Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de

l’Association médicale canadienne

à la demande no 1,080,880 produite par The Enrich Corporation

en vue de l’enregistrement

de la marque de commerce DR. BERMAN’S

 

 

Le 1er novembre 2000, la requérante, The Enrich Corporation, a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce DR. BERMAN’S.  La demande est fondée sur un emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des gels nettoyants, des hydratants, des tonifiants, des gels pour les yeux et la peau, des désincrustants, des masques de beauté et des crèmes.  Dans sa demande, la requérante se désiste du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, du nom BERMAN’S.

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 14 août 2002.  L’opposante, l’Association médicale canadienne, a produit une déclaration d’opposition le 13 janvier 2003.  Les motifs d’opposition peuvent être résumés de la façon suivante :

1.      La demande ne satisfait pas aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce en ce que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce parce que cette dernière contrevient aux différentes dispositions législatives, notamment à l’article 33 de la Loi sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario, lequel interdit à quiconque n’est pas membre de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, de l’Ordre des chiropraticiens de l’Ontario, de l’Ordre des optométristes de l’Ontario, de l’Ordre des psychologues de l’Ontario ou de l’Ordre royal des chirurgiens dentistes de l’Ontario d’employer le titre de DOCTEUR et ses abréviations lorsqu’il donne ou propose de donner des soins médicaux à des particuliers.  D’autres provinces ont adopté des interdictions semblables.  L’emploi de la marque de commerce induit donc en erreur en ce qu’elle laisse croire que les marchandises de la requérante ont été approuvées, élaborées, vendues, autorisées ou cautionnées par un « médecin » et qu’elles ont par conséquent des propriétés thérapeutiques ou médicales ou d’autres effets bénéfiques reconnus sur la santé, ce qui n’est peut-être pas le cas.

 

2.      La marque de commerce n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)a) de la Loi parce que BERMAN n’est principalement que le nom d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes.

 

3.      La marque de commerce n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce qu’elle donne une description fausse et trompeuse ou donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou des personnes qui les produisent en ce que le consommateur moyen présumerait que les marchandises ont été approuvées, élaborées, vendues, autorisées ou cautionnées par un « médecin » et qu’elles ont par conséquent des propriétés thérapeutiques ou médicales ou d’autres effets bénéfiques reconnus sur la santé, ce qui n’est peut-être pas le cas.

 

4.      La marque de commerce n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi parce que :

i)                    l’adoption et/ou l’emploi du nom DR. BERMAN’S sont interdits par le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, sa ressemblance avec l’une ou plusieurs des marques officielles suivantes de l’opposante étant telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre – DR. (s.n. 912,999); Dr (s.n. 913,001); Doctor (s.n. 907,423); Doctor (s.n. 912,998); Docteur (s.n. 913,000)

ii)                  le mot DOCTOR, et son abréviation courante et son équivalent phonétique DR. sont, dans les deux langues officielles, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devenues reconnues au Canada comme désignant le genre et la qualité des services offerts par des médecins en titre et par l’opposante.  Pour cette raison, la marque de commerce est interdite par l’article 10 de la Loi.

iii)                l’adoption et l’emploi de la marque de commerce sont susceptibles d’induire en erreur et sont par conséquent interdits par l’article 10.

iv)                l’adoption et/ou l’emploi de la marque de commerce est interdite en vertu de l’alinéa 9(1)k) de la Loi parce que le nom DR. BERMAN’S suggère faussement un rapport avec un particulier vivant.

 

5.   La marque de commerce n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et services d’autres propriétaires, notamment de l’opposante, en particulier du fait que la marque de commerce induira le public en erreur en l’amenant à croire que les marchandises ont été cautionnées par un ou plusieurs membres de la profession médicale.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration.  En outre, afin de réfuter les allégations de l’opposante, la requérante a formulé les assertions suivantes :

         l’opposante n’est pas une autorité publique au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, et n’a jamais non plus adopté et employé les marques de commerce mentionnées dans la déclaration d’opposition;

 

         rien n’oblige les praticiens à être membre de l’association opposante;

 

         la requérante respecte la Loi sur les professions de la santé réglementées en ce qu’elle ne donnera pas et n’offrira pas de donner des soins médicaux à des particuliers en vendant ses marchandises ou en les offrant en vente;

 

         l’allégation selon laquelle la marque de commerce induit en erreur n’est pas un motif d’opposition valable selon le paragraphe 38(2) de la Loi;

 

         la marque de commerce est enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)a) en ce que la requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, du nom BERMAN’S;

 

         les allégations formulées par l’opposante dans le cadre des motifs 4 (ii) et (iii) ne constituent pas des motifs valables selon le paragraphe 38(2) de la Loi.

 

L’opposante a soumis en preuve l’affidavit de Mme Leanne Mascolo.  La requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger Mme Mascolo au sujet de son affidavit et la transcription de ce contre-interrogatoire, et les réponses aux engagements, font partie du dossier.

 

La requérante a versé en preuve les affidavits de Mme Maninder Chana et de Mme Beverly Hollister, ainsi que des copies conformes des dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada relativement aux marques officielles nos 907,423, 912,998 et 912,999 de l’opposante.

 

Seule la requérante a produit une argumentation écrite.  La tenue d’une audience n’a pas été requise.

 

La requérante a la charge ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce.  Cependant, la requérante a le fardeau initial de déposer suffisamment d’éléments de preuve admissibles qui permettraient raisonnablement de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p.  298]. 

 

Preuve de l’opposante

Mme Mascolo, une étudiante en droit à l’emploi de l’opposante, fournit des copies des documents suivants :

         loi constitutive et règlements administratifs de l’opposante;

         mission, vision et valeurs de l’opposante;

         avis prévus à l’article 9 à l’égard des marques officielles DOCTOR et DR.;

         définitions du dictionnaire pour les mots « doctor , « Dr. » et « health care »;

         certaines dispositions de la Loi sur les professions de santé réglementées;

         pages obtenues à partir d’un site Internet, en date du 23 avril 2003, à savoir « une liste des soins personnels offerts par the Enrich Corporation et une liste des produits offerts sous le nom de Dr. Berman », ainsi que des renseignements techniques concernant cinq produits DR. BERMAN’S;

         pages tirées du site www.canada411.com le 17 avril 2003, soit une liste de 346 inscriptions au nom de Berman, ainsi qu’une liste des entreprises faisant affaire sous le nom de Dr. Berman;

         pages du Canadian Medical Directory, édition 2002, soit la liste des médecins au Canada dont le nom de famille est Berman.

 

Contre-interrogatoire de Mme Mascolo

En contre-interrogatoire, Mme Mascolo a affirmé que l’opposante n’emploie pas les appellations DOCTOR ou DR. (ou leurs équivalents français) telles quelles.  En réponse à un engagement, elle a fourni des exemples d’emploi de marques qui comprennent le mot DOCTOR, notamment DOCTORS IN THE HOUSE, DOCTORS ON THE NET et ASK YOUR DOCTOR, respectivement employées pour la première fois en février 2002, en 1998 et en juin 1997.  Elle a en outre affirmé que les médecins ne sont pas tenus d’adhérer à l’association opposante.  Elle a expliqué pourquoi elle estimait que la requérante donnait des soins médicaux en vendant ses produits.  Elle a aussi admis qu’elle ne possédait aucune preuve selon laquelle le Dr Berman associé avec la requérante n’est pas vivant ou n’est pas médecin.

 

Preuve par affidavit de la requérante

Mme Chana fournit des renseignements sur 24 marques de commerce déposées ou autorisées dont le nom commence par DR.

 

Mme Hollister, vice-présidente de la requérante, affirme qu’elle connaît personnellement le Dr Andrew Berman, qui est plasticien en Californie.  Elle a négocié l’entente aux termes de laquelle le Dr Andrew Berman a consenti à ce que son nom figure sur les produits pour soin de la peau de la requérante.  Comme pièce A, Mme Hollister fournit une copie du consentement à l’emploi et à l’enregistrement d’un nom signé par le Dr Andrew Berman.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa i)

La date pertinente pour l’examen des circonstances relatives à la question du respect de l’article 30 de la Loi par la requérante est celle du dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475].

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté parce que l’opposante n’a ni invoqué ni démontré que, au moment du dépôt de sa demande, la requérante connaissait les dispositions législatives qui, selon l’opposante, lui interdisent d’employer l’appellation DR.  Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’aborder la question de savoir si ces dispositions interdisent l’emploi que la requérante fait de la marque parce que rien ne me permet de conclure que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a)

Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a) parce que l’opposante a soutenu que BERMAN n’est principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes, alors qu’il aurait fallu alléguer que DR. BERMAN’S n’est principalement que l nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes.  Quoi qu’il en soit, comme elle l’a elle-même souligné, la requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif du mot BERMAN’S par suite d’une demande de l’examinateur.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est rejeté parce qu’il est vrai que les marchandises de la requérante ont été autorisées par un « médecin » et que l’allégation de l’opposante portant que les marchandises n’ont ni propriétés thérapeutiques ou médicales, ni d’autres effets bénéfiques n’est étayée par aucun élément de preuve.

 

Motif d’opposition fondé sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii)

Dans WWF-World Wide Fund for Nature c. 615334 Alberta Limited (2000), 6 C.P.R. (4th) 247 (C.O.M.C.), p. 253, le commissaire Martin a traité du critère applicable en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) en se reportant aux décisions rendues par les tribunaux dans Big Sisters Association of Ontario c. Big Brothers of Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F.1re inst.), de la façon suivante :

   [traduction]  Comme le prévoit le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le critère applicable consiste à déterminer si la marque de la requérante est composée de la marque officielle, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait la confondre avec elle.  Autrement dit, la marque de la requérante est-elle identique, ou presque, aux marques officielles de l’opposante? : voir à la page 217 de la décision de première instance dans l’affaire Big Sisters susmentionnée.  Aux pages 218 et 219 de la décision de première instance, le juge Gibson a confirmé que pour évaluer la ressemblance entre les marques en cause, il faut tenir compte des facteurs énoncés à l’alinéa 6(5)e) de la Loi.  Plus loin, à la page 218, le juge Gibson indique que le critère applicable est celui de la première impression et du souvenir imparfait : voir aussi les pages 8 et 9 de la décision non publiée rendue par la Cour d’appel fédérale dans Canadian Olympic Association c. Techniquip Limited (Dossier no A-266-98; 10 novembre 1999).

 

En l’espèce, la marque de commerce de la requérante n’est identique à aucune des marques officielles de l’opposante.  De surcroît, même si la marque de commerce Dr. BERMAN’S comprend la marque officielle DR. de l’opposante, j’estime que la marque de commerce de la requérante, considérée dans son ensemble, présente un faible degré de ressemblance dans la présentation, le son ou dans les idées qu’elle suggère, avec la marque officielle DR. ou avec l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposante.  Par conséquent, la marque de la requérante n’est pas presque identique à l’une des marques de l’opposante et ce motif d’opposition est rejeté.

 

La requérante a formulé des observations quant à savoir si l’opposante était en fait une autorité publique et si elle avait effectivement employé DR. et DOCTOR comme marques officielles avant la publication de l’avis prévu à l’article 9.  Je ne rendrai aucune décision à ce sujet, cela n’étant pas nécessaire vu ma conclusion portant que la marque de la requérante ne contrevient en aucune façon à l’article 9.  Je dirai cependant que la requérante semble avoir soulevé des questions sérieuses concernant l’adoption et l’emploi des marques officielles de l’opposante.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 10

Pour s’acquitter de la charge de présentation qui lui incombe quant au motif d’opposition fondé sur l’article 10, l’opposante était tenue de prouver que le mot DOCTOR (ou DR.) est, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des offerts par des médecins et par l’opposante.  Je ne sais trop à quels services l’opposante fait allusion.  Quoi qu’il en soit, la requérante n’a pas adopté le mot DOCTOR ou DR. comme marque, pas plus que la ressemblance entre DR. BERMAN’S et DOCTOR ou DR. est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, comme l’exige l’article 10.  Par conséquent, la marque de commerce DR. BERMAN’S ne contrevient pas à l’article 10 de la Loi.

 

Je souscris à l’observation de la requérante selon laquelle le motif 4(iii) ci-dessus n’est pas un motif d’opposition valable.

 

Motif opposition fondé sur l’alinéa 9(1)k)

Ce motif d’opposition ne saurait être retenu parce que la marque de commerce suggère à bon droit un rapport avec un particulier vivant, soit le Dr Andrew Berman.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif

La date pertinente au regard du caractère non distinctif est celle du dépôt de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc., 2004 CF 1185].  Je ne vois pas comment la marque de la requérante n’est pas adaptée à distinguer ses marchandises des marchandises et services de l’opposante ou d’autres propriétaires.  La marque de la requérante est spécifique et ne renvoie pas de façon générale à la profession médicale.  Le fait que la marque peut suggérer qu’elle est cautionnée par le Dr Andrew Berman n’est pas un problème puisque les produits ont été cautionnés par lui.  La décision de l’opposante de ne pas présenter d’observation écrite ne fait que renforcer ma conclusion que rien ne me permet de conclure que la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive.  Partant, ce motif est rejeté.

 

Dispositif

Par le pouvoir que m’a délégué le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 22 NOVEMBRE 2004.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.