Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION des Boy Scouts du Canada à la demande no 1,034,953 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BILLY BEAVER produite par Michael Aleksiuk____               _  

                                                         

 

Le 28 novembre 1999, Michael Aleksiuk (le requérant) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BILLY BEAVER (la marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des vidéos préenregistrées, vidéos vierges, bandes préenregistrées; bandes vierges; films et émissions de télévision enregistrés sur cassettes, bandes, vidéos, CD-ROM; et livres pour enfants; et diffusion et production de films et d’émissions de télévision.

 

La demande a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 juillet 2001.

 

Le 4 décembre 2001, les Boy Scouts du Canada (l’opposant) ont produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande.  Les motifs de l’opposition peuvent être résumés comme ceci :

 

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) au motif que la marque n’est pas une marque de commerce ni une marque de commerce projetée.

2.      La marque n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)e) de la Loi au motif qu’elle est une marque dont l’adoption est interdite aux termes de l’article 9, étant donné l’avis donné au mois d’avril 1989 relativement à la marque de commerce BEAVERS de l’opposant en vertu de l’article 9.

3.      Le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque conformément à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, car à la date de production de la demande, la marque créait de la confusion avec la marque de commerce BEAVER qui avait été auparavant employée au Canada par l’opposant en liaison avec des programmes et activités pour les jeunes et avec une variété de marchandises comme des vidéos, des bandes préenregistrées, des CD-ROM, des livres, des articles vestimentaires, des sacs, des stylos, des crayons, des calendriers, des jeux, des tasses, des cuillers, des montres, des insignes en tissu et des drapeaux.

4.      La marque n’est pas distinctive du requérant pour les motifs qui précèdent.

 

Le requérant a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle il nie les allégations de l’opposant en plus d’y énoncer de longs arguments ainsi que des renseignements détaillés. Cependant, les renseignements se rapportant à la preuve ne peuvent être considérés comme constituant une preuve, car ils n’ont pas été déposés dans la forme prescrite par le Règlement sur les marques de commerce (1996).

 

À titre de preuve visée à l’article 41 du Règlement, l’opposant a produit les affidavits de John Robert Hallett et de Wayne Stade. À titre de preuve visée à l’article 42 du Règlement, le requérant a déposé l’affidavit de Michael Aleksiuk. Les parties n’ont tenu aucun contre‑interrogatoire.

 

Seul l’opposant a déposé des observations écrites.  Ni l’une ni l’autre partie n’a demandé la tenue d’une audience.

 

Dates pertinentes

La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 30 est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. v. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475].  La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité est la date de la présente décision [voir Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. and The Registrar of Trade Marks, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. La date pertinente relativement au motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement est la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)]. De manière générale, la date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif est considérée comme la date de production de l’opposition [voir Metro Goldwyn Mayer Inc. v. Stargate Connections Inc.  (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.), p. 324.]

 

Charge

C’est au requérant qu’il incombe d’établir en droit, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi.  L’opposant a cependant la charge initiale de produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles sur le fondement desquels l’on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited v. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298; Dion Neckwear Ltd. v. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Preuve

Affidavit de M. Hallett

M. Hallett occupe chez l’opposant le poste de directeur exécutif de la Division des opérations. Il a fourni divers documents portant sur l’historique et les activités de l’opposant.

 

L’opposant (ou son prédécesseur) a été fondé en 1909 et a été constitué en société par une loi fédérale en 1914. En 1976, il comptait plus de 250 000 membres.

 

L’opposant offre des programmes aux jeunes garçons, qui sont divisés en sections en fonction de leur âge.  La section des plus jeunes porte le nom de BEAVERS (les « castors » en français); il y a aussi les CUBS (ou « louveteaux » en français), les SCOUTS (les « scouts » en français également) et les VENTURERS (les « aventuriers » en français). Le programme des BEAVERS a été lancé en 1971 et, en 1976, il comptait plus de 35 000 membres. [traduction] « Le membre de Scouts Canada âgé entre 5 et 7 est appelé BEAVER, et le groupe formé de ces enfants porte le nom de BEAVERS. » [paragraphe 40, affidavit de M. Hallett]

 

En plus d’offrir des programmes destinés aux jeunes, l’opposant vend des marchandises tant dans des points de vente au détail qu’elle exploite elle‑même que par l’intermédiaire de dépositaires autorisés. Au paragraphe 38, M. Hallett affirme ceci :

[traduction] Pendant de nombreuses années et bien avant le 8 novembre 1999, les marques BEAVER et BEAVERS avec ou sans caractéristique nominale ont été employées notamment sur les marchandises suivantes : écussons, emblèmes, badges, épinglettes, livres, vidéos, vêtements, [...] sacs de voyage, petits sacs, fanions, drapeaux, décalques, aimants, plaques, moules pour bricolage, bagues, épingles de cravate, épinglettes décoratives, crayons, signets, tasses, cuillers, insignes porte‑nom, étuis à peignes, boîtiers pour cassettes, trophées et pièces de trophées, plaques, tirelires, marionnettes, sacs à dos.  Toutes ces marchandises sont offertes dans les points de vente au détail et fournies aux boutiques du Conseil par des services d’approvisionnement en vue de la vente au grand public.

 

M. Hallett a produit sous les cotes 12 à 27 des catalogues dans lesquels sont annoncés des articles que l’opposant a offerts en vente pour chacune des années 1977 à 1999.

 

Au paragraphe 41, M. Hallett affirme ceci :

[traduction] Des cassettes de chansons pour feu de camp sont vendues depuis au moins 1995 et sont offertes, dans les catalogues, en disque compact ou cassette. Il y a lieu de noter que, dans le catalogue de 1995, on trouve également des vidéos des BEAVERS et, dans le catalogue de 2002, on annonce des vidéos de démarrage pour le BEAVER.

 

Toutefois, lorsque j’ai vérifié les catalogues, je n’ai pu trouver les mots BEAVER ou BEAVERS en liaison avec les carnets de chansons pour feu de camp (p. ex., p. 48 du catalogue de 1995/1996). En outre, bien que le mot BEAVERS figure sur les vidéos annoncées aux pages 32 et 41 du même catalogue, le film en question est présenté en format IMAX et raconte la vie d’une famille de castors; il semble donc que le mot BEAVERS qui figure sur le film soit employé dans le seul but de préciser le sujet du film, et non à titre de marque de commerce de l’opposant.

 

Le catalogue de 2002 fait bien l’annonce d’un vidéo de démarrage pour le castor, dont la couverture semble se lire comme ceci : « JUMPSTART for Beavers ». Toutefois, il est évident que ce catalogue est postérieur aux dates pertinentes du 8 novembre 1999 et du 4 décembre 2001.

 

J’ai remarqué les marchandises suivantes dans le catalogue de 1997‑1998 :

page 4   - trousse de bricolage BEAVER BUGGY;

page 26 – sac à dos BEAVERS CANADA;

page 27 – épinglette BEAVERS;

page 28 – pantalon BEAVERS;

page 28 – t-shirt BEAVER KIT;

page 29 – t-shirt BEAVERS;

page 41 – carnet de chansons BEAVER;

page 42 – vidéo JUMPSTART for Beavers;

page 54 – drapeau BEAVERS;

page 56 – écusson BEAVERS.

 

Chacun de ces articles est illustré dans le catalogue et porte les mots indiqués ci‑dessus. Les marchandises sont parfois identifiées dans le catalogue sous le nom de BEAVER, bien que ce terme ne figure pas sur les marchandises elles‑mêmes.  Ainsi, à la page 26, on retrouve une liste de crayons Beaver, mais les crayons ne portent que les mots SHARING, SHARING, SHARING (PARTAGE, PARTAGE, PARTAGE), ce qui constitue, semble‑t‑il, la devise des castors. Bien que de telles listes puissent ajouter à la notoriété de « Beaver » à l’égard de l’opposant, elles ne constituent pas un emploi sens de l’article 4 de la Loi.

 

Dans ses observations écrites, l’opposant fait valoir qu’il offre des livres portant les marques de commerce BEAVER et BEAVERS.  Les titres de ces livres sont notamment les suivants :

  • Beaver Leader’s Handbook (pièce 5);
  • A Book for GROWING BEAVERS (pièce 7);
  • A BOOK FOR BUSY BEAVERS (pièce 7);
  • JUMP Start for Beavers (pièce 7);
  • A BOOK FOR EAGER BEAVERS (pièce 9).

 

Au paragraphe 10, M. Hallett dit ceci : [traduction] « Sont joints au présent affidavit sous les cotes 8 et 8-A des exemplaires de livres BEAVER intitulés « Friends of The Forest » ainsi qu’un récit complémentaire ».  Un examen de ces deux pièces permet d’établir que le terme BEAVER n’est pas employé à titre de marque de commerce, et j’en conclus que la déclaration de M. Hallett signifie que ce sont des livres employés dans le cadre du programme des castors.

 

La pièce 9 est un calendrier de SCOUTS CANADA pour l’année 1996.  M. Hallett affirme qu’il y a un renvoi aux BEAVERS au mois de septembre. Le renvoi dont il fait mention est simplement un dessin que l’on dit être celui d’un membre des castors de Riverview Park.

 

Bien que M. Hallett affirme que des calendriers sont distribués chaque année depuis 1968, il n’a fourni aucun détail concernant le volume de distribution.  De même, nous n’avons obtenu les chiffres de distribution pour aucune des autres marchandises vendues par l’opposant.

 

Sous la cote 6, M. Hallett fournit [traduction] « des articles représentatifs concernant les BEAVERS qui ont figuré dans diverses publications qui y sont identifiées aux dates indiquées ».  Les noms de la plupart de ces publications ne sont pas connus, et aucun détail n’a été fourni au sujet de leur diffusion.  Quoi qu’il en soit, l’opposant ne pourrait invoquer ces articles à titre de preuve d’emploi d’une marque de commerce dans des annonces [voir Williams Companies Inc. et al. v. William Tel Ltd. (2000), 4 C.P.R. (4th) 253 (C.O.M.C.)].

 

Affidavit de M. Stade

M. Stade se présente comme le [traduction] « garde/gardien du Camp Woods, un camp régional en Alberta ».  Il discute de certains événements mentionnés dans la contre‑déclaration du requérant, puis formule certaines remarques concernant la section des BEAVERS de l’opposant.  La source des connaissances de M. Stade concernant l’opposant n’étant pas claire, je dois accorder moins de poids à ses propos.

 

Affidavit de M. Aleksiuk

Dans son affidavit, M. Aleksiuk discute de certaines questions personnelles et clarifie certains points concernant une discussion qu’il a eue avec M. Stade. Il ne fournit aucun renseignement concernant sa marque de commerce BILLY BEAVER.  Il se contente plutôt de renvoyer la Commission à la contre‑déclaration du requérant.  Toutefois, une contre‑déclaration n’est pas admissible à titre de preuve, de sorte que les faits qui y sont mentionnés ne peuvent être admis en preuve non plus.  En conséquence, nous ne disposons d’aucune preuve sur les activités du requérant ou sur ses activités projetées en liaison avec sa marque.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30

Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 30 au motif que l’opposant ne s’est pas acquitté de sa charge initiale relativement à ce motif d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e)

L’opposant s’est acquitté de sa charge initiale relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e) en faisant la preuve de son avis visé à l’article 9 [pièce 10, affidavit de M. Hallett].

 

Dans l’affaire WWF-World Wide Fund for Nature v. 615334 Alberta Limited (2000), 6 C.P.R. (4th) 247 (C.O.M.C.), p. 253, le commissaire Martin a analysé dans les termes suivants le critère qui doit être appliqué aux termes du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) en renvoyant aux décisions judiciaires rendues dans les affaires Big Sisters Association of Ontario v. Big Brothers of Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) :

   [traduction] Ainsi que le prévoit le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le critère à appliquer est celui de savoir si la marque du requérant est composée de la marque officielle ou de savoir si la ressemblance de la marque du requérant avec la marque officielle est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec cette dernière.  En d’autres mots, la marque du requérant est‑elle identique ou presque identique à l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposant?  Voir la page 217 de la décision rendue en première instance dans l’affaire Big Sisters, susmentionnée. Aux pages 218 et 219 de la décision rendue en première instance, le juge Gibson a confirmé que, pour se prononcer sur la ressemblance entre les marques en litige, il y a peut‑être lieu de tenir compte des facteurs énoncés à l’alinéa 6(5)e) de la Loi.  En outre, à la page 218, le juge Gibson a indiqué que le critère devait être appliqué au titre de la première impression et du souvenir imparfait : voir également les pages 8 et 9 de la décision non publiée de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire « Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (no de greffe A-266-98; 10 novembre 1999).

 

Dans la présente affaire, la marque du requérant n’est pas identique à la marque officielle de l’opposant.  En outre, j’estime que la marque de commerce BILLY BEAVER du requérant, lorsqu’elle est considérée comme un tout, n’a qu’une certaine ressemblance avec la marque officielle BEAVERS dans la présentation, le son ou dans l’idée qu’elle suggère. En conséquence, la marque du requérant n’est pas presque identique à la marque officielle de l’opposant. Les différences entre BILLY BEAVER et BEAVERS sont telles qu’un consommateur canadien ne pourrait confondre BILLY BEAVER et BEAVERS. Le motif fondé sur l’alinéa 12(1)e) est par conséquent écarté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 16

En ce qui concerne le motif d’opposition portant sur le droit à l’enregistrement, l’opposant doit faire la preuve de l’emploi de sa marque de commerce alléguée BEAVER avant le 8 novembre 1999 et établir qu’il n’avait pas abandonné cette marque à la date de l’annonce de la demande du requérant, à savoir le 4 juillet 2001 [voir l’alinéa 16(3)a) et le paragraphe (5) de la Loi].

 

J’estime que l’opposant a fait la preuve d’un emploi, avant le 8 novembre 1999, de la marque BEAVERS au Canada en liaison avec des programmes et des activités destinés aux jeunes, et que cet emploi n’avait pas été abandonné au 4 juillet 2001.  En outre, j’accepte que l’emploi de BEAVERS vient appuyer la prétention selon laquelle BEAVER a été employé, compte tenu du deuxième principe énoncé dans l’affaire Nightingale Interloc Ltd. v. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, pp. 538 et 539.

 

Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’opposant s’est acquitté de la charge initiale qui lui incombait de faire la preuve de l’emploi de BEAVER en liaison avec une variété de marchandises comme des vidéos, des bandes préenregistrées, des CR-ROM, des livres, des articles vestimentaires, des sacs, des stylos, des crayons, des calendriers, des jeux, des tasses, des cuillers, des montres, des insignes en tissu et des drapeaux.  En ce qui concerne les marchandises qui sont les plus pertinentes aux fins de la présente instance (vidéos, bandes préenregistrées, CD‑ROM, livres et calendriers), j’en arrive à la conclusion particulière qu’il n’y a aucune preuve que l’opposant a employé BEAVER comme marque de commerce conformément à l’article 4 de la Loi avant le 8 novembre 1999.  Je reconnais qu’il y a une preuve faisant état d’annonces, dans des catalogues, de carnets de chansons BEAVER et de vidéos JUMPSTART pour les castors, avant la date pertinente, mais aucune preuve ne fait  état de la vente de ces articles.

 

En conséquence, mon analyse de la probabilité de confusion sera axée principalement sur la probabilité de confusion entre les services offerts par l’opposant et portant la marque BEAVER et les marchandises et services offerts par le requérant qui portent la marque BILLY BEAVER.

 

Le critère de la confusion ressortit à la première impression et au souvenir imparfait.  Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.  Lorsqu’il applique le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, la période pendant laquelle chacune a été en usage, le genre de marchandises, services ou entreprises, la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Dans l’affaire Polo Ralph Lauren Corp. v. United States Polo Association et al. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), pp. 58 et 59, le juge Malone, de la Cour d’appel fédérale, a résumé dans les termes suivants les lignes directrices applicables aux fins d’évaluer la probabilité de confusion :

L'examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S'agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l'idée dont il est question à l'alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n'est pas correct, pour l'application du critère de la confusion, de placer les marques l'une en regard de l'autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s'agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d'établir qu'il n'y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères.

 

Dans une décision de la Cour suprême du Canada récemment rendue dans l’affaire Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 58, le juge Binnie a apporté des précisions sur le consommateur en question :

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention.  Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678.  Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails.  Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.).  Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat.  Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.) ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661).  La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717.  Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

 

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce

Ni BILLY BEAVER ni BEAVER ne suggère une idée de leurs marchandises et services respectifs.  Pour cette raison, chaque marque a un caractère distinctif inhérent.

 

La mesure dans laquelle chaque marque de commerce est devenue connue

Ce facteur joue en faveur de l’opposant, car il n’y a aucune preuve que la marque du requérant est devenue connue.

 

La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage favorise clairement l’opposant.

 

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

La principale activité de l’opposant consiste à offrir des programmes pour les jeunes en liaison avec un certain nombre de marques, dont celle de BEAVER.

 

M. Hallett a affirmé que l’opposant vend des marchandises à l’appui de ses programmes pour les jeunes par l’intermédiaire de deux types de points de vente au détail : des points de vente au détail indépendants qui sont dûment autorisés par l’opposant et des points de vente au détail exploités par l’opposant ou l’un de ses conseils.  Étant donné la nature de ces réseaux commerciaux restreints, il semble peu probable que les marchandises du requérant soient à quelque moment que ce soit vendues par l’intermédiaire des points de vente utilisés par l’opposant.

 

Ni l’objet des marchandises et services offerts par le requérant (vidéos préenregistrées, vidéos vierges, bandes préenregistrées; bandes vierges; films et émissions de télévision enregistrés sur cassettes, bandes, vidéos, CD-ROM; et livres pour enfants; et diffusion et production de films et d’émissions de télévision), ni les réseaux commerciaux utilisés pour vendre ces marchandises n’ont fait l’objet d’une preuve.

 

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles  suggèrent

Examen fait des deux marques dans leur ensemble, j’en arrive à la conclusion qu’il n’y a pas beaucoup de ressemblance.  Il existe bien une certaine ressemblance entre les marques des parties en raison de leur emploi commun du terme « beaver ».  Toutefois, je ne considère pas le fait que le requérant a incorporé la marque de l’opposant dans son ensemble dans sa marque constitue un facteur déterminant, en partie parce que je peux prendre connaissance d’office du fait que le castor est l’un des emblèmes du Canada. En outre, ainsi qu’il est indiqué dans l’affaire Conde Nast Publications Inc. v. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), p. 188, « [i]l est évident que le premier mot ou la première syllabe d'une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif ».  Dans la présente affaire, le premier mot de la marque du requérant, BILLY, permet de distinguer BILLY BEAVER de BEAVER dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elle suggère. En ce qui a trait à l’idée qu’elle suggère, j’en arrive à la conclusion que la marque du requérant suggère un personnage alors que la marque BEAVER de l’opposant suggère simplement l’animal.

 

Conclusion sur la probabilité de confusion

Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, j’en arrive à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre BILLY BEAVER et BEAVER.  Le principal facteur ou le facteur le plus important aux fins de trancher la question de la confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. v. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), p. 149, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70]. Je crois que les différences entre BILLY BEAVER et BEAVER dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent suffisent pour conclure à l’invraisemblance d’une confusion, surtout lorsqu’on considère que 1) la principale activité de l’opposant consiste à offrir des programmes pour les jeunes, 2) l’opposant n’emploie pas sa marque BEAVER en liaison avec les marchandises et services mêmes qui font l’objet de la demande du requérant et 3) l’on a déclaré que les marchandises que l’opposant vend effectivement empruntent des réseaux commerciaux particuliers.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 16 sont par conséquent rejetés.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

D’après le juge qui s’est prononcé récemment dans l’affaire Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. v. Bojangles Café Ltd. 2006 FC 657, pour s’acquitter de la charge initiale qui lui incombe relativement aux motifs d’opposition fondés sur le caractère distinctif, l’opposant doit démontrer que sa marque avait acquis au Canada une réputation qui était substantielle, importante ou suffisante au 4 décembre 2001. Je dois donc déterminer si la preuve de l’opposant démontre que sa marque BEAVER(S) avait acquis au Canada une réputation qui était substantielle, importante ou suffisante à la date indiquée.  J’en arrive à la conclusion que l’opposant s’est acquitté de la charge qui lui incombait initialement relativement au motif fondé sur le caractère distinctif qu’il a invoqué.  Néanmoins, je rejette le motif d’opposition, car la marque du requérant ne créait aucune confusion avec la marque de l’opposant au 4 décembre 2001, pour des raisons semblables à celles qui sont énoncées relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 16.

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8).

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 7e JOUR DE SEPTEMBRE 2006.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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