Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 175

Date de la décision : 2016-10-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Centrale des caisses de crédit du Canada

Opposante

et

 

CCUEFINANCE Consulting Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,556,229 pour la marque de commerce Dessin de cercle & CCUEFINANCE

& caractères chinois & dessin

 

 

Demande

 

[1]               La Centrale des caisses de crédit du Canada s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce Dessin de cercle & CCUEFINANCE & caractères chinois & dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l'objet de la demande d'enregistrement no 1,556,229 au nom de CCUEFINANCE Consulting Inc.

[2]               Produite le 14 décembre 2011, la demande en cause est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants [Traduction] : « services financiers, nommément services de planification financière, services de gestion de patrimoine, services de courtier en valeurs mobilières; services de conseil en placements; services de gestion de placements; services de placements financiers, nommément placement de fonds pour des tiers; services de courtage d'assurance; services de courtage hypothécaire; services fiscaux, nommément services de planification fiscale, services de conseils fiscaux, préparation de déclarations de revenus; services éducatifs, nommément ateliers, séminaires et conférences dans les domaines suivants : placements, finances, affaires, planification financière, gestion de portefeuille, gestion de fonds, planification de la retraite, prêt hypothécaire, stratégie de placement et répartition d'actifs » depuis juin 2011.

[3]               La demande en cause contient la revendication de couleur suivante [Traduction] : « La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. L'or (PANTONE* 126C) est revendiqué comme caractéristique de la marque. Le cercle est or (PANTONE* 126C). Le bleu foncé (Pantone* 7463 PC) est revendiqué comme caractéristique de la marque. Les lettres CCUEFINANCE sont bleu foncé (PANTONE* 7463 PC). Le noir est revendiqué comme caractéristique de la marque. Les huit caractères chinois sont noirs. *PANTONE est une marque de commerce déposée. »

[4]               De plus, les caractères chinois sont décrits de la manière suivante dans la demande en cause [Traduction] : « Selon le requérant, la translittération et la traduction anglaise des huit caractères chinois lus de gauche à droite sont les suivantes : 1) la translittération des premier et deuxième caractères chinois vers le système phonétique cantonais est SI SI, vers le système phonétique chinois (PIN YIN) est SHI SHI, et leur traduction anglaise est EVERYTHING; 2) la translittération des troisième et quatrième caractères chinois vers le système phonétique cantonais est YU YI, vers le système phonétique chinois (PIN YIN) est RU YI, et leur traduction anglaise est AS WISH; 3) la translittération des cinquième et sixième caractères chinois vers le système phonétique cantonais est KAM YUNG, vers le système phonétique chinois (PIN YIN) est JIN RONG, et leur traduction anglaise est FINANCE; 4) la translittération des septième et huitième caractères chinois vers le système phonétique cantonais est TAU JI, vers le système phonétique chinois (PIN YIN) est TOU ZI, et leur traduction anglaise est INVESTMENT. »

[5]               L'Opposante allègue que : i) la demande n'est pas conforme à plusieurs des exigences énoncées à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi; iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16 de la Loi; et iv) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[6]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l'opposition.

Le dossier

[7]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 8 février 2013. Le 3 mai 2013, la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration, dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[8]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Sandra Bayley, gestionnaire, Marques de commerce et propriété intellectuelle, chez l'Opposante, et de Jane Buckingham, une recherchiste en marques de commerce à l'emploi de l'agent de l'Opposante. À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Haiying Zhang, unique actionnaire et administratrice de la Requérante. L'Opposante a également produit un second affidavit de Sandra Bayley comme preuve en réponse. Seule Mme Zhang a été contre-interrogée; la transcription de son contre-interrogatoire, ainsi que ses réponses aux engagements, ont été versées au dossier.

[9]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Aucune des parties n'a sollicité la tenue d'une audience.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[11]           J'examinerai maintenant chacun des motifs d'opposition, mais pas nécessairement selon l'ordre dans lequel ils sont formulés dans la déclaration d'opposition.

La Marque crée-t-elle de la confusion avec l'une quelconque des marques de commerce CU déposées de l'Opposante?

[12]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi au motif qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante, y compris ses marques de certification, commençant par, ou comprenant, les lettres CU. Toutes les demandes et tous les enregistrements de marque de commerce que l'Opposante invoque dans sa déclaration d'opposition sont énumérés à l'Annexe « A » de la présente décision; les enregistrements relatifs à ses marques de certification sont, quant à eux, énumérés à l'Annexe « B » de la présente décision. Je souligne que toutes les marques déposées citées commencent par les lettres CU. Dans le cadre de l'analyse présentée ci-dessous, les mentions des marques de commerce déposées de l'Opposante incluent ses marques de certification.

[13]           La date pertinente pour l'examen de cette question est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[14]           Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si le ou les enregistrements qu'il invoque sont en règle. À cet égard, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre afin de confirmer l’existence du ou des enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que, à l'exception de l'enregistrement no LMC493,921 de la marque de commerce CUCORP & Dessin, qui a été radié le 12 décembre 2013, tous les enregistrements de marque de commerce énoncés dans la déclaration d'opposition sont en règle (Marques CU déposées). Je souligne en outre que toutes les Marques CU déposées ont été cédées à l'Association canadienne des coopératives financières le 1er décembre 2015. Cette cession est sans conséquence aux fins de la présente décision.

[15]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, la question est maintenant de savoir si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l'une quelconque des Marques CU déposées de l'Opposante.

[16]           Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette ce motif d’opposition.

[17]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[18]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[19]           J'examinerai maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5).

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[20]           L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) exige de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties.

[21]           J'estime que, lorsqu'on la considère dans son ensemble, la Marque possède un caractère distinctif inhérent considérable. À cet égard, bien que des lettres de l'alphabet n'ayant pas de signification particulière soient intrinsèquement faibles et que des mots tels que « finance » et « investment » [placement] en anglais et en chinois puissent être descriptifs ou suggestifs des services financiers visés par la demande, j'estime que le dessin géométrique fantaisiste et l'expression « Everything As Wish » [le tout selon vos désirs] en chinois contribuent au caractère distinctif inhérent de la Marque.

[22]           En comparaison, les Marques CU déposées de l'Opposante sont formées des lettres CU suivies d'autres lettres de l'alphabet (p. ex. CUDA, CUETS, CUIC, CUIS, CUPS) ou d'un terme qui est descriptif ou suggestif des services de l'Opposante liés à cette marque (p. ex. CUCREDIT pour la fourniture d’un bureau de services de cartes de crédit d’une coopérative de crédit, CUBOND pour des services de coopératives de crédit concernant des placements de dépôt à terme et CU-XCHANGE pour des services de coopérative de crédit et un programme d’échange interactif). Par conséquent, j'estime que les Marques CU déposées de l'Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent relativement plus faible que celui de la Marque.

[23]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l'emploi. Les parties ont toutes deux produit une preuve de la promotion et de l'emploi de leurs marques de commerce respectives. Je commencerai par examiner la preuve de l'Opposante.

Emploi des Marques CU par l'Opposante

[24]           Selon Mme Bayley, l'Opposante est l'association sectorielle nationale qui représente le système canadien des coopératives de crédit, dont les membres, à la fin de 2012, comprenaient 348 coopératives de crédit réparties dans neuf provinces, ainsi que six centrales régionales chargées d'assurer la surveillance et le maintien des liquidités du système à l'échelle provinciale. L'Opposante représente des coopératives de crédit comptant 1 762 établissements au Canada et plus de 5,3 millions de clients particuliers (ou membres), 152,5 milliards de dollars en actifs, 134,6 milliards de dollars en dépôts, 127 milliards de dollars en prêts et 27 600 employés. Mme Bayley affirme que l'Opposante assure la gestion de marques de commerce pour le compte des centrales régionales et des coopératives de crédit depuis le milieu des années 1980 et que, à ce titre, elle fait enregistrer des marques de commerce pour emploi à l'intérieur du système canadien des coopératives de crédit, octroie des licences d'emploi à des utilisateurs, exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits et services liés à ces marques de commerce, et donne des directives quant à l'emploi approprié de ces marques de commerce.

[25]           En ce qui concerne l'emploi des marques de commerce de l'Opposante, Mme Bayley fournit une liste des 64 marques de commerce déposées et marques de commerce en common law de l'Opposante qui commencent par, ou comprennent, les lettres CU (Marques CU) [pièce 2]; ainsi qu'une liste des licenciées et des dates d'entrée en vigueur des licences qui régissent l'emploi de diverses marques de commerce et confèrent à l'Opposante un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits/services liés aux marques de commerce respectives [pièce 3]. Des copies de contrats de licence représentatifs conclus avec diverses coopératives de crédit sont également fournies [pièces 30, 47, 54, 61, 73 et 77].

[26]           Comme preuve de l'emploi des Marques CU par l'Opposante, sont joints à l'affidavit de Mme Bayley, comme pièces 4 à 113, des exemples de documents publicitaires, promotionnels et d'information datant d'au moins aussi tôt que 1995 à 2013 qui arborent une ou plusieurs des Marques CU de l'Opposante, y compris des rapports annuels, des publications intitulées Financial Highlights [principales données financières], des publications intitulées Reports to Stakeholders  [rapports aux actionnaires] préparés par la filiale en propriété exclusive de l'Opposante, CUSOURCE Credit Union Knowledge Network, des communiqués de presse, des bulletins d'information, des imprimés de site Web, des annonces, des brochures, des dépliants et d'autres documents. Les exemples d'emploi fournis dans les pièces jointes à l'affidavit de Mme Bayley concernent les Marques CU déposées suivantes, qui sont énoncées dans la déclaration d'opposition : CUSOURCE (LMC650,543), CUDA (LMC616,639), CUIC (LMC614,942), CUPS (LMC696,906), CUETS (LMC541,660), CU@WORK (LMC845,525), CU@HOME (LMC591,042), CUBOND (LMC570,442), CUBILL (LMC557,248), CUSAVE (LMC689,514), CUINCLUSIVE (LMCA615,272), CU STEP (LMC644,578), CU BONUS BUILDER (LMC569,232), CU BONUS BUILDER & Dessin (LMC569,469), CUCREDIT (LMC549,563), CU CREDIT (LMC556,563), CU TAKEN TEN (LMC557,454), CUSALES (LMC718,619), CUIS (LMC549,587), CUIS & Dessin (LMC549,588), CU LINE (LMC706,393), CULINE (LMC638,033), CU NET (LMC696,316), CU BY PHONE (LMC577,385), CU BY PHONE & Dessin (LMC577,824), CU FLEX Dessin (LMC447,813) et CUE (LMC336,301).

[27]           Je souligne que l'affidavit de Mme Bayley contient peu de détails quant à la mesure dans laquelle bon nombre des Marques CU déposées de l'Opposante ont été employées au Canada. Par exemple, en ce qui concerne la marque de commerce CUE (LMC336,301) de l'Opposante, même si Mme Bayley affirme que la marque est employée au Canada en liaison avec, entre autres, l'exploitation d'une coopérative de crédit et la fourniture de services financiers depuis aussi tôt que 1985, l'unique preuve documentaire fournie à l'appui de cette affirmation est constituée d'une copie d'une lettre datant de 1986 que l'Opposante a reçue d'un tiers identifié comme « CUE DATAWEST LTD » dans laquelle il est fait mention de licences indéterminées octroyées à des coopératives de crédit [pièce 112] et d'un imprimé daté du 26 août 2013 tiré du site Web de la Greater Vancouver Community Credit Union contenant la mention « ATM transactions at any CUE/Exchange machine » [transactions au guichet automatique à n'importe quelle machine d'échange/CUE] [pièce 113]. Il n'y a aucune information en ce qui concerne la mesure dans laquelle la page Web a été consultée par des consommateurs au Canada; aucun chiffre concernant la publicité effectuée en liaison avec la marque de commerce CUE; et aucun chiffre concernant les ventes ou les recettes ayant trait aux services liés à la marque de commerce CUE. Il m'est impossible, avec aussi peu d'information, de déterminer dans quelle mesure bon nombre des Marques CU déposées de l'Opposante sont devenues connues en liaison avec les produits et/ou services auxquels elles sont liées.

[28]           Néanmoins, Mme Bayley fournit certains renseignements en ce qui concerne la mesure dans laquelle plusieurs des Marques CU de l'Opposante ont été employées au fil des ans. Elle indique notamment que :

          en 2012, les ventes nettes de services d'apprentissage, de formation et de perfectionnement CUSOURCE ont été supérieures à 2,9 millions de dollars;

          en date de 2007, les services de paiement CUPS traitaient plus de 150 millions de transactions de paiement annuellement;

          en 2004, les recettes annuelles des CU Electronic Transaction Services (CUETS) [services de transactions électroniques CU], qui fournissent une vaste gamme de services de paiements électroniques, se sont élevées à 140 millions de dollars;

          ACCULINK permet à cinq millions de membres de coopératives de crédit de retirer des fonds, d'effectuer des dépôts, de transférer des soldes, et de consulter leurs comptes à plus de 1 800 guichets automatiques répartis dans près de 400 coopératives de crédit au Canada;

          la valeur totale du portefeuille de placements de CUBILL en matière de dépôts à terme, de régimes d'épargne et de REER pour Education Credit Union Limited, une licenciée, s'élevait à plus de 34 millions de dollars en juin 2013;

          la valeur des dépôts dans des comptes CUSAVE à la Biggar and District Credit Union, une licenciée, était d'environ 37,5 millions de dollars en mai 2013; et

          la valeur des hypothèques CU FLEX prises auprès de l'Affinity Credit Union, une licenciée, s'élevait à plus de 760 millions de dollars en décembre 2012.

[29]           Enfin, selon Mme Bayley, les autres services de coopérative de crédit et services financiers qui ont été fournis par l'Opposante ou ses licenciées sous les marques de commerce commençant par, ou comprenant, les lettres CU, incluent des programmes de défense des intérêts dans la collectivité, des programmes d'éducation et de formation, des transactions entre coopératives de crédit, des services de carte de crédit, des services financiers interactifs par Internet et intranet, des services de transfert de fonds électroniques, des services de paiement au point de vente, la consolidation de comptes financiers, des transferts de fonds automatisés, des services de préparation de la paie, des services de placement et d'hypothèque, des services de prêt, des services de marge de crédit, un système en ligne d'enchères et d'achat de produits, des services d'assurance, des services de planification, de gestion et de placements financiers, la fourniture de services de développement des affaires comprenant des services de formation, de consultation et de défense des intérêts destinés aux coopératives de crédit et aux autres coopératives financières, la fourniture d'information financière par Internet, et une base de données de renseignements pour les coopératives de crédit.

Emploi de la Marque par la Requérante

[30]           Selon Mme Zhang, la Requérante fournit à ses clients divers services de consultation dans les domaines de l'assurance, des hypothèques, des fonds communs de placement, de la fiscalité, des REER, des REEE et des CELI. Mme Zhang affirme en outre que la Requérante donne régulièrement des séminaires et des présentations à cet égard, et que ces clients cibles sont principalement Chinois

[31]           En ce qui concerne l'emploi de la Marque, Mme Zhang affirme que la Requérante emploie la Marque depuis juin 2011. Est joint à l'affidavit de Mme Zhang comme pièce A un imprimé d'une seule page tiré du site Web de la Requérante à l'adresse ccuefinance.com et daté du 17 décembre 2013. Je souligne que la Marque figure dans le coin supérieur gauche de l'imprimé. La page Web est présentée presque entièrement en chinois. Pendant son contre-interrogatoire, Mme Zhang a expliqué que l'imprimé présentait de l'information sur les hypothèques, les assurances, les fonds communs de placement et la fiscalité [réponses aux questions 88 à 90 du contre-interrogatoire Zhang]. Sont également jointes comme pièce A des copies de dépliants que la Requérante a distribués à ses clients depuis 2012 [réponses aux questions 93 et 94 du contre-interrogatoire Zhang]. La Marque figure bien en vue dans ces dépliants qui sont présentés presque entièrement en chinois, à l'exception des termes « Insurance » [assurances], « Mortgage » [hypothèques], « Mutual Fund » [fonds communs de placement] et « Tax » [fiscalité] qui figurent en anglais dans le coin supérieur droit de chaque page. On retrouve également d'autres termes en anglais dans les dépliants, notamment « RESP » [REEE], « Registered Education Savings Plans » [régimes enregistrés d’épargne-études], « Canada Education Savings Grant » [Subvention canadienne pour l’épargne-études], « Canada Learning Bond » [Bon d’études canadien], « RRSP » [REER], « TFSA » [CELI], et les noms anglais de divers fonds.

[32]           Pendant son contre-interrogatoire, Mme Zhang a expliqué que de 90 % à 99 % des clients de la Requérante sont chinois et que la Requérante communique avec eux en chinois, même si bon nombre d'entre eux parlent également l'anglais [réponses aux questions 85 à 87 et aux questions 97 à 99 du contre-interrogatoire Zhang]. Mme Zhang a en outre affirmé que la Requérante a engrangé des recettes se situant entre 100 000 $ et 150 000 $ en 2013, mais que ses recettes ont été inférieures en 2012, 2011, 2010 et 2009 [réponses aux questions 114 à 125 du contre-interrogatoire Zhang].

Conclusion

[33]           Bien que l'affidavit de Mme Bayley fournissent peu de détails en ce qui concerne la mesure dans laquelle bon nombre des Marques CU déposées de l'Opposante ont été employées au Canada, à la lumière de la preuve dans son ensemble et compte tenu des exemples d'emploi des marques de commerce de chacune des parties, de la durée de cet emploi et des recettes correspondantes, je suis convaincue qu'au moins certaines des Marques CU déposées de l'Opposante, y compris CUSOURCE, CUPS, CUETS, CUBILL, CUSAVE et CU FLEX, sont devenues connues au Canada en liaison avec une variété de services financiers et de services de coopérative de crédit dans une mesure bien plus importante que la Marque employée en liaison avec des services financiers.

[34]           Dans London Drugs Limited c International Clothiers Inc 2014 CF 223, la Cour fédérale a expliqué qu'aux fins de l'évaluation du facteur énoncé à l'article 6(5)a), [Traduction] « il faut considérer le caractère distinctif inhérent d’une marque dans l’analyse de la probabilité de confusion et ne pas l’ignorer, même dans les cas où une marque initialement faible a par la suite acquis une solide réputation » [para 53].

[35]           En l'espèce, je suis d'avis que le facteur énoncé à l'article 6(5)a) favorise la Requérante pour ce qui est du caractère distinctif inhérent de la Marque, mais favorise l'Opposante pour ce qui est du caractère distinctif acquis de certaines des Marques CU déposées.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[36]           La période pendant laquelle chaque marque a été en usage favorise l'Opposante, car l'Opposante a présenté, à l'égard de bon nombre de ses marques de commerce, une preuve d'emploi qui précède la preuve d'emploi de la Marque.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce

[37]           Les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) concernent le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce.

[38]           S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des produits et des services tels qu'ils figurent dans la demande pour la Marque et dans les enregistrements de l'Opposante qui régissent l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Néanmoins, l'examen des états déclaratifs des produits et/ou services doit être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. À cet égard, une preuve des commerces véritablement exercés par les parties est utile [voir McDonald's Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[39]           Les produits et services des parties appartiennent à la catégorie générale des services financiers et des services connexes.

[40]           Dans Cheung Kong (Holdings) Limited c Living Realty Inc (1999), 4 CPR (4th) 71 (CF 1re inst), la Cour a conclu qu'il y avait confusion entre une marque formée de caractères chinois et une marque qui était l'équivalent anglais de cette dernière. Le juge Evans a indiqué que, pour déterminer si une marque est susceptible de créer de la confusion, il faut poser la question dans la perspective du marché sur lequel les produits sont offerts, lequel correspond au consommateur moyen approprié. En l'espèce, la preuve donne à penser que le marché serait constitué de consommateurs qui comprennent l'anglais, le chinois ou les deux.

[41]           En ce qui concerne l'entreprise de la Requérante, d'après mon examen de l'affidavit de Mme Zhang et de la transcription de son contre-interrogatoire, la Requérante a produit une preuve indiquant que la communauté chinoise constitue sa clientèle cible et que sa documentation est rédigée essentiellement en chinois. Or, comme pièce O, Mme Bayley a joint à son second affidavit, produit par l'Opposante comme preuve en réponse, des imprimés tirés du site Web de la Requérante à l'adresse ccuefinance.com. La Marque figure dans le coin supérieur gauche des imprimés et l'information sur les hypothèques, les assurances, les services bancaires d'investissement et la comptabilité fiscale que contiennent ces pages Web est présentée en anglais. De plus, le second affidavit de Mme Bayley comprend également des documents issus de coopératives de crédit canadiennes faisant partie de l'organisation globale de l'Opposante qui offrent leurs services dans des langues autres que l'anglais, notamment le chinois [pièces A à N du second affidavit de Mme Bayley].

[42]           À la lumière de ce qui précède et compte tenu du fait que ni les enregistrements de l'Opposante ni la demande en cause ne contiennent de restrictions quant aux voies de commercialisation des parties, je suis d'avis qu'il existe une possibilité de recoupement entre les voies de commercialisation des parties.

[43]           Compte tenu de ce qui précède, aux fins de l'appréciation de la probabilité de confusion, je conclus que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) favorisent l'Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[44]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent est le facteur qui revêt le plus d'importance; les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l'ensemble des circonstances de l'espèce [voir Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 CPR (2) 145, confirmée par (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)].

[45]           Lorsqu'il s'agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Il demeure possible, cependant, de s’attarder à des caractéristiques particulières susceptibles d’avoir une influence déterminante sur la perception que le public a de la marque [voir United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247, à la p 263 (CAF)]. En outre, bien que le premier élément d'une marque de commerce soit souvent considéré comme le plus important aux fins de la distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst) et Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)], il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques de commerce, de se demander d’abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, au para 64].

[46]           Comme l'a souligné l'Opposante dans son plaidoyer écrit, les lettres CU servent de préfixe aux Marques CU de l'Opposante, et j'estime qu'elles constituent l'élément le plus frappant des Marques CU déposées de l'Opposante en comparaison, puisque la seconde partie des marques est soit descriptive soit suggestive des services financiers ou des services de coopérative de crédit de l'Opposante. Dans ces cas, l'élément CU est l'élément le plus important des marques de l'Opposante aux fins de la distinction. Comme je l'ai mentionné ci-dessus dans mon analyse du facteur énoncé à l'article 6(5)a), il y a aussi plusieurs Marques CU déposées qui sont formées d'une combinaison de lettres commençant également par les lettres CU, mais qui n'ont pas de signification apparente (p. ex. CUDA, CUETS, CUIC, CUIS). Ces marques de commerce ne présente pas d'aspect particulièrement frappant ou unique. Quoi qu'il en soit, il est bien établi que les lettres sont, en elles-mêmes, dépourvues d'un caractère distinctif inhérent et ne peuvent pas bénéficier d'une protection étendue [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd, supra].

[47]           Dans le cas de la Marque, je suis d'avis que le dessin géométrique fantaisiste est l'élément le plus frappant ou le plus unique.

[48]           Lorsqu'on les considère dans leur ensemble, les Marques CU déposées de l'Opposante et la Marque présentent peu de similitudes.

[49]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que les lettres CU contenues dans le dessin géométrique qui fait partie de la Marque sont identiques au préfixe CU présent dans les Marques CU déposées de l'Opposante. J'ajouterai que les lettres CU sont également présentes dans le terme « CCUE » de la Marque. S'il fallait décomposer les marques en leurs éléments respectifs, je serais d'accord avec l'Opposante. Or, le test en matière de confusion qu'il convient d'appliquer est tout autre, en particulier si l'on tient compte du fait que les lettres CU ne représentent qu'un seul élément parmi les nombreux éléments du dessin géométrique et de la Marque dans son ensemble.

[50]           À cet égard, je ne considère pas que les lettres CU constituent la partie la plus frappante ou la plus unique de la Marque. En outre, j'estime que le dessin géométrique global de la Marque ne partage de ressemblance avec aucune des marques de commerce de l'Opposante. Il n'y a également que peu, voire pas, de similitudes entre les caractères chinois et anglais de la Marque et l'une quelconque des marques de commerce de l'Opposante. En définitive, les Marques CU déposées de l'Opposante ont une apparence générale différente de celle de la Marque.

[51]           En ce qui concerne le son, je suis d'avis que la partie anglaise de la Marque serait prononcée de la manière suivante : « C-C-U-E finance ». Selon Mme Zhang, les quatre premiers caractères chinois seraient prononcés « Shi Shi Ru Yi » s'ils étaient lus dans le dialecte mandarin de la langue chinoise, et « Si Si Yu Yi » s'ils étaient lus dans le dialecte cantonais de la langue chinoise, une prononciation qui serait semblable à celle des lettres « C-C-U-E ».

[52]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que le consommateur canadien moyen prononcerait les lettres CU des marques de commerce de l'Opposante comme la lettre « Q » plutôt que comme les lettres « C-U ». À mon avis, le consommateur canadien moyen pourrait prononcer l'élément CU des marques de commerce de l'Opposante aussi bien comme les lettres « C-U » que comme la lettre « Q ». D'une façon ou de l'autre, j'estime que, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, les marques des parties se ressemblent très peu sur le plan sonore.

[53]           En ce qui concerne les idées suggérées, j'ai conscience des différences entre les idées suggérées par les éléments les plus frappants des marques des parties. À cet égard, l'Opposante soutient dans son plaidoyer écrit que l'idée suggérée par le préfixe CU dans les marques de l'Opposante est que les services sont liés à des coopératives de crédit. En comparaison, le dessin géométrique de la Marque n'a pas de signification apparente d'emblée. En outre, j'estime qu'il n'y a aucune ressemblance entre les idées suggérées par les lettres « CCUE » ou les caractères chinois et celles suggérées par les marques de commerce de l'Opposante. Dans la mesure où le consommateur moyen des produits et services des parties comprendrait le chinois, selon Mme Zhang, les quatre caractères chinois présents dans la Marque seraient perçus comme signifiant « Everything As Wish » [le tout selon vos désirs].

[54]           Lorsque j'évalue les marques dans leur ensemble, sous l'angle de la première impression et du souvenir imparfait, en m'attardant à la caractéristique particulièrement frappante ou unique de chacune des marques des parties plutôt qu'à leurs éléments individuels, je considère que les marques des parties sont suffisamment différentes sur le plan visuel, dans leur prononciation et dans les idées qu'elles suggèrent pour que cela compense toute ressemblance entre leurs éléments individuels.

[55]           En conséquence, ce facteur favorise la Requérante.

Autres circonstances de l'espèce

            Famille de Marques CU de l'Opposante

[56]           Comme autre circonstance de l'espèce, j'ai tenu compte de la famille ou série de marques de l'Opposante. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, l'Opposante a démontré que bon nombre de ses marques de commerce commençant par le préfixe CU ont fait l'objet d'un certain emploi sur le marché; c'est le cas notamment de CUSOURCE, CUBOND, CUSAVE, CUBILL, CULINE, CUCREDIT, CULEASE et CUSALES [voir McDonald's Corp c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst)]. Je suis par conséquent convaincue que l'Opposante a établi l'existence d'une famille de marques de commerce qui comprennent le préfixe CU pour emploi en liaison avec des services financiers et des services connexes.

Preuve par sondage de la Requérante

[57]           Sont jointes à l'affidavit de Mme Zhang comme pièce C des copies de 18 questionnaires signés recueillis dans le cadre d'un sondage que la Requérante a mené au début de 2013 pour évaluer la perception que des tiers ont de la relation entre l'Opposante et la Requérante, et de leurs marques de commerce respectives. Je souligne que le sondage comprend des questions sur la signification des lettres « CCUE » dans la Marque, la confusion avec d'autres marques de commerce CU, et la question de savoir si l'Opposante et ses marques de commerce sont [Traduction] « renommées ». Plus particulièrement, le sondage comprend la question suivante, qui est posée en référence à un tableau présentant une liste des marques de commerce CU de l'Opposante [Traduction] : « Auriez-vous tendance à confondre la marque "CCUEFINANCE" avec d'autres marques telles que "CUE", "CCUA", "CULEAS3E" ou "CU…"? »

[58]           Pendant son contre-interrogatoire, Mme Zhang a expliqué que le sondage a été conçu par un ami qui ne semble pas posséder de qualification particulière dans la réalisation d'enquêtes ou de sondages d'opinion [réponses aux questions 175 à 182 du contre-interrogatoire Zhang]. La déposante a également expliqué que le sondage a été mené au sein de la communauté chinoise de Markham, en Ontario, et administré par les employés de la Requérante [réponses aux questions 186 à 190 du contre-interrogatoire Zhang]. Mme Zhang n'a pas été en mesure de fournir de renseignements quant à la façon dont les répondants ont été sélectionnés par les employés [réponses aux questions 191 à 202 du contre-interrogatoire Zhang].

[59]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que la preuve par sondage n'est pas admissible pour de nombreuses raisons, y compris le fait que les questions ont été conçues par un ami ne possédant aucune expérience dans la réalisation de sondages, que le sondage n'a pas été administré par des personnes indépendantes qualifiées, que l'échantillonnage a été déterminé de façon inadéquate et arbitraire puisque seules 18 personnes qui se trouvaient alors à Markham ont été questionnées, et que la pertinence des questions n'a fait l'objet d'aucune vérification d'expert. À l'appui, l'Opposante cite McDonalds Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1994) 55 CPR (3d) 465 (CF 1re inst).

[60]           La Requérante n'a pas traité de l'admissibilité ou de la fiabilité du sondage dans son plaidoyer écrit. Je souligne cependant que Mme Zhang a indiqué en réinterrogatoire qu'elle estimait qu'il s'agissait d'un questionnaire simple et que le mot [Traduction] « confondre » était un mot simple qui serait compris par tous [réponses aux questions 329 à 353 du contre-interrogatoire Zhang].

[61]           Le concept de pertinence dans le contexte d'une preuve par sondage, tel que l'a décrit la Cour suprême dans Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, supra, à la p 45, comprend les éléments suivants : 1) la fiabilité (au sens où, s'il y avait répétition, on obtiendrait les mêmes résultats); et 2) la validité (au sens où les bonnes questions ont été posées au bon bassin de répondants, de la bonne façon et dans des circonstances qui permettent d’obtenir l'information recherchée).

[62]           En l'espèce, après examen des questions du sondage et compte tenu des réponses qu'a fournies Mme Zhang en contre-interrogatoire en ce qui concerne la méthodologie employée, le faible nombre de répondants et la nature des questions du sondage, je conviens avec l'Opposante que le questionnaire du sondage ne satisfait pas aux normes adéquates de la pertinence et de la fiabilité. Par conséquent, je ne suis pas disposée à accorder de poids au questionnaire du sondage.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[63]           Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes quant à l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion (para 49) [Traduction] :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires.

[64]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et malgré le caractère distinctif acquis de certaines des Marques CU déposées de l'Opposante, la période pendant laquelle elles ont été en usage, le recoupement évident quant au genre des services des parties, le recoupement potentiel de leurs voies de commercialisation, et la preuve indiquant que l'Opposante possède une famille de marques de commerce commençant par le préfixe CU, je suis d'avis que la dissemblance générale des marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent est suffisamment significative pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

[65]           À cet égard, je ne pense pas que la prétention de l'Opposante à un monopole sur la combinaison précise des lettres CU employée comme préfixe puisse être étendue à toutes les marques de commerce qui contiennent ces mêmes lettres de l'alphabet et sont employées en liaison avec des services financiers, sans égard à la dissemblance générale des marques de commerce dans leur ensemble. En définitive, j'estime que le consommateur ordinaire ne penserait pas, sous le coup de la première impression, que les produits et services financiers et connexes fournis en liaison avec les marques de commerce des parties ont la même origine.

[66]           La Requérante s'est donc acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et l'une quelconque des marques de commerce déposées invoquées par l'Opposante dans la présente procédure.

[67]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d).

Absence de droit à l'enregistrement suivant l'article 16(1)a) de la Loi

[68]           L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(1)a) de la Loi, au motif que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce de l'Opposante, y compris ses marques de certification, commençant par les lettres CU, qui sont énumérées aux annexes « A » et « B » de la présente décision.

[69]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date de premier emploi revendiquée dans la demande en cause, à savoir juin 2011.

[70]           D'après ce qu'il ressort de mon examen de l'affidavit de Mme Bayley effectué dans le cadre de l'analyse relative à l'article 12(1)d) ci-dessus, je suis convaincue qu'un certain nombre des marques de commerce CU de l'Opposante ont été employées au Canada en liaison avec des services financiers et des services de coopérative de crédit avant juin 2011, et que ces marques n'avaient pas été abandonnées à la date du 16 janvier 2013. En outre, l'appréciation de chacun des facteurs énoncés à l'article 6(5) en date de juin 2011 plutôt qu'en date d'aujourd'hui n'a pas d'incidence significative sur mon analyse précédente des circonstances de l'espèce.

[71]           Comme dans le cas du motif fondé sur la non-enregistrabilité, je conclus que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque et l'une quelconque des marques de commerce CU de l'Opposante en date de juin 2011. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) est rejeté.

La Marque était-elle distinctive des services de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[72]           Pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, l'Opposante doit démontrer qu'au moins une de ses marques de commerce était devenue suffisamment connue au Canada, à la date de production de la déclaration d'opposition, pour faire perdre à la Marque de la Requérante son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[73]           La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 8 février 2013 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[74]           Après examen de la preuve de l'Opposante, je suis convaincue que l'Opposante a produit une preuve suffisante pour appuyer la conclusion qu'au moins une de ses marques de commerce était devenue suffisamment connue, à la date de production de la déclaration d'opposition, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

[75]           Comme j'ai conclu, d'après la preuve au dossier, qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et l'une quelconque des marques de commerce CU de l'Opposante qui étaient devenues suffisamment connues, et étant donné que les considérations sont essentiellement les mêmes que et que la date pertinente différente qui s'applique n'a pas d'incidence sur mon analyse, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue, et est adaptée à distinguer, ses services de ceux de l'Opposante.

[76]           Le motif fondé sur l'article 2 est donc également rejeté.

La demande est-elle conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi?

[77]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux articles 30a), 30b) et 30i) de la Loi. La date pertinente pour l'appréciation d'un motif fondé sur l'article 30 est la date de production de la demande, à savoir le 14 décembre 2011 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475].

Article 30a) de la Loi

[78]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi en ce que les services visés par la demande ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce. L'Opposante n'a pas précisé à quels produits elle fait référence, et n'a pas fourni ou mentionné la moindre preuve ni présenté d'observations à l'égard de ce motif d'opposition. Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 30a) est rejeté sommairement parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

Article 30b) de la Loi

[79]           L'Opposante allègue que, en contravention de l'article 30b) de la Loi, la Requérante n'a pas employé la Marque, comme marque de commerce au sens de la Loi, au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée, en liaison avec les services visés par la demande.

[80]           L'Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve suffisante pour corroborer son allégation selon laquelle la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi, tout en sachant que les faits concernant le premier emploi par la Requérante relèvent surtout de la connaissance de la Requérante [voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1996), 10 CPR (3d) 84 (COMC), à la p 89 et Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323]. Si l'Opposante s'acquitte de son fardeau de preuve initial, la Requérante doit alors, en réponse, prouver le bien-fondé de sa prétention d'emploi pendant la période pertinente.

[81]           La Cour a souligné que, pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de l'article 30b), un opposant peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle du requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst), à la p 230].

[82]           S'appuyant sur l'affidavit de Mme Zhang, l'Opposante soutient que [Traduction] « aucune des pièces jointes à l'affidavit Zhang n'est datée et aucune facture ou donnée concernant les ventes n'a été fournie ». Lorsque je considère l'affidavit de Mme Zhang dans son ensemble, conjointement avec la transcription de son contre-interrogatoire, je ne suis pas convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de son motif fondé sur l'article 30b), même si ce fardeau est considéré comme léger. Plus particulièrement, l'Opposante n'a pas réussi à mettre en doute la véracité de la date alléguée du premier emploi de la Marque en liaison avec les services visés par la demande.

[83]           Dans son affidavit, Mme Zhang affirme que la Requérante emploie la Marque depuis juin 2011. Pendant son contre-interrogatoire, Mme Zhang a expliqué que la Requérante distribue les dépliants arborant la Marque, qui sont joints comme pièce A à son affidavit, à ses clients depuis 2012 [réponses aux questions 93 et 94 du contre-interrogatoire Zhang]. La déposante a également fourni un aperçu des recettes de la Requérante depuis sa constitution en société en 2009.

[84]           Bien que l'affidavit de Mme Zhang puisse ne pas fournir de preuve documentaire de l'emploi de la Marque en date de juin 2011, cette situation, en elle-même, ne met pas en doute la date alléguée du premier emploi. En définitive, je suis d'avis que l'affidavit de Mme Zhang ne sème pas de doutes sérieux, pas plus qu'il ne remet en question la date du premier emploi de la Marque en liaison avec les services visés par la demande.

[85]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 30b) est rejeté sommairement parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

Article 30i) de la Loi

[86]           L'Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada, en contravention de l'article 30i) de la Loi, car la Marque créait de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce CU et/ou des marques de certification de l'Opposante dont la Requérante connaissait l'existence puisque ces marques avaient déjà fait l'objet de demandes d'enregistrement ou avaient déjà été employée ou révélées par l'Opposante ou par ses licenciées.

[87]           L'article 30i) de la Loi exige que le requérant se déclare convaincu, dans sa demande, d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada. D'après la jurisprudence, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, on ne peut conclure à la non-conformité à l'article 30i) de la Loi qu'en présence de circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant invraisemblable [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. L'Opposante n'a pas démontré l'existence de telles circonstances.

[88]           Le simple fait que l'Opposante ait allégué la confusion entre la Marque et ses marques de commerce qui ont antérieurement fait l'objet de demandes d'enregistrement ou ont été antérieurement employées, révélées ou enregistrées en liaison avec des produits et services identiques ou d'un genre identique à ceux de la Requérante au Canada n'est pas en soi suffisant pour mettre en doute la conformité à l'article 30i) de la Loi. De même, le simple fait que la Requérante ait pu avoir connaissance de l'emploi et de l'enregistrement des marques de commerce de l'Opposante au Canada, ce qui n'a pas été démontré, n'est pas non plus suffisant en soi pour laisser croire à la mauvaise foi et mettre en doute la conformité à l'article 30i) de la Loi [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[89]           Par conséquent, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

 

Décision

[90]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Gowling WLG (Canada) LLP                                                 POUR L'OPPOSANTE

 

Aucun agent nommé                                                                POUR LA REQUÉRANTE

 


Annexe « A »

 

Marque de commerce de l'Opposante

No de demande/enregistrement

CCUA

1,555,046 (Abandonnée au 15 janvier 2013)

LMC569,469

CU BONUS BUILDER

LMC569,232

CU BY PHONE

LMC577,385

LMC577,824

CU CREDIT

LMC556,563

LMC447,813

CU LINE

LMC706,393

CU NET

LMC696,316

CU SOLUTIONS

LMC571,870

CU STEP

LMC644,578

LMC557,357

CU TAKE TEN

LMC557,454

CU-XCHANGE

LMC680,281

LMC680,282

CU@HOME

LMC591,042

CU@WORK

LMC845,525

CUANYTIME.COM

LMC516,332

LMC543,475

CUBILL

LMC557,248

CUBOND

LMC570,442

CUCARDSONLINE.COM

LMC567,980

CUCORP

LMC487,559

LMC493,921 (Radié le 12 décembre 2013)

CUCREDIT

LMC549,563

CUDA

LMC616,639

CUETS

LMC541,660

CUIC

LMC614,942

CUINCLUSIVE

LMC615,272

LMC549,588

CUIS

LMC549,587

CULEASE

LMC555,067

LMC537,810

CULINE

LMC638,033

CULINK

1,528,858 (Abandonnée au 11 juin 2014)

CUPS

LMC696,906

CUSALES

LMC718,619

CUSAVE

LMC689,514

LMC650,731

CUSOURCE

LMC650,543

 


Annexe « B »

 

Marque de certification de l'Opposante

No d'enregistrement

CU 55 PLAN

LMC517,147

CU CARD

LMC354,942

LMC343,626

CU-CHEK

LMC169,645

CUDATA

LMC364,743

LMC334,088

CUE

LMC336,301

 

 

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