu’il incombe d’abord d’établir les faits sur lesquels le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif repose. La date pertinente pour l’appréciation du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, soit le 10 octobre 2007 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.) (MGM)].

[92]           L’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition l’une des marques de l’Opposante au moins était devenue assez connue pour priver la Marque de caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, confirmé par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.); MGM, précité; Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418, à la page 431 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.); E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.)].

[93]           Je le répète, l’Opposante n’a fourni ni preuve d’emploi ni preuve de réputation à l’égard de la marque H2O & Dessin et, à l’égard de la marque H2O Dessin, les éléments de preuve présentés relativement à ce motif ne se rapportent qu’aux années 2008 et 2009.

[94]           Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, les marques de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues pour annuler le caractère distinctif de la Marque.

[95]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette intégralement le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[96]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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