Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 201

Date de la décision : 2011-10-26

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Blake, Cassels & Graydon LLP visant l’enregistrement no LMC509,737 de la marque de commerce CANADIAN WESTERN CAPITAL au nom de Canadian Western Bank.

[1]               Le 23 janvier 2009, à la demande de Blake, Cassels & Graydon (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Canadian Western Bank, propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC509,737 visant la marque de commerce CANADIAN WESTERN CAPITAL (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des « [s]ervices bancaires; services de courtage d’actions et d’investissement de valeurs » (les Services).

[3]               L’article 45 de la Loi oblige le propriétaire inscrit de la marque de commerce à indiquer si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour l’établissement de l’emploi de la Marque se situe entre le 23 janvier 2006 et le 23 janvier 2009 (la Période pertinente).

[4]               Le paragraphe 4(2) de la Loi définit ainsi l’« emploi » en liaison avec des services :

4. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, il ne suffit pas de simplement déclarer qu’il y a eu emploi pour prouver celui‑ci [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, confirmé par (1980), 53 C.P.R. (2d) 63 (C.A.F.)]. Bien que les exigences en matière de preuve d’emploi sous le régime de l’article 45 ne soient pas très élevées [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance de preuve [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services spécifiés dans l’enregistrement.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit un affidavit souscrit le 20 juillet 2009 par Peter Kenneth Morrison, vice‑président au marketing et au développement des produits de l’Inscrivante (l’Affidavit). Les parties ont toutes deux produit des observations écrites; personne n’a demandé la tenue d’une audience.

[7]               Dans l’Affidavit, M. Morrison déclare que l’Inscrivante est une banque à charte figurant à l’annexe 1 de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, constituée sous le régime de cette loi et ayant son siège social à Edmonton (Alberta), qui offre une vaste gamme de services financiers personnels et commerciaux. M. Morrison explique que l’Inscrivante a commencé à employer la Marque en liaison avec les Services au mois de janvier 1998 après avoir acquis une participation majoritaire dans Majendie Charleton Securities Limited, rebaptisée Canadian Western Capital Limited, dans le but de développer son entreprise de gestion de patrimoine et d’accroître ses services tarifés. L’Inscrivante a par la suite vendu, en 2000, l’entreprise exploitée par Canadian Western Capital Limited, de sorte que c’est durant cette année que l’Inscrivante a employé la Marque pour la dernière fois. M. Morrison indique que l’entreprise a été vendue parce que [traduction] « une occasion avantageuse s’est présentée » ajoutant que « jamais l’Inscrivante n’a abandonné son intention d’exploiter une entreprise de gestion de patrimoine ».

[8]               En dépit du non‑emploi de la Marque, M. Morrison continue en disant que, depuis 2000, l’Inscrivante n’avait pas abandonné l’intention de reprendre la gestion de patrimoine et qu’en novembre 2008 elle a fait l’acquisition d’Adroit Investment Management Ltd. La seule pièce jointe à l’Affidavit est une copie d’un communiqué de presse de l’Inscrivante daté du 1er décembre 2008 annonçant cette acquisition. M. Morrison conclut l’Affidavit en déclarant que depuis l’acquisition l’Inscrivante a exploité son entreprise de gestion de patrimoine et d’investissement et courtage de valeurs mobilières sous le nom « Adroit » mais qu’elle [traduction] « envisage » de prendre le nom de CANADIAN WESTERN CAPITAL et qu’elle recommencera alors à employer la Marque.

[9]               En l’absence de preuve que la Marque a été employée pendant la Période pertinente, la seule question qui se pose, sous le régime du paragraphe 45(3) de la Loi, est celle de l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. En général, cette question suppose l’examen de trois critères, établis dans l’arrêt Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Le premier est la durée de la période de non‑emploi, et les deuxième et troisième posent respectivement la question de savoir si les raisons du non‑emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit et si ce dernier a l’intention sérieuse de recommencer à employer la marque dans un bref délai.

[10]           Pour déterminer si les raisons du non‑emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, il faut pouvoir conclure à l’existence de « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » [John Labatt Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. 1re inst.)]. L’arrêt Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd. (2008), 65 C.P.R. (4th) 303 (C.A.F.) a apporté des précisions concernant l’interprétation du deuxième critère en indiquant que cet aspect du test doit être établi pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque. En d’autres termes, les deux autres facteurs sont pertinents, mais ne sauraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. De plus, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)]. 

 

[11]           S’agissant du premier critère du test de l’arrêt Harris Knitting Mills, la période de non‑emploi de la Marque est d’au moins 9 ans.

[12]           Pour ce qui est du deuxième critère, la Partie requérante soutient que le non‑emploi procède de la décision délibérée de l’Inscrivante de vendre sa filiale parce que [traduction] « une occasion avantageuse s’est présentée », c’est‑à‑dire une décision motivée par la recherche d’un avantage financier, non assimilable à des « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » mais constituant plutôt, selon elle, un motif courant de non‑emploi d’une marque de commerce. 

[13]           Dans ses observations écrites, l’Inscrivante soutient que ce n’est pas parce qu’elle a vendu Canadian Western Capital Limited en 2000 qu’elle n’a pas employé la Marque, mais bien parce qu’en tant que banque à charte canadienne régie par la Loi sur les banques, il lui a fallu anormalement longtemps pour trouver une autre entreprise satisfaisante de gestion de patrimoine à acheter. Elle reconnaît que l’état du marché n’est généralement pas considéré comme une circonstance spéciale justifiant le non‑emploi [voir Harris Knitting, précité, et Lander Co. Canada Ltd. c. Alex E. Macrae & Co. (1993) 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.)], mais elle fait valoir qu’elle est très réglementée et qu’elle ne peut vendre ou acheter des entreprises aussi facilement que d’autres entités juridiques.  

[14]           Je relève qu’il n’est fait mention nulle part dans l’Affidavit de cet environnement réglementaire et, d’ailleurs, la Partie requérante a élevé une objection à l’allégation de tels faits dans les observations écrites alors qu’ils n’ont pas été mis en preuve [Ridout & Maybee LLP c. Encore Marketing International Inc. (2009), 72 C.P.R. (4th) 204 (C.O.M.C.)].  En supposant même que j’accepte la prémisse que paraît invoquer l’Inscrivante, selon laquelle elle ne pouvait employer la Marque que si elle faisait l’acquisition d’une nouvelle entreprise de gestion de patrimoine, il reste que les obstacles d’ordre réglementaire particuliers auxquels elle se heurtait ne sont pas clairement établis en preuve non plus que le caractère raisonnable de la longue période de non‑emploi compte tenu de ces obstacles. La seule preuve dont je dispose indique que l’Inscrivante a examiné [traduction] « maintes » possibilités de réintégrer le marché de la gestion de patrimoine après 2000 mais que sa quête d’une acquisition [traduction] « satisfaisante » n’a porté fruit que le 1er décembre 2008 avec l’achat d’Adroit Investment Management Ltd.  Je constate en outre qu’en dépit de cette acquisition, M. Morrison déclare que l’Inscrivante a continué à exploiter son entreprise de « services de courtage d’actions et d’investissement de valeurs » sous le nom d’Adroit dans [traduction] « un but de continuité ».

[15]           Je signale ici que les raisons invoquées par l’Inscrivante pour justifier le non‑emploi ne concernent que [traduction] « l’entreprise de gestion de patrimoine » (qui semble correspondre aux « services de courtage d’actions et d’investissement de valeurs » mentionnés dans l’enregistrement). Aucune raison n’a été donnée au sujet des « services bancaires ». Le commentaire suivant formulé par le juge Thurlow de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 10 de l’arrêt Plough, précité, me paraît à cet égard pertinent :

Il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

 

[16]           Puisque l’Inscrivante n’a pas démontré que les raisons du non‑emploi de la Marque étaient indépendantes de sa volonté, mes commentaires sur le troisième critère seront brefs. L’Inscrivante se borne à affirmer, au sujet de son intention de recommencer à employer à Marque au Canada, qu’elle [traduction] « envisage dans le cadre du déroulement de sa stratégie de mise en marché de changer de nom et de remplacer « Adroit » par CANADIAN WESTERN CAPITAL. L’emploi de la marque de commerce CANADIAN WESTERN CAPITAL reprendra à ce moment ». Il s’agit là, à mon avis, d’une déclaration extrêmement vague et sujette à interprétation. Bien que l’acquisition d’« Adroit » ait eu lieu un peu avant la fin de la Période pertinente, je relève que le communiqué de presse de l’annexe A ne fait pas mention de la Marque; aucun échéancier n’est donné et aucune preuve relative à des mesures concrètes visant la reprise de l’emploi, tel un plan de commercialisation, n’a été fournie. Je ne puis, sans disposer de précisions concernant la façon dont reprendra l’emploi, conclure que l’Inscrivante a prouvé de façon satisfaisante une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque au Canada.

[17]           En conséquence, il me faut conclure que l’Inscrivante n’a pas démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la Période pertinente au sens du par. 45(3) de la Loi.

 

[18]           Pour ces motifs, je ne suis pas convaincue que la Marque a été employée en liaison avec les Services au sens des articles 4 et 45 de la Loi et, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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