Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À l’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : Great harvest bread co. & Dessin

ENREGISTREMENT LMC n° 523,778

 

À la demande de Brouillette Kosie Prince (la partie requérante), le registraire a transmis un avis au titre de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce le 25 juin 2003 à la société Great Harvest Franchising, Inc., propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.   

 

La marque GREAT HARVEST BREAD CO. & DESSIN (représentée ci-dessous) est déposée en lien avec ce qui suit:

 

[Wares: Bakery goods, namely bread, cookies, muffins, and cinnamon rolls; wheat; jams and jellies; clothing, namely hats, sweatshirts, aprons, t-shirts and sweaters.

Services:
(1) Franchising services, namely offering technical assistance in the establishment and/or operation of retail bakeries and retail bakery shop services.
(2) Operation and franchising of retail bakery shops]

 

Marchandises : produits de boulangerie, à savoir du pain, des biscuits, des muffins et des brioches à la cannelle; du blé; des confitures et gelées; des vêtements, à savoir des chapeaux, des chandails, des tabliers, des tee-shirts et des maillots.


Services :
1) Services de franchisage, à savoir l’offre d’aide technique relativement à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail.
2) Exploitation et franchisage de boulangeries de détail.

 

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, exige du propriétaire de la marque déposée qu’il indique, à l’égard de chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et dans la négative, la date à laquelle elle a été utilisée en dernier lieu et la raison de sa non-utilisation depuis cette date. Dans la présente affaire, la période pertinente pour établir l’utilisation se situe entre le 25 juin 2000 et le 25 juin 2003.

 

L’usage en lien avec des marchandises est défini au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

L’usage en lien avec des services est défini au paragraphe 4(2) de la Loi sur les marques de commerce :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services. 

 

Je ferais remarquer que la formulation des services comprend : « les services de franchisage, à savoir l’offre d’aide technique relativement à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail », ainsi que « l’exploitation » et « le franchisage » « de boulangeries de détail ». J’estime que, comme dans l’arrêt John Labatt c. Rainer Brewing Co. et autres, 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.), l’énumération de chaque service suggère, à défaut de preuve du contraire, qu’il existe un certain degré de différences entre eux. Le fait qu’un service est lié aux autres n’est pas suffisant, en soi, pour maintenir l’enregistrement relativement à tous les services, si l’emploi est uniquement avéré pour l’un d’entre eux. À mon avis, il incombe à l’inscrivante de démontrer l’emploi en lien avec trois services : a) les services de franchisage, à savoir l’offre d’aide technique relativement à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail, ainsi que b) l’exploitation et c) le franchisage de boulangeries de détail.

 

En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni la déclaration solennelle de Dawn Eisenzimer, directrice de l’élaboration de nouvelles franchises chez Great Harvest. Les deux parties ont déposé des argumentations écrites et assisté à l’audience. 

 

Mme Eisenzimer déclare que la marque de commerce a été utilisée au Canada le 25 mars 2003 dans le centre commercial Lethbridge, en Alberta, pour la vente de produits de boulangerie, à savoir du pain. Trois (3) échantillons des étiquettes qui apparaissaient sur les sachets de pain vendus sont joints en tant que pièce n° 1; je note qu’une des étiquettes fournies montre clairement la marque de commerce en question telle qu’elle est enregistrée. La partie requérante a souligné que les deux autres étiquettes fournies ne correspondent pas à la marque de commerce telle qu’elle est enregistrée. Bien que je convienne de l’existence de variantes de la marque en question, cela est hors de propos à la lumière du fait qu’une de ces trois étiquettes constitue bien la marque de commerce susmentionnée, et compte tenu de la déposition de la déclarante, indiquant que les trois étiquettes figuraient sur les sachets de pain. L’utilisation de plus d’une marque de commerce en même temps est un principe élémentaire de droit. La pièce n° 2 comprend 49 factures relatives à la vente de pain le 25 mars 2003. J’estime que cette preuve établit l’emploi, au Canada pendant la période concernée, de la marque de commerce en question en lien avec du pain. Aucune vente pour « des biscuits, des muffins et des brioches à la cannelle; du blé; des confitures et gelées; des vêtements, à savoir des chapeaux, des chandails, des tabliers, des tee-shirts et des maillots » n’est revendiquée par la déclarante et encore moins prouvée.

 

Comme des ventes ont été démontrées une seule fois au Canada pendant la période concernée, la question de savoir si ces ventes ont été réalisées dans la pratique normale du commerce se pose, étant donné qu’elles semblent ne pas s’être produites une nouvelle fois. Il ressort des preuves que le cœur d’activité de l’inscrivante est le franchisage, lors duquel il a exploité, bien que temporairement, une boulangerie de détail pour vendre du pain au public dans le centre commercial. J’estime qu’il s’agit d’un motif raisonnable pour conclure, d’après l’ensemble des preuves, que ces activités étaient effectuées dans la pratique normale du commerce pour l’inscrivante, étant donné son objectif de susciter un intérêt par rapport à des possibilités de franchise. La présente affaire est similaire à la décision non publiée Fasken Martineau Dumoulin c. In-N-Out Burgers, du 27 mars 2007 (HO Sprung), dans laquelle l’emploi de la marque de commerce DOUBLE DOUBLE en lien avec un seul cas isolé de ventes de sandwiches au Canada par un commerce ambulant provenant des États-Unis et cherchant à se développer au Canada, a été considéré comme entrant dans le cadre de la pratique normale du commerce. 

 

La pièce n° 3 est une copie de l’annonce de l’inscrivante figurant dans le répertoire 2003 des franchises canadiennes. Le titre – Canadian Business Franchise 2003 Directory – apparaît au bas de la page suivant la page 103. Mme Eisenzimer déclare que la marque de commerce est utilisée dans ce répertoire depuis janvier 2003 environ. J’accueille cette déclaration, étant donnée qu’il est raisonnable de supposer qu’un répertoire annuel serait disponible au début de chaque année concernée. Je remarque que la liste comporte la marque de commerce en question et décrit ses services de franchise, ainsi que les services de soutien et de formation y afférents présentés comme « un minimum de 200 heures de formation pratique pendant le lancement. Un soutien continu est également offert. » La partie requérante a soutenu que la présence d’une marque de commerce dans un catalogue ne revient pas nécessairement à l’emploi de ladite marque, et a cité, en grande partie, la jurisprudence liée aux ventes de marchandises par catalogue. Les principes énoncés dans ces affaires sont peu pertinents eu égard à l’examen de l’emploi avec des services et aux exigences du paragraphe 4(2) de la Loi. La partie requérante s’est aussi appuyée sur la décision Cornerstone Securities Canada Inc, c. Registraire des marques de commerce (1994) 58 C.P.R. (3d) 184, qui concerne les annonces en tant que preuve d’emploi en lien avec des services. L’affaire Cornerstone Securities, précitée, peut être distinguée de la situation qui nous intéresse, étant donné qu’il n’y avait en l’occurrence que de simples déclarations relatives à l’emplacement des publicités, et les preuves ne permettaient pas de confirmer les annonces alléguées. Dans la présente affaire, toutes les allégations de publicité ont été appuyées par des preuves, p. ex. l’échantillon de l’annonce ou la liste dans une publication – The Canadian Franchise Directory, qui est fourni.

 

En outre, dans les procédures prévues à l’article 45, les preuves doivent toujours être examinées conjointement avec les autres déclarations et pièces de l’affidavit. La pièce n° 4 est un exemple des cartes de visite qui, selon les affirmations de la déclarante, étaient exposées et distribuées dans les locaux du centre commercial Lethbridge le 25 mars 2003. La pièce n° 5 est un échantillon d’un prospectus donné le 25 mars 2003 pour solliciter les franchisés par rapport à des services de franchisage. Le prospectus contient visiblement la marque de commerce en question et se compose de deux pages d’images colorées et brillantes, ainsi que de témoignages d’actuels franchisés (É.-U.).

 

J’estime que, combinées, toutes ces preuves établissent l’emploi de la marque de commerce dans la publicité relative au franchisage de boulangerie de détail au Canada; par ailleurs la liste dans le répertoire 2003 des franchises canadiennes, avec la description des services, établit que l’inscrivante offre « de l’aide relative à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail ». Bien que cela ne soit pas nécessaire, je souhaite conclure que l’inscrivante offre de l’aide « technique » comme indiqué dans l’enregistrement, étant donné que, par définition, l’inscrivante fournit son expertise à un franchisé démarrant une nouvelle affaire.

 

La partie requérante soutient qu’aucune preuve concernant l’existence de franchisés au Canada n’est apportée. Je fais remarquer que l’inscrivante n’a aucune obligation de démontrer la présence de franchisés au Canada; en vertu du paragraphe 4(2) de la Loi, il est suffisant que « l’emploi » soit établi dans l’exécution ou l’annonce des services. Il a été statué que l’emploi d’une marque de commerce dans des annonces au Canada pour des services uniquement disponibles aux États-Unis ne satisfaisait pas aux dispositions du paragraphe 4(2) (voir Porter c. Don the Beachcomber (1996), 48 C.P.R. 280); toutefois, lorsque le propriétaire de la marque de commerce offre des services au Canada et est prêt à les fournir, l’emploi de la marque de commerce dans l’annonce de ces services répond aux exigences du paragraphe 4(2) (voir Wenward (Canada) Ltd. c. Dynaturf Co. (1976), 23 C.P.R. (2d) 20). 

 

J’estime aussi que l’utilisation de la marque de commerce en question a été démontrée par rapport à l’exploitation de boulangeries de détail, étant donné qu’il est évident que ladite marque apparaissait clairement lorsque la vente de pain a été réalisée, à savoir sur les sachets de pain et sur l’enseigne des locaux. Des photos qui montrent un vendeur vendant du pain, portant une toque de boulanger et un tablier avec la marque de commerce en question, sont aussi jointes. La pièce no 8 montre des ballons exposés dans les locaux portant ladite marque. Le fait que ces activités de vente au détail ont été menées pour susciter un intérêt par rapport à des possibilités de franchise n’en enlève pas moins leur caractère d’activités de vente au détail, étant donné qu’elles profitaient aux consommateurs ce jour-là (Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. c. Anheuser‑Busch, Inc. ( 1985), 4 C.P.R. (3d) 216). 

 

Bien qu’il s’agisse d’un cas exceptionnel, et qu’il aurait été préférable d’avoir d’autres renseignements, j’estime, après lecture objective de l’ensemble de l’affidavit, que la marque de commerce a été employée en liaison avec « des services de franchisage, à savoir l’offre d’aide technique relative à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail », et « l’exploitation et le franchisage de boulangeries de détail », ainsi qu’en lien avec des marchandises « de boulangerie, à savoir du pain ».

 

En conclusion, je tiens compte des énoncés de la Cour dans la décision Steinberg c. Venator Group Canada Inc., 35 C.P.R. (4th) 443, 2004 CF 717 (C.F.), au paragraphe 73, où l’on donne les indications suivantes pour examiner la preuve de l’emploi :

La jurisprudence établit que le fardeau qui incombe au propriétaire d’une marque de commerce dans le cadre d’une procédure intentée en vertu de l’article 45 se limite à fournir une preuve d’emploi suffisante pour éviter la radiation. Elle établit également que la preuve par affidavit n’a pas à être parfaite. Dans Gesco Industries Inc., précité, [Gesco Industries Inc. c. Sim & McBurney (1997), 76 C.P.R. (3d) 289 (C T. 1re inst.)], le juge Weston a affirmé que  « la preuve présentée au registraire doit établir les faits à partir desquels on peut déduire logiquement qu’il y a eu “emploi” ou “emploi dans le cours normal du commerce” ». 

Dans l’arrêt Brouillette Kosie Prince c. Orange Cove-Sanger Citrus Association, 2007 CF 1229 (non publié), le juge Martineau a déclaré au paragraphe 7 :

[traduction]

« Dans la procédure prévue à l’article 45, la charge de la preuve incombe au propriétaire de la marque de commerce, qui doit en démontrer “l’emploi” afin de maintenir l’enregistrement d’une marque de commerce. Il ressort clairement de la jurisprudence que cette charge n’est pas stricte. Le propriétaire doit seulement établir un cas d’utilisation prima facie dans le sens de l’article 4 de la Loi. »

 

Au vu de tout ce qui précède, je suis convaincue qu’il y a eu emploi de la marque de commerce en question au sens du paragraphe 4(2) de l’article 45 de la Loi, en lien avec « des services de franchisage, à savoir l’offre d’aide technique relative à l’installation et à l’exploitation de boulangeries de détail et de services de boulangerie de détail », et avec « l’exploitation et le franchisage de boulangeries de détail » ainsi qu’avec les marchandises « de boulangerie, à savoir du pain ». En conséquence, l’enregistrement LMC n° 523,778 pour la marque de commerce GREAT HARVEST BREAD CO. & DESSIN sera modifié pour supprimer « des biscuits, des muffins et des brioches à la cannelle; du blé; des confitures et gelées; des vêtements, à savoir des chapeaux, des chandails, des tabliers, des tee-shirts et des maillots » conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

 

FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, LE 24 JANVIER 2008.

 

 

P. Heidi Sprung

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

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