Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                       Référence : 2013 COMC 146

                                                                                   Date de la décision : 2013-09-03
                                                                                   TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Lockheed Martin Corp. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1265692 pour la marque de commerce PAVEWAY au nom de Raytheon Company

Dossier

[1]        Le 21 juillet 2005, Raytheon Company a produit une demande en vue d’enregistrer la marque PAVEWAY, basée sur l’emploi de la marque au Canada depuis 1980 en liaison avec des « bombes guidées par laser et leurs éléments ».

 

[2]        Le requérant revendiquait à l’origine le 15 juillet 2005 comme date de priorité, en fonction du dépôt antérieur aux États-Unis d’une demande correspondante : consulter l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C.1985, ch. T -13. Toutefois, au cours de la présente instance d’opposition, le requérant a modifié sa demande pour (i) en retirer sa revendication d’une date de priorité et (ii) y ajouter une référence à son prédécesseur en droit, c’est-à-dire Texas Instruments, à titre de premier utilisateur de la marque : consulter la décision de la Commission datée du 2 avril 2012 autorisant ces changements.

 

[3]        La demande a été annoncée aux fins d’oppositions dans le Journal des marques de commerce du 7 juin 2006 et Lockheed Martin Corp. s’y est opposée le 11 octobre 2006. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition au requérant en date du 2 novembre 2006, comme le prévoit le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. Le requérant a répondu en déposant et en signifiant une contre-déclaration réfutant l’ensemble des allégations de la déclaration d’opposition.

 

[4]        La preuve de l’opposant est constituée des affidavits de Joseph Michael Serra et de Jeffery James Coghlan. La preuve du requérant consiste en l’affidavit de Barry Maxwell. L’opposant a par la suite déposé les affidavits de Kritchawat Chainapasak; Christiane Campbell (2 affidavits); un nouvel affidavit de Joseph Michael Serra; et l’affidavit de Marissa Hood [TRADUCTION] « à titre de contre-preuve et a sollicité l’autorisation de déposer les mêmes affidavits comme preuve supplémentaire aux termes de la Règle 44 » : voir la lettre de l’opposant datée du 19 juillet 2010.

 

[5]        Aucune décision antérieure n’indique que la Commission a utilisé ses pouvoirs discrétionnaires pour accepter le deuxième dépôt de preuve de l’opposant comme preuve supplémentaire. Je conclus donc que le deuxième dépôt de l’opposant a été accepté comme contre-preuve. Dans tous les cas, il est improbable que la Commission ait jugé que les observations faites par l’opposant dans sa lettre du 19 juillet suffisaient à justifier l’acceptation du deuxième dépôt comme preuve additionnelle aux termes de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce : à ce sujet, consulter la section VII de l’Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce (en vigueur à compter du 31 mars 2009). Bien entendu, en ce qui concerne la procédure, on s’attend à ce que les parties précisent le type de preuve déposée, étant donné que la démarche pour l’accueil de la preuve varie en fonction du type de preuve versée au dossier. Le requérant n’a pas soulevé d’objection soulignant que le deuxième dépôt de l’opposant n’était pas une contre-preuve à proprement parler.

 

[6]        Le requérant a par la suite demandé et a reçu l’autorisation de déposer une preuve supplémentaire, c’est-à-dire les affidavits de Michelle Miller et de Susan Burkhardt : voir la décision de la Commission datée du 26 octobre 2011. De même, l’opposant a demandé et a reçu l’autorisation de déposer une preuve supplémentaire, c’est-à-dire les affidavits de Susan Okin Goldsmith, de D. Jill Roberts et de Hyunmi Kim : voir la décision de la Commission datée du 26 octobre 2011. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées par un avocat à l’audience orale qui s’est tenue le 14 mai 2013.

 

Déclaration d’opposition

Plaidoiries — Thèse de l’opposant

[7]        La première partie de cette déclaration d’opposition, résumée aux paragraphes 8 à 11 ci-dessous, sert à établir la thèse de l’opposant pour la présente instance.

 

[8]        La déclaration d’opposition invoque que le nom « Paveway » est le nom donné à une série de systèmes de guidage par laser américains qui convertissent des bombes conventionnelles en bombes guidées. Les bombes accompagnées de ce système sont appelées des bombes « Paveway ». L’opposant Lockheed et le requérant Raytheon ont vendu ce genre d’armes à l’armée américaine et aux armées d’autres pays, notamment à celle du Canada.

 

[9]        Seul l’opposant Lockheed fabrique les projectiles d’exercice « Paveway II » à guidage laser; cependant, les deux parties fabriquent le système « Paveway II ». Le système en question consiste en un groupe de commande par ordinateur (computer control group, ou CCG) placé dans la tête d’une bombe et d’un groupe à profil aérodynamique (airfoil group, ou AFG) situé dans l’empennage. Les éléments du système, c’est-à-dire le CCG et l’AFG, sont interchangeables : un CCG d’un fabricant peut être fixé à une bombe comportant l’AFG d’un autre fabricant. Lockheed et Raytheon fournissent toutes deux les CCG et les AFG Paveway à l’armée américaine, mais seule Lockheed lui a vendu des projectiles d’exercice (c’est-à-dire des bombes qui n’explosent pas lors de l’impact).

 

[10]      En ce qui a trait aux trousses Paveway II, l’opposant Lockheed a vendu des composants CCG et AFG au Canada par l’intermédiaire du Foreign Military Sales Program, c’est-à-dire d’un gouvernement à un autre.

 

[11]      Le terme « Paveway » est reconnu comme étant un [TRADUCTION] « système de bombe à guidage laser » utilisant des lasers pour diriger la bombe vers une cible.

 

Motifs d’opposition

[12]      Les motifs d’opposition et les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce sur lesquelles ils sont fondés sont résumés ci-dessous, selon l’ordre dans lequel ils ont été présentés dans la déclaration d’opposition.

 

Alinéa 30b)

1. Le requérant n’utilise pas le terme PAVEWAY comme marque de commerce au Canada depuis la date de premier emploi revendiqué, c’est-à-dire depuis 1980.

 

Alinéa 30d)

2. Le requérant n’a pas utilisé le terme PAVEWAY comme marque de commerce aux États-Unis comme il le prétend dans sa demande.

 

Alinéa 12(1)c)

3. Le terme PAVEWAY est le nom de marchandises visées par la demande examinée dans la présente, c’est-à-dire des systèmes pour bombes guidées par laser.

 

Article 10 et alinéa 12(1)e)

4. À la suite d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, le terme « Paveway » est devenu reconnu au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande, c’est-à-dire que le terme « Paveway » est un terme générique pour les systèmes de bombes guidées par laser.

 

Article 2 et alinéa 38(2)e)

5. et 6. Le terme PAVEWAY ne peut pas distinguer les marchandises du requérant de celles de l’opposant, puisque ce mot est un générique pour les bombes à guidage laser. Le terme Paveway ne peut donc pas distinguer les marchandises du requérant des mêmes marchandises fabriquées par un opposant, lesquelles ont été vendues par l’opposant au Canada sous le nom Paveway.

 

[13]      Les motifs d’opposition allégués par l’opposant seront examinés de façon consécutive après l’examen de la preuve soumise par les parties. Toutefois, à ce stade, il est utile de résumer la thèse du requérant, expliquée dans les paragraphes 2 à 5 de son mémoire, à titre de comparaison avec celle de l’opposant.

 

Thèse du requérant

 [14]     Le requérant Raytheon utilise la marque PAVEWAY en liaison avec des systèmes de bombes guidées par laser au Canada depuis 1980. Le requérant a vendu plus de mille cinq cents systèmes PAVEWAY au Canada, et a vendu ces bombes dans plus de 40 pays. Diverses sociétés produisent des bombes guidées par laser qui font concurrence au système PAVEWAY du requérant. Ces produits tiers ont leur propre nom exclusif, comme SPICE, KAB, LIZARD et GRIFFIN. L’opposant ne possède pas de nom exclusif pour son système de bombe guidée par laser, mais il a utilisé la désignation Paveway aux États-Unis de temps à autre depuis 2004, sans l’autorisation du requérant. Les tentatives de l’opposant de coopter la marque PAVEWAY du requérant n’étayent pas ses revendications que la marque est un générique et ne distingue pas son propriétaire. En outre, aux États-Unis, les acheteurs de systèmes de bombes guidées par laser sont limités et ne peuvent s’approvisionner qu’auprès du requérant ou de l’opposant; toutefois, au Canada, les acheteurs ont plus de choix.

 

Preuve de l’opposant

Joseph Michael Serra

[15]      M. Serra est un employé de l’opposant Lockheed. Ses tâches incluent la promotion des ventes pour [TRADUCTION] « des variations du système de bombe guidée par laser Paveway et des projectiles d’exercice guidés par laser Paveway. » Il explique également qu’il est [TRADUCTION] « conscient de la perception des fonctionnaires canadiens [vraisemblablement, des acheteurs] par rapport aux produits Paveway. » M. Serra explique que la trousse Paveway est un système d’armement comprenant à la fois un CCG et un AFG, lesquels sont installés par les soldats sur le terrain pour transformer une bombe conventionnelle en bombe guidée. Le CCG et l’AFG œuvrent de concert pour l’orientation de la bombe et le contrôle du vol. Toutes les bombes guidées par laser Paveway II doivent répondre aux normes de performance établies par le gouvernement américain. La désignation donnée par le gouvernement américain aux CCG de l’opposant est le code MAU-209B, tandis que celui du requérant porte le code MAU-169. Les codes AFG des parties sont similaires, mais différenciés par un code alphabétique. Une autre désignation clé pour les produits est le numéro pour l’unité de bombe guidée (guided bomb unit, ou GBU), laquelle indique le poids de la bombe à laquelle le système Paveway II doit être fixé.

 

[16]      L’opposant est la seule entreprise qui fabrique des projectiles d’exercice Paveway, c’est-à-dire des projectiles ayant les mêmes caractéristiques de vol que les bombes guidées par laser Paveway II, mais qui n’explosent pas lors de l’impact sur la cible. L’opposant a vendu ce produit à l’armée canadienne.

 

[17]      Les trousses Paveway sont les systèmes de bombes guidées par laser les plus utilisés au monde. Le terme « Paveway » est synonyme d’un système de bombe guidée par laser et par conséquent, le terme « Paveway » ne serait pas reconnu par les forces armées de quelque pays que ce soit comme étant un produit d’une société précise. Le terme « Paveway » décrit la technologie basée sur l’utilisation d’un laser pour orienter une bombe vers une cible.

 

[18]      Monsieur Serra appuie son allégation que le terme « Paveway » est en fait un générique en citant le matériel promotionnel (joint comme preuve 1 à son affidavit) rédigé par le prédécesseur en droit du requérant, Texas Instruments, énonçant que [TRADUCTION] « Paveway est devenu synonyme de bombe guidée par laser ». L’extrait pertinent de la preuve 1 figure ci-dessous [TRADUCTION] :

PAVEWAY

« Une bombe, une cible »

Paveway est devenu synonyme de bombe guidée par laser. En 1965, Texas Instruments a introduit le concept de bombe guidée par laser et les Forces aériennes américaines ont lancé un programme de développement approfondi sous le nom de code Paveway. Cet effort initial a permis de créer la famille de bombes guidées par laser Paveway. La première génération a servi durant les combats et a obtenu des résultats exceptionnels. La deuxième génération, avec son empennage déployant et ses paramètres balistiques améliorés, a fait l’objet de tests en vol et s’est avérée extrêmement précise. Depuis plusieurs années, le système Paveway II est en forte production et il s’agit de la principale arme de sa catégorie dans l’arsenal des Forces aériennes américaines.

 

[19]      À mon avis, la phrase « synonyme de bombe guidée par laser » sur laquelle se base l’opposant n’est que bravade par le prédécesseur de l’opposant. La preuve 1, lorsqu’examinée dans son ensemble, est cohérente avec la position du requérant à l’effet que le terme PAVEWAY était utilisé comme une marque propriétaire.

 

[20]      M. Serra fait référence à un affidavit de Curtis Cumming, daté du 1ernovembre 2005 [TRADUCTION], « le responsable de l’octroi des contrats pour le programme Paveway II des Forces aériennes des États-Unis. » L’affidavit de M. Cumming a été déposé par l’opposant lors d’une instance d’opposition aux États-Unis et il a été déposé comme preuve dans le cadre de la présente comme preuve 2 jointe à l’affidavit de M. Serra. Normalement, de telles preuves seraient inadmissibles, car son contenu serait jugé comme ouï-dire. Toutefois, M. Serra confirme que le témoignage de M. Cummings correspond à son propre savoir et je considère donc que M. Serra adopte le témoignage de M. Cummings comme étant le sien. Le témoignage de M. Cummings est reproduit en partie ci-dessous [TRADUCTION] :

 

14. Dans les contrats et dans la correspondance avec Raytheon et Lockheed Martin pour l’approvisionnement en systèmes de bombes guidées par laser, les Forces aériennes utilisent le nom Paveway, avec les deux sources, pour désigner le produit.

 

15. Selon mon expérience, le terme « Paveway II » est utilisé dans les Forces aériennes comme simple synonyme de « systèmes de bombes guidées par laser. » Pour nous, en tant qu’acheteurs, ce nom n’indique pas la source particulière des marchandises.

 

16. Pour moi et pour les autres personnes qui travaillent avec ce système, « Paveway » en soi signifie la technologie qui utilise principalement les lasers pour guider une bombe vers une cible.

 

17. Si je reçois une demande d’achat pour un système « Paveway », je comprends que cela fait référence à la technologie, et une demande pour acheter un système Paveway II signifie l’achat d’un système de bombe guidée par laser. Aucun des termes ne suffirait pour l’achat de quoi que ce soit.

 

[21]      Je suis d’accord avec l’opposant que la preuve ci-dessus, pour laquelle le requérant n’a soulevé aucune objection, indique qu’en 2005, les Forces aériennes des États-Unis utilisaient le terme « Paveway » dans un sens générique.

 

[22]      M. Serra admet que le système Paveway a été créé par le prédécesseur en droit du requérant et que, jusqu’en 2002, le requérant était [TRADUCTION] « le seul producteur autorisé [vraisemblablement par le gouvernement américain] des systèmes Paveway. » Toutefois, dans les années 1990, l’opposant a mis au point des projectiles d’exercice Paveway qui [TRADUCTION] « ont été vendus en grandes quantités aux Forces aériennes de nombreux pays, notamment du Canada, depuis cette époque. »

 

[23]      À mon avis, la preuve de M. Serra permet de conclure que l’armée américaine avait l’intention de trouver une deuxième source pour ses systèmes d’arme (pour transformer des bombes conventionnelles en bombes guidées), lesquels étaient autrement exclusivement fournis par le requérant sous la marque PAVEWAY. La preuve de M. Serra étaye la position de l’opposant que l’armée américaine utilise le terme « Paveway » pour décrire un système d’arme répondant à certaines spécifications et ayant certaines capacités, sans égard au fabricant.

 

Jeffery James Coghlan

[24]      M. Coghlan mentionne qu’il est stagiaire en droit au sein du cabinet représentant le requérant. Son affidavit présente comme preuve, sous forme de preuves matérielles, des extraits de divers dictionnaires et encyclopédies spécialisés établissant le fait que le terme « Paveway » est souvent utilisé pour désigner la technologie transformant une bombe conventionnelle en bombe guidée, ou est utilisé pour désigner l’arme nouvellement configurée en soi.

 

Preuve du Requérant

Barry Maxwell

[25]      M. Maxwell indique qu’il est un cadre supérieur de la société du requérant. Son témoignage peut être résumé comme suit : le requérant travaille au développement de technologies de défense depuis 80 ans. Pendant plus de trente ans, le requérant et son prédécesseur en droit Texas Instruments étaient les seules sources pour les bombes guidées par laser commercialisées sous le nom PAVEWAY. Jointe à son affidavit comme preuve B se trouve une annexe indiquant les pays où la marque est enregistrée ou fait l’objet d’une demande d’enregistrement. Le requérant fait référence à ses marques de commerce sur son site Web (illustré dans la preuve C) et dans le matériel promotionnel produit en 2004 pour une présentation au Joint Munitions Worldwide Review (preuve D). Le requérant fait référence à sa marque dans des bulletins internes depuis 1982 (preuves E et F). Plus important encore, le requérant utilise la marque PAVEWAY dans toute sa documentation complémentaire fournie aux clients, par exemple les spécifications techniques et les programmes de vol opérationnel. Les pages couvertures de tels documents sont jointes comme preuve G, et un exemple est reproduit ci-dessous.


[26]      Les ventes de bombes guidées par laser de marque PAVEWAY du requérant à l’échelle internationale totalisent plus de 290 000 systèmes PAVEWAY, pour une valeur de plusieurs milliards de dollars. Les ventes ont été conclues avec plus de 40 pays, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Plus de 1 500 bombes guidées par laser PAVEWAY ont été vendues au Canada.

 

[27]      La preuve J est constituée d’extraits des prévisions budgétaires en matière d’approvisionnement pour les Forces aériennes américaines en date de février 2006. Le document fait référence à des bombes guidées par laser PAVEWAY II et précise que ce produit peut être acheté de deux entrepreneurs (le requérant et l’opposant). On peut également lire dans le document les propos suivants :

Le nom du produit a été changé, passant de section de guidage et de commande MAU-169H/B PAVEWAY II à groupe de commande par ordinateur GBU-10/12, car le nom antérieur ne désignait les produits que d’un seul entrepreneur. Les deux produits sont identiques dans la forme, la conformité et la fonction.

 

[28]      M. Maxwell a témoigné que le premier nom pour l’objet désignait le produit du requérant, et que la preuve J confirme donc que la marque PAVEWAY sert donc à désigner les produits comme provenant du requérant Raytheon.

 

[29]      Il poursuit en indiquant que l’opposant a commencé la production de projectiles d’exercice guidés par laser (laser-guided training rounds, ou LGTR) en 1992. Les LGTR constituent un dispositif de formation peu coûteux qui permet aux équipages de s’entraîner à l’utilisation de bombes guidées par laser. Selon M. Maxwell, les LGTR sont un produit différent des bombes guidées par laser. La preuve K contient des documents promotionnels de l’opposant, datant vraisemblablement de 1992, et traitant de son produit LGTR sans aucune référence au terme « Paveway ». L’opposant n’a commencé à utiliser le terme « Paveway » en liaison avec ses LGTR qu’en 2004, après que le requérant ait déposé une demande d’enregistrement pour la marque PAVEWAY aux États-Unis. La preuve L est une copie d’un avis de sollicitation de la part de la Marine américaine en vue de lancer des négociations pour l’approvisionnement en LGTR. L’avis contient de nombreuses références au terme LGTR, mais aucune au terme « Paveway ».

 

[30]      Le requérant était le seul et exclusif fournisseur de systèmes de bombes guidées par laser pour le gouvernement américain jusqu’en 2002. Le requérant a vendu et continue de vendre ses bombes guidées par laser sous le nom PAVEWAY. En 2002, l’opposant a rempli les exigences pour la certification en tant que source de rechange pour les bombes guidées par laser et a rapidement commencé à utiliser le terme « Paveway » en liaison avec ses bombes guidées par laser et autres marchandises connexes. La preuve M est une copie de documents publicitaires de l’Opposant dans lesquels ce dernier se vante d’être [TRADUCTION] « la nouvelle source pour les bombes guidées par laser » et que ses produits « ont fait l’objet d’essais en vol et sont qualifiés pour tous les aéronefs qui peuvent présentement transporter des systèmes Paveway II. » Selon M. Maxwell, ce n’est que plus tard que l’opposant [TRADUCTION] « a commencé à enfreindre les droits de propriété industrielle et commerciale de Raytheon (...) »

 

[31]      Le paragraphe 30 de l’affidavit de M. Maxwell, qui aborde la question à savoir si le terme « Paveway » est un générique pour les bombes guidées par laser ou non, est reproduit en entier ci-dessous :

Les termes génériques pour le produit en question comprennent « bombe guidée par laser », « LGB » (laser-guided bomb) et « système de bombe guidée par laser ». Comme il est mentionné auparavant, la Marque PAVEWAY est la marque de commerce utilisée par Raytheon pour ses produits, une marque qui a été largement utilisée par Raytheon depuis les années 1970. Ce que j’ai devant moi et qui est marqué comme Preuve PAVEWAY [sic] P, ce sont les spécifications des autres bombes guidées par laser mises au point et fabriquées par d’autres sociétés que Raytheon et Lockheed Martin. Un exemple est la bombe guidée par laser GRIFFIN, produite par Israel Aircraft Industries Ltd. Il n’y a aucune référence dans ce document au terme PAVEWAY comme descriptif d’une bombe guidée par laser. J’estime que si le terme PAVEWAY est un terme générique dans l’industrie pour désigner ce type de produit, il y aurait une mention dans ces documents. GRIFFIN est une marque de commerce et un indicateur de l’origine du produit pour Israel Aircraft Industries Ltd., tout comme la Marque PAVEWAY l’est pour Raytheon. Cela est cohérent avec les autres documents fournis par MATRA et Elbit Systems Limited comme composants de la présente preuve. En effet, à la huitième page du document MATRA, on peut lire [TRADUCTION] « Cette arme à vol plané est équipée d’un système de guidage laser, généralement désigné comme une bombe guidée par laser ou LGB »; il n’y aucune référence à « PAVEWAY ». En outre, Elbit Systems Limited fait référence à sa bombe guidée par laser sous le nom « LIZARD », comme indiqué à la preuve P. Le terme générique pour ces produits est bombe guidée par laser ou LGB (...)

 

 

Preuve et réplique de l’Opposant

Joseph Michael Serra

[32]      En réplique à la preuve du requérant quant à ses demandes dans d’autres pays, la preuve de l’opposant énonce que Lockheed s’est opposé à toutes les demandes pour l’enregistrement pour la marque de commerce « Paveway », à l’exception de celles présentées en Suisse et en Nouvelle-Zélande, car ces pays n’offrent pas de marché pour les bombes guidées par laser. Le reste de l’affidavit de monsieur Serra fournit d’autres exemples d’emploi du terme « Paveway » en vue d’étayer la position de l’opposant au fait que la marque visée par la demande PAVEWAY est un terme générique, ou du moins n’est pas distinctive du requérant.

 

Kritchawat Chainapasak

[33]      M. Chainapasak se présente comme étant un avocat exerçant à Bangkok, en Thaïlande. Son affidavit présente comme preuve, à titre de preuve matérielle, une copie d’une décision rendue par la Commission des marques de commerce de Thaïlande en date du 13 août 2009 au sujet de la demande de marque de commerce présentée par Raytheon et opposée par Lockheed. Une des conclusions de la Commission des marques de commerce de Thaïlande est que [TRADUCTION] « la marque de commerce est générique ou commune dans ce commerce et par conséquent, n’a pas de caractère distinctif. »

 

[34]      Je constate que dans le cas en question, l’opposant avait déposé des affidavits de personnes connaissant l’emploi du terme « Paveway » en Thaïlande, notamment des preuves de membres de l'Aviation royale de Thaïlande.

 

Marissa Hood

[35]      Mme Hood se présente comme étant parajuriste au sein du cabinet représentant l’opposant. En juillet 2010, Mme Hood s’est rendue à la succursale principale de la bibliothèque publique d’Ottawa et a confirmé que les publications suivantes pouvaient y être consultées : Jane’s Defence Weekly; Flight International; Defense Daily; Defense Daily International; C41 News; et Military & Aerospace Electronics.

 

Christiane Campbell (deux affidavits)

[36]      Mme Campbell s’est présentée comme étant une avocate représentant l’opposant aux États-Unis. Ses affidavits présentent comme preuve des copies des décisions relatives à l’opposition en lien avec la marque PAVEWAY entre les deux parties, dans divers pays. Toutes les décisions ont été rendues en 2010.

 

Royaume de Bahreïn

[37]      Le tribunal a informé les parties que [TRADUCTION] « PAVEWAY est considéré comme un générique et est un terme communément utilisé pour désigner des bombes guidées par laser. » Aucune raison n’est donnée pour la décision du tribunal et il n’y aucune indication quant aux preuves déposées pour cette instance, le cas échéant.

 

Royaume de l’Arabie Saoudite

[38]      Le tribunal a tranché en faveur de l’opposant Lockheed en se basant, du moins en partie, sur la preuve d’un commandant de l’Aviation royale saoudite qui affirmait que [TRADUCTION] « PAVEWAY est considéré comme un descriptif pour toutes les bombes guidées par laser (...) » Le droit de ce pays interdit l’enregistrement de marques [TRADUCTION] « considérées comme des descriptifs des produits (...) »

 

 Jordanie

[39]      Dans cette cause, l’opposant a déposé les affidavits de personnes (apparemment des Américains) spécialisées dans l’octroi de contrats pour les Forces aériennes américaines. Il semble que leurs preuves soient fort semblables à celle fournie par monsieur Cummings et résumée au paragraphe 20, plus haut. Le tribunal a tranché en faveur de l’opposant, concluant que [TRADUCTION] « la marque visée par l’enregistrement (PAVEWAY) est un terme générique décrivant une bombe guidée par laser (...) »

 

Maroc

[40]      Le tribunal a tranché en faveur de l’opposant Lockheed en se basant du moins en partie sur le témoignage d’un [TRADUCTION] « expert assermenté dans le domaine des armes »`affirmant que le terme PAVEWAY [TRADUCTION] « n’indique pas une source en particulier pour les produits. »

 

Preuve additionnelle de l’Opposant

Susan Goldsmith

 [41]     Mme Goldsmith se présente comme étant une avocate représentant l’opposant aux États-Unis. Son affidavit présente comme preuve la procédure d’opposition correspondante traitée aux États-Unis, sous forme de preuves matérielles, de témoignages et de dépositions d’interrogatoires. Mme Goldsmith explique que les parties se sont entendues pour éviter le dédoublement d’efforts et de dépenses en présentant ces documents au Canada. J’accepte donc ces preuves comme étant admissibles pour la présente instance quant à la véracité de leur contenu. La preuve vise à étayer la position de l’opposant selon laquelle, aux États-Unis, le terme PAVEWAY ne distingue pas les marchandises du requérant, puisque c’est un terme générique.

 

Jill Roberts

[42]      Mme Roberts s’est présentée comme étant une huissière adjointe dont les services ont été retenus par un avocat de l’opposant dans le but de faire des recherches sur Internet pour trouver des articles en ligne. Elle a effectué ses recherches le 22 août 2011, et les articles sont joints comme preuve à son affidavit. Les articles soulignent qu’aux États-Unis et en Inde, le terme PAVEWAY n’a pas de caractère distinctif pour les marchandises du requérant, mais qu’il s’agit plutôt d’un terme générique.

 

Hyunmi Kim

[43]      Mme Kim se présente comme étant une avocate exerçant dans la ville de Séoul, en Corée du Sud. Son affidavit présente comme preuve une copie d’une décision datée du 22 avril 2011 rendue par le tribunal de la propriété intellectuelle de la Corée du Sud. Le cas s’attarde à une instance judiciaire lancée par Lockheed en vue de rendre nul l’enregistrement de la marque de commerce PAVEWAY de Raytheon. Le tribunal a annulé l’enregistrement de la marque, en se référant au témoignage de M. Hwang, selon qui [TRADUCTION] « “PAVEWAY” n’est pas reconnu par les Forces aériennes de la Corée comme indiquant un bien en particulier, et ce terme est synonyme de bombe guidée par laser. » Le tribunal a ajouté que [TRADUCTION] :

(…) la marque « PAVEWAY » était le nom pour la bombe guidée par laser mise au point par le prédécesseur en droit de l’intimé, Texas Instruments, dans les années 1970. Toutefois, depuis l’an 2000, le terme a été utilisé de façon générale par l’armée américaine, le requérant et l’intimé, ainsi que par divers médias, comme une désignation pour les bombes guidées par laser. En ce qui a trait aux marchandises désignées par la marque objet de l’instance, les commerçants ou utilisateurs coréens sont des personnes qui effectuent du travail en lien avec l’armement dans l’armée, sont des courtiers en armes, etc. Puisqu’ils sont des experts en armes, on peut croire qu’ils possèdent le savoir le plus exact au sujet du contenu susmentionné.

 

Preuve additionnelle du Requérant

Michelle Miller

[44]      Mme Miller se présente comme étant une avocate représentant le requérant aux États-Unis. Son affidavit présente comme preuve la procédure d’opposition correspondante traitée aux États-Unis, sous forme de preuves matérielles, de témoignage et de dépositions d’interrogatoires. Les parties se sont entendues pour éviter le dédoublement d’efforts et de dépenses en présentant ces documents au Canada. J’accepte donc ces preuves comme étant admissibles pour la présente instance quant à la véracité de leur contenu. La preuve vise à étayer la position du requérant selon laquelle, aux États-Unis, le terme PAVEWAY est caractéristique des marchandises du requérant et qu’il ne s’agit pas d’un terme générique.

 

Susan Burkhardt

[45]      Mme Burkhardt se présente comme une parajuriste au sein du cabinet représentant le requérant. Son affidavit présente comme preuve une copie d’une décision datée du 1er juin 2011 rendue par le Bureau des brevets de la Norvège au sujet de la marque PAVEWAY de Raytheon et concernant les deux parties impliquées dans la présente. Le Bureau des brevets conclut qu’en Norvège, la marque n’est pas descriptive et possède un caractère distinctif.

 

[46]      J’ai inclus plusieurs extraits de la décision ci-dessous, car les enjeux et la preuve (ou plus exactement, les lacunes de la preuve) examinés dans la décision norvégienne ont plusieurs traits communs avec la présente instance :

page 2

L’avocat de l’opposant affirme que le mot PAVEWAY n’est pas suffisamment distinctif, et que le mot est descriptif pour le produit désigné, c’est-à-dire qu’il désigne des bombes guidées par laser. L’avocat du propriétaire soutient pour sa part que PAVEWAY n’est pas générique, et que le propriétaire utilise ce nom comme marque de commerce depuis de nombreuses années.

 

Le caractère distinctif d’une marque de commerce doit également être pris en considération en fonction des biens pour lesquels la demande d’enregistrement a été déposée (…) La marque doit être examinée en fonction de la façon dont le consommateur moyen la percevrait dans son ensemble, sans se pencher sur les détails et sans analyser les diverses composantes de la marque. Le consommateur moyen pour des « bombes guidées par laser » dans la catégorie 13 serait des professionnels. On peut présumer que de tels consommateurs moyens seraient donc raisonnablement bien informés et instruits (…).

 

page 3

(…) Nous devons tenir compte du cercle de consommateurs en Norvège pour étudier la marque. En Norvège, le milieu des consommateurs de bombes guidées par laser est principalement constitué de fonctionnaires norvégiens, représentés par le gouvernement et les autorités du ministère de la Défense. Nous souhaitons insister sur le fait que peu de gens, incluant les personnes dans la fonction publique norvégienne et dans le personnel de la Défense, participent à l’octroi des contrats et à l’achat de tels produits, et ont donc le savoir pertinent à leur sujet. Par conséquent, le cercle de consommateurs visé est à la fois limité et spécialisé.

 

pages 4 et 5

(…) Divers extraits de périodiques tels que « Flight International » et « Defence Daily » ont été déposés, dans lesquels le propriétaire et l’opposant sont tous deux cités comme fabricants de bombes guidées par laser Paveway. L’opposant souligne également la pertinence des copies d’articles de Jane' s, considérées comme la source d’information la plus importante dans le domaine de la défense. L’opposant soutient que cela prouve que le terme PAVEWAY est utilisé par les gens du milieu comme terme générique dans la documentation.

 

Le Bureau des brevets estime qu’il n’est pas nécessaire de donner un résumé plus détaillé des revendications des parties à l’égard de la documentation soumise. La raison justifiant ce choix est que la documentation fait principalement référence à des sources américaines. (…) Les périodiques et les bases de données comme Flight International, Defence Daily, Jane' s et strategyworld.com, sont, dans la mesure où nous pouvons le voir, sont [sic] britanniques et américains. Il n’est pas clair dans quelle mesure les consommateurs norvégiens du milieu sont au courant des articles publiés dans ces périodiques, et les consultent. Le Bureau des brevets doit également examiner la perception que le consommateur norvégien moyen a de la marque verbale PAVEWAY. Nous ne pouvons pas conclure, en fonction de la documentation présentée, la façon dont le consommateur norvégien moyen percevrait le mot PAVEWAY lorsqu’utilisé en référence à des systèmes de bombes guidées par laser.

 

Page 6.

Pour conclure que le consommateur norvégien moyen considérerait le terme PAVEWAY comme générique, nous avons besoin de preuve sans équivoque. Dans quelle mesure les autorités des autres pays s’intéressent-elles à la Défense américaine et à ses produits, ou connaissent-elles la terminologie utilisée pour leurs marchandises aux États-Unis et par les gens en contact avec les États-Unis? Cette question demeure entièrement théorique et il n’y a pas de preuve claire pour l’étayer. Nous avons besoin d’au moins quelques sources indiquant que le milieu de consommateurs en Norvège perçoit effectivement le terme PAVEWAY comme étant un type de systèmes de bombes guidées par laser et que cela n’indique pas une source commerciale en particulier.

(Je souligne)

 

Bien entendu, les causes tranchées dans des territoires étrangers n’ont aucune force contraignante à titre de précédent pour la Commission. Toutefois, dans les circonstances appropriées, les décisions de cours et de tribunaux étrangers peuvent être examinées pour leur valeur de persuasion. Je ne crois pas que ces causes étrangères impliquant la marque PAVEWAY et qui ont été portées à mon attention par les parties aient une force persuasive quelconque quant à la décision pour la présente opposition.

 

Fardeau de persuasion et fardeau de preuve

[47]      Avant de me pencher sur les allégations contenues dans la déclaration d’opposition, j’aimerais souligner certaines des exigences techniques relatives (i) au fardeau de persuasion qui incombe au requérant pour étayer sa cause et (ii) au fardeau de preuve dont l’opposant doit s’acquitter pour appuyer les affirmations faites dans sa déclaration d’opposition.

 [48]     À l’égard de l’exigence (i) ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées dans la déclaration d’opposition. Le fardeau imposé au requérant signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Pour ce qui est de l’exigence (ii) susmentionnée, l’opposant doit, conformément aux règles de preuve habituelles, prouver les faits inhérents aux allégations invoquées dans la déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293 à 298 (C.F. 1re inst.). L’existence de ce fardeau de preuve à l’égard d’un enjeu particulier signifie que pour que cette question soit examinée, l’opposant doit déposer une preuve suffisante permettant raisonnablement de déduire à l’existence des faits allégués.

 

Analyse des motifs d’opposition

[49]      J’examinerai les motifs d’opposition selon l’ordre dans lequel ils sont cités dans la déclaration d’opposition.

 

Motif d’opposition aux termes de l’alinéa 30b)

Le requérant a-t-il utilisé la marque PAVEWAY au Canada depuis 1980, comme il le revendique dans sa demande?

[50]      La preuve des deux parties se concentre sur les activités des sociétés aux États-Unis plutôt qu’au Canada. L’opposant n’a pas soumis de preuve pour étayer son affirmation que le requérant n’a pas utilisé la marque PAVEWAY au Canada depuis 1980, alors que l’opposant a déposé certaines preuves de l’emploi de la marque PAVEWAY au Canada — même si la preuve n’est pas précise au sujet du moment où les ventes de produits portant la marque ont été réalisées. Toutefois, le requérant n’est pas obligé de prouver la date de premier emploi à moins que la date ne soit contestée par l’opposant. J’estime que la preuve au dossier est insuffisante pour conclure que l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve pour étayer le premier motif d’opposition; par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Motif d’opposition aux termes de l’alinéa 30d)

L’allégation fondée sur l’alinéa 30d) est devenue spéculative.

[51]      L’opposant affirme que le requérant n’a jamais utilisé la marque PAVEWAY aux États-Unis. Vraisemblablement, cette allégation a été faite pour remettre en doute la validité de la demande aux États-Unis citée à l’origine dans la demande objet de la présente, et donc pour remettre en question la date de priorité exclusive (le 15 juillet 2005) initialement revendiquée par le requérant. Toutefois, comme la demande canadienne a été modifiée pour effacer toute référence à une date de priorité (voir le paragraphe 2 plus haut), l’examen de l’allégation soulevée dans le second motif d’opposition devient purement spéculatif. Dans tous les cas, même si la demande n’avait pas été modifiée et si l’opposant avait prouvé sa demande, ce n’est que la date de priorité (le 15 juillet 2005) qui aurait été remise en question. La partie de la demande fondée sur l’usage de la marque au Canada n’aurait pas été repoussée aux termes de l’alinéa 30d).

 

Motif d’opposition aux termes de l’alinéa 12(1)c)

Le terme PAVEWAY est-il le nom des marchandises?

Circonstances

[52]      Le prédécesseur en droit du requérant, Texas Instruments, a introduit le concept d’une bombe guidée par laser autour de 1965 et a commencé à collaborer avec les Forces aériennes américaines dans le cadre d’un programme de développement, dont le nom de code était Paveway, pour produire la première génération de bombes guidées par laser. Au milieu des années 1970, le requérant fournissait une deuxième génération de bombes guidées par laser à l’armée américaine, utilisant la marque de commerce PAVEWAY II. Puis, au milieu des années 2000, l’armée américaine a demandé à l’opposant de fournir essentiellement le même type de produit pour les bombes guidées par laser que celui déjà offert par le requérant. Ce n’est pas surprenant que, par souci de commodité, l’armée américaine ait constamment fait référence aux armes qu’elle souhaitait acheter de l’opposant en utilisant la marque de commerce PAVEWAY. À cet égard, l’armée américaine ne cherchait qu’à s’approvisionner en armes, sans se soucier lequel des deux fournisseurs fabriquait le produit. Peu après, l’opposant a commencé à faire référence à ses propres bombes guidées par laser à l’aide de la marque de commerce du requérant, PAVEWAY. Le milieu des exégètes en armes de l’armée américaine s’est alors mis à parler de bombes PAVEWAY comme ayant deux sources, le requérant et l’opposant. Conséquemment, la marque PAVEWAY du requérant a perdu son caractère distinctif aux États-Unis.

 

Test aux termes de l’alinéa 12(1)c)

[53]      Le test pour déterminer si une marque enfreint les dispositions de l’alinéa 12(1)c) est expliqué et discuté dans l’arrêt ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182 (CF), confirmé dans 38 C.P.R. (4th) 481 (CAF) :

 

La Cour fédérale a établi que le critère applicable à l’alinéa 12(1)c) est plus étroit que celui qui concerne l’usage de termes descriptifs [Unitel Communications Inc. c. Bell Canada (1995), 92 F.T.R.161, 61 C.P.R. (3d) 12 (C.F. 1re inst.)). La marque, considérée dans son ensemble, doit être manifestement le nom des marchandises ou services du déposant selon l’impression immédiate ou première du consommateur ordinaire de ces marchandises ou services.

 

[82] Dans l’affaire Association canadienne des banquiers c. Northwest Bancorporation (1979), 50 C.P.R. (2d) 113, le requérant demandait l’enregistrement de la marque BANCO pour emploi projeté en liaison avec des services bancaires. La Commission des oppositions des marques de commerce a conclu que cette marque contrevenait à l’alinéa 12(1)c) et n’était pas enregistrable, au motif que le mot banco était l’équivalent espagnol des termes anglais bank (banque) et banking services (services bancaires).

 

[83] Inversement, dans la décision Horn Abbot Ltd. c. Thurston Hayes Development Ltd. 1997 CanLII 5459 (FC), (1997), 137 F.T.R. 206, la Cour fédérale a statué que la marque de commerce TRIVIAL PURSUIT (QUELQUES ARPENTS DE PIÈGES) n’était le nom d’aucun jeu, de table ou autre. Selon Madame la juge Reed, le fait que ce jeu fût fondé sur des questions anecdotiques (trivia en anglais) et que le mot trivia se retrouvât dans trivial ne suffisait pas à faire de cette marque de commerce le nom des marchandises en question.

 

[84] Dans l’examen du point de savoir si une marque est constituée du nom des marchandises ou des services à l’égard desquels elle est employée, la Cour peut se reporter à des dictionnaires ou à d’autres ouvrages de référence pour déterminer les significations possibles de cette marque. Monsieur le juge Nadon a ainsi invoqué les définitions de dictionnaires de langue française pour conclure que « brûlerie » était un terme générique notoirement employé au Canada dans le secteur de la torréfaction du café [Brûlerie Des Monts Inc. c. 3 002 462 Canada Inc. reflex, (1997), 132 F.T.R. 150]. Cependant, la Cour d’appel fédérale a entériné la thèse que les dictionnaires se trompent parfois et ne devraient servir que de guide [Bagagerie S.A. c. Bagagerie Willy Ltée reflex, (1992), 97 D.L.R. (4th) 684].

 

Ouvrages de référence

[54]      Le requérant se base sur différents dictionnaires et encyclopédies pour appuyer sa revendication que le terme « Paveway » est le nom des marchandises indiquées dans la demande objet par la présente; des exemples de ces références sont abordés ci-dessous.

 

[55]      La preuve 4 jointe à l’affidavit de monsieur Coghlan est une copie d’un extrait de la New Encyclopedaedia Britannica (2007) tirée de l’article « smart bomb. » Voici une portion de l’extrait [TRADUCTION] :

Les bombes intelligentes américaines incluent trois modèles Walleye équipés de systèmes de guidage par caméra et les séries de bombes Paveway, équipées de systèmes de guidage par laser.

 

[56]      La preuve 5 jointe à l’affidavit de M. Coghlan est une copie de l’Encyclopedaedia of Science and Technology (2007) de McGraw-Hillunder, tirée de l’article « smart weapons ». Voici une portion de l’extrait [TRADUCTION] :

Il existe deux catégories d’armes intelligentes (...) les systèmes d’armes de cette catégorie incluent les bombes guidées par laser comme Paveway II et Paveway III.

 

La bombe guidée par laser de faible intensité de type Paveway III (GBU-24, GBU-27) peut modifier sa trajectoire à mi-chemin en établissant ses coordonnées en réfléchissant un laser sur sa cible au moyen d’un illuminateur.

 

[57]      M. Serra décrit le magazine Jane’ s comme étant [TRADUCTION] « le chef de file international en matière d’information et la principale référence pour l’industrie militaire et le secteur de la défense (...) la ressource par excellence, et une encyclopédie [sic] dans le domaine. » La preuve 2 jointe à l’affidavit soumis comme réplique par M. Serra est une copie d’un extrait d’une publication en ligne de Jane’ s datée de 2006 et reproduite en partie ci-dessous [TRADUCTION] :

 

La gamme de bombes guidées par laser Paveway, ou plus précisément les systèmes de guidage laser, a été conçue et mise au point dans les années 1960 pour offrir aux aéronefs tactiques une capacité à commettre des attaques précises, un besoin pressant durant la guerre du Vietnam. Le préfixe Precision Avionics Vectoring Equipment (PAVE) a été donné à une gamme d’initiatives des Forces aériennes américaines visant le développement d’armes guidées à cette époque, mais le nom de code Paveway est de nos jours reconnu comme un titre pratiquement générique pour les bombes guidées par laser. Aux États-Unis, il existe maintenant deux producteurs de systèmes de guidage Paveway, Raytheon Missile Systems et Lockheed Martin Missiles and Fire Control.

 

Conclusion

[58]      Après avoir examiné la preuve soumise par les parties, je conclus que le terme « Paveway » n’est pas le nom des marchandises du requérant. Le nom du produit du requérant est « bombes », ou plus précisément « bombes guidées par laser », parfois appelées « bombes guidées ». Le terme « Paveway » a été créé, en partie à l’aide d’un acronyme, soit « precision avionics vectoring equipment. » Paveway était le nom de code pour un programme de développement d’arme créé dans les années 1960 par les Forces aériennes américaines en collaboration avec Texas Instruments. La société a adopté le nom PAVEWAY comme marque de commerce pour son produit de bombe guidée par laser. De nos jours, le terme Paveway est compris comme était une référence à ce type de bombes, mais à mon avis, la preuve versée au dossier ne suffit pas à établir qu’il s’agissait du nom du produit du requérant à la date de production de la demande visée par la présente, en 2005, pas plus qu’il ne l’est aujourd’hui. Ce troisième motif d’opposition est donc rejeté.

 

Motif d’opposition aux termes de l’article 10 et de l’alinéa 12(1)e)

Le terme PAVEWAY est-il devenu, à la suite de son emploi commercial au Canada, reconnu comme désignant le genre et la qualité des marchandises du requérant?

[59]      L’opposant a affirmé que la marque PAVEWAY, objet de la demande, ne peut pas être enregistrée, car, aux termes de l’article 10, le terme « Paveway », à la suite d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande. L’article 10 va comme suit :

Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

(Je souligne)

 

[60]      La Commission a accepté que la date pertinente pour déterminer un « usage commercial ordinaire et authentique » de la marque au Canada aux fins de l’article 10 est la date de sa décision : voir, par exemple, Sealy Canada Ltd. c. Simmons I.P. Inc. (2005), 47 C.P.R. (4th) 296 (COMC), rendu d’après l’arrêt Canadian Olympic Assn. c. Olympus Optical Co. (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (CAF); contra, voir ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182 (CF), dans laquelle cause la date pertinente est la date du premier emploi au Canada, confirmé dans 38 C.P.R. (4th) 481, d’après Carling Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. et al., (1982), 1 C.P.R. (3d) 191(CF), repoussant 70 C.P.R. (2d) 154 (COMC), confirmé 19 C.P.R. (3d) 129 (CAF).

 

[61]      Le test pertinent pour l’article 10 est traité au paragraphe 88 de l’arrêt ITV Technologies susmentionné :

 

Aux termes de l’article 10, l’adoption ou l’emploi d’une marque peuvent être interdits si, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, elle devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services. Cette interdiction de la Loi a pour conditions que l’usage de la marque en question se fasse au Canada et que celle-ci ait été couramment employée au Canada à l’époque considérée comme désignant un aspect des marchandises ou services qui en forment l’objet...

 

[62]      Les allégations du requérant au sujet de l’article 10 se trouvent aux paragraphes 52 et 53 de son mémoire, et sont reproduites ci-dessous :

 

52.            L’article 10 énonce clairement que la marque doit être devenue générique à la suite d’un emploi au Canada. Ainsi, aucune preuve soumise par l’Opposant au sujet de l’emploi de la marque PAYEWAY [sic] aux États-Unis ne doit être prise en considération pour déterminer si la marque PAVEWAY est reconnue comme désignant le genre ou la qualité de bombes guidées par laser. Puisqu’aucune preuve n’a été déposée quant à l’emploi de la marque PAVEWAY par une quelconque entité au Canada avant (ou après) la date à laquelle le requérant a commencé à utiliser la marque au pays, le terme ne peut pas être devenu un générique au Canada à ce jour.

 

53. Même si une date autre que la date de premier emploi du requérant est jugée pertinente pour l’enquête aux termes de l’article 10, l’opposant n’a déposé aucune preuve pour étayer la conclusion que la marque PAVEWAY a été utilisée abondamment au Canada pour désigner le genre ou la qualité de marchandises vendues, ou encore que PAVEWAY possède une définition reconnue dans l’industrie canadienne concernée.

 

[63]      Je suis plutôt d’accord avec les affirmations du requérant à cet égard. À mon avis, que la date pertinente soit celle du premier emploi de la marque revendiquée par le requérant, c’est-à-dire le 31 décembre 1980, ou bien la date de ma décision, la preuve de l’opposant est insuffisante pour démontrer que le terme « Paveway » est devenu générique au Canada. À cet égard, la preuve de l’opposant établit seulement, au mieux, l’emploi commercial minimal du terme Paveway pour les bombes guidées par laser vendues par l’opposant au Canada, et il n’y a aucune preuve de l’usage du terme « Paveway » pour désigner des bombes guidées par laser par des tiers. À mon avis, la preuve de l’opposant est insuffisante pour soulever un enjeu aux termes de l’article 10, peu importe la date pertinente. Le motif d’opposition aux termes de l’article 10 est par conséquent rejeté.

 

Motif d’opposition aux termes de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d)

Le terme PAVEWAY distingue-t-il les marchandises du requérant des marchandises d’autres sources?

[64]      Les deux derniers motifs d’opposition affirment que la marque PAVEWAY objet de la présente ne permet pas de distinguer les marchandises du requérant de celles d’autres fournisseurs. Comme toujours, le fardeau de persuasion revient au requérant, il lui incombe de prouver que sa marque lui permet de distinguer ses marchandises de celles de son opposant et d’autres vendeurs, partout au Canada; voir, par exemple, Muffin Houses Inc. c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R (3d) 272 (COMC). La date pertinente pour l’examen des circonstances entourant la question du caractère distinctif est celle de la date de production de la déclaration d’opposition, dans le présent cas, le 11 octobre 2006 : consulter Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à 130 (CAF); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à 424 (CAF).

 

[65]      Comme le requérant le souligne dans son mémoire, les fondements des allégations de l’Opposant à l’effet que la marque PAVEWAY objet de la demande n’a pas de caractère distinctif sont les suivantes : le terme « Paveway » (i) est générique, (ii) est le nom des marchandises du requérant, et (iii) ne distingue pas les bombes guidées par laser du requérant de celles vendues par l’opposant sous le nom « Paveway. »J’ai déjà conclu que le terme « Paveway » n’est pas le nom des marchandises du requérant. Par ailleurs, comme mentionné au paragraphe 63 ci-dessus, l’opposant ne peut pas défendre son allégation à l’aide de preuves versées au dossier pour affirmer que son propre emploi du terme Paveway pour la vente de bombes guidées par laser au Canada a eu des répercussions importantes sur le caractère distinctif de la marque PAVEWAY visée par la demande. À cet égard, la preuve de l’opposant portant sur les ventes de ses bombes guidées par laser au Canada est trop imprécise pour me permettre de déduire que ces ventes sont plus que minimales.

 

[66]      Le dernier fondement pour l’allégation que la marque n’a pas de caractère distinctif est le fait que le terme « Paveway » est générique au Canada, en raison d’un effet de débordement des États-Unis. Lors de l’audience orale, l’avocat de l’opposant a soutenu que le consommateur canadien visé, c’est-à-dire le personnel militaire et les fonctionnaires ayant la responsabilité d’acheter des bombes guidées par laser, serait au courant de la situation aux États-Unis, ce qui causerait le manque de caractère distinctif de la marque PAVEWAY au Canada. À cet égard, l’opposant se base sur une pléthore de documents, d’articles publiés dans des journaux spécialisés et de présentations faites par l’industrie, de communiqués de presse et de documents promotionnels déposés comme éléments de preuve — toutefois, aucun de ces documents n’est propre au Canada. J’accepte de déduire que certains de ces documents auraient été portés à l’attention du consommateur canadien visé. En outre, comme la Commission l’a déjà mentionné dans Automobile Club de l’Ouest de France c. Bridgestone Inc. (1994), 53 C.P.R. (3d) 242 à 247-48, ce type de preuve visant à établir le caractère non distinctif de la marque objet de la demande peut être examiné, même s’il ne s’agit pas d’un « emploi » de la marque à proprement parler. Dans le présent cas, la preuve soumise est suffisante pour satisfaire au fardeau de preuve incombant à l’opposant et par conséquent, elle permet de soulever la question quant à l’absence de caractère distinctif.

 

Jurisprudence

[67]      Dans l’arrêt Automobile Club susmentionné, l’opposant se basait sur sa marque LE MANS, utilisée en liaison avec une course automobile se tenant tous les ans dans la ville de Le Mans, en France, pour s’opposer à la marque LEMANS (en un seul mot), utilisée en liaison avec des pneus pour automobiles. Dans son analyse du motif d’opposition fondé sur le manque de caractère distinctif, la Commission a tranché ainsi, à la page 248 :

 

Étant donné la preuve fournie par l’opposant de la publication de reportages sur la course LE MANS dans des revues à tirage relativement important au Canada, je suis convaincu que les deux marques LES 24 HEURES DU MANS et LE MANS de l’opposant étaient connues au Canada à la date pertinente, soit le 21 avril 1987, du moins dans la mesure nécessaire pour étayer le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la marque qui fait l’objet de la demande d’enregistrement. Je n’accepte pas les allégations de l’opposant selon lesquelles ses marques LE MANS sont bien connues au Canada.

 

Néanmoins, l’opposant a fourni la preuve qu’à la date pertinente, soit le 21 avril 1987, un nombre considérable de Canadiens avaient connaissance de la course LE MANS et savaient qu’elle dure vingt-quatre heures et qu’il s’agit d’une épreuve d’endurance tant pour le pilote que pour la voiture. De plus, les articles de revue déposés en preuve par l’opposant et, dans une certaine mesure, les passages d’encyclopédie cités par l’avocat de l’opposant à l’audience (…) montrent le lien qui existe entre la course LE MANS et la technologie automobile novatrice.

 

[68]      Dans Automobile Club ci-dessus, la Commission n’est pas parvenue à une conclusion décisive sur la question du caractère distinctif. Conséquemment, la demande a été refusée puisque le requérant ne s’était pas acquitté de son fardeau de persuasion qui revenait à prouver que sa marque LEMANS avait un caractère distinctif. Dans le présent cas, l’opposant n’a pas fourni de preuve pour indiquer la mesure dans laquelle les articles et les documents ayant contribué à éroder le caractère distinctif de la marque PAVEWAY aux États-Unis circulaient au Canada.

 

[69]      Dans Bojangles » International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553 (COMC), l’opposant se basait sur sa marque BOJANGLES pour opposer la marque BOJANGLES CAFÉ, les deux marques étant utilisées en liaison avec des services de restauration. La marque de l’opposant était utilisée aux États-Unis, pas au Canada. La question était de savoir si la marque de l’opposant avait acquis une réputation suffisante au Canada pour remettre en doute le caractère distinctif de la marque visée par la demande d’enregistrement. La Commission a abordé la difficulté de tirer des conclusions au sujet du Canada à partir de preuves qui ne sont propres au pays, aux pages 559-560 :

 

À cet égard, la position de l’opposante selon laquelle sa marque est connue d’un grand nombre, sinon bien connue, au Canada n’est étayée que par des inférences qui doivent être tirées de renseignements statistiques généraux. Par exemple, les affidavits Lukie et Maisel fournissent des renseignements sur les ventes réalisées dans les restaurants BOJANGLES » aux États-Unis; (…) et l’affidavit Rumsey fournit la preuve des (i) « arrivées » canadiennes aux États-Unis en automobile et de (ii) l’installation de panneaux publicitaires BOJANGLES » sur les autoroutes les plus importantes des É.-U. qui vont du nord au sud et qui sont à peu près parallèles à la côte est, soit les routes qui sont susceptibles d’être empruntées par les Canadiens de l’est pour se rendre dans le sud des États-Unis où le climat est plus chaud. (…) les affidavits Rumsey, Whray, Snide, Chestnut et Dekine établissent que des clients canadiens sont servis dans les restaurants des opposantes. (…) Les éléments de preuve susmentionnés permettent de tirer facilement l’inférence que plusieurs des Canadiens qui voyagent aux États-Unis en viennent à connaître la marque BOJANGLES » des opposantes par la publicité faite par celles-ci et en prenant effectivement des repas dans les restaurants BOJANGLES ». Cependant, les éléments de preuve présentés par les opposantes ne vont pas plus loin. L’inférence qu’il est difficile de tirer est celle qui consiste à quantifier, avec un certain degré de certitude, ou à estimer de façon significative ou analytique, la mesure dans laquelle les Canadiens connaissent la marque BOJANGLES » des opposantes.

 

[70]      La Commission souligne également à la page 561 :

 

(…) les opposantes n’ont soumis aucun affidavit de personnes résidant au Canada ni de personnes ayant une bonne connaissance de la restauration canadienne ni de résidants canadiens s’intéressant à l’exploitation d’un restaurant franchisé.

 

De même, dans le présent cas, l’opposant n’a pas soumis de preuve sous forme d’affidavit de personnes résidant au Canada et connaissant les bombes guidées par laser.

 

 Observations du requérant sur la question du manque de caractère distinctif

[71]      Dans son mémoire, le requérant souligne [TRADUCTION] :

72. (…) la partie alléguant le manque de caractère distinctif, dans le présent cas, l’opposant, doit soumettre une preuve de la réputation au Canada des marques qui soi-disant remettent en question le caractère distinctif de la marque PAVEWAY du requérant. La preuve de l’emploi significatif à l’extérieur du Canada n’est pas pertinente, à moins qu’elle ne démontre que l’usage à l’extérieur du pays a provoqué une reconnaissance au Canada. L’opposant a omis de présenter cette preuve.

 

74.            Pratiquement toute la preuve déposée par l’opposant vise le marché américain et la perception du terme PAVEWAY aux États-Unis. L’opposant a déposé un grand nombre de documents de divers ministères du gouvernement américain, mais aucun d’entre eux ne permet d’établir la façon dont un acheteur canadien visé par le produit percevrait le terme PAVEWAY. L’opposant a également produit de nombreux articles provenant de divers médias spécialisés qui traitent du système PAVEWAY (presque tous dans un contexte américain), mais il n’y a aucune preuve indiquant que ces articles étaient disponibles ou étaient lus par les acheteurs canadiens visés par le produit. L’opposant a également inclus des renseignements démographiques pour plusieurs des articles déposés comme preuve, mais aucune de ces preuves démographiques ne démontre que ces articles étaient accessibles ou lus au Canada.

 

[72]      Je suis plutôt d’accord avec les affirmations du requérant à cet égard. Toutefois, je n’appuie pas l’affirmation au paragraphe 72 du mémoire du requérant, citée plus tôt, indiquant que l’opposant [traduction] « doit déposer une preuve de reconnaissance d’une marque au Canada qui pourrait remettre en question le caractère distinctif de la marque PAVEWAY du requérant. » L’Opposant n’est pas obligé de se baser sur une marque de commerce telle que définie dans la Loi sur les marques de commerce. Il suffit que l’opposant se base sur un terme qui n’est pas une marque de commerce, comme dans le présent cas, alors que l’opposant affirme qu’il ne peut pas y avoir de droit exclusif pour le terme « Paveway. » La position de l’opposant est que personne ne peut réclamer de droits exclusifs quant à l’usage du terme « Paveway » pour les bombes guidées par laser, puisque le terme en question ne peut pas être une marque de commerce.

 

Conclusion

[73]      Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la preuve de l’opposant ne démontre pas une reconnaissance suffisante du terme « Paveway » au Canada pour remettre en doute le caractère distinctif de la marque PAVEWAY du requérant. Ce dernier motif d’opposition est donc rejeté.

 

Règlement

[74]      Compte tenu de ce qui précède, l’opposition est rejetée.

 

[75]      Cette décision a été prise en vertu des pouvoirs délégués aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig, Commissaire,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. a

 

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