Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Flame Guard Water Heaters, Inc. à la demande no 1211813 produite par Usines Giant Inc. pour la marque de commerce FLAMEBAR                                              ______

 

 

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 31 mars 2004, Usines Giant Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement concernant la marque de commerce FLAMEBAR (la « Marque »), demande numéro 1211813, en liaison avec des chauffe-eau pour usages résidentiels, commerciaux et industriels (les « Marchandises »). La demande est fondée sur un emploi projeté au Canada et elle a été publiée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 février 2005.

 

Le 22 avril 2005, Flame Guard Water Heaters, Inc. (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition, que le Registraire a transmise à la Requérante le 24 mai 2005, dans laquelle sont invoqués les motifs d’opposition suivants :

 

            [traduction]

1)                  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la « Loi »), étant donné qu’à la date de production de la présente demande, la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque, au Canada, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié, en liaison avec les Marchandises;

2)                  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi, étant donné qu’à la date de production de la présente demande, la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, car la Requérante et l’Opposante ont conclu ensemble, le 25 août 2004,  un contrat de licence régissant l’utilisation des technologies liées aux chauffe-eau au Canada et aux États-Unis, qui prévoit qu’on ne doit pas interpréter le contrat comme étant une licence, un privilège ou toute autre autorisation pour le licencié ou relativement à la marque de commerce FLAME GUARD ou à un fac-similé ou à une variante de celle-ci, en liaison avec tout produit ou service, pour lesquels il serait raisonnable pour le concédant de la licence de déterminer qu’ils peuvent ou vont engendrer ou entraîner une probabilité de confusion ou une confusion réelle pour le public visé ou l’industrie. La Requérante voulait inclure dans le contrat une clause selon laquelle l’Opposante reconnaîtrait la propriété de la Requérante et son droit inconditionnel d’employer la marque FLAMEBAR. L’Opposante a refusé et la clause a été supprimée avant la signature du contrat.

3)                  La Marque n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d), car elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée FLAME GUARD appartenant à l’Opposante, certificat d’enregistrement LMC594152 délivré le 6 novembre 2003 en liaison avec des chauffe-eau;

4)                  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au sens du paragraphe 16(3) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce FLAME GUARD antérieurement employée et révélée par l’Opposante au Canada depuis le 1er octobre 2003 en liaison avec des chauffe-eau;

5)                  La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne permet pas de distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante et n’est pas adaptée à les distinguer ainsi.

 

Le 21 juin 2005, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacun des motifs d’opposition.

 

L’Opposante a déposé les affidavits de Scott Phillips et de J.P. (Pat) Cushing, la déclaration de Marylène Gendron et une copie certifiée de l’enregistrement LMC594152 concernant la marque de commerce FLAME GUARD. La Requérante n’a déposé aucun élément de preuve. Seule l’Opposante a présenté un plaidoyer écrit. Aucune audience n’a été tenue.

 

II La preuve de l’Opposante

 

M. Phillips est, depuis le 17 octobre 2002, le secrétaire de l’Opposante. L’Opposante est propriétaire de la marque de commerce déposée FLAME GUARD, certificat d’enregistrement canadien LMC594152, en liaison avec des chauffe-eau, tel qu’il appert du certificat d’authenticité délivré par le Registraire et déposé dans le cadre de la preuve de l’Opposante.

 

L’Opposante a accordé à GSW Water Heating (« GSW »), une filiale de GSW Water Products, Inc., une licence l’autorisant à fabriquer des chauffe-eau en conformité avec la technologie visée par diverses demandes de brevets canadiens de l’Opposante et à employer la marque de commerce FLAME GUARD en liaison avec des chauffe-eau.

 

M. Phillips affirme également que la Requérante a été titulaire d’une licence de l’Opposante lui concédant les droits attachés à ses brevets au cours de la période allant du 25 août 2004 jusqu’au 13 juin 2005, date à laquelle la licence a été résiliée. M. Phillips ajoute qu’au moment de conclure le contrat de licence avec la Requérante, cette dernière voulait inclure une clause selon laquelle l’Opposante reconnaîtrait la propriété de la Requérante et son droit inconditionnel d’employer la Marque. L’Opposante a refusé et la clause a été supprimée avant la signature du contrat de licence. Au contraire, le contrat de licence contenait la clause suivante :

 

[traduction]

[on] ne peut pas et on ne doit pas interpréter le présent contrat comme étant une licence, un privilège ou toute autre autorisation pour le LICENCIÉ relativement à la marque FLAME GUARD, ou un fac-similé ou une variante de celle-ci en liaison avec tout produit ou service, pour lesquels il serait raisonnable pour le CONCÉDANT DE LA LICENCE de déterminer qu’ils peuvent ou vont engendrer ou entraîner une probabilité de confusion ou une confusion réelle pour le public visé ou l’industrie.

 

M. Cushing occupe le poste de vice-président des ventes au sein de GSW. Il affirme que l’Opposante a accordé à GSW une licence l’autorisant à fabriquer les Marchandises en liaison avec la marque de commerce FLAME GUARD en conformité avec la technologie visée par les demandes de brevets canadiens de l’Opposante. Il déclare que le contrat de licence prévoit expressément que l’Opposante doit respecter des normes de qualité égales ou supérieures aux normes de l’industrie pour des produits similaires. Il fournit ensuite des renseignements et des documents établissant de quelle manière et dans quelle mesure la marque de commerce FLAME GUARD a été employée au Canada, notamment :

  Des étiquettes apposées sur les chauffe-eau vendus au Canada sur lesquelles figure la marque FLAME GUARD;

  Des documents imprimés offerts aux consommateurs dans les points de vente;

  Des reproductions des panneaux de kiosque utilisés lors de diverses foires commerciales au Canada et aux États-Unis;

  Des catalogues et des listes de prix en vigueur à compter du 1er septembre 2005.

 

Il donne les chiffres d’affaires de GSW et le nombre de chauffe-eau portant la marque de commerce FLAME GUARD qui ont été vendus au Canada pour les années 2004 et 2005. Les marchandises sont vendues au détail dans des magasins comme Canadian Tire et Home Hardware, ainsi qu’à des grossistes, des distributeurs et des sociétés énergétiques ayant des programmes de location.

 

Mme Gendron est assistante juridique au sein du cabinet d’avocats qui agit comme agent de l’Opposante et elle est responsable du dossier de ses marques de commerce. Elle a effectué une recherche dans la base de données Strategis afin de trouver cinq marques de commerce qui figurent dans les documents déposés par M. Phillips. Cette preuve sert seulement à démontrer que l’Opposante est également propriétaire de ces marques de commerce.

 

III Analyse des questions de droit

 

Il est généralement reconnu qu’il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de l’article 30 de la Loi, mais l’Opposante a toutefois le fardeau initial d’établir les faits étayant ses motifs d’opposition. Lorsque l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, il revient alors à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués n’empêchent pas l’enregistrement de la marque faisant l’objet de la demande. [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293 et Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155].

 

i) Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

La date pertinente varie en fonction des motifs d'opposition. La date pertinente applicable au motif fondé sur la non-conformité aux exigences de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande d'enregistrement. [Voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (COMC)]

 

L’Opposante s’est acquittée du fardeau initial d’établir l’existence, avant la production de la présente demande, d’une relation contractuelle concédant-licencié entre les parties. La Requérante n’a pas contesté les affirmations ci-dessus décrites de M. Phillips. Par conséquent, j’accepte le fait que la Requérante savait très bien que l’Opposante est la propriétaire inscrite de la marque de commerce FLAME GUARD. Cependant, en temps normal, ce fait ne suffirait pas pour que l’Opposante obtienne gain de cause. Le seul fait de connaître les droits de l’Opposante n’empêche pas la Requérante de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi, portant qu’elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque. Néanmoins, l’Opposante allègue que la Requérante voulait inclure dans le contrat de licence une clause selon laquelle l’Opposante reconnaîtrait la propriété de la Requérante et son droit inconditionnel d’employer la marque de commerce FLAMEBAR. L’Opposante a refusé d’ajouter cette clause et, tel que susmentionné, la Requérante s’est plutôt vue interdire l’adoption d’une marque de commerce pour laquelle on pourrait considérer qu’il est raisonnable pour l’Opposante de déterminer qu’elle crée de la confusion avec sa marque de commerce FLAME GUARD. De toute évidence, si l’Opposante a refusé de reconnaître à la Requérante le droit d’employer la Marque dans le contrat de licence, c’est qu’elle considérait que cette marque de commerce était susceptible de créer de la confusion avec sa marque de commerce FLAME GUARD.

 

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition. Par conséquent, le fardeau de la preuve incombe à la Requérante qui a omis de déposer des éléments de preuve. Dans certains cas, le Registraire a accueilli un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) lorsque la preuve a démontré l’existence d’une relation contractuelle « concédant-licencié » et que l’enregistrement d’une marque de commerce porterait atteinte à cette relation contractuelle. [Voir World Tableware International Inc. c. Heritage Silversmiths Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 433 et Super Seer Corp. c. 546401 Ontario Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 560] Tel que susmentionné, la Requérante n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, sa conformité quant au fond avec l’alinéa 30i) de la Loi. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est accueilli.

 

Comme l’Opposante a obtenu gain de cause relativement à un motif d’opposition et vu le manque d’intérêt apparent de la part de la Requérante pour le présent litige, cette dernière ayant omis de déposer des éléments de preuve et un plaidoyer écrit ainsi que de demander la tenue d’une audience, je vais examiner brièvement certains autres motifs d’opposition.

 

ii) Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

 

Le premier motif d’opposition est rejeté, car l’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve au soutien de ce motif d’opposition. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

 

ii) Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

La date à retenir pour déterminer si la marque de commerce est enregistrable est la date de la décision du Registraire. [Voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)]

 

L’Opposante a produit une copie du certificat d’enregistrement numéro LMC594152 pour sa marque de commerce FLAME GUARD enregistrée en liaison avec des chauffe-eau, elle s’est donc acquittée de son fardeau initial relativement au troisième motif d’opposition.

 

Le test servant à déterminer s’il existe une probabilité raisonnable de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à ces facteurs [Voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.) et Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321)].

 

Les deux marques en cause ont un certain caractère distinctif inhérent, puisque FLAMEBAR et FLAME GUARD n’évoquent pas instantanément les caractéristiques ou la qualité des chauffe-eau. Le mot FLAME laisse entendre que l’eau est chauffée au moyen d’une flamme. Il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. Grâce aux éléments de preuve relatés ci-dessus, l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque de commerce FLAME GUARD en liaison avec des chauffe-eau. Je conclus que la marque de commerce FLAME GUARD appartenant à l’Opposante est connue dans une certaine mesure au Canada. Par conséquent, le premier facteur favorise l’Opposante.

 

Le genre des marchandises respectives des parties est identique. Ce facteur favorise l’Opposante.

 

Il n’y a aucune preuve relativement à la nature du commerce de la Requérante. L’Opposante vend ses chauffe-eau à des détaillants, à des grossistes et à des distributeurs. En l’absence de preuve concernant les circuits de distribution de la Requérante, il est difficile de faire une distinction entre les réseaux de distribution respectifs des parties étant donné la description des Marchandises et la preuve concernant la nature des circuits de distribution utilisés par l’Opposante. Je conclus que ce facteur favorise également l’Opposante.

 

 

Dans l’arrêt Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), le juge Malone a déclaré :

S'agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l'idée dont il est question à l'alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n'est pas correct, pour l'application du critère de la confusion, de placer les marques l'une en regard de l'autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services.

 

Il a été décidé que la première partie d’une marque de commerce est la plus pertinente pour évaluer le degré de ressemblance. [Voir Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1990), 28 C.P.R. (3d) 457 (C.F. 1re inst.), à la page 461, et Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188] Dans le cas qui nous occupe, le premier élément des marques en cause est identique (phonétiquement et visuellement). Même si la seconde partie est différente phonétiquement et visuellement, il n’en demeure pas moins que l’idée véhiculée est similaire puisque les mots « guard » et « bar » peuvent évoquer un genre de « protection ». Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.

 

 

À la suite de cette analyse, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée FLAME GUARD appartenant à l’Opposante. Par conséquent, le troisième motif d’opposition est accueilli.

 

L’Opposante ayant obtenu gain de cause relativement à deux motifs d’opposition distincts, je n’ai pas l’intention d’examiner les autres.

 

 

 

 

IV Conclusion

 

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande de la Requérante visant à enregistrer la Marque, le tout conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 4 FÉVRIER 2008

 

 

 

Jean Carrière,

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

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