Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 55

Date de la décision : 2010-04-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Bacardi & Company Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1236610 pour la marque de commerce BREEZE ICE au nom de Distribuidora Glasgow C.A.

[1]               Le 8 novembre 2004, Distribuidora Glasgow C.A. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque BREEZE ICE fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada, par elle-même ou par l’entremise d’un licencié. Les marchandises, après révision, sont des « boissons alcoolisées, nommément cocktails alcoolisés à base de vodka ». La Requérante se désiste du droit à l’usage exclusif du mot ICE en dehors de la marque de commerce.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 août 2005.

[3]               Le 3 janvier 2006, Bacardi & Company Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. Par la suite, l’Opposante a, après en avoir fait la demande, été autorisée à produire une déclaration d’opposition modifiée le 7 juillet 2006. Les motifs d’opposition sont fondés sur la non-conformité aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), la non-enregistrabilité en vertu de l’alinéa 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des alinéas 16(3)a) et 16(3)b), et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’alinéa 38(2)d). À l’exception du motif fondé sur l’alinéa 30e), chacun des motifs invoqués dans la déclaration d’opposition modifiée repose sur la confusion avec les marques suivantes de l’Opposante : BREEZER, no d’enregistrement LMC405228, dessin de l’étiquette BACARDI BREEZER, no d’enregistrement LMC656922, dessin de l’étiquette BACARDI BREEZER, no d’enregistrement LMC657112, XTREME BREEZER (Dessin), no d’enregistrement LMC469033. Ces marques seront collectivement désignées comme étant les marques BREEZER de l’Opposante. Elles reposent toutes sur un emploi antérieur par l’Opposante ou son prédécesseur en titre.

[4]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Lisa Jazwinski. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Dane Penney. Ni l’un ni l’autre des déposants n’a été contre-interrogé.

[5]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’Opposante était représentée.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[6]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

[7]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la p. 475];

         alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Question préliminaire

[8]               Se fondant sur la décision Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd. c. Hyundai Auto Canada (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.) (Cross Canada), l’Opposante soutient que l’affidavit de Mme Penney est inadmissible en totalité, car il a été préparé par un recherchiste travaillant pour l’avocat de la Requérante et soulève plusieurs questions de fond et points en litige en l’espèce.

[9]               Dans Mr. Lube Canada Inc. c. Denny’s Lube Centre Inc. (2008), 73 C.P.R. (4th) 308 (C.O.M.C.), l’ancien membre de la Commission David Martin s’est penché sur une question semblable alors que l’auteure de l’affidavit, laquelle a essentiellement effectué une recherche relative à l’état du registre, était l’adjointe administrative de l’agent de marques de commerce de la requérante. Dans cette décision, M. Martin a conclu que l’affidavit ne comportait pas de témoignage d’opinion sur des questions litigieuses comme celui qui avait été produit dans l’affaire Cross-Canada et a donc dûment tenu compte de cet affidavit.

[10]           Je suis d’accord avec M. Martin. Mme Penney a effectué une recherche dans le registre des marques de commerce pour trouver des demandes ou enregistrements pertinents. Elle n’a pas par la suite produit de témoignage controversé à l’égard de questions fondamentales dans l’affaire.

[11]           Bien que je souscrive au raisonnement suivi dans Cross Canada selon lequel il est malvenu pour un cabinet d’avocats de faire en sorte que ses employés agissent comme enquêteurs pour qu’ils fournissent ensuite un témoignage controversé sur les aspects les plus cruciaux de l’affaire, je crois qu’il n’est ni raisonnable ni nécessaire de toujours s’attendre à ce que les cabinets d’avocats embauchent un tiers pour étudier l’état du registre et produire en preuve ses résultats. À mon avis, bien qu’une dimension subjective puisse être rattachée au mode de compilation de la preuve relative à l’état du registre, tant que le déposant énonce les paramètres de sa recherche dans l’affidavit, les renseignements présentés dans les résultats de la recherche constituent essentiellement le reflet des dossiers existants du bureau des marques de commerce à l’intérieur de ce paramètre. Par exemple, en l’espèce, l’affidavit de Mme Penney comporte en annexe des pages concernant l’enregistrement de marques de commerce en usage constituées du mot « BREEZE » ou incorporant ce mot, à l’exclusion des marques de la section 9, dans la catégorie 33, trouvées à l’aide de la base de données sur les marques de commerce Namereporter. Par conséquent, je suis disposée à tenir dûment compte de l’affidavit de Mme Penney.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

[12]           L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve ni formulé aucun argument à l’appui de ce motif d’opposition. Il est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[13]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) en démontrant que chacun de ses enregistrements pour la marque de commerce BREEZER est en règle. Je vais évaluer la probabilité de confusion entre la marque BREEZE ICE de la Requérante et la marque de commerce BREEZER de l’Opposante, enregistrée sous le numéro LMC405228, car c’est cette marque qui est l’élément le plus solide de la thèse de l’Opposante. La marque BREEZER de l’Opposante est enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées contenant des spiritueux distillés.

[14]                       La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion selon ce motif est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[15]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[16]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)]

[17]           En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, la marque de commerce BREEZE ICE de la Requérante, pour ce qui est des marchandises visées par la demande en cause en l’espèce, et la marque de commerce BREEZER de l’Opposante, pour ce qui est des marchandises visées par ses enregistrements, possèdent un caractère distinctif inhérent. Seule l’Opposante a établi que sa marque a acquis une certaine réputation par l’emploi ou la promotion. À cet égard, il ressort de la preuve produite par l’Opposante que celle-ci a réalisé des ventes d’une grande ampleur et a fait beaucoup de publicité, relativement à des boissons alcoolisées en liaison avec ses marques BREEZER, partout au Canada, depuis au moins juin 1988.

[18]           En ce qui concerne la période pendant laquelle chaque marque a été en usage, ce facteur favorise l’Opposante, car celle-ci a établi que sa marque BREEZER est employée au Canada depuis au moins 1988 en liaison avec des boissons alcoolisées contenant des spiritueux distillés, alors que la Requérante n’a établi aucun emploi de la Marque.

[19]           Les marchandises des parties sont essentiellement identiques : boissons alcoolisées contenant des spiritueux distillés et boissons alcoolisées, nommément cocktails alcoolisés à base de vodka. On peut donc présumer sans risque de se tromper que les marchandises des deux parties emprunteraient des voies de commercialisation similaires.

[20]           Selon un principe bien établi, la première partie d’une marque de commerce est l’élément le plus pertinent au regard du caractère distinctif. [Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)] Étant donné que le premier élément de la marque de la Requérante comprend toutes les lettres de la marque BREEZER de l’Opposante, à l’exception d’une seule, il y a un degré élevé de ressemblance entre les marques sur le plan visuel et phonétique. À mon avis, ni l’une ni l’autre de ces marques ne suggère une idée en particulier.

[21]           Comme autre circonstance de l’espèce, la Requérante s’est appuyée sur l’état du registre établi par l’affidavit de Mme Penney. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des déductions quant à l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il convient aussi de rappeler l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), lequel étaye le principe voulant que l’on ne saurait tirer de conclusions quant à l’état du marché à partir de la preuve de l’état du registre à moins d’avoir relevé un nombre considérable d’enregistrements pertinents.

[22]           Mme Penney a effectué une recherche au sujet du mot BREEZE et a trouvé quatorze occurrences. Toutefois, un examen plus poussé de ces occurrences révèle qu’il n’y a que sept enregistrements au nom de tiers relativement à des marques constituées du mot BREEZE ou incorporant ce mot qui soient liés dans une certaine mesure aux marchandises en cause en l’espèce. Étant donné ce nombre peu élevé, il m’est impossible de conclure que certaines de ces marques sont employées activement de sorte que les consommateurs ont l’habitude de les voir dans le domaine des boissons alcoolisées. Par conséquent, l’affidavit de Mme Penney n’aide guère la cause de la Requérante.

[23]           Ce qu’il faut se demander, c’est si un consommateur ayant un souvenir général et imparfait de la marque BREEZER de l’Opposante pourrait croire, en voyant la marque BREEZE ICE de la Requérante, que les marchandises essentiellement identiques ont la même origine. Vu l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Ma conclusion repose sur la forte ressemblance entre les marques, le fait que les marchandises des parties sont essentiellement identiques, tout comme le sont leurs voies de commercialisation, et le caractère distinctif acquis par la marque de l’Opposante grâce à son emploi et à la publicité.

[24]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[25]           Les autres motifs d’opposition reposent également sur l’examen de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs marques BREEZER de l’Opposante. Les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne les motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande de la Requérante et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont pas une incidence importante sur la conclusion quant à la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment, selon laquelle la marque de commerce BREEZE ICE de la Requérante est susceptible d’être confondue avec la marque de commerce BREEZER de l’Opposante, s’applique à ces motifs d’opposition, lesquels sont également accueillis.

 

 

 

 

 

Décision

[26]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

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