Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

RELATIVEMENT À LOPPOSITION

de Estée Lauder Cosmetics Ltd.

à la demande no 845,922 produite par Louise Brandolini

en vue dobtenir lenregistrement de

la marque de commerce IN-TU-IT

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Le 23 mai 1997,  Louise Brandolini, requérante en la présente instance, a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce IN-TU-IT, en liaison les marchandises suivantes :

 

des enregistrements sonores et vidéo, notamment du matériel pédagogique et de méditation préenregistrés sur cassettes audio et vidéo; des produits d’hygiène et de soins, notamment des mélanges d’huiles de relaxation et de massage,

 

et les services suivants :

 

services axés sur le mieux‑être et la métaphysique, en fournissant notamment de l’enseignement et de l’accompagnement dans le domaine des approches corporelles, soit la respiration et la visualisation en lien avec l’énergie sexuelle et sa dynamique, la thérapie craniosacrale, le qi gong, l’aromathérapie, l’astrologie et la philosophie; l’éducation liée à l’énergie sexuelle; des services de soins corporels, notamment des services de soins corporels à base d’aromathérapie.

 

Cette demande est fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada concernant les marchandises énumérées précédemment, et sur l’emploi fait au Canada depuis au moins 1994 en liaison avec les services énumérés ci‑dessus.

 

La demande a été annoncée aux fins de la procédure d’opposition dans le numéro du 23 septembre 1998 du Journal des marques de commerce et le 23 avril 1999, Estée Lauder Cosmetics Ltd s’y est opposée (par le fait de son prédécesseur, Aveda Corporation). Une copie de la déclaration d’opposition a été transmise à la requérante le 25 mai 1999.  En réponse, la requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie de façon générale chacun des motifs d’opposition.  À l’audience, les deux parties ont obtenu l’autorisation de modifier leurs actes de procédure.

 


Les motifs d’opposition sont rédigés de manière succincte et reproduits intégralement ci‑après.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La preuve principale de l’opposante consiste en les affidavits de Lesley A. Moradian, secrétaire adjoint de la société opposante, et de Ludmila Spaleny, étudiante en droit.  L’affidavit de Mme Spaleny ne sert qu’à déposer en preuve des définitions des mots « intuition » et « intuit » [avoir l’intuition] relevées dans plusieurs dictionnaires reconnus.  La preuve de Mme Spaleny démontre que les mots « intuition » et « intuit » ont des significations semblables, soit percevoir sans recours au raisonnement ni à la déduction.  La preuve principale de la requérante consiste en l’affidavit de Louise Brandolini, requérante, en date du 24 février 2000.  La requérante a ultérieurement demandé et obtenu l’autorisation de produire le deuxième affidavit de Louise Brandolini en date du 30 octobre 2000 à titre de preuve supplémentaire, conformément au paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce :  voir la décision de la Commission en date du 7 novembre 2000.  Les deux parties ont produit une argumentation écrite et elles étaient représentées à l’audience.

 

Le témoignage par affidavit de M. Moradian, étayé de documents produits à titre de pièces, peut se résumer ainsi qu’il suit.  La société opposante est située à Minneapolis aux États‑Unis.  L’opposante fait, depuis 1978, la fabrication, la distribution et la vente de fragrances, de cosmétiques, de soins corporels, de soins capillaires et de produits connexes.  L’aromathérapie, qui utilise les arômes afin de favoriser le bien‑être du corps et de l’esprit, est à la base de plusieurs de ces produits.  L’opposante a employé sa marque INTUITION (enreg. no 495,848) en liaison avec du parfum, de l’eau de Cologne, des nettoyants et des lotions pour le corps depuis mai 1994 au moins.  La marque INTUITION de l’opposante est bien en vue sur les contenants des marchandises mentionnées précédemment et elle est annoncée dans des catalogues distribués au Canada.  La vente des produits de l’opposante s’effectue à partir de points de vente au détail situés à Montréal, Vancouver, Toronto, Ottawa, Victoria et Etobicoke, et celle‑ci en fournit à plus de 150 centres de santé et salons d’esthétique.  Pour l’année 1995, les ventes au détail des produits INTUITION se sont élevées à 31 000 $ et ont connu une croissance constante atteignant 127 000 $ pour l’année 1999, ce qui représentait plus de 11 000 unités de produits INTUITION vendus au Canada.  M. Moradian explique, au paragraphe 15 de son affidavit, l’inquiétude de l’opposante face à la marque IN‑TU‑IT pour laquelle l’enregistrement est demandé :

 

 

 

 

 

 

 


 

L’affidavit de Mme Brandolini, fourni par la requérante, sert à introduire en preuve diverses pièces qui, selon la requérante, [TRADUCTION] « vont étayer ma demande pour la marque IN‑TU‑IT ».  Les pièces en elles‑mêmes, et leur importance, ne sont pas présentées ni expliquées dans les principaux paragraphes des affidavits de Mme Brandolini, mais elles sont présentées et expliquées, de façon restreinte, à la pièce A de son affidavit produit en preuve principale.  Certes, les pièces devraient fournir davantage de détails ou de particularités sur le témoignage fourni par les principaux paragraphes de l’affidavit.  Toutefois, en l’espèce, les principaux paragraphes des affidavits de la requérante manquent de substance et ne mentionnent essentiellement que des pièces.  Mis à part les lacunes dans la présentation des pièces, la plupart des pièces elles‑mêmes doivent être considérées soit comme du ouï‑dire manifestement inadmissible, soit comme du ouï‑dire dont l’admissibilité est discutable, soit comme non pertinentes quant aux questions en litige.  Je souscris de façon générale aux idées que l’opposante exprime, aux pages 8 et 9 de son argumentation écrite, au sujet de la preuve de la requérante :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Je fais par ailleurs remarquer que, dans l’ensemble, les pièces déposées par la requérante n’établissent pas l’emploi de la marque IN‑TU‑IT proprement dite, mais plutôt son emploi avec une combinaison de mots, par exemple IN-TU-IT STUDIOS ou  IN-TU-IT SEXENERGY ou IN-TU-IT SEXENERGIZE.

 

Sagissant du premier motif dopposition, il incombe à la requérante détablir quelle a respecté les dispositions de lalinéa 30b) de la Loi : voir Joseph Seagram & Sons v. Seagram Real Estate (1984), 3 C.P.R.(3d) 325, aux pages 329 et 330 (C.O.M.C.), John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293 (C.F. 1re inst.). Toutefois, il incombe à lopposante de prouver les allégations de fait à lappui de ce motif.  Lopposante a un fardeau relativement moins exigeant en ce qui concerne la question du non‑respect de lalinéa 30b) de la Loi, et elle peut sen acquitter en utilisant les éléments mis en preuve par la requérante : voir Tune Masters v. Mr. P's Mastertune (1986), 10 C.P.R.(3d) 84, à la page 89 (C.O.M.C.), La compagnie de brassage Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216, à la page 230 (C.F. 1re inst.).

 

En l’espèce, en donnant à la preuve de la requérante l’interprétation la plus favorable possible, on arrive à conclure que la requérante fournit sous sa marque IN‑TU‑IT les services suivants, à savoir

 

 

services visant le mieux‑être et la métaphysique, en fournissant notamment de l’enseignement et de l’accompagnement dans le domaine des approches corporelles, soit la respiration et la visualisation en lien avec l’énergie sexuelle et sa dynamique, l’éducation liée à l’énergie sexuelle

 

mais on ne sait pas si la requérante offre d’autre services en liaison avec la marque pour laquelle l’enregistrement est demandé.  Compte tenu ce qui précède, le premier motif d’opposition est partiellement bien fondé.  La preuve au dossier ne permet pas de confirmer ni de mettre en doute de l’emploi de la marque IN‑TU‑IT depuis le 31 décembre 1994 revendiqué par la requérante.  Cet aspect du premier motif d’opposition, concernant la date de premier emploi de la marque visée par la demande, n’a donc pas été soulevé.

 


Les autres motifs d’opposition portent sur la question de la confusion entre la marque IN‑TU‑IT visée par la demande et la marque INTUITION de l’opposante employée en liaison avec du parfum, de l’eau de Cologne, des nettoyants et des lotions pour le corps.  Les dates pertinentes en ce qui concerne l’appréciation de la question de la confusion sont i) la date de ma décision dans le cas du deuxième motif d’opposition où la non‑enregistrabilité est alléguée, ii) la date de production de la présente demande (soit, le 23 mai 1997) dans le cas du troisième motif d’opposition où il est allégué que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande à l’égard des marchandises, iii) la date de premier emploi revendiquée dans cette demande (soit, le 31 décembre 1994) dans le cas du quatrième motif d’opposition où il est allégué que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande à l’égard des services, et iv) la date de l’opposition (soit, le 23 avril 1999) dans le cas du dernier motif d’opposition où l’absence de caractère distinctif de la marque visée par la demande est allégué : pour une analyse de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les instances en opposition voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R. (3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.).

 


Il incombe à la requérante de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2), entre la marque en cause IN-TU-IT et la marque de l’opposante INTUITION.  Le fardeau imposé à la requérante signifie que, lorsqu’une conclusion définie ne peut être tirée une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, la question doit être tranchée en sa défaveur : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297 et 298 (C.F. 1re inst.).  Le critère établi pour apprécier la confusion est celui de la première impression et du vague souvenir.  Les facteurs dont il faut tenir compte pour apprécier s’il y a confusion entre deux marques sont énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance dans la présentation ou le son des marques, ou dans les idées qu’elles suggèrent.  Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive; il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents.  Les facteurs n’ont pas nécessairement tous une valeur équivalente.  La valeur de chacun des facteurs est fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.). 

 

La marque en cause IN-TU-IT possède à un degré appréciable un caractère distinctif inhérent puisqu’il n’existe pas de lien immédiat ou évident entre le mot « intuit » et les marchandises et services énumérés dans la demande.  De la même manière, la marque INTUITION de l’opposante possède à un degré appréciable un caractère distinctif inhérent.  La marque INTUITION de l’opposante a acquis une certaine notoriété au Canada, à toutes dates pertinentes, principalement grâce à la vente de ses marchandises affichant la marque.  La marque en cause IN‑TU‑IT n’a acquis aucune notoriété en liaison avec ses marchandises et a acquis une notoriété minime seulement en liaison avec certains de ses services, soit ceux qui concernent la thérapie et l’éducation en lien avec l’énergie sexuelle.  La période d’emploi des marques paraît favoriser l’opposante, mais seulement dans une certaine mesure.  Les marchandises et les services des parties sont d’un genre distinct, sauf quant aux marchandises décrites comme « produits d’hygiène et de soins, notamment des mélanges d’huiles de relaxation et de massage » dans la demande.  À mon avis, de telles marchandises sont semblables aux « lotions pour le corps » de l’opposante.  Les voies commerciales des parties sont probablement distinctes à l’exception d’un domaine où elles se chevauchent, soit celui qui concerne les « mélanges d’huiles » et les « lotions pour le corps ».  Il y a un degré appréciable de ressemblance entre les marques IN‑TU‑IT et INTUITION sur le plan auditif et dans les idées qu’elles suggèrent, mais il est moindre sur le plan visuel.

 

Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la marque IN‑TU‑IT, lorsqu’elle est employée en liaison avec les services décrits dans la demande ou avec l’une quelconque des marchandises, sauf les « mélanges d’huiles », ne crée pas de la confusion avec la marque INTUITION de l’opposante.  Toutefois, j’estime tout au moins ne pas savoir si la marque en cause IN‑TU‑IT employée en liaison avec des mélanges d’huiles crée de la confusion avec la marque INTUITION de l’opposante employée en liaison avec des lotions pour le corps et d’autres marchandises connexes.  Vu qu’un tel doute doit être résolu contre la requérante, la présente demande concernant les marchandises « produits d’hygiène et de soins, notamment les mélanges d’huiles de relaxation et de massage » est refusée.


 

Vu ce qui précède, la présente demande est refusée concernant les marchandises suivantes :

soit les produits d’hygiène et de soins, notamment les mélanges d’huiles de relaxation et de massage

 

et elle est refusée en liaison avec les services suivants :

la thérapie craniosacrale, le qi gong, l’aromathérapie, l’astrologie, la philosophie; services de soins corporels, notamment des services de soins corporels à base d’aromathérapie.

 

Quant au reste, l’opposition présentée par l’opposante est rejetée.  L’affaire Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet‑Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.) constitue la décision de principe dans le cas d’une décision partagée.

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 7e JOUR DE JUIN,      2001.

 

 

 

 

 

Myer Herzig,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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