Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Modern Houseware Imports Inc. à la demande no 1088546 produite par Alta Cultura Inc. le 9 janvier 2001 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ON MODERN

 

Le 9 janvier 2001, Alta Cultura Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement visant la marque de commerce ON MODERN, basée sur l’emploi projeté de cette marque au Canada par elle‑même et/ou par un titulaire de licence. La Requérante revendique une priorité en vertu de l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en invoquant la demande d’enregistrement numéro 76/087,812 qu’elle a présentée aux États‑Unis le 11 juillet 2000 pour la même marque

 

L’état déclaratif des marchandises et services est services est ainsi rédigé :

 

Affiches et estampes; papeterie, nommément papier, cartes de correspondance, enveloppes, blocs, chemises; crayons et stylos; sacs, nommément sacs à dos, sacs d’athlétisme, sacs d’écolier, sacs à main, fourre-tout, sacs cadeaux; vêtements, nommément tee-shirts, pulls molletonnés, casquettes et foulards.

 

Services de vente en ligne d’artisanat, de papeterie, de livres, d’articles ménagers, de cadeaux, de jouets, de meubles, de vêtements et d’autres marchandises diverses; services de musées et d’information en ligne dans le domaine des arts, de la culture et du design; services d’éducation et de distribution de matériel éducatif en ligne dans le domaine des arts, de la culture et du design; services d’informatique, nommément cartes de souhaits virtuelles.

 

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 12 novembre 2003.

 

Le 5 avril 2004, Modern Houseware Imports Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante

 

La preuve de l’Opposante consiste en l’affidavit de Nazmudin Punjani, directeur de l’exploitation de l’Opposante, tandis que celle de la Requérante est constituée des affidavits de Jennifer Leah Stecyk, recherchiste en marques de commerce de l’agent de la Requérante, et de Savitha Thampi, étudiante en droit stagiaire auprès du même agent.

 

Les auteurs de ces affidavits n’ont pas été contre‑interrogés.

 

La Requérante et l’Opposante ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’Opposante était représentée.

 

Fardeau de la preuve

C’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent (voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)).

 

Résumé de la preuve de l’Opposante

L’affidavit de M. Punjani, déposé par l’Opposante, fournit les renseignements suivants.

  • Modern Houseware Imports est une entreprise d’importation en gros d’un vaste assortiment d’articles de maison et d’articles ménagers, notamment du matériel d’artisanat, de la papeterie, des ustensiles de cuisine et de la vaisselle.
  • Depuis 1982 au moins, l’Opposante emploie les marques de commerce MODERN et MODERN HOUSEWARES en liaison avec l’importation, la distribution et la vente d’articles de maison et d’articles ménager, notamment du matériel d’artisanat, de la papeterie, des ustensiles de cuisine et de la vaisselle; la pièce H jointe à l’affidavit de M. Punjani consiste en des factures représentatives remises par l’Opposante à différents établissements de vente au détail et constatant la vente de divers articles de maison et d’articles ménagers.

         Beaucoup des articles importés par l’Opposante portent aussi diverses marques de commerce de l’Opposante, dont MODERNWARE et MODERN.

  • Les produits de l’Opposante ont été vendus dans des établissements de vente au détail comme Westfair Foods, Army & Navy, Overwaitea, Amy’s Loonie-Toonie Town, et  Great Canadian Dollar Store et ils continuent d’y être vendus.
  • Depuis 2002 au moins, l’Opposante emploie la marque MODERN@HOME au Canada en liaison avec des cadres, du désinfectant pour les mains, des assainisseurs d’air et des désodorisants; un exemple de l’emploi de la marque en liaison avec des cadres est joint comme pièce B à l’affidavit de M. Punjani.
  • La vente de produits de l’Opposante portant la marque de commerce MODERN@HOME a généré entre 2,5 et 3,57 millions de dollars par année entre 2000 et 2004.
  • Depuis 1999 au moins, l’Opposante emploie la marque MODERNWARE au Canada en liaison avec des seaux, bacs, paniers, corbeilles à papier, contenants en plastique, couverts pour goûters et pelles en plastique. Un contenant en plastique vendu au Canada par l’Opposante sous la marque de commerce MODERNWARE est joint à l’affidavit de M. Punjani sous la cote C.
  • La vente au Canada des produits de l’Opposante portant la marque de commerce MODERNWARE a généré entre 7,7 et 9,6 millions de dollars entre 2000 et 2004.
  • L’Opposante a employé et continue d’employer la marque de commerce MODERN en liaison avec des enveloppes, des carnets de notes, des carnets d’adresses/téléphone, des blocs aide‑mémoire, des nécessaires et des fournitures de couture.
  • La vente au Canada des produits de l’Opposante portant la marque de commerce MODERN a généré entre 1,25 et 2,46 millions de dollars entre 2000 et 2004.
  • L’Opposante emploie également depuis au moins 1982 les noms commerciaux MODERN et MODERN HOUSEWARE et/ou MODERN HOUSEWARES en liaison avec son entreprise d’importation, de distribution et de vente d’articles de maison et d’articles ménagers.

 

Résumé de la preuve de la Requérante

Mme Stecyk, recherchiste en marques de commerce, fournit les résultats de recherches qu’elle a effectuées le 25 octobre 2005 dans la base de données CDNameSearch des documents du Bureau des marques de commerce du Canada, afin de repérer les demandes et enregistrements actifs comprenant le mot MODERN. Une copie du rapport donnant des précisions sur les 76 marques qu’elle a retenues à l’issue de sa recherche, en raison de leur plus grande pertinence, est jointe à son affidavit comme pièce B. Elle déclare avoir retenu des marques qui étaient employées en liaison avec divers articles de maison, produits d’artisanat, articles de papeterie ou objets ménager ou avec des services connexes.

 

Mme Stecyk a également fourni les résultats d’autres recherches. Sa recherche dans la base de données NUANS a révélé plus de 100 inscriptions de noms de personnes morales ou d’entreprises et de noms commerciaux comportant le mot « modern ». Dans les inscriptions téléphoniques au Canada, elle a relevé 726 inscriptions d’entreprises dont le nom incluait le mot « modern ». Une recherche effectuée dans trois sites Web – www.hbc.ca, www.staples.ca et www.sears.ca –, lui a permis de constater qu’ils annonçaient de nombreux produits dont la description comportait le mot « modern ».

 

Mme Thampi, une étudiante en stage chez l’agent de la Requérante, a effectué des recherches dans divers sites Web pour trouver des produits à vendre dont les descriptions renfermaient le mot « modern ». Elle a aussi cherché dans Google des sites Web où il était question de « modern housewares ».

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

L’opposante soutient qu’aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la marque de la Requérante n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce MODERN@HOME et Dessin et MODERNWARE, dont l’Opposante a obtenu l’enregistrement sous les numéros LMC 567,547 et LMC 521,933 pour emploi en liaison avec des cadres, dans un cas, et avec des récipients en plastiques pour l’entreposage des aliments et des récipients de cuisson pour four micro-ondes, dans l’autre cas.

 

La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de la décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

L’opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve, étant donné que ses deux enregistrements sont en règle.

 

Le test en matière de confusion

Le test applicable en matière de confusion fait appel à la première impression et au souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, il y a confusion entre deux marques de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises qui y sont liées sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application de ce test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, et notamment de celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, c) le genre de marchandises, services ou entreprises, d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’accorder un poids égal à chacun de ces facteurs.

 

La Cour suprême du Canada a décrit, dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, le processus à suivre pour évaluer toutes les circonstances dont il faut tenir compte pour déterminer s’il y a confusion. C’est sur le fondement de ces principes généraux que je procéderai à l’évaluation des circonstances en cause.

 

Alinéa 6(5)a) – caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Les marques de commerce des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent assez peu élevé puisque, dans chaque cas, l’élément dominant de la marque est le mot MODERN, un mot usuel figurant au dictionnaire et désignant une chose de conception ou d’allure contemporaine. En raison de sa construction grammaticale inusitée, la marque de la Requérante a un caractère distinctif inhérent un peu plus élevé que les marques de l’Opposante.

 

Pour ce qui est de la mesure dans laquelle chaque marque de commerce est devenue connue, l’Opposante a établi que des ventes substantielles de produits portant les marques MODERN@HOME et MODERNWARE ont été réalisées mais, comme elle a également vendu, sous ces marques de commerce, des produits non mentionnés dans les enregistrements (par. ex., désinfectants pour les mains, assainisseurs d’air et désodorisants MODERN@HOME et seaux, bacs, corbeilles à papier, paniers et pelles en plastique MODERNWARE) et qu’elle n’a pas ventilé ses chiffres de vente par produit mentionné dans les enregistrements, il n’est pas possible de savoir dans quelle mesure ses marques sont devenues connues ou ont été employées en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement. Toutefois, compte tenu du volume des ventes mis en preuve par l’Opposante, je suis disposée à en inférer que ses marques sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada. La marque de la Requérante, quant à elle, n’est pas devenue connue au Canada.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

Ce facteur favorise l’Opposante.

 

Alinéa 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

S’agissant de l’examen des marchandises, des services ou de l’entreprise des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou services joint à la demande d’enregistrement ou à l’enregistrement qu’il faut prendre en considération pour déterminer s’il y a confusion au sens de l’alinéa12(1)d) [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. Toutefois, l’examen de l’état déclaratif doit viser à déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties ont l’intention d’exercer plutôt que la totalité des commerces que le libellé peut englober. À cet égard, la preuve du commerce effectivement exercé peut être utile : voir la décision McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R.(3d) 168, p. 169 (C.A.F.).

 

Les marchandises de l’Opposante visées par les enregistrements comprennent des cadres (pour la marque MODERN@HOME et Dessin) et des récipients en plastiques pour l’entreposage des aliments et des récipients de cuisson pour four micro-ondes (pour la marque MODERNWARE). Je ne suis pas d’avis qu’il y a recoupement entre ces marchandises et celles qui sont visées par la demande d’enregistrement de la Requérante. Toutefois, il existe un certain recoupement entre les cadres de l’Opposante et les services de la Requérante énumérés dans la demande d’enregistrement, lesquels comprennent des services de vente en ligne d’articles ménagers et de cadeaux.

 

Dans la mesure où il y a recoupement entre des marchandises et une partie des services de la Requérante, il pourrait également exister un recoupement dans la nature du commerce des parties. L’agent de la Requérante soutient que les voies de commercialisation diffèrent parce que les articles ménagers et autres produits de sa cliente sont vendus en ligne tandis que l’Opposante a comme clients des établissements de vente au détail comme Westfair Foods, Army & Navy, Overwaitea, Amy’s Loonie-Toonie Town et Great Canadian Dollar Store. Toutefois, bien que la demande d’enregistrement décrivent les services comme des services de vente en ligne, l’état des marchandises de la Requérante ne comporte pas de restriction relativement aux voies de commercialisation, pas plus que celui de l’Opposante. Certaines marchandises de la Requérante pourraient donc être vendues dans les mêmes établissements que celles de l’Opposante.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

La ressemblance entre les marques réside dans leur emploi commun du qualificatif « modern ».  Suivant la jurisprudence, lorsque l’élément commun entre les marques est répandu ou descriptif, il est probable que les consommateurs feront la distinction entre les marchandises associées à cet élément commun en faisant appel à d’autres mots ou signes. La jurisprudence établit aussi que l’évaluation du risque de confusion requiert l’examen des marques de commerce en cause dans leur ensemble, sans les disséquer [voir, par ex., Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. Selon moi, lorsqu’on tient compte de l’ensemble des éléments des marques en cause, elles peuvent être distinguées sur le plan de la présentation, du son ou des idées qu’elles suggèrent.

 

Autres circonstances

 

État du registre

La preuve relative à l’état du registre sert habituellement à démontrer la fréquence d’une marque ou partie de marque dans l’ensemble du registre. Comme elle n’a de pertinence que si elle permet de tirer des conclusions concernant l’état du marché, elle devrait être constituée de marques de commerce comprenant la marque visée par la demande d’enregistrement ou une partie de cette marque et employées avec des marchandises ou services analogues aux marchandises ou services visés [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. On ne peut tirer de conclusions concernant l’état du marché sur le fondement de la preuve relative à l’état du registre que lorsqu’un nombre substantiel d’enregistrements ont été repérés [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

Mme Stecyk a effectué une recherche au sujet du mot MODERN et a joint à son affidavit une copie du rapport dans lequel elle détaille les 76 marques qu’elle a jugées les plus pertinentes. Certaines se rapportent à des demandes pendantes et ne revêtent pas une grande pertinence puisque les demandes peuvent faire l’objet d’une opposition ou peuvent être fondées sur un emploi projeté. De plus, la marque qui fait l’objet de la demande d’enregistrement en cause en fait partie, de même que deux des marques appartiennent à l’Opposante, et beaucoup d’autres concernent des marchandises passablement différentes des marchandises visées en l’espèce. Les résultats de la recherche révèlent néanmoins environ 16 enregistrements pertinents de marques de tiers comportant le mot MODERN. Toutefois, ces enregistrements se rapportant à une grande variété de marchandises, allant de la papeterie aux meubles en passant par les vêtements, le nombre de marques pertinentes relevées est insuffisant pour me permettre de conclure que la marque MODERN est largement employée dans le commerce en liaison avec la totalité des marchandises en cause. Comme 10 de ces 16 marques pertinentes se rapportent à des vêtements, je suis cependant disposée à en déduire que certaines de ces marques à tout le moins étaient employées et que les consommateurs sont relativement habitués à voir des marques comportant le mot MODERN associées à des vêtements.

 

L’affidavit de Mme Thampi démontre que les mots « modern housewares » sont d’emploi fréquent dans Internet; sa recherche a permis de relever 1400 sites renfermant cette expression. Il appert également de ce document que les sites Internet www.hbc.com, www.staples.ca et www.sears.ca comptent plus de 100 descriptions de produits apparentés aux produits en cause où le mot « modern » est employé. Bien qu’une preuve de ce type ait une force probante limitée, elle démontre quand même que les établissements de vente au détail utilisent fréquemment le mot « modern » dans la description d’articles ménagers et d’autres produits. Cette preuve indique aussi que ce mot ne confère pas de caractère distinctif aux marques en cause.

 

Conclusion relative au risque de confusion

Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Même si les marques de l’Opposante sont devenues un peu connues au Canada, les différences existant entre les marques, les marchandises et les services des parties font en sorte qu’il est peu probable que le consommateur type des cadres et des récipients en plastiques pour l’entreposage des aliments et récipients de cuisson pour four micro‑ondes distribués par l’Opposante sous les marques MODERN@HOME et MODERNWARE attribuerait à cette dernière les marchandises et services ON MODERN de la Requérante. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc écarté.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

L’opposante a également soutenu qu’aux termes de l’alinéa 16(3)a) la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement parce que sa marque crée de la confusion avec les marques MODERN et MODERN HOUSEWARE que l’Opposante ou son prédécesseur en titre a employées au Canada avant elle en liaison avec du papier d’artisanat, du papier de construction, des fournitures artistiques, des taille-crayons, des feuilles à colorier, des cubes pour jeu de construction, des maisons de poupée, du mobilier et d’autres marchandises et avec l’importation, la distribution et la vente d’articles de maison, d’articles ménagers et d’autres marchandises. Comme je suis d’avis que la marque de commerce la plus pertinente invoquée par l’Opposante au soutien de ce motif est la marque MODERN, la conclusion que je formulerai au sujet de cette marque déterminera l’issue de ce motif d’opposition.

 

À l’égard de ce motif, l’Opposante assume le fardeau initial d’établir qu’elle employait sa marque de commerce avant la date de production de la demande d’enregistrement et qu’elle ne l’avait pas abandonnée à la date de la publication de cette demande [art. 16]. Bien que l’Opposante n’ait pas prouvé qu’elle avait employé sa marque avec les marchandises précises énumérées dans son motif, elle a démontré qu’elle l’avait utilisée avec divers autres marchandises et services. 

 

Dans l’arrêt Novopharm Ltd. c. Astrazeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il fallait, lorsqu’un acte de procédure n’est pas contesté, tenir compte de la preuve soumise pour évaluer si le requérant sait quels éléments de preuve il a à réfuter. La preuve démontre que l’Opposante a employé la marque MODERN en liaison avec les marchandises suivantes : des enveloppes, des carnets de notes, des carnets d’adresses/téléphone, des blocs aide‑mémoire, des nécessaires et des fournitures de couture, et avec les services suivants : l’importation, la distribution et la vente d’articles de maison et d’articles ménagers. Comme la déclaration d’opposition fait état de l’utilisation de la marque MODERN avec [traduction] « d’autres marchandises » et que les services indiqués se rattachent à l’importation, la distribution et la vente d’articles de maison et d’articles ménagers et [traduction] « d’autres marchandises », la preuve soumise me convainc que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif.

 

Il faut, là encore, appliquer le test en matière de confusion. Pour ce qui est du caractère distinctif inhérent mentionné à l’alinéa 6(5)a), aucune des marques n’est intrinsèquement forte car elles renferment toutes le mot « modern », mot usuel figurant au dictionnaire qui, de plus, est descriptif à l’égard de plusieurs des marchandises en cause. Le facteur de la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante est devenue connue au Canada favorise l’Opposante, cette dernière ayant démontré qu’elle avait abondamment utilisé sa marque dans tout le Canada. Il en va de même pour le facteur de la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage (al. 6(5)b)), puisque l’Opposante a prouvé qu’elle employait sa marque depuis 2000 au moins, tandis que la demande d’enregistrement de la Requérante est fondée sur un emploi projeté au Canada.

 

Pour ce qui est du genre de marchandises, services ou entreprises et de la nature du commerce, bien que la déclaration d’opposition fasse état d’un emploi de la marque en liaison avec divers matériaux d’artisanat, des jouets et [traduction] « d’autres marchandises », la preuve de l’Opposante établit un emploi en liaison avec des enveloppes, des carnets de notes, des carnets d’adresses/téléphone, des blocs aide‑mémoire et des nécessaires et fournitures de couture. Une possibilité de recoupement existe entre certaines de ces marchandises de l’Opposante (et leurs voies de commercialisation) et les articles de papeterie de la Requérante, mais non avec les autres marchandises énumérées dans la demande d’enregistrement.   

 

Tant la Requérante que l’Opposante offrent en outre des services en matière de vente d’articles de maison. Comme l’a souligné la Requérante, toutefois, les voies de commercialisation des parties diffèrent substantiellement. Les services de la Requérante se limitent à la vente au détail en ligne, tandis qu’il ressort de la preuve de l’Opposante que ses marchandises sont distribuées et vendues par l’intermédiaire des détaillants bon marché comme les magasins à un dollar.

 

En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il existe un degré élevé de ressemblance dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées par la marque de l’Opposante et la marque ON MODERN de la Requérante, du fait que cette dernière marque englobe la totalité de la marque MODERN de l’Opposante. 

 

Pour ce qui est de l’état du registre et du marché, bien que ce facteur ait constitué une circonstance à prendre en compte pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je ne puis, en rapport avec le présent motif, accorder un grand poids à la preuve soumise par la Requérante, puisque les recherches ont été effectuées postérieurement à la date pertinente applicable et que beaucoup des marques déposées pertinentes n’avaient pas été enregistrées avant cette date.

 

À l’audience, l’agent de l’Opposante, s’appuyant sur le texte du paragraphe 38(8) de la Loi, qui énonce qu’après examen de la preuve et des observations des parties, le registraire repousse la demande ou rejette l'opposition, a fait valoir que je n’étais pas habilitée à rendre une décision partagée. 

 

Le pouvoir de la Commission de rendre une décision partagée n’est peut‑être pas énoncé expressément dans la Loi, mais il découle de la jurisprudence (voir Produits Menagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482, p. 492 (C.F. 1re inst.) (Coronet-Werke)). Dans cette affaire, le juge Teitelbaum a expliqué ainsi sa décision d’ordonner un enregistrement partiel (p. 490) :

 

J'estime que Coronet-Werke a tort d'affirmer que la demande d'enregistrement de Produits Ménagers doit être rejetée en entier si certains des articles de la demande sont jugés incompatibles avec la marque déposée de Coronet-Werke. Il est possible d'accueillir la demande d'enregistrement en partie et de rejeter les articles qui entrent en conflit avec une autre marque de commerce ou qui risquent de créer une confusion. Le reste de la demande peut et doit être enregistrée. Ce principe a été suivi dans les décisions Interlego A.G. v. Mego Corporation, 46 C.P.R. (2e) 199, à la page 201, et Canadian Pacific Express Ltd. v. Canpark Services Ltd. - Les Services Canpark Ltée, 75 C.P.R. (2e) 183, aux pages 189 et 190.

 

Comme c’était le cas dans Coronet-Werke, les marchandises et services de la Requérante ne sont pas tous en conflit avec ceux de l’Opposante. Compte tenu de l’absence de caractère distinctif du mot « modern » dans les marques en cause, en outre, j’estime qu’il ne serait pas indiqué d’accorder à la marque de l’Opposante un degré de protection tel qu’il écarterait l’enregistrement de la marque de la Requérante à l’égard des marchandises et services non susceptibles de créer de la confusion avec la marque de l’Opposante.

 

Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu de ma précédente conclusion et, plus particulièrement, de la mesure dans laquelle la marque MODERN de l’Opposante est devenue connue, de la ressemblance entre cette dernière marque et la marque visée par la demande d’enregistrement et de la possibilité de recoupement entre certains des marchandises et services des parties, je suis d’avis que la Requérante ne s’est pas acquittée de son obligation de prouver que sa marque ne risque pas de créer de la confusion avec la marque MODERN de l’Opposante à l’égard des marchandises suivantes : papeterie, nommément papier, cartes de correspondance, enveloppes, blocs, chemises, et des services suivants : services de vente en ligne de papeterie, d’articles ménagers et d’autres marchandises diverses.

 

Étant donné les différences existant dans le genre de marchandises et services restants de la Requérante et de l’Opposante et dans la nature de leur commerce, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son obligation de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que sa marque, appliquée à ces marchandises et services, ne risque pas de créer de la confusion avec la marque MODERN de l’Opposante.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)c)

L’opposante a également invoqué le motif de l’absence de droit à l’enregistrement prévu à l’alinéa 16(3)c) en soutenant que la marque de la Requérante crée de la confusion avec les noms commerciaux MODERN et MODERN HOUSEWARE employés ou révélés antérieurement au Canada par l’Opposante ou son prédécesseur en titre en liaison avec l’importation, la distribution et la vente d’articles de maison, d’articles ménagers et d’autres marchandises.

 

L’opposante s’est acquittée de son fardeau initial de prouver l’emploi de ses noms commerciaux antérieur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de même que le non‑abandon desdits noms à la date de la publication de cette demande.

 

Pour les raisons exposées ci‑dessus à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 16(3)a), ce motif est accueilli en partie.

 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

L’Opposante a soutenu, dans sa déclaration d’opposition, que la marque de la Requérante n’est pas distinctive [traduction] « compte tenu de l’emploi au Canada par d’autres personnes des marques de commerce et noms commerciaux susmentionnés » mais, dans son plaidoyer écrit, elle a affirmé que l’absence de caractère distinctif découle de l’emploi au Canada, par la requérante, de ses marques de commerce et noms commerciaux précédemment mentionnés. 

 

Il ressort clairement de la contre‑déclaration de la Requérante que celle‑ci avait compris que ce motif se rapportait à l’emploi des marques de commerce et noms commerciaux d’autres personnes, y compris l’Opposante. Il est clair également, lorsqu’on examine la preuve en lien avec les actes de procédure, que l’Opposante voulait inclure, dans ce motif, son emploi des marques et noms mentionnés.

 

Pour s’acquitter de son fardeau de preuve relativement à ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date où elle a produit son opposition (le 5 avril 2004), ses marques et/ou noms étaient devenus suffisamment connus pour priver la marque de la Requérante de caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, 130 (C.A.F.); et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, 424 (C.A.F.)]. L’affidavit de M. Punjani satisfait à cette obligation.

 

Les conclusions que j’ai formulées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) s’appliquent également, pour la plupart, au présent motif. Je conclus donc que la Requérante s’est acquittée partiellement de l’obligation légale de preuve qui lui incombe à l’égard de ce motif, ce qui amène le même résultat que pour le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a).

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

Ce cinquième motif n’est pas valablement invoqué. Le simple fait que la Requérante ait pu connaître l’existence de droits antérieurs de l’Opposante sur les marques de commerce ou noms commerciaux ne l’empêchait pas en soi de faire la déclaration dont l’alinéa 30i) exige l’inclusion dans la demande d’enregistrement. Ce motif est donc écarté.

 

Dispositif

En vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement à l’égard des marchandises et services suivants uniquement :

 

papeterie, nommément papier, cartes de correspondance, enveloppes, blocs, chemises;

 

services de vente en ligne de papeterie, d’articles ménagers et d’autres marchandises diverses.

 

 

 

FAIT À Gatineau (Québec), le 22 avril 2008.

 

 

Cindy Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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