Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

Référence : 2010 COMC 109

Date de la décision: 2010‑07‑15

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande du CPI – Centre de propriété intellectuelle / IPC – Intellectual Property Centre visant l’enregistrement no LMC478859 pour la marque de commerce NADA NUFF au nom de Nada Fashion Designs Inc.

[1]               Le 28 juillet 2008, à la demande du CPI – Centre de propriété intellectuelle / IPC – Intellectual Property Centre (la partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à Nada Fashion Designs Inc. (l’inscrivante), la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

[2]               La marque de commerce NADA NUFF (la Marque) est déposée en vue d’être employée en liaison avec « gamme de vêtements pour hommes et femmes (nommément jeans, chemises, jupes, vestes, pantalons, gilets, shorts, chandails, pulls d’entraînement, tee‑shirts, débardeurs et chapeaux) ».

[3]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi commence le 28 juillet 2005 et se termine le 28 juillet 2008 (la période pertinente).

[4]               L’« emploi » en liaison avec des marchandises est défini aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

En l’espèce, c’est le paragraphe 4(1) qui s’applique.

[5]               En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni l’affidavit de Nada Shepherd auquel étaient jointes les pièces « 1 » à « 12 ». Mme Shepherd atteste être présidente et fondatrice de l’inscrivante. Les deux parties ont produit des observations écrites; aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience.

[6]               Il est bien établi que de simples assertions d’emploi ne suffisent pas à démontrer l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Bien que le critère relatif à la preuve d’emploi dans le cadre de la présente procédure soit très peu exigeant [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’une surabondance de preuve ne soit pas requise [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut toujours fournir suffisamment de faits pour que le Registraire puisse conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises ou les services que spécifie l’enregistrement.

[7]               Je souligne que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit l’inscrivante comme propriétaire de l’enregistrement le 17 avril 2008, à la suite d’une cession en date du 26 février 2008 de Roadrunner Apparel Inc., la prédécesseure en titre. Mme Shepherd indique que l’inscrivante n’est pas liée à la prédécesseure en titre et qu’elle n’a pas accès à ses dossiers concernant l’emploi antérieur de la Marque.

[8]               Mme Shepherd commence par décrire les activités de l’inscrivante dans la pratique normale du commerce. Les activités de l’inscrivante [traduction] « consistent à créer, fabriquer, commercialiser et exposer des vêtements, sacs à main, bijoux et articles connexes »; elle vend ses produits directement aux utilisateurs finals, aux vendeurs de vêtements au détail, et par l’intermédiaire des représentants commerciaux qui les vendent par la suite à d’autres entreprises. L’inscrivante prépare deux collections de vêtements par année en liaison avec la Marque; la collection d’automne est commercialisée de février en avril et la collection de printemps, d’août à novembre de l’année précédente. Les vêtements sont ensuite expédiés aux clients vers le mois d’août et vers le mois de février.

[9]               En ce qui concerne la façon dont la Marque était liée aux marchandises au cours de la période pertinente, Mme Shepherd explique qu’une petite étiquette en tissu et une étiquette volante, portant chacune la Marque, sont apposées sur chaque article vestimentaire au moment de l’expédition aux acheteurs. Une photocopie de ces deux étiquettes est jointe à l’appui à titre de pièce « 5 ». Je suis convaincue que la Marque était apposée sur les vêtements vendus au cours de la période pertinente de la façon décrite et démontrée dans la preuve.

[10]           En ce qui concerne le genre de vêtements vendus au cours de la période pertinente, Mme Shepherd explique qu’en raison de l’acquisition de la Marque [traduction] « à la toute fin de la saison d’achats d’automne », l’inscrivante a réalisé peu de ventes avant la fin de la période pertinente, qui correspond à une période où habituellement il n’y a pas de ventes. L’inscrivante a cependant réussi à réunir plusieurs créations pour la saison d’automne 2008 peu après la cession de la marque. À l’affidavit, a été jointe à titre de pièce « 4 » une copie d’un document promotionnel intitulé « pochette de la gamme de vêtements » qui a été distribué aux acheteurs au Canada en avril 2008. La souscriptrice d’affidavit explique qu’une pochette de la gamme de vêtements [traduction] « décrit les marchandises que le créateur vend en liaison avec sa marque » pour la saison à venir. Je souligne que la couverture du document comprend la Marque et la mention « Automne 2008 »; la pochette contient les croquis de trois articles vestimentaires identifiés comme [traduction] « col roulé de base », « débardeur de base » et « leggings » ainsi que leurs numéros de modèle. Compte tenu des articles vestimentaires illustrés dans la pochette de la gamme, il semblerait que la collection consiste exclusivement en vêtements pour femmes.

[11]           Malgré l’utilisation de la Marque dans la pochette de la gamme, il est bien établi que le matériel publicitaire, y compris les documents promotionnels, n’est généralement pas suffisant pour établir l’emploi en liaison avec les marchandises [BMW Canada Inc. v. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 (C.A.F.)]. Par conséquent, la simple distribution de la pochette de la gamme aux clients existants et potentiels ne peut servir de preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les vêtements.

[12]           En ce qui concerne les ventes effectives de vêtements, Mme Shepherd fournit, à titre de pièces « 6 » et « 8 », les copies de deux bons de commande préparés par les représentants commerciaux de l’inscrivante le 12 mai et le 23 juin 2008; sont également jointes, à titre de pièces « 7 » et « 9 » respectivement, les copies des factures correspondantes datées du 17 septembre et du 23 octobre 2003 confirmant la vente et l’expédition des articles demandés. Ces documents comprennent les adresses de facturation et d’expédition des clients au Canada. Malgré le grand nombre d’articles énumérés, Mme Shepherd identifie seulement le col roulé comme [traduction] « vêtement de marque NADA NUFF »; il s’agit également du seul article dont le numéro de modèle figure dans la pochette de la gamme de l’inscrivante pour l’automne 2008. La souscriptrice d’affidavit soumet à titre de pièce « 10 » la copie d’une facture additionnelle datée du 27 mars 2008 à l’appui de sa déclaration concernant la vente [traduction] « des collants et d’un col roulé de marque NADA NUFF » à un particulier. Je souligne que cette facture en particulier ne comprend pas d’adresse d’expédition ni de facturation. Toutefois, vu que la facture a été dressée en dollars canadiens et qu’elle comprend un montant de TPS et de TVP, aux fins de la présente instance, il m’apparaît raisonnable de conclure que la vente a été effectuée au Canada.

[13]           La partie requérante soulève plusieurs questions concernant les pièces fournies. Premièrement, elle soutient qu’il n’est pas clair si les ventes en question ont été effectuées dans la pratique normale du commerce, vu l’absence d’une déclaration de la souscriptrice d’affidavit à cet égard, le « faible » nombre de ventes et l’absence des chiffres des ventes dans la preuve. Il est bien établi que la preuve d’une seule vente dans la pratique normale du commerce peut suffire à établir l’emploi de la marque de commerce [Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.)] et qu’un genre de preuve particulier n’est pas requis procédure dans la cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Lewis Thomson & Sons Ltd. c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.)].

[14]           Lorsqu’on considère la preuve dans son ensemble, y compris les déclarations claires de Mme Shepherd concernant la pratique normale du commerce de l’inscrivante et le fait que l’inscrivante n’a acquis l’enregistrement que quelques mois avant la fin de la période pertinente, je ne vois aucune raison de ne pas accepter ces transactions (effectuées à différents moments avec différents clients) comme constituant des ventes effectuées par l’inscrivante dans la pratique normale du commerce.

[15]           Deuxièmement, la partie requérante souligne que les articles décrits comme « cols roulés » et « collants » ne figurent pas dans l’état déclaratif des marchandises. Par contre, l’inscrivante soutient ce qui suit dans ses observations écrites :

[traduction] [L]e col roulé constitue clairement un exemple de « vêtement pour hommes et femmes » s’agissant notamment d’une « chemise », comme l’atteste l’enregistrement, en se fondant à la fois sur le bon sens et sur le croquis figurant dans la pochette de la pièce 4.

Dans le même ordre d’idées, les « collants » font partie de la catégorie des « pantalons » comme il est indiqué dans la facture. Il ressort également du croquis figurant dans la pochette de la gamme que les « collants » (appelés « leggings ») font partie de la catégorie générale des « pantalons ». Les « pantalons » figurent spécifiquement dans l’enregistrement.

[16]           Selon le Canadian Oxford Dictionary, « chemise » s’entend [traduction] d’« un article vestimentaire en tissu léger, couvrant le buste et les bras, à manches courtes ou longues, comportant un col et se boutonnant par devant », mais aussi de « plusieurs articles vestimentaires couvrant le buste, à manches courtes ou longues, pouvant comporter un col et des boutons, dont le tee‑shirt, la chemise polo, le débardeur, le tricot de corps, etc. » Même si le « col roulé » ne se rapporte pas à une « chemise » ou à tout autre type de hauts que spécifie l’enregistrement, ni dans l’affidavit ni dans les documents à l’appui, vu le sens commun du mot « chemise », il m’apparaît raisonnable d’accepter que l’emploi de la Marque en liaison avec « col roulé » correspond à l’emploi en liaison avec la marchandise enregistrée « gamme de vêtements pour femmes (nommément chemises) ».

[17]           En ce qui concerne les vêtements identifiés comme des « leggings » ou des « collants », j’accepte sans difficulté ces éléments de preuve comme correspondant à une preuve d’emploi en liaison avec la catégorie générale des « pantalons ». De plus, dans la facture même de l’inscrivante les « collants de marque NADA NUFF » sont identifiés comme des « pantalons ». Je suis donc convaincue que l’inscrivante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec « gamme de vêtements pour femmes (nommément pantalons) ».

[18]           Troisièmement, la partie requérante soutient que plusieurs expéditions n’ont été effectuées qu’après la fin de la période pertinente comme le démontrent les dates d’expédition figurant sur les bons de commande et les dates d’émission des factures connexes. Je souligne que la facture jointe à titre de pièce « 10 » faisant état de « collants » et de « col roulé » a été clairement dressée au cours de la période pertinente; je suis donc convaincue que la vente de ces articles a été effectuée au cours de la période pertinente.

[19]           Compte tenu de mes conclusions ci‑dessus, je suis convaincue que l’inscrivante a fourni une preuve d’emploi de la Marque en liaison avec « gamme de vêtements pour femmes (nommément chemises, pantalons) » au cours de la période pertinente. Pour ce qui est des autres marchandises, j’examinerai maintenant la question de savoir s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi au cours de cette période.

[20]           Mme Shepherd indique l’existence de circonstances spéciales qui justifient le non‑emploi de la Marque au cours de la période pertinente. Plus précisément, en plus du temps considérable qu’exigeait la « création et fabrication » de nouveaux vêtements, selon Mme Shepherd, la cession récente de la Marque, le moment précis des cycles de vente de l’inscrivante et la nature cyclique de l’industrie de la mode, constituent des circonstances spéciales indépendantes de la volonté de l’inscrivante. La souscriptrice d’affidavit déclare également que l’inscrivante a une intention sérieuse de [traduction] « continuer par la suite à créer, fabriquer et vendre toutes les marchandises spécifiques figurant dans l’enregistrement de la marque NADA NUFF, en liaison avec cette marque de commerce ». Elle joint à l’appui, à titre de pièces « 11 » et « 12 », une copie de la pochette de la gamme pour le printemps 2009 ainsi que des copies des bons de commande afférents datés entre les mois d’août et octobre 2008. Mme Shepherd déclare que les étiquettes volantes et les étiquettes en tissu portant la Marque sont apposées sur ces vêtements aussi. La nouvelle pochette de la gamme porte sur 14 vêtements différents décrits comme « robes trapèze », « robes à encolure échancrée », « cafetans à manches courtes », « débardeurs », « hauts à col bateau » et « hauts à faux col ». Je souligne que pour la collection d’automne 2008, les vêtements figurant dans la pochette de la gamme semblent être exclusivement des vêtements pour femmes.

[21]           Dans ses observations écrites, l’inscrivante soutient que, lorsqu’un avis prévu à l’article 45 est donné peu de temps après une cession, [traduction] « le propriétaire actuel est uniquement tenu de démontrer qu’il avait sérieusement l’intention de commencer à utiliser la marque dans un avenir rapproché ». Elle cite à l’appui les décisions Fairweather Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2006), 58 C.P.R. (4th) 50 (C.F. 1re inst.), confirmée par (2007) 62 C.P.R. (4th) 266 (C.A.F.), et Scott Paper Co. c. Lander Co. Canada Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 274 (C.O.M.C.).

[22]           Suivant le récent arrêt de la Cour d’appel fédérale, Smart & Biggar v. Scott Paper Ltd. (2008), 65 C.P.R. (4th) 303, pour établir la présence des circonstances spéciales, l’inscrivante doit fournir la date où la marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date. Pour déterminer la présence des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi, il faut prendre en considération trois critères. L’agent d’audience Barnett a résumé ainsi cette approche dans Bereskin & Parr c. Bartlett (2008), 70 C.P.R. (4th) 469 (C.O.M.C.) :

La question de savoir s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifient l’absence d’emploi nécessite la prise en considération de trois critères. Le premier est la durée au cours de laquelle la marque n’a pas été utilisée. Le second est de savoir si les motifs d’absence d’emploi étaient attribuables à des circonstances indépendantes de la volonté de l’inscrivant. Le troisième est de savoir si ce dernier a l’intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque dans un bref délai : Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Les « circonstances spéciales » du deuxième critère, à savoir si l’absence d’emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté de l’inscrivant, signifient des « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » (John Labatt Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. 115 (C.F. 1re inst.)).

La Cour d’appel fédérale, dans son récent arrêt Scott Paper Ltd. c. Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 C.P.R. (4th) 303, a quelque peu clarifié l’interprétation du critère des circonstances spéciales faite dans l’arrêt Harris Knitting, précité. En se basant sur la grille d’analyse d’Harris Knitting Mills, la cour a conclu que l’examen approprié, lorsqu’il s’agit évaluer s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifieraient l’absence d’emploi de la marque, doit porter sur la raison de l’absence d’emploi, et qu’aucun autre facteur ne doit être pris en considération. Selon cette analyse, il doit être satisfait au deuxième critère du test d’Harris Knitting Mills pour pouvoir conclure que l’absence d’emploi de la marque est justifiée par une ou des circonstances spéciales. Selon mon analyse, cette conclusion ne signifie pas que les deux autres critères ne sont pas des facteurs pertinents : toutefois, ces deux critères ne pourraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. Dans tous les cas, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve (Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)).

[23]           J’évaluerai donc ces trois critères en l’espèce. En ce qui concerne la durée au cours de laquelle la marque n’a pas été employée, il est généralement accepté que la période de défaut d’emploi court à partir de la date de la cession de la marque, à savoir le 26 février 2008 [Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.), et G.P.S. (U.K.) Ltd. c. Rainbow Jean Co. Ltd., 58 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]. Cela signifie que la Marque n’a pas été employée par l’inscrivante en liaison avec les autres marchandises pendant environ cinq mois avant la date à laquelle l’avis prévu à l’article 45 a été donné.

[24]           Pour ce qui est des raisons du défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente, le processus de développement du produit et le processus de vente de l’inscrivante sont clairement indépendants de sa volonté, et la nature cyclique de l’industrie de la mode peut difficilement être considérée comme faisant partie des circonstances « de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles ». En ce qui a trait à la cession récente de l’enregistrement d’une marque de commerce, plusieurs décisions, dont les deux citées par l’inscrivante, ont déjà reconnu que le nouveau propriétaire d’une marque a besoin d’une période relativement courte pour lancer sa production. Je ferais observer toutefois que, contrairement à la présente affaire, dans l’affaire Fairweather, le propriétaire inscrit avait fourni de nombreux détails sur les circonstances entourant l’acquisition de la marque de commerce six mois avant la date d’envoi de l’avis, dont l’ajout de soixante‑dix magasins employant plus de 500 personnes, ainsi que les conséquences de ces changements (par exemple le retard dans le lancement de produits) sur les activités commerciales de la nouvelle propriétaire. De même, dans l’affaire Scott Paper (1996), avaient été également fournis des détails entourant l’acquisition de la marque de commerce, trois mois avant la date de l’envoi de l’avis, les mesures et les délais concernant le lancement par le nouveau propriétaire des marchandises enregistrées en liaison avec la marque de commerce. Néanmoins, gardant à l’esprit la courte période entre la cession de la Marque et la fin de la période pertinente, par rapport à la période dont l’inscrivante a besoin pour préparer et finaliser la vente de la collection d’une seule saison, je suis convaincue qu’en l’espèce, l’acquisition récente de la Marque constitue une raison justifiant le défaut d’emploi pour une courte période, circonstance indépendante de la volonté de l’inscrivante.

[25]           En ce qui concerne le troisième critère, la partie requérante met en doute l’intention de l’inscrivante de reprendre l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises enregistrées; elle souligne que le seul article figurant dans la pochette de 2009 qui fait partie de l’état déclaratif des marchandises est le « débardeur », alors que l’inscrivante aurait dû avoir suffisamment de temps pour préparer une collection de vêtements constituée des marchandises enregistrées. L’inscrivante soutient de son côté que cela est vrai, mais [traduction] qu’« il est néanmoins évident que la nouvelle pochette de la gamme comprend un nombre supérieur de produits et de types de produits en liaison avec » la Marque, ce qui appuie son « intention sérieuse d’employer la marque de commerce en liaison avec un nombre croissant d’articles spécifiés dans l’enregistrement ».

[26]           En réponse à une question similaire soulevée par le défendeur dans l’affaire Fairweather où le propriétaire inscrit avait présenté des éléments de preuve concernant la fabrication et la vente de cinq articles vestimentaires distincts après la délivrance de l’avis, alors que seulement deux articles figuraient parmi les quatre marchandises enregistrées, la Cour fédérale a dit ce qui suit aux paragraphes 55 et 56 :

L’examen du premier affidavit de M. Brener révèle l’intention générale de lancer de nouveau des marchandises de marque TARGET APPAREL, à savoir des habits, des pantalons, des vestons et des manteaux, et j’ai déjà conclu, en me fondant sur les nouveaux éléments de preuve, que l’on a de fait pris des mesures concrètes avant la délivrance de l’avis prévu à l’article 45 afin d’atteindre ce but […].

Comme il en a ci‑dessus fait mention, la preuve postérieure à la signification de l’avis peut être utile, dans la mesure où elle complète ou confirme la preuve selon laquelle l’intention d’employer la marque existait avant que l’avis soit donné. En l’espèce, la preuve postérieure à la délivrance de l’avis montre que certaines des marchandises énumérées ont de fait été fabriquées et vendues sous la marque TARGET APPAREL, ce qui confirme qu’il existait de fait une véritable intention continue de la part de Fairweather d’employer la marque.

[27]           En l’espèce, Mme Shepherd a exprimé clairement dans son affidavit l’intention générale de l’inscrivante de continuer à créer, à fabriquer et à vendre toutes les marchandises enregistrées en liaison avec la Marque. De plus, la preuve démontre clairement que l’inscrivante a préparé et vendu au Canada de nombreux vêtements pour femmes portant la Marque, peu après la fin de la période pertinente. Étant donné que la collection de printemps est normalement mise en vente d’août à octobre ou novembre de l’année antérieure, il m’apparaît raisonnable de conclure que la préparation de la pochette pour la saison de printemps 2009, y compris la création de ces vêtements, a commencé au cours de la période pertinente. Par conséquent, les mesures concrètes prises antérieurement à la délivrance de l’avis prévu à l’article 45 et la preuve de l’augmentation des ventes des vêtements pour femmes après la fin de la période pertinente confirment l’intention réelle et constante de l’inscrivante d’employer la Marque en liaison avec des vêtements pour femmes.

[28]           Par contre, il n’y a aucune preuve quant aux mesures concrètes qui démontreraient l’intention de l’inscrivante de reprendre l’emploi de la Marque en liaison avec des vêtements pour hommes au cours de la période pertinente. Rien n’indique que l’inscrivante a vendu ou mis en vente des vêtements pour hommes au cours de la période pertinente ou peu après la fin de cette période; aucun détail n’a été donné à l’égard des difficultés entraînées par la production et la vente de vêtements pour hommes ou le progrès réalisé en ce sens. En fait, on n’a fourni aucune preuve documentaire qui me permettrait de conclure que l’emploi de la Marque sera repris dans un avenir rapproché en liaison avec des vêtements pour hommes. Comme il a été souligné dans la décision Arrowhead Spring Water Ltd., précitée, le registraire n’a aucune indication concernant la durée du défaut d’emploi en l’espèce. À mon avis, l’intention de l’inscrivante de reprendre l’emploi des vêtements pour hommes n’a pas été étayée par la preuve.

[29]           Pour ces motifs, je suis convaincue que la Marque a été employée au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi en liaison avec « gamme de vêtements pour femmes (nommément chemises, pantalons) » au cours de la période pertinente et que le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec « gamme de vêtements pour femmes (nommément jeans, […], jupes, vestes, […], gilets, shorts, chandails, pulls d’entraînement, tee‑shirts, débardeurs et chapeaux) » était attribuable à des circonstances spéciales qui le justifieraient. Toutefois, vu le manque de preuve, je ne suis pas convaincue que le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec « gamme de vêtements pour hommes (nommément jeans, chemises, jupes, vestes, pantalons, gilets, shorts, chandails, pulls d’entraînement, tee‑shirts, débardeurs et chapeaux) » était attribuable à des circonstances spéciales qui le justifieraient. Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier les marchandises suivantes : « gamme de vêtements pour hommes (nommément jeans, chemises, jupes, vestes, pantalons, gilets, shorts, chandails, pulls d’entraînement, tee‑shirts, débardeurs et chapeaux) » en application de l’article 45 de la Loi.

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P. Fung

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

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