Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION

de Green Cuisine Inc. à la demande no 873,428

produite par la Société des produits Nestlé S.A.

pour la marque de commerce GREEN CUISINE

 

 

 

Le 26 mars 1998, la requérante, la Société des produits Nestlé S.A., a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce GREEN CUISINE. Cette demande se fonde sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec des mets préparés surgelés, réfrigérés ou déshydratés consistant principalement en combinaisons de viandes, volaille, poissons, pâtes alimentaires, riz, légumes ou sauces, comme plats principaux, plats d’accompagnement et plats de résistance préparés surgelés pour petit déjeuner, déjeuner et dîner. La requérante s’est désistée du droit à l’emploi exclusif du mot CUISINE en dehors de la marque de commerce.

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 20 décembre 2000. Le 18 mai 2001, l’opposante, Green Cuisine Inc., a produit une déclaration d’opposition. La requérante a déposé et signifié une contre‑déclaration.

 

L’opposante a produit en preuve deux affidavits d’Andrew John Cunningham conformément à l’article 41 du Règlement. Elle a également demandé l’autorisation de déposer une déclaration d’opposition modifiée, et cette autorisation lui a été accordée par lettre en date du 8 novembre 2002.

 

La requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger M. Cunningham, mais a finalement décidé de ne pas procéder à ce contre‑interrogatoire.

 

La requérante a choisi de ne pas produire de preuve à l’appui de sa demande.

 

Les deux parties ont déposé des observations écrites. Je note que la requérante a traité de l’état du registre dans ses observations. Je n’en tiendrai pas compte parce qu’aucune preuve concernant l’état du registre n’a été produite dans le cadre des présentes procédures.

 

Dans sa déclaration d’opposition modifiée, l’opposante fait valoir cinq motifs d’opposition, résumés comme suit :

 

1.                            la demande ne respecte pas l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante ne pouvait pas être véritablement convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans la demande;

 

2.                            la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)c) de la Loi parce que le mot CUISINE constitue le nom, en langue française, de la catégorie de marchandises à l’égard de laquelle la requérante projette d’employer la marque;

 

3.                            la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce projetée aux termes de l’alinéa  16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la marque de commerce projetée créait de la confusion avec la marque de commerce GREEN CUISINE que l’opposante avait antérieurement employée au Canada en liaison avec du pain, des produits de soya, des produits végétariens, végétaliens et biologiques, des services de restauration et de traiteur et des cours de cuisine;

 

4.                            la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrer de la marque de commerce projetée aux termes de l’alinéa 16(3)c) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la marque de commerce projetée créait de la confusion avec le nom commercial GREEN CUISINE que l’opposante a antérieurement employé au Canada en liaison avec du pain, des produits de soya, des produits végétariens, végétaliens et biologiques, des services de restauration et de traiteur et des cours de cuisine;

 

5.                            la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas, et n’est pas apte à distinguer, les marchandises de la requérante de celles d’autres personnes, notamment le pain, les produits de soya, les produits végétariens, végétaliens et biologiques, les services de restauration et de traiteur et les cours de cuisine vendus par l’opposante en liaison avec la marque GREEN CUISINE.

 

 

Avant d’entreprendre l’analyse de la preuve, je peux statuer sur les deux premiers motifs d’opposition.

 

Le premier motif est rejeté parce que l’opposante n’a pas allégué que la requérante était au courant de faits susceptibles de l’empêcher de déclarer qu’elle était convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque.

 

Le deuxième motif est également rejeté parce que l’alinéa 12(1)c) de la Loi n’est violé que si la totalité de la marque de commerce consiste en le nom des marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer.

 

La preuve de l’opposante

Le président de l’opposante, M. Cunningham, fournit des détails sur les activités de l’entreprise en liaison avec la marque GREEN CUISINE. Je résume les détails les plus pertinents.

 

M. Cunningham, qui est également un chef professionnel végétarien, a ouvert en novembre 1990 un restaurant végétarien à Victoria (C.‑B.), le Green Cuisine Vegetarian Restaurant. Il a commencé par l’exploiter en tant qu’entreprise individuelle, mais a cédé la totalité de l’actif, y compris les marque de commerce et nom commercial GREEN CUISINE, à la société Nirvana Natural Foods Inc. au moment où elle a été constituée en personne morale en septembre 1992. Nirvana Natural Foods Inc. a changé de nom pour devenir Green Cuisine Inc. en mai 1995. M. Cunningham atteste que l’opposante, ou son prédécesseur en titre, ont employé de façon continue, depuis novembre 1990, les marque de commerce et nom commercial GREEN CUISINE en liaison avec des services de restauration ou de traiteur.

 

L’opposante a décidé de se servir du succès de son restaurant pour vendre les produits hors de son restaurant. Vers avril 1995, l’opposante a commencé à vendre du pain biologique, portant les marque de commerce et nom commercial GREEN CUISINE, dans des marchés d’alimentation locaux. À l’été 1998, ou vers cette époque, l’opposante a commencé a fabriquer et à distribuer dans l’Ouest canadien des produits alimentaires préparés et emballés en liaison avec ses marque et nom GREEN CUISINE. En 1999, l’opposante a acquis l’actif de l’entreprise de fabrication d’aliments naturels Sooke Soy Foods et a commencé, en 2000, à vendre sous la marque de commerce GREEN CUISINE les produits antérieurement vendus sous la marque de commerce Sooke Soy. Les produits alimentaires GREEN CUISINE de l’opposante sont vendus dans des magasins d’alimentation au détail.

 

M. Cunningham a fourni les étiquettes GREEN CUISINE de son entreprise ainsi que des emballages, annonces publicitaires, chiffres de vente, factures, etc.

Droit à l’enregistrement

La date pertinente pour déterminer le risque de confusion en ce qui concerne le droit à l’enregistrement prévu au paragraphe 16(3) est la date de production de la demande, soit le 26 mars 1998. Il incombe à la requérante de s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe un risque de confusion entre les marques en cause. Le fardeau initial repose toutefois sur l’opposante qui doit montrer qu’elle a employé la marque GREEN CUISINE avant le 26 mars 1998. De plus, les paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi sur les marques de commerce imposent à l’opposante la charge de démontrer qu’elle n’avait pas abandonné ses marque et nom au jour de l’annonce de la demande de la requérante. Je suis convaincue que l’opposante s’est acquittée du fardeau que lui impose ces paragraphes, mais elle n’a établi l’emploi de la marque GREEN CUISINE avant le 26 mars 1998 qu’en liaison avec ses services et le pain, les premières ventes des autres produits alimentaires n’ayant eu lieu qu’en juin 1998.

 

Le critère qui permet de déterminer s’il y a confusion en est un de première impression et de souvenir imparfait. Pour appliquer le critère en matière de confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment des facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune d’elles a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids à accorder à chaque facteur dépend des circonstances [voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1966), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Comme les marques des parties sont identiques, elles ont le même caractère distinctif inhérent.

 

La marque de la requérante n’est aucunement devenue connue, alors que celle de l’opposante est devenue connue.

 

Il n’existe aucune preuve d’emploi de la marque par la requérante; par conséquent, la période pendant laquelle chacune des marques a été employée joue en faveur de l’opposante.

 

Il existe des liens étroits entre les services et le pain de l’opposante et les marchandises de la requérante puisqu’ils ont tous trait à l’alimentation. Il n’existe aucune preuve au sujet de l’entreprise de la requérante ou de ses circuits commerciaux, mais on peut présumer que les aliments du type décrit dans la demande seraient généralement vendus dans des épiceries ou des magasins d’alimentation au détail.

 

Le degré de ressemblance entre les marques des parties est on ne peut plus élevé.

 

Une autre circonstance de l’espèce est l’élargissement de l’emploi de la marque GREEN CUISINE de l’opposante. Employée à l’origine en liaison avec du pain, la marque s’étend maintenant aux aliments préparés. Bien que cet élargissement se soit produit après la date pertinente, il montre que le secteur sur lequel la requérante souhaite avoir un monopole constitue un élargissement naturel de l’entreprise antérieure de l’opposante.

 

Après examen de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait un risque de confusion au 26 mars 1998 entre la marque de commerce GREEN CUISINE employée par l’opposante et la marque GREEN CUISINE faisant l’objet de la demande de la requérante. Ma conclusion est principalement fondée sur le fait que les marques des parties sont identiques, que la marque projetée par la requérante n’a pas acquis de notoriété et que les marchandises et services des parties ont des liens étroits. Comme la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) est accueilli.

 

Caractère distinctif

Bien que repose sur la requérante le fardeau ultime de démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue ses marchandises des marchandises ou services offerts par d’autres au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], la charge de présentation repose sur l’opposante, qui doit prouver les allégations de fait à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. L’opposante n’est toutefois pas tenue de démontrer, pour s’acquitter de son fardeau de présentation, que sa marque de commerce était bien connue au Canada ou qu’elle avait été révélée exclusivement par les moyens limités exposés à l’article 5 de la Loi [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), page 55].

 

La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, page 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, page 424 (C.A.F.)]. L’opposante a démontré qu’elle employait, à cette date, la marque de commerce GREEN CUISINE en liaison avec un grand nombre de produits alimentaires, notamment des aliments préparés, ainsi qu’en liaison avec ses services.

 

Bien qu’aucune preuve n’indique que les marchandises de l’opposante sont surgelées, réfrigérées ou déshydratées, je ne pense pas que cette distinction soit importante. De plus, je n’ai pas de raison de présumer que les marchandises de la requérante emprunteraient des circuits commerciaux très différents de ceux de l’opposante. La requérante a fait valoir que les principaux consommateurs des aliments et des services de l’opposante sont des végétariens et des végétaliens et que la nature des produits de la requérante [Traduction] « est telle que les consommateurs végétariens et végétaliens, qui choisissent généralement avec beaucoup de soin les aliments qu’ils achètent, ne chercheraient en aucune circonstance à acheter les produits de la requérante ». Je ne trouve pas cet argument convaincant. Bien que les marchandises visées par la demande de la requérante puissent contenir de la viande, de la volaille ou du poisson, elles peuvent aussi ne pas en contenir, ce qui les rendraient propres à la consommation des végétariens. De plus, il est probable que l’emploi de la marque GREEN CUISINE par la requérante en liaison avec des aliments non végétariens serait de nature à causer de la confusion avec les marchandises GREEN CUISINE de l’opposante parce que, s’agissant d’une question de première impression, un consommateur ayant l’habitude d’acheter les marchandises et services de l’opposante présumerait probablement, en voyant la marque GREEN CUISINE sur les marchandises de la requérante, que l’opposante a élargi sa ligne de produits alimentaires GREEN CUISINE. En outre, je note que la requérante n’a pas exclu les produits végétariens, végétaliens et biologiques de son état déclaratif des marchandises.

 

L’analyse des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) faite au sujet du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement s’applique généralement aussi au motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. Par conséquent, je parviens à la même conclusion quant au risque de confusion en ce qui concerne ce motif qu’à celle tirée relativement au motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement.

 

Comme la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est accueilli.

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 28 JUIN 2004

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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