Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 155

Date de la décision : 2013-09-20

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Miller Thomson Pouliot visant les enregistrements nos LCM 567079 de la marque de commerce FRÜZ COOL, LCM567080 de la marque de commerce FRÜZER, LCM567081 de la marque de commerce SMOOTHY FRÜZ et LCM577145 de la marque de commerce FRÜZ au nom de Yogen Fruz Canada Inc.

[1]               À la demande de Miller Thomson Pouliot, le Registraire des marques de commerce a émis un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 à Yogen Fruz Canada Inc. au sujet des enregistrements énumérés ci‑dessous :

         LMC567079 de la marque de commerce FRÜZ COOL;

         LMC567080 de la marque de commerce FRÜZER;

         LMC567081 de la marque de commerce SMOOTHY FRÜZ;

         LMC577145 de la marque de commerce FRÜZ.

[2]               Les marques de commerce FRÜZ COOL, SMOOTHY FRÜZ et FRÜZ sont enregistrées en liaison avec des marchandises, comme indiqué à l’annexe A de cette décision. La marque de commerce FRÜZER est enregistrée en liaison avec des marchandises et des services, également comme indiqué à l’annexe A.

[3]               Selon l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l'égard de chacune des marchandises que spécifie l'enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               Il est bien établi que l'objet et la portée de l'article 45 de la Loi sont d'établir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à éliminer le bois mort du registre. De simples affirmations d’emploi sont insuffisantes pour établir l’emploi de la marque [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF), confirmant 45 CPR (2d) 62 (CF 1re inst.)]. Bien que le critère relatif à la preuve d’emploi sous le régime de l’article 45 soit très peu exigeant et même s’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve, des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services mentionnés dans l’enregistrement [Uvex Toko Canada Ltd c. Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)].

[5]               En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 24 août 2007 au 24 août 2010.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, Yogen Fruz Canada Inc. (la Déposante) a produit un affidavit d’Aaron Serruya, le président de la Déposante. Son affidavit porte sur les quatre marques de commerce.

[7]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits dans chaque dossier et étaient représentées lors de l’audience. Les quatre dossiers ont été entendus ensemble.

[8]               Miller Thomson Pouliot (la Requérante) soutient essentiellement que l’affidavit de M. Serruya contient des affirmations simples d’emploi qui sont insuffisantes pour constituer une preuve d’emploi des marques de commerce au cours de la période pertinente. La Requérante soumet également des arguments subsidiaires de la preuve fournie par la Déposante. Ceux-ci peuvent être résumés comme suit :

(a)  l’emploi démontré n’est pas dans la pratique normale du commerce;

(b)  aucune des marques de commerce n’a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises enregistrées;

(c)  la marque de commerce FRÜZ comme employée n’est pas la marque de commerce déposée;  

(d) la marque de commerce FRÜZER n’a pas été employée en liaison avec les services enregistrés.

Résumé de la preuve

[9]               Je résume ci-dessous la preuve que je considère comme pertinente en l’espèce. Je discuterai davantage la preuve dans mon analyse subséquente des questions.

[10]           M. Serruya déclare que la Déposante [traduction] « représente, à l’échelle nationale et internationale, les plus importants points de vente au détail de yogourt glacé et de lait frappé ». Il explique également que :

         la Déposante elle-même, ou par l’entremise de franchisés et de licenciés autorisés, exploite des points de vente au détail où le yogourt glacé est le principal produit offert, en plus de boissons et d’autres produits alimentaires différents et sains;

         les produits offerts sont principalement du yogourt glacé nature ou mélangé avec des fruits, et des boissons non alcoolisées sous forme de laits frappés au yogourt et au yogourt non laitiers. Les points de vente au détail offrent également d’autres boissons non alcoolisées sous forme de jus et de boissons gazeuses;  

         il y a plus de 200 points de vente licenciés ou franchisés exploités par la Déposante au Canada.

[11]           M. Serruya fournit une preuve d’emploi des marques de commerce. Cette preuve est essentiellement la même pour chaque marque de commerce. En effet, dans chaque dossier, M. Serruya fait référence à l’état déclaratif des marchandises enregistrées. Dans le cas de la marque de commerce FRÜZER, il fait également référence à l’état déclaratif des services enregistrés. Également, dans chacun des dossiers, M. Serruya déclare qu’au cours de la période pertinente :

         la Déposante [traduction] « a établi l’emploi continu » de la marque de commerce en liaison avec les marchandises;

         au Canada, les ventes sous la marque de commerce par la Déposante à ses franchisés et licenciés dépassaient les 20 000 $;

         la Déposante a fait [traduction] « beaucoup de publicité et de promotion de ses produits sous la marque de commerce ».

[12]           Finalement, M. Serruya produit pour chaque marque de commerce [traduction] « des spécimens représentatifs de matériel publicitaire et promotionnel affichant la marque de commerce… au cours de la période pertinente ».  

Analyse des questions

[13]           Compte tenu des circonstances de ces dossiers, je réglerai d’abord rapidement la question de savoir si la preuve constitue un fondement suffisant au maintien de l’enregistrement de la marque de commerce FRÜZER en liaison avec les services enregistrés.  

[14]           Ensuite, je me pencherai sur les questions soulevées par les affirmations de la Requérante concernant la preuve d’emploi de chaque marque de commerce en liaison avec les marchandises enregistrées. En particulier, je commencerai par prendre en considération la question de savoir si l’affidavit de M. Serruya comprend des affirmations simples d’emploi qui sont insuffisantes pour constituer une preuve d’emploi des marques de commerce au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises enregistrées.  

La preuve est-elle suffisante pour maintenir la marque de commerce FRÜZER en liaison avec les services enregistrés?

[15]           Lors de l’audience, la Déposante a admis que la dernière page de la pièce E, qui représente une mascotte nommée FRÜZER, n’établit pas en tant que tel l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des « services de promotion, nommément utilisation d’une mascotte en publicité et en association avec l’exploitation de casse-croûte et de comptoirs de mets à emporter spécialisés dans les yogourts surgelés et spécialisés dans les boissons et les denrées à base de yogourt et de fruits ». La Déposante a également admis que l’affidavit de M. Serruya ne présente pas des faits suffisants pour me permettre de conclure que la marque de commerce FRÜZER a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec ces services.

[16]           De même, lors de l’audience, la Déposante a finalement convenu avec moi que l’affidavit de M. Serruya ne présente pas de faits suffisants pour me permettre de conclure que la marque de commerce FRÜZER a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec « l’exploitation de casse-croûte et de comptoirs de mets à emporter spécialisés dans les yogourts surgelés et spécialisés dans les boissons et les denrées à base de yogourt et de fruits ».

[17]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’affidavit de M. Serruya ne démontre pas l’emploi de la marque de commerce FRÜZER en liaison avec les services enregistrés au cours de la période pertinente. De plus, l’affidavit de M. Serruya ne présente pas de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

L’affidavit de M. Serruya comprend-il des affirmations simples d’emploi qui sont insuffisantes pour établir l’emploi de la marque de commerce au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises enregistrées?

[18]           Cette question peut être déterminante puisque la production d’un affidavit qui ne présente pas les faits équivaut à ne pas s’acquitter de son fardeau de preuve aux termes de l’article 45 de la Loi [Plough (Canada) Ltd., précité, à 68 (Plough)]. Autrement dit, si la réponse à la question est « oui », chaque dossier devra être tranché dans le même sens comme si aucun affidavit n’avait été produit par la Déposante.

[19]           Dans ces dossiers, la définition pertinente d’« emploi » en liaison avec les marchandises est énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[20]           Lors de l’audience, la Déposante a admis que la Requérante a adopté une approche excessivement technique dans son analyse de la preuve. La Déposante a fait valoir que l’affidavit va au-delà des affirmations simples d’emploi puisque, dans chaque dossier, M. Serruya :

         déclare explicitement que la Déposante a employé la marque de commerce au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises enregistrées;

         fournit des chiffres d’affaires de ventes au Canada par la Déposante à ses franchisés et licenciés au cours de la période pertinente; les ventes par la Déposante à ses franchisés et licenciés sont des ventes dans la pratique normale du commerce [Kvas Miller Everitt c. Compute (Bridgend) Ltd. (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)]; l’absence de factures attestant de ces ventes n’est pas fatale pour la Déposante [88766 Canada Inc. c. Alloy Rods Global, Inc. (2012), 102 CPR (4th) 56 (COMC)];

         fournit des spécimens représentatifs de matériel publicitaire et promotionnel affichant la marque de commerce en liaison avec les marchandises mises en vente et vendues au cours de la période pertinente [Swabey Ogilvy Renault c. Golden Brand Clothing (Canada) Ltd. (2002), 19 CPR (4th) 516]. La Déposante a admis que dans chaque dossier, les spécimens représentent soit la marque de commerce apposée sur un contenant de marchandises ou de telle façon qu’il y avait un avis de liaison entre la marque de commerce et les marchandises lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises dans la pratique normale du commerce.

[21]           Finalement, la Déposante a cité Fairweather Ltd. c. Registraire des marques de commerce et al. (2006), 58 CPR (4th) 50, confirmé par 62 CPR (4th) 266 (CAF) (Fairweather) pour appuyer son affirmation que tout doute qu’il peut y avoir concernant la preuve doit être tranché en sa faveur.

[22]           Pour les raisons qui suivent, les plaidoyers écrit et oral de la Déposante ne m’ont pas convaincue que l’affidavit de M. Serruya présente des faits suffisants pour me permettre de conclure que les marques de commerce FRÜZ COOL, FRÜZER, SMOOTHY FRÜZ et FRÜZ ont été employées au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises enregistrées aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi.

[23]           Premièrement, dans Diamant Elinor Inc. c. 88766 Canada Inc. (2010), 90 CPR (4th) 428 (CF), la Cour donne une orientation générale à l’égard des moments où le registraire peut déduire une conclusion à partir de la preuve dans son ensemble dans une procédure de radiation en vertu de l’article 45. La Cour a tenu compte de Fairweahther et Plough pour parvenir à la conclusion que [traduction] « … le fardeau de preuve repose entièrement sur la Déposante et toute ambiguïté dans son affidavit devrait s’interpréter contre elle » [Diamant Elinor Inc., précité, au paragr. 16].

[24]           Deuxièmement, il est bien établi en droit que chaque affaire doit être tranchée en fonction des circonstances qui lui sont propres. Les décisions citées par la Déposante présentent un intérêt uniquement dans la mesure où elles concernent la procédure de radiation fondée sur l’article 45 de la Loi. Autrement, les faits précis de chaque dossier cité par la Déposante sont différents des faits des dossiers devant moi.

[25]           Par exemple, dans Swabey Ogilvy Renault, précité, le chiffre d’affaires annuel est ventilé en catégories de marchandises, c.-à-d. maillots, vestes de sport, cravates, pantalons, chemises et chemises habillées. Dans la procédure actuelle, la Déposante n’a pas ventilé le chiffre d’affaires en catégories de marchandises, comme le yogourt glacé et les laits frappés, qu’ils soient laitiers ou non. De plus, contrairement à la procédure actuelle, la preuve documentaire produite dans Swabey Ogilvy Renault ne se limitait pas uniquement à du matériel publicitaire. Il y avait des preuves corroborantes d’étiquettes affichant la marque et des vêtements choisis au hasard avec des étiquettes affichant la marque.  

[26]           Troisièmement, même si dans chaque dossier M. Serruya déclare que la marque de commerce a été employée en liaison avec les marchandises enregistrées au cours de la période pertinente, M. Serruya ne déclare pas que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises enregistrées. De plus, M. Serruya ne décrit pas ce qu’il considère comme un emploi de la marque de commerce. Il a été constaté dans Plough que l’omission de décrire ce qui est considéré comme un emploi de la marque de commerce [traduction] « laisse un doute quant au sens de ce qui est dit ». Plus précisément, la Cour a déclaré à la page 67 :

[traduction]

L’auteur d’un affidavit qui ne décrit pas ce qu’il considère comme un emploi de la marque de commerce pourrait tout aussi bien dire dans un langage ordinaire qu’il emploie la marque de commerce alors qu’en réalité, elle ne fait qu’apparaître dans la publicité concernant l’entreprise de la Déposante. En considérant cela comme la signification de ce qu’il dit, l’auteur de l’affidavit peut, en toute conscience, croire que ce qui est affirmé dans l’affidavit est vrai et justifiable. Toutefois, l’emploi dont il faut faire la preuve est l’emploi de la marque de commerce, dans le cas de marchandises, l’emploi prévu à l’article 4 avec la marque apposée sur les marchandises ou leurs emballages ou associée avec les marchandises au moment de leur vente ou de leur livraison dans la pratique normale du commerce et de façon à distinguer les marchandises fabriquées ou vendues par le propriétaire de la marque de commerce des marchandises d’autrui. L’affidavit ne montre pas que le mot est employé dans ce sens puisqu’il ne dit pas ce qui est fait ou dans quel sens le mot est employé.

[27]           Le fait que M. Serruya ne décrive pas ce qu’il considère être un emploi de chaque marque de commerce n’est que l’une des ambiguïtés découlant de la preuve produite par M. Serruya, comme on le verra ci-après.

[28]           Bien que dans chaque dossier M. Serruya déclare que, au cours de la période pertinente, les ventes sous la marque de commerce dépassaient les 20 000 $, comme susmentionné, le chiffre d’affaires n’est pas ventilé en catégories de marchandises. Il est possible que le chiffre d’affaires ne porte que sur certaines des marchandises enregistrées correspondantes. Par exemple, dans le dossier de la marque de commerce FRÜZ COOL le chiffre d’affaires pourrait porter sur la vente des marchandises enregistrées « boissons granita », comme indiqué à l’annexe A; et non sur les marchandises enregistrées « friandises surgelées non laitières ».

[29]           De plus, je reconnais que dans chaque dossier M. Serruya déclare que les spécimens sont représentatifs de matériel publicitaire et promotionnel [traduction] « affichant l’emploi de la marque de commerce » au cours de la période pertinente. Cependant, je réitère que M. Serruya fait référence à la publicité et la promotion des « produits » de la Déposante sous chaque marque de commerce; il n’y a aucune déclaration claire qu’ils sont des spécimens représentatifs de matériel [traduction] « affichant l’emploi de la marque de commerce » en liaison avec les marchandises enregistrées. Quoi qu’il en soit, je ne peux conclure que le mot « produits » dans le contexte de la déclaration de M. Serruya au sujet de matériel publicitaire et promotionnel fait référence aux marchandises enregistrées, particulièrement puisque la preuve de la Déposante est que les points de vente au détail proposent également des boissons non alcoolisées sous forme de jus de fruits et de boissons gazeuses.  

[30]           Par conséquent, la question se pose maintenant de savoir si le matériel publicitaire et promotionnel produit en pièces C, E, G et I est en soi suffisant pour lever les ambiguïtés de la preuve en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce en liaison avec chacune des marchandises enregistrées au cours de la période pertinente. Pour les raisons qui suivent, je conclus que ces pièces ne favorisent pas la cause de la Déposante.

[31]           Premièrement, la qualité de reproduction d’une partie importante du matériel est discutable. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec la Requérante que tout matériel produit en tant que pièces a une valeur probante négligeable, s’il en est, lorsque la qualité de la reproduction ne permet pas de repérer la marque de commerce ou de lire ce qui est écrit sur le matériel [Goudreau Gage Dubuc LLP c. Weyerhauser Company Limited, 2010 COMC 199 (COMC)].

[32]           Deuxièmement, outre une référence générale au matériel publicitaire et promotionnel, M. Serruya n’explique pas la nature exacte d’aucun matériel. Selon moi, cela ne fait qu’ajouter à l’ambiguïté de la preuve.

[33]           Finalement, il est bien établi en droit que l’emploi d’une marque de commerce dans une publicité n’est pas en soi suffisant pour constituer une preuve d’emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi. Le matériel publicitaire et promotionnel aurait dû être donné lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises [Nissan Canada Inc. c. BMW Canada Inc. (2007), 60 CPR (4th) 181 (CAF)]. Toutefois, il n’y a aucune déclaration dans l’affidavit de M. Serruya en ce sens.

[34]           Compte tenu de tous les commentaires précédents, j’analyse maintenant chaque pièce en fonction de la marque de commerce correspondante mentionnée par M. Serruya. Dans mon analyse des pièces ci-après, je ne discuterai que des pages qui représentent la marque de commerce sur un contenant de marchandises ou de telle façon qu’il pouvait y avoir un avis de liaison entre la marque de commerce et les marchandises. Autrement dit, je ne tiendrai pas compte de toute page qui affiche simplement la marque de commerce dans du matériel publicitaire ou promotionnel.  

Pièce C – marque de commerce FRÜZ COOL

[35]           Je suis d’accord avec la Déposante que chaque page de la pièce de trois pages représente la marque de commerce sur un gobelet. Par conséquent, j’admets le fait qu’elles montrent la marque de commerce sur un contenant de marchandises. Toutefois, ces spécimens ne lèvent pas l’ambiguïté de la preuve en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce, au cours de la période pertinente, en liaison avec les marchandises enregistrées.

[36]           D’une part, les deux premières pages semblent être tirées d’un document, c.-à-d. les pages 6 et 17, qui fournit des renseignements sur la Déposante et ses produits. Je suis d’accord avec la Requérante que ces pages sont probablement tirées d’un document de l’entreprise, qui ajoute à l’ambiguïté du fait qu’elles soient produites comme spécimens de matériel publicitaire et promotionnel. Je suis également d’accord avec le plaidoyer oral de la Requérante que la référence à l’année 1993 dans le coin inférieur droit de la page 6 n’est pas expliquée par M. Serruya, pas plus qu’elle n’a été expliquée par la Déposante lors de l’audience [première page de la pièce]. Il en va de même pour la référence à l’année 1996 dans le coin inférieur droit de la page 17 [deuxième page de la pièce].  

[37]           J’admets qu’il y a une description du produit FRÜZ COOL à la page 17 du document, qui est reproduite ci-après.  

[traduction]

… Cette boisson délicieuse est un mélange de nos produits glace pilée fruitée et de laits frappés. Elle est offerte en deux saveurs : à l’orange et à la cerise. Ce produit est fait de yogourt à la vanille faible en gras et intéressera à la fois les amateurs de glace pilée fruitée et de laits frappés…

[38]           Toutefois, cette description tirée du document de l’entreprise a une valeur probante négligeable, s’il en est. D’une part, la page 17 du document traite de l’introduction du [traduction] « programme de laits frappés à l’été 1997 ». De plus, selon moi, la description, tout au plus, peut être lue comme une description des marchandises enregistrées « boissons granita, nommément boissons aromatisées aux fruits, non gazéifiées, non alcoolisées qui sont un mélange de yogourt surgelé, fruits et glace pilée, et qui sont conçues pour être servies froides ». Autrement dit, elle ne peut être la description des marchandises enregistrées « friandises surgelées non laitières ».

[39]           Finalement, je déduis que la troisième page de la pièce est une photocopie d’un coupon. Encore une fois, la reproduction de ce coupon est de bien piètre qualité. Quoi que je puisse voir la marque de commerce sur le coupon, y compris sur un gobelet, une portion importante de l’inscription au bas est illisible. En raison de cette inscription illisible, je ne suis pas disposée à accepter que le coupon démontre l’emploi de la marque de commerce sur un contenant de marchandises au cours de la période pertinente. À cet égard, je remarque que deux coupons produits en pièce G en ce qui concerne la marque de commerce SMOOTHY FRÜZ font référence à l’année 1998. Je vais rendre ces deux coupons.

Pièce E – marque de commerce FRÜZER

[40]           Je déduis que les deux premières pages illustrent du matériel prévu pour les franchisés et les licenciés de la Déposante. Contrairement au plaidoyer écrit de la Déposante, la marque de commerce n’apparaît pas sur des emballages. Si elle y est, je suis donc dans l’impossibilité de repérer la marque de commerce en raison de la piètre qualité de la reproduction.  

[41]           Cela dit, je reconnais que la première page présente des photographies d’un cornet, de tartes et d’un lait frappé avec la mention FRÜZER CONE [cornet], FRÜZER PIES [tartes] ou FRÜZER SHAKE [lait frappé] en dessous de la photographie du produit correspondant. Toutefois, dans le respect de la prétention de la Déposante, cela n’équivaut pas à l’affichage de la marque de commerce sur des emballages de cornets, tartes et laits frappés au yogourt.

[42]           En ce qui concerne la deuxième page, je déduis qu’elle illustre du matériel promotionnel vendu aux franchisés et licenciés de la Déposante pour emploi dans leurs points de vente au détail. Toutefois, je suis incapable de repérer la marque de commerce ailleurs que sur une affiche de lait frappé. Encore une fois, il n’y a aucune preuve me permettant de conclure que l’affiche a été achetée par un franchisé ou un licencié au cours de la période pertinente. Il n’y a pas plus de preuve que l’affiche a été apposée dans un point de vente au détail au cours de la période pertinente de telle façon qu’il y avait l’avis de liaison nécessaire entre la marque de commerce FRÜZER et les laits frappés au yogourt.

Pièce G – marque de commerce SMOOTHY FRÜZ

[43]           Je ne suis pas d’accord avec le plaidoyer écrit de la Déposante voulant que chaque page de la pièce présente la marque de commerce sur un gobelet. Tout au plus, seule la quatrième page, qui est identique à la deuxième page de la pièce C, présente une marque de commerce sur des gobelets. Toutefois, compte tenu de la piètre qualité de la reproduction, je ne peux que discerner probablement le mot SMOOTHY [lait frappé] au-dessus d’un autre mot illisible.  

[44]           Comme susmentionné, deux coupons sont compris dans cette pièce. Ces deux coupons, reproduits à la deuxième page, affichent la marque de commerce. Lors de l’audience, la Requérante a contesté leur valeur probante. Premièrement, la Requérante a fait valoir qu’aucune preuve ne permet de conclure que la distribution de coupons pour un yogourt faible en gras gratuit est dans la pratique normale du commerce de la Déposante. De plus, la Requérante a fait remarquer que l’inscription au bas de chaque coupon fait référence à l’année 1998. En réponse, la Déposante a fait valoir que je devrais admettre d’office que la distribution de coupons est dans la pratique normale du commerce de l’industrie alimentaire, mais n’a rien plaidé en ce qui a trait à la date.  

[45]           Quoique ce ne soit pas évident en raison de la piètre qualité de la reproduction, il y a une référence à l’année 1998 sur chaque coupon. Par conséquent, je suis d’accord avec la Requérante qu’il est raisonnable de conclure que ces coupons ne couvrent pas la période pertinente. En conséquence, il n’est pas nécessaire de se pencher sur les plaidoyers des parties en ce qui concerne l’emploi dans la pratique normale du commerce.   

[46]           Finalement, je déduis que la troisième page de la pièce illustre du matériel vendu aux franchisés et licenciés de la Déposante pour emploi dans leurs points de vente au détail. Encore une fois, je suis incapable de repérer la marque de commerce ailleurs que sur une affiche. De plus, comme je n’ai aucune raison de conclure autrement que pour la pièce E, je conclus que cette preuve n’a aucune valeur probante.  

Pièce I – marque de commerce FRÜZ

[47]           Puisque la Déposante fait valoir au paragraphe 17 de son plaidoyer écrit que [traduction] « chaque page de la pièce I représente clairement l’emploi de la marque de commerce FRÜZ COOL sur un gobelet », j’estime que cela fait référence à la marque de commerce FRÜZ. Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec les affirmations de la Déposante que chaque page de cette pièce représente la marque de commerce sur un gobelet. Tout au plus, je remarque un gobelet affichant YOGEN FRÜZ à la deuxième page.

[48]           Il faut se rappeler que la Requérante a fait valoir que l’emploi du mot « früz » en combinaison avec d’autres mots, comme « yogen », n’est pas un emploi de la marque de commerce déposée. En résumé, la Requérante fait valoir que YOGEN FRÜZ serait perçu comme une marque composée et non pas comme la marque de commerce FRÜZ comme telle [Canada (Registraire des marques de commerce) c. Compagnie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Cela dit, je n’ai pas à tenir compte de la question de distorsion en ce moment parce qu’il est évident que le gobelet contient du yogourt glacé, tandis que la marque de commerce FRÜZ est enregistrée en liaison avec des laits frappés, comme indiqué à l’annexe A.

[49]           Finalement, malgré le fait que M. Serruya fait seulement référence à la pièce I comme spécimens de matériel publicitaire et promotionnel « affichant l’emploi » de la marque de commerce FRÜZ, dans son plaidoyer écrit, la Déposante s’appuie également sur les pièces E et G. Bien que la question de distorsion se pose également pour ces autres pièces, il n’est pas nécessaire d’en tenir compte puisque je conclus que ces pièces ne favorisent pas la cause de la Déposante pour les raisons suivantes :

         pièce E/première page : toute mention de FRÜZ sous une photographie de produit n’équivaut pas à l’affichage de la marque de commerce sur les emballages de marchandises;

         pièce E/deuxième page et pièce G/troisième page : il n’y a aucune preuve que le matériel promotionnel affichant YOGEN FRÜZ a été acheté par des franchisés ou des licenciés au cours de la période pertinente, pas plus qu’il ait été affiché dans des points de vente au détail de telle façon qu’il y ait l’avis de liaison nécessaire;

         pièce E/cinquième page : il est évident que le gobelet montré sur la photographie contient du yogourt glacé tandis que la marque de commerce est enregistrée pour des laits frappés;

         pièce G/cinquième page : malgré la piètre qualité de la reproduction, je peux voir YOGEN FRÜZ affiché sur au moins un des trois gobelets qui contiennent des boissons. Toutefois, compte tenu du témoignage de M. Serruya que les points de vente au détail offrent également d’« autres boissons non alcoolisées sous forme de jus et de boissons gazeuses », je ne suis pas disposée à déduire que les boissons montrées sont des laits frappés. Même si j’étais disposée à conclure qu’elles l’étaient, il n’est tout de même pas clair si ces boissons sont des « laits frappés au yogourt préparés à partir de yogourt surgelé, fruits et jus de fruits » ou des « laits frappés au yogourt non laitiers préparés à partir de fruits et de jus de fruits », comme indiqué dans l’enregistrement.

[50]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’affidavit de M. Serruya n’équivaut à rien de plus que de simples affirmations d’emploi qui relèvent de l’affirmation jugée irrecevable dans Plough. Cela ne permet pas d’établir que chaque marque de commerce a été employée avec chacune des marchandises enregistrées au cours de la période pertinente, pas plus que cet emploi peut en être déduit.  

[51]           Par conséquent, il n’est pas nécessaire de tenir compte de toute autre question soulevée par les affirmations faites à titre subsidiaire de la Requérante. Comme susmentionné, le défaut de produire un affidavit qui présente des faits me permettant de conclure que chaque marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises enregistrées au cours de la période pertinente équivaut à un défaut de fournir la preuve nécessaire aux termes de l’article 45 de la Loi.

Décision

[52]           J’estime que la preuve de la Déposante n’établit pas l’emploi de la marque de commerce FRÜZER au Canada en liaison avec chacun des services enregistrés aux termes des paragraphes 4(2) et 45(1) de la Loi. De plus, la Déposante n’a présenté aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

[53]           J’estime également que la Déposante n’a pas réussi à démontrer l’emploi des marques de commerce FRÜZ COOL, FRÜZER, SMOOTHY FRÜZ et FRÜZ au Canada en liaison avec chacune des marchandises enregistrées aux termes des paragraphes 4(1) et 45(1) de la Loi.

[54]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, les enregistrements nos LCM567079, LCM567080, LCM567081 et LCM577145 seront radiés en application de l’article 45 de la Loi.

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay


Annexe A

 

Marque de commerce

No d’enregistrement

Marchandises/services

FRÜZ COOL

LCM567069

Marchandises : (1) Boissons granita, nommément boissons aromatisées aux fruits, non gazéifiées, non alcoolisées qui sont un mélange de yogourt surgelé, fruits et glace pilée, et qui sont conçues pour être servies froides. (2) Friandises surgelées non laitières.

FRÜZER

LCM567080

Marchandises : (1) Produits alimentaires, nommément cornets de yogourt et tartes au yogourt; boissons non gazéifiées, non alcoolisées, nommément yogourts frappés.

Services : (1) Services de promotion, nommément utilisation d’une mascotte en publicité et en association avec l’exploitation de casse-croûte et de comptoirs de mets à emporter spécialisés dans les yogourts surgelés, et spécialisés dans les boissons et les denrées à base de yogourt et de fruits; exploitation de casse-croûte et de comptoirs de mets à emporter spécialisés dans les yogourts surgelés, et spécialisés dans les boissons et les denrées à base de yogourt et de fruits.

SMOOTHY FRÜZ

LCM567081

Marchandises : (1) Boissons non gazéifiées, non alcoolisées, nommément laits frappés au yogourt préparés à partir de yogourt surgelé, fruits et jus de fruits, et laits frappés au yogourt non laitiers préparés à partir de fruits et de jus de fruits.

FRÜZ

LCM577145

Marchandises : (1) Boissons non gazéifiées, non alcoolisées, nommément laits frappés au yogourt préparés à partir de yogourt surgelé, fruits et jus de fruits, et laits frappés au yogourt non laitiers préparés à partir de fruits et de jus de fruits.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.