Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 52

Date de la décision : 2010-04-21

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée par Consorzio Del Prosciutto Di Parma visant l’enregistrement no LMC179637 de la marque de commerce PARMA au nom de Maple Leaf Foods Inc.

[1]               Le 28 septembre 2007 à la demande de Consorzio Del Prosciutto Di Parma (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a transmis l’avis prescrit par l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Maple Leaf Foods Inc. (l’Inscrivante), le propriétaire inscrit de l’enregistrement no LMC179637 pour la marque de commerce PARMA (la Marque). La Marque est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] viandes, nommément salami, capicollo, socs poivrés, pepperoni, saucisson sec, mortatelle, jambon (les Marchandises). [Bien que les dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada montrent que l’état déclaratif des marchandises ait été modifié le 8 mai 1992 afin de changer l’orthographe de mortatella pour mortadella, je remarque que le registre contient toujours la forme fautive de cette marchandise.] 

[2]               L’article 45 prévoit que le propriétaire inscrit d’une marque de commerce est tenu d’établir que la marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, en l’espèce entre le 28 septembre 2004 et le 28 septembre 2007 (la période pertinente). Si la marque n’a pas été employée au cours de la période pertinente, alors le propriétaire inscrit doit indiquer la date à laquelle le dernier emploi a eu lieu et la raison pour laquelle il n’y a eu aucun emploi depuis cette date. Le critère auquel doit satisfaire le propriétaire inscrit en vertu de l’article 45 n’est pas sévère [Austin Nichols & Co. c. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.)].

[3]               L’emploi d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi, qui est reproduit ci‑dessous :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

     (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

     (3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

[4]               En réponse à l’avis prévu à l’article 45, l’Inscrivante a déposé l’affidavit d’Adam Grogan.

[5]               Seule l’Inscrivante a présenté des arguments écrits, mais les deux parties étaient représentées à l’audience.

[6]               M. Grogan est vice-président Marketing de Maple Leaf Consumer Foods Inc. (MLCF), qui est une société affiliée de l’Inscrivante. M. Grogan atteste que MLCF a fabriqué et vendu des produits de viande de marque PARMA au Canada au cours de la période pertinente en vertu d’un accord de licence écrit avec l’Inscrivante. Il atteste également que l’Inscrivante exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des marchandises PARMA distribuées et vendues au Canada par MLCF et que cela est indiqué explicitement dans l’accord de licence écrit. La jurisprudence a clairement établi qu’aux termes de l’article 45, ces attestations suffisent pour invoquer l’article 50 de la Loi, selon lequel l’emploi de la Marque par MLCF est réputé avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de l’emploi par l’Inscrivante.

[7]               M. Grogan a montré comment MLCF a employé la Marque durant la période pertinente. Il a expliqué que la Marque figure sur les étiquettes et les emballages dans lesquels les marchandises ont été distribuées et vendues et a fourni des échantillons d’étiquettes et de sacs d’emballages en plastique employés au cours de la période pertinente. En particulier, il a fourni à titre de pièce A des étiquettes ou des sacs d’emballages en plastique pour le salami, le capicollo, le pepperoni, la mortadelle et le jambon à l’italienne. En ce qui concerne le capicollo, il a fourni six étiquettes ou sacs différents et il a fourni les descriptions substituts suivantes pour chacune d’elles (les descriptions substituts figurent également sur les étiquettes et les sacs) :

         capicollo doux tranché (saucisse cuite)

         capicollo piquant (soc de porc cuit désossé)

         capicollo doux maigre (saucisse cuite)

         capicollo piquant tranché (saucisse cuite)

         capicollo extra-piquant tranché (soc de porc cuit désossé)

         capicollo doux maigre (saucisse cuite).

[8]               M. Grogan a fourni les chiffres de vente pour chaque produit PARMA vendu pour toutes les années comprises dans la période pertinente, ainsi que des factures représentatives pour la période pertinente. De plus, il a expliqué que les marchandises PARMA sont, dans la pratique normale du commerce, vendues à des détaillants qui les vendent à leur tour à des consommateurs par l’entremise de leurs magasins de détail au Canada.

[9]               Après examen de l’ensemble de la preuve, je suis convaincue que l’Inscrivante a employé la Marque en liaison avec les différentes viandes au Canada au cours de la période pertinente, comme l’exige l’article 4 de la Loi. La Partie requérante convient que l’enregistrement devrait être maintenu pour [traduction] « viandes, nommément salami, capicollo,  pepperoni, mortatella, jambon ». Cependant, les parties ne s’entendent pas sur le reste des marchandises, à savoir les viandes, nommément socs poivrés et saucisson sec.

[10]           Je note que M. Grogan ne se réfère à aucune marchandise vendue en tant que « socs poivrés » ou « saucisson sec ». Il me paraît évident que si ces marchandises avaient été vendues, l’auteur de l’affidavit de l’Inscrivante en aurait fait mention. De plus, lors de l’audience, l’Inscrivante a clairement indiqué que son argument n’était pas qu’il y a preuve que les socs poivrés et le saucisson sec ont été vendus, mais plutôt qu’il n’est pas nécessaire de prouver que ces marchandises ont été vendues pour qu’elles soient maintenues dans l’enregistrement.

[11]           L’argument de l’Inscrivante, de la façon dont je le comprends, veut que lorsqu’un enregistrement couvre une catégorie de marchandises, cette catégorie peut être maintenue intégralement même si la marque déposée n’a pas été employée en liaison avec certaines des marchandises énumérées dans la catégorie. Elle met l’accent sur la question des inscriptions désuètes sous-jacente à l’article 45 et s’appuie particulièrement sur deux affaires de procédure en radiation en vertu de l’article 45 : Westinghouse Air Brake Co. c. Moffat & Co. (2001), 14 C.P.R. (4th) 257 (C.F. 1re inst.) (Westinghouse), et Re Thunder Tiger Model Co., [2004] C.O.M.C. no 2 (Thunder Tiger).

[12]           Pour sa part, la Partie requérante fait valoir que même si l’article 45 a pour objet d’éliminer les inscriptions désuètes, cela ne signifie pas que les exigences qu’il contient n’ont pas à être respectées. La Partie requérante s’appuie principalement sur John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.) (Rainier). D’après cet arrêt, il faut démontrer l’emploi en liaison avec chacune des marchandises énumérées dans l’enregistrement et chaque marchandise énumérée doit être considérée comme ayant un sens différent de celui des autres marchandises. 

[13]           La Partie requérante insiste sur le fait que l’arrêt Rainier de la Cour d’appel fédérale devrait lier la Cour fédérale et le registraire des marques de commerce et note que les décisions Westinghouse ou Thunder Tiger n’y font pas référence.

[14]           En réplique, l’Inscrivante fait valoir que les faits de l’arrêt Rainier sont différents de ceux de l’espèce, car dans l’affaire Rainier, l’enregistrement de la marque de commerce ne désignait pas une catégorie unique de marchandises, qu’on définissait ensuite par l’emploi d’une liste. Dans Rainier, l’enregistrement visait [traduction] « bière, ale, porter, stout, des boissons à base de malt, du sirop de malt et des extraits de malt » et la question consistait à déterminer si l’emploi d’une marque déposée en liaison avec la bière permettait de maintenir toutes les autres marchandises au motif qu’elles appartenaient toutes à une seule famille de produits de brasserie.

[15]           L’Inscrivante a également attiré mon attention sur le fait que selon la version actuelle du Manuel des marchandises et des services de l’Office de la propriété intellectuelle, la classification « viande » est une description acceptable. Cependant, à mon avis, cela ne signifie pas que la preuve de l’Inscrivante ne doit pas tenir compte de tous les types de viande que spécifie son enregistrement. Pour des raisons qui nous sont inconnues, le propriétaire original de l’enregistrement a choisi de ne pas enregistrer la Marque pour tous les types de viandes. Dans la mesure où la présente affaire est concernée, le propriétaire actuel de l’enregistrement doit être lié par cette décision.

[16]           J’ajouterais que la Partie requérante a également fait référence à une décision récente en vertu de l’article 45 rendue par le membre Sprung de la Commission : St. Andrews Links Ltd. c. Glen Argyle Inc., 2009 CarswellNat 5041 (St. Andrews). Cette affaire portait sur la liste de marchandises suivante : « [v]êtements de golf et vêtements de loisirs pour hommes et femmes, nommément bermudas, pantalons sport, polos, pulls d'entraînement, chandails, vestes et coiffures, nommément chapeaux ». Cette liste ressemble davantage à celle en l’espèce qu’à celle de l’arrêt Rainier. L’Inscrivante dans St. Andrews n’ait démontré l’emploi qu’en liaison avec les bermudas, les pantalons sport et les chapeaux; le registraire a ordonné que le reste des marchandises soit radié de l’enregistrement, expliquant que les « … marchandises énumérées dans l'enregistrement ne sont pas si nombreuses qu'il aurait été difficile pour l'inscrivante de fournir des déclarations ou pièces justificatives claires à l'égard de chacune d'elles ». Ce commentaire s’applique également en l’espèce.

[17]           L’affaire St. Andrews est également similaire à la présente affaire, car la catégorie générale « vêtements de golf » qui était en litige dans cette affaire constitue, comme « viande », une description de marchandises acceptable selon le Manuel des marchandises et des services actuel.

[18]           Je note que le Oxford Canadian Dictionary définit « capicollo » comme [traduction] « Charcuterie d'origine italienne faite de chair de porc assaisonnée et habituellement tranchée finement ». Cependant, on ne peut s’appuyer sur l’emploi de PARMA en liaison avec capicollo pour maintenir une marchandise autre que capicollo dans l’enregistrement compte tenu du fait qu’il est présumé que chaque marchandise dans l’état déclaratif des marchandises est différente des autres.

[19]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que seules les marchandises enregistrées pour lesquelles l’emploi a été clairement démontré devraient demeurer dans l’enregistrement. J’ajoute que bien que M. Grogan ait fait une déclaration générale selon laquelle il y aurait réellement emploi de la Marque en liaison avec les marchandises enregistrées, ses informations concernant l’ensemble des ventes des marchandises enregistrées au cours de la période pertinente montrent clairement qu’il n’y a eu aucune vente de socs poivrés ou de saucisson sec. De plus, aucune circonstance exceptionnelle n’a été invoquée pour justifier le non-emploi à l’égard des socs poivrés et du saucisson sec.

[20]           Avant de conclure, je remarque que les deux parties ont présenté des observations concernant la question de savoir si la présente procédure est abusive. L’Inscrivante a plaidé que c’est en partie parce que la Partie requérante a déjà contesté le présent enregistrement, tout d’abord en vertu de l’article 45 (en 1990) puis en vertu de l’article 57 (en 1997). Cependant, les limites de la présente procédure sont étroites et la motivation de la Partie requérante n’entre pas en considération dans une décision en vertu de l’article 45. Le paragraphe 45(1) prévoit que le registraire peut refuser de transmettre l’avis prévu à l’article 45 s’il « voi[t] une raison valable à l'effet contraire »; mais une fois que l’avis est transmis, les arguments voulant que les actions d’une partie soient vexatoires ne sont pas pertinentes.

Décision

[21]           Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour en radier les marchandises « socs poivrés» et « saucisson sec », conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

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