Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 33

Date de la décision : 2015-02-25

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE D'UNE PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Sim & McBurney, visant l'enregistrement no LMC767,570 de la marque de commerce HONEY GIRL au nom de Honey Girl Hawaii LLC

[1]               Le 7 juin 2013, à la demande de Sim & McBurney (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné un avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Honey Girl Hawaii LLC (l'Inscrivante), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC767,570 de la marque de commerce HONEY GIRL (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]
(1) Vêtements de bain.
(2) Vêtements, nommément protecteurs antiéraflures, tee-shirts, pulls d’entraînement et shorts de planche.

[3]               L'article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l'égard de chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu'il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente pour établir l'emploi s'étend du 7 juin 2010 au 7 juin 2013.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis du Registraire, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Mme Louisa Ngum, propriétaire de l'Inscrivante, souscrit le 18 janvier 2014 à Honolulu à Hawaï. Seule l'Inscrivante a produit des représentations écrites, mais les parties étaient toutes deux représentées à l'audience.

Preuve d'emploi

[7]               Dans son affidavit, Mme Ngum décrit l'Inscrivante comme concepteur, fabricant et vendeur de vêtements de bain et de vêtements pour dames et pour jeunes filles. Elle atteste que les produits de la marque HONEY GIRL de l'Inscrivante sont produits et envoyés par l'Inscrivante directement aux clients canadiens et que de tels produits sont également vendus à des [traduction] « boutiques de natation et de planche » au Canada, pour la revente aux consommateurs canadiens.

[8]               En ce qui a trait à la manière dont la Marque apparaît, Mme Ngum joint à son affidavit, en pièces 1 et 2, quatre photographies d'étiquettes et d'étiquettes volantes de divers vêtements. La Marque figure bien en vue et Mme Ngum atteste que de telles étiquettes et étiquettes volantes sont représentatives de celles attachées aux vêtements de bain et aux vêtements vendus par l'Inscrivante au cours de la période pertinente.

[9]               En ce qui a trait aux ventes des produits au cours de la période pertinente, Mme Ngum atteste que, au cours de la période pertinente, l'Inscrivante a vendu [traduction] « des milliers de dollars de marchandises de marque HONEY GIRL au Canada ». En particulier, elle déclare que des produits arborant la Marque ont été vendus à Mountain Equipment Co-Op (MEC), un détaillant canadien, [traduction] « depuis les huit dernières années ».

[10]           À l'appui, joints à son affidavit, en pièces 7 à 11, se trouvent des imprimés du site Web de MEC montrant divers vêtements de bain HONEY GIRL en vente. Les produits affichés comprennent des [traduction] « tankinis », « des shorts de bain » et des « culottes de bikinis ». Comme preuves de vente, Mme Ngum joint six bons de commande émis par l'Inscrivante à MEC (pièces 12 à 17). Les bons de commande montrent des ventes de grandes quantités de vêtements de bain et sont tous datés de la période pertinente. Comme preuve supplémentaire, en pièces 18 à 22, Mme Ngum joint une variété de documents liés aux bons de commande susmentionnés entre l'Inscrivante et MEC, incluant un connaissement, un certificat d'exportation et des factures douanières.

[11]           En plus de ces ventes en bloc à MEC, Mme Ngum déclare que l'Inscrivante a également vendu les produits en question directement aux clients. À l'appui, jointes à son affidavit, en pièces 3 à 5, se trouvent des impressions d'écran de pages Web du site Web de l'Inscrivante montrant divers vêtements de bain HONEY GIRL en vente. Ces produits comprennent [traduction] « bain de soleil », « triangle », « haut sport », « haut tankini » et « ensemble jupe sport ».

[12]           Cependant, comme preuve de ventes à des clients canadiens individuels, elle ne produit qu'une seule facture datée du 31 juillet 2010 (en pièce 23). Mme Ngum atteste que cette facture démontre une vente de l'Inscrivante à un de ses [traduction] « représentants des ventes qui achètent directement de [l'Inscrivante] ». Particulièrement, la facture montre l'achat de quatre protecteurs antiéraflures et deux shorts de planche par une personne, Faye Banham. Tous les produits sont marqués d'un « S » pour la taille « small » [petit].

Vêtements de bain

[13]           En ce qui a trait aux produits [traduction] « vêtements de bain », l'allégation d'emploi de Mme Ngum est appuyée par une preuve de ventes sous la forme de factures émises à MEC au cours de la période pertinente (pièces 17 à 21). Les pièces 18 à 22 viennent confirmer que de tels produits ont effectivement été envoyés au Canada. Comme la preuve montre que la Marque était apposée sur de tels produits par des étiquettes volantes et des étiquettes (pièces 1 et 2), je suis convaincu que l'Inscrivante a démontré l'emploi de la Marque en liaison avec des [traduction] « vêtements de bain » au sens des articles 4 et 5 de la Loi.

[14]           Cependant, pour les raisons exposées ci-dessous, je n'estime pas que l'Inscrivante a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits [traduction] « vêtements » au sens des articles 4 et 5 de la Loi.

Vêtements

[15]           Lors de l'audience, la Partie requérante a fait valoir que l'Inscrivante n'avait pas démontré l'emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits visés par l'enregistrement [citant John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Plus particulièrement, la Partie requérante fait valoir que, faute de preuve de ventes, l'emploi de la Marque en liaison avec les divers produits [traduction] « vêtements » visés par l'enregistrement n'a pas été établi.

[16]           Dans ses observations écrites et lors de l'audience, l'Inscrivante a fait valoir que dans le cadre d'une procédure de radiation en vertu de l'article 45, un propriétaire inscrit n'est pas tenu de fournir une preuve directe ou une preuve documentaire pour chaque produit lorsque les produits sont « logiquement et adéquatement classés » [citant Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst)] et Gowling Lafleur Henderson LLP c Neutrogena Corp (2009), 74 CPR (4th) 153 (COMC)].

[17]           Dans Saks, il y avait 28 catégories distinctes de produits et services; la Cour fédérale a jugé que fournir des preuves de tous les produits enregistrés aurait imposé un fardeau déraisonnable au propriétaire inscrit. En revanche, il n'y a que deux catégories comprenant en tout cinq produits visés par l'enregistrement en l'espèce. À ce titre, je n'estime pas qu'il soit déraisonnable de s'attendre à ce que l'Inscrivante produise une preuve en particulier pour tous les produits visés par l'enregistrement. Même si j'accepte que les étiquettes volantes et les étiquettes soient représentatives de la manière dont la Marque est apposée sur tous les produits de l'Inscrivante, je n'accepte pas que la preuve de ventes et de transfert soit représentative.

[18]           En particulier, l'Inscrivante aurait dû produire une preuve de transfert de tous ses produits visés par l'enregistrement plutôt que de s'appuyer sur un grand volume de preuve de ventes en ce qui a trait aux [traduction] « vêtements de bain » et sur la déclaration plutôt vague à l'égard des ventes au Canada de [traduction] « marchandises » susmentionnées arborant la Marque.

[19]           En effet, il semblerait que même si l'Inscrivante a vendu ses vêtements de bain par des ventes en bloc à MEC au cours de la période pertinente, ce n'était pas la pratique normale du commerce pour ses vêtements. Plutôt, au mieux, de tels vêtements semblent avoir été vendus seulement directement à des clients individuels, par l'entremise du site Web de l'Inscrivante ou autrement. À ce titre, je ne peux pas estimer que la preuve de ventes de l'Inscrivante de ses [traduction] « vêtements de bain » est représentative en ce qui a trait aux divers produits [traduction] « vêtements ».

[20]           D'ailleurs, alors que 19 des 23 pièces jointes à l'affidavit de Mme Ngum portent sur les produits [traduction] « vêtements de bain », seule la pièce 23 fait clairement référence à des vêtements, nommément des [traduction] « protecteurs antiéraflures » et des « shorts de planche ». Aucune pièce ne fait référence ou ne présente les [traduction] « tee-shirts » ou « pulls ».

Tee-shirt et pulls d’entraînement

[21]           En ce qui a trait aux [traduction] « tee-shirts » et « pulls d’entraînement », Mme Ngum déclare simplement que l'Inscrivante [traduction] « vend également des vêtements de bain, des shorts de planche des protecteurs antiéraflures, des tee-shirts et des pulls d'entraînement à des clients ». Cependant, aucune des factures en pièce jointe ne montre la vente de ces produits et, comme l'a fait remarquer la Partie requérante, aucune des nombreuses impressions d'écran de pages du site Web de l'Inscrivante ou du site Web de MEC ne montre que les tee-shirts et les pulls d'entraînement étaient en vente au Canada. En fait, les tee-shirts et les pulls d'entraînement ne sont décrits ou présentés dans aucune des pièces.

[22]           Par conséquent, je suis d'accord avec la Partie requérante que les déclarations de Mme Ngum en ce qui a trait aux tee-shirts et aux pulls d'entraînement ne constituent que de simples allégations et que l'Inscrivante n'a pas réussi à établir l'emploi de la Marque en liaison avec ces produits au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Shorts de planche par rapport à shorts de bain

[23]           En ce qui a trait aux shorts de planche, comme susmentionné, les ventes de l'Inscrivante à MEC comprenaient des ventes de [traduction] « shorts de bain » et le site Web de l'Inscrivante comme le site Web de MEC présentent les produits identifiés comme [traduction] « shorts de bain ».

[24]           Lors de l'audience, l'Inscrivante a fait valoir qu'aucune distinction ne doit être faite entre [traduction] « shorts de planche » et « shorts de bain », indiquant que la preuve d'emploi de [traduction] « shorts de bain » appuie l'enregistrement en liaison avec [traduction] « shorts de planche ».

[25]           Cependant, la Partie requérante a soutenu que [traduction] « shorts de planche » et « shorts de bain » sont, en fait, différents produits et que rien de la preuve produite ne suggère qu’ils forment une seule et même entité. En effet, je remarque que, en plus de la terminologie différente, les codes de style des [traduction] « shorts de planche » facturés en pièce 23 ne correspondent pas aux codes employés sur les factures produites de MEC pour des [traduction] « shorts de bain ». Je suis d'accord avec la Partie requérante que rien d'autre dans l'affidavit de Mme Ngum ne suggère que les [traduction] « shorts de bain » sont en fait des [traduction] « shorts de planche ».

[26]           Ayant catégorisé séparément et de façon distincte [traduction] « vêtements de bain » et « shorts de planche » dans l'état déclaratif des produits, l'Inscrivante était dans l'obligation de produire une preuve en ce qui a trait aux [traduction] « shorts de planche » [voir John Labatt, précitée]. Cependant, comme je l'expliquerai ci-dessous, j'estime que la pièce 23 n'est pas adéquate pour appuyer l'enregistrement en liaison avec [traduction] « shorts de planche ».

Shorts de planche et protecteurs antiéraflures

[27]           En ce qui a trait aux shorts de planche et aux protecteurs antiéraflures, Mme Ngum joint à son affidavit une seule facture en pièce 23 qui détaille quatre protecteurs antiéraflures et deux shorts de planche.

[28]           La Partie requérante a fait valoir que cette facture devrait être considérée comme une vente symbolique ou interne puisqu'elle a été émise à une personne que Mme Ngum présente dans son affidavit comme un [traduction] « représentant des ventes » de l'Inscrivante. À ce titre, la Partie requérante fait valoir que cette facture ne représente pas un transfert dans la pratique normale du commerce.

[29]           L'Inscrivante a fait valoir que la facture établit, en fait, la preuve de ventes de protecteurs antiéraflures et de shorts de planche dans la pratique normale du commerce. En particulier, l'Inscrivante a souligné que la facture montre que chaque article a été acheté dans une taille en particulier, suggérant que cette transaction était une vente authentique à un client canadien en particulier. L'Inscrivante a suggéré que, s'il s'était agi d'une facture d'échantillons, elle aurait reflété divers articles de différentes tailles.

[30]           Il est bien établi que la preuve d'une seule vente peut être suffisante pour établir l'emploi d'une marque de commerce dans la pratique normale du commerce, selon les circonstances entourant la transaction [voir Ontario Inc c Eva Gabor International, Ltd et al (2011), 90 CPR (4th) 277 (CF) et Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst)]. Cependant, la Cour fédérale, dans Guido Berlucci & C Srl c Brouilette Kosie (2007), 56 CPR (4th) 401 (CF) au paragraphe 20 a déclaré que :

[traduction]
...si un propriétaire inscrit choisit de ne produire la preuve que d'une seule vente, il joue avec le feu, car il doit alors fournir suffisamment de renseignements concernant le contexte dans lequel s'est déroulée la vente pour éviter de susciter dans l'esprit du registraire ou de la Cour des doutes qui pourraient jouer contre lui.

[31]           Même si Mme Ngum fournit des détails en ce qui a trait à la pratique normale de son commerce par la vente en bloc à MEC et potentiellement par l'entremise du site Web de l'Inscrivante, la facture en pièce 23 ne semble pas s'inscrire dans l'une ou l'autre de ces pratiques. À défaut d'autres détails, il est difficile de conclure que cette facture unique démontre un modèle de transactions commerciales authentiques en ce qui a trait aux vêtements [voir Philip Morris, précitée, à 293]. À ce titre, il n'est pas évident si la facture représente un transfert dans la pratique normale du commerce conformément à l'article 4(1) de la Loi ou si, par exemple, il s'agissait simplement d'une vente symbolique unique à un employé. Par conséquent, selon Plough, j'estime que cette ambiguïté doit être tranchée à l'encontre de l'Inscrivante.

[32]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que l'Inscrivante a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les [traduction] « vêtements de bain » seulement, au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi. De plus, en ce qui a trait aux [traduction] « vêtements » visés par l'enregistrement, il n’y a aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque.


 

 

Décision

[33]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier la deuxième catégorie de produits (2) dans sa totalité, [traduction] « vêtements, nommément protecteurs antiéraflures, tee-shirts, pulls d’entraînement et shorts de planche ». L'état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit : [traduction] vêtements de bain.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

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