Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 14

Date de la décision : 2011-01-26

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Gowling Lafleur Henderson s.r.l. visant l’enregistrement no LMC515151 pour la marque de commerce MWI & PARTNERS DESIGN au nom de Midland Walwyn Capital Inc./Capital Midland Walwyn Inc.

[1]               Le 24 septembre 2008, à la demande de Gowling Lafleur Henderson s.r.l. (la partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Midland Walwyn Capital Inc./Capital Midland Walwyn Inc. (l’Inscrivante), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC515151 pour la marque de commerce MWI & PARTNERS DESIGN (la Marque).

[2]               La Marque (reproduite ci‑dessous) est déposée en vue d’être employée en liaison avec les services suivants : « Services financiers, nommément services de gestion de placements et services de conseils en placements » (les Services).

 

[3]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacun des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi commence le 24 septembre 2005 et se termine le 24 septembre 2008 (la période pertinente).

[4]               L’« emploi » en liaison avec des services est défini au paragraphe 4(2) de la Loi :

4. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               En réponse à l’avis du registraire, MWI & Partners (MWI) a produit l’affidavit de R. Geoffrey Browne, l’associé directeur de MWI, souscrit le 30 mars 2009, ainsi que les pièces A à D. Les deux parties ont produit des observations écrites; aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience.

[6]               Il est bien établi que de simples assertions d’emploi ne suffisent pas à démontrer l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, conf. par (1980), 53 C.P.R. (2d) 63 (C.A.F.)]. Bien que le critère relatif à la preuve d’emploi dans le cadre de la présente procédure soit peu exigeant [Lang, Michener, Lawrence & Shaw c. Woods Canada Ltd. (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)], et qu’une surabondance de preuve ne soit pas requise [Union Electric Supply Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut toujours fournir suffisamment de faits pour que le Registraire puisse conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises ou les services que spécifie l’enregistrement.

[7]               Dans son affidavit, M. Browne affirme être associé directeur et l’un des fondateurs de MWI. Il dit que MWI est une entreprise privée de placement en actions, constituée en 1996 dans le but de fournir des actions et des capitaux participatifs aux entreprises nord‑américaines. M. Browne affirme que, depuis sa constitution, MWI a été partiellement détenue, indirectement, par l’Inscrivante qui a déposé la Marque et a octroyé une licence d’emploi à MWI jusqu’au 2 juillet 2002. À cette date, l’Inscrivante a vendu sa participation dans MWI et, selon M. Browne, [traduction] « à la suite de cette vente, MWI a acquis les actifs détenus par l’Inscrivante qui étaient liés à l’exploitation de MWI, y compris la Marque ». J’aborderai la question de savoir si l’emploi de la Marque par MWI répond aux exigences de l’article 45 de la Loi après avoir examiné la preuve fournie. À l’appui de son affirmation sur l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente, M. Browne joint à son affidavit des articles de papeterie affichant la Marque, des états financiers et la page couverture d’un rapport annuel.

[8]               En ce qui concerne les articles de papeterie (pièce A), je constante que la carte professionnelle, le papier à en‑tête et l’enveloppe affichent tous la Marque déposée. Bien que le papier à en‑tête et l’enveloppe soient vierges, non datés et non adressés, M. Browne affirme que, pendant la période pertinente, MWI s’est servi de ces articles de papeterie pour communiquer avec les clients au sujet de la promotion et l’exécution des Services au Canada. La partie requérante soutient que la carte professionnelle et les articles de papeterie ne constituent pas une preuve d’emploi de la Marque et cite la décision du registraire Stikeman & Elliott c. Living Realty Inc. (2000), 10 C.P.R. (4th) 410 (C.O.M.C.) [Living Reality]. Toutefois, dans certains cas, une carte professionnelle peut constituer une preuve de publicité des services [Tint King of California c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2006), 56 C.P.R. (4th) 223 (C.F. 1re inst.)], si la carte elle‑même indique qu’elle se rapporte aux services pertinents ou si l’affidavit fait clairement état de l’emploi allégué [88766 Canada Inc. c. R.H. Lea & Associates Ltd.; 2008 CarswellNat 4513 (C.O.M.C.), à la page 20]. En l’espèce, les pièces sont accompagnées des affirmations claires de M. Browne concernant l’emploi allégué, ce qui constitue une distinction par rapport à l’affaire Living Realty, précitée, où les cartes professionnelles ne se rapportaient pas aux services offerts et le souscripteur d’affidavit n’a formulé aucune allégation d’emploi de la marque de commerce visée. Ces pièces, auxquelles s’ajoutent les déclarations faites dans l’affidavit constituent des énoncés de faits qui démontrent l’emploi et non de simples assertions d’emploi [Mantha & Associés/Associates c. Central Transport, Inc. (1995) 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.)].

[9]               Compte tenu de la conclusion précédente, je me limiterai à me prononcer brièvement sur les autres pièces. En ce qui concerne les états financiers produits aux pièces B et C, bien qu’ils n’affichent pas la Marque telle qu’elle a été déposée et qu’ils indiquent avoir été préparés par une tierce partie, Ernst & Young s.r.l., j’accepte que ces états financiers indiquent l’exécution des Services par MWI pendant la période pertinente. En ce qui concerne la page couverture provenant du rapport annuel de MWI, produite à la pièce D, je constate que, bien qu’elle affiche la Marque déposée, elle porte une date postérieure à la période pertinente. Selon l’Inscrivante, le rapport vise l’année se terminant le 31 décembre 2008 et couvre donc une partie de la période pertinente; toutefois, puisque le rapport a été publié après la période pertinente, la page de titre ne constitue pas, en soi, une publicité de la Marque au cours de la période pertinente. Au mieux, la pièce D est acceptable du seul fait qu’elle indique l’exécution des Services par MWI pendant la période pertinente.

[10]           Néanmoins, ayant établi que la Marque a été employée par MWI au Canada pendant la période pertinente, j’examinerai maintenant la question de savoir si un tel emploi joue en faveur de l’Inscrivante. La partie requérante s’est demandé si c’est la bonne partie qui a produit la preuve dans la présente procédure, en faisant remarquer que l’enregistrement est encore au nom de l’Inscrivante plutôt qu’au nom de MWI. Dans la partie introductive de son affidavit (paragraphe 3), M. Browne affirme de façon générale que l’Inscrivante est le prédécesseur en titre de MWI. Voici les paragraphes pertinents de l’affidavit de M. Browne fournissant de plus amples détails sur le transfert de propriété (paragraphes 6 et 7) :

[traduction] Depuis sa constitution jusqu’au 2 juillet 2002, MWI a été partiellement détenue, indirectement, par MWC Inc. [Midland Walwyn Capital Inc./Capital Midland Walwyn Inc.]. Le 2 juillet 2002, MWC Inc. a vendu sa participation dans MWI.

MWC Inc. a déposé la Marque de commerce et a octroyé à MWI une licence d’emploi. Conjointement avec la vente de la participation de MWC Inc. dans MWI, MWI a acquis les actifs détenus par MWC Inc., liés à l’exploitation de MWI, y compris la Marque de commerce.

[11]           Bien qu’une cession soit valide même si elle n’est pas enregistrée [Sim & McBurney c. Buttino Investments Inc. (1996), 66 C.P.R. (3d) 77 (C.F. 1re inst.)], un prédécesseur en titre ne peut valablement répondre à l’avis prévu à l’article 45 que s’il convainc le registraire qu’il était propriétaire de la marque de commerce déposée pendant la période pertinente [MacLeod Dixon LLP c. Kayden Instruments Inc. (2009), 78 C.P.R. (4th) 297]. Pour reprendre les propos du juge Mahoney dans la décision Star-Kist Foods Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1988), 20 C.P.R. (3d) 46, à la page 50 :

[traduction] Il est permis de se montrer sceptique face à des transactions ayant pour effet de retarder la délivrance d’un avis prévu à l’article 44 [maintenant l’article 45]; lorsqu’une partie est au courant des véritables circonstances de l’affaire, elle devrait en faire part à la Cour. Il serait aberrant d’imposer ce fardeau à l’autre partie qui, dans ce contexte, ne peut exiger la production de preuves.

[12]           En l’espèce, je constate tout d’abord qu’aucun transfert de propriété n’a été enregistré, malgré le temps écoulé depuis la vente par l’Inscrivante de sa participation dans MWI, soit le 2 juillet 2002, et l’indication  fournie dans les observations écrites datées du 30 novembre 2009, que la preuve concernant la cession de la marque de commerce à MWI serait déposée sous peu. L’Inscrivante n’a pas demandé non plus (suivant le paragraphe 47(2) de la Loi) d’autorisation de produire d’autres éléments de preuve à cet égard. Bien qu’aucune de ces démarches ne soit obligatoire, elles auraient été utiles, vu l’ambiguïté de la preuve dont je suis saisie. 

[13]           À cet égard, je constate que, bien que M. Browne déclare au paragraphe 6 que l’Inscrivante a vendu sa participation dans MWI en juillet 2002, il n’indique pas clairement la partie à laquelle la participation a été vendue à cette date, ni ne dit pas expressément que c’est MWI elle‑même qui a acquis les actifs ainsi que la Marque, le 2 juillet 2002. Au paragraphe 7, le souscripteur d’affidavit affirme que, « conjointement avec » la vente en question, MWI « a acquis les actifs » de MCW, liés à l’exploitation de MWI, « y compris » la Marque. Le souscripteur d’affidavit nous invite à inférer que « conjointement » avec la vente signifie « directement à MWI, avec la Marque, le 2 juillet 2002 »; toutefois, je ne comprends pas pourquoi ne pas avoir fait une simple déclaration en ce sens. À mon avis, la formulation est ambiguë, et la date réelle ainsi que la procédure par laquelle MWI a acquis les droits de propriété sur les actifs liés à MWI ne sont pas claires. Cela est particulièrement vrai compte tenu du fait qu’avant juillet 2002, MWI n’était que « partiellement détenue, indirectement » par l’Inscrivante; il est donc possible d’invoquer la participation de tiers, mais ce point reste encore inexpliqué. Bref, la preuve de M. Browne ne comprend pas suffisamment de détails ou de pièces à l’appui qui peuvent me permettre de conclure que l’Inscrivante a, en réalité, transféré la Marque à MWI, conjointement avec la vente de juillet 2002 ou à un moment quelconque avant la fin de la période pertinente. Selon la décision Plough, précitée, toute ambiguïté de la preuve doit être interprétée à l’encontre du souscripteur d’affidavit. Je ne suis pas convaincue que MWI est la véritable propriétaire de la Marque et qu’elle est en droit d’être inscrite comme propriétaire inscrite de la Marque pendant la période pertinente.

[14]           De plus, en l’absence de preuve d’un contrat de licence conclu entre l’Inscrivante et MWI pendant la période pertinente, qui réponde aux exigences du paragraphe 50(1) de la Loi, je ne peux conclure que l’emploi par MWI pendant la période pertinente joue en faveur de l’Inscrivante.

[15]           Pour cette raison, je ne suis pas convaincue que la preuve démontre l’emploi de la Marque par l’Inscrivante en liaison avec les Services, au sens du paragraphe 4(2) et de l’article 45 de la Loi. De plus, aucune circonstance spéciale n’a été invoquée pour justifier ce défaut d’emploi.

[16]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié, en application de l’article 45 de la Loi.

______________________________

P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.