Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Vibe Ventures LLC, Vibe Media Group LLC et InterMedia Vibe Holdings LLC à la demande n1220040 produite par 3681441 Canada Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce VIBE

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I Les actes de procédure

 

[1]   Le 7 juin 2004, 3681441 Canada Inc. (la « Requérante ») a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce VIBE (la « Marque ») (no 1220040), en liaison avec :

Vêtements pour hommes, femmes et enfants, nommément manteaux, costumes, vestes, pantalons, jeans, chandails, survêtements de loisir, justaucorps, shorts, jupes, pulls d’entraînement, tee-shirts, débardeurs, chemisiers, sous-vêtements et vêtements de nuit (les « Marchandises »).

 

[2]   La demande, qui est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 26 décembre 1997, a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 8 décembre 2004. Elle a ensuite été modifiée le 12 août 2005 afin que l’emploi par les prédécesseurs en titre Request Jeans Ltd. et Buffalo Inc. soit revendiqué.

 

[3]   Le 6 mai 2005, Vibe Ventures LLC (« Ventures ») a produit une déclaration d’opposition, qui a été transmise à la Requérante par le registraire le 31 mai 2005. La Requérante a nié tous les motifs d’opposition dans une contre‑déclaration produite le 29 juin 2005.

 

[4]   La déclaration d’opposition a été modifiée à deux reprises, notamment au moyen d’une demande datée du 24 septembre 2009 qui a été produite peu de temps avant l’audience. À l’audience, j’ai demandé à la Requérante si elle s’opposait à la production de la déclaration d’opposition modifiée datée du 24 septembre 2009. Vu que la Requérante ne s’est pas opposée et que la modification visait à ajouter des opposantes en raison de cessions successives des droits se rapportant aux marques de commerce de Ventures invoqués à l’appui de la déclaration d’opposition originale, j’ai accordé l’autorisation. Par conséquent, Vibe Media Group LLC et InterMedia Vibe Holdings LLC ont été ajoutées à titre d’opposantes. Je les désignerai ci-après ensemble avec Ventures ou séparément, selon le cas, par le terme « Opposantes ».

 

[5]   La preuve des Opposantes est constituée de l’affidavit de Kenard Gibbs. Pour sa part, la Requérante a produit l’affidavit de Charles Bitton, lequel comprend une copie de l’affidavit de Jean‑François Croteau.

 

[6]   Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience.

 

II Les motifs d’opposition

 

[7]   Les motifs d’opposition suivants sont invoqués :

 

1) La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), du fait que la date de premier emploi est incorrecte vu que la Requérante a été constituée en société le 7 décembre 1999 et que le dirigeant de la Requérante a admis dans un autre affidavit que la Marque a été employée la première fois en 1998 et non le 26 décembre 1997;

2) la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi du fait que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises étant donné les faits exposés aux présentes et le fait que la Requérante connaissait personnellement le magazine VIBE des Opposantes puisqu’elle avait été un annonceur dans ce magazine sous un nom de marque antérieur;

3) la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi alléguée de la Marque, celle-ci créait de la confusion avec la marque de commerce VIBE des Opposantes qui avait été antérieurement employée ou révélée au Canada;

4) la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi alléguée de la Marque, celle-ci créait de la confusion avec les noms commerciaux VIBE et VIBE VENTURES des Opposantes qui avaient été antérieurement employés ou révélés au Canada;

5) la Marque de la Requérante n’a pas de caractère distinctif et ne distingue pas véritablement les Marchandises des marchandises, services ou entreprises des Opposantes et n’est pas adaptée à les distinguer;

6) la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée VIBE (LMC526485) des Opposantes.


 

III Le fardeau de preuve dans une procédure d’opposition à une marque de commerce

 

[8]   La Requérante a le fardeau ultime d’établir que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais l’Opposante doit d’abord produire une preuve admissible suffisante de laquelle on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de cette obligation, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329 et 330, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

IV Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

 

[9]   La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la demande (7 juin 2004). [Voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469].

 

[10]           Les Opposantes ont le fardeau de preuve lorsqu’elles allèguent que les dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi ne sont pas respectées, mais ce fardeau a été qualifié de léger. En outre, elles peuvent s’appuyer sur les éléments de preuve produits par la Requérante elle‑même [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Cette preuve doit toutefois soulever de sérieux doutes quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande. [Voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999), 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)].

 

[11]           Kenard Gibbs est le président de Ventures depuis mai 2000 et il a été représentant commercial pour cette société entre 1993 et 1998. En ce qui concerne le non‑emploi de la Marque par la Requérante à la date de premier emploi alléguée, il a produit la copie d’une page tirée du site Web d’Industrie Canada concernant les sociétés canadiennes constituées sous le régime des lois fédérales et, en particulier, la Requérante pour établir que celle-ci n’a été constituée en société que le 7 décembre 1999 et que l’un de ses administrateurs était M. Charles Bitton.

 

[12]           Il allègue que, dans une instance opposant les mêmes parties devant la Cour fédérale, M. Bitton a produit un affidavit indiquant qu’une société appelée Request Jeans Ltd., le prédécesseur en titre de la Requérante, avait commencé à commercialiser une ligne de vêtements en liaison avec la marque de commerce VIBE en 1998.

 

[13]           Il allègue également que Request Jeans Ltd. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce VIBE et dessin (demande no 867457), fondée sur l’emploi projeté en liaison avec des vêtements, le 28 janvier 1998.

 

[14]           L’Opposante fait valoir que ces faits tendent à prouver que la Requérante n’a pas pu employer la Marque le 26 décembre 1997 puisqu’elle n’était pas encore constituée en société à cette date, que le représentant de la Requérante a allégué dans un affidavit produit devant la Cour fédérale que la ligne de vêtements connue sous le nom de VIBE a été mise sur le marché en 1998 et que la demande produite le 28 janvier 1998 par le prédécesseur en titre de la Requérante en vue de l’enregistrement de la marque de commerce VIBE et dessin était fondée sur l’emploi projeté.

 

[15]           Ces faits ne sont peut-être pas suffisants en eux-mêmes pour déplacer le fardeau de preuve sur la Requérante. La demande portant le numéro 867457 concernait une marque de commerce différente et la présente demande fait état de l’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre. La preuve ne démontre pas que Request Jeans Ltd. n’était pas constituée en société à la date de premier emploi revendiquée de la Marque. L’Opposante peut cependant s’appuyer sur la preuve de la Requérante.

 

[16]           M. Bitton a produit un affidavit. Il confirme que Request Jeans Ltd. est le prédécesseur en titre de la Requérante et a produit une première demande pour l’enregistrement de la marque VIBE et Dessin, laquelle a été accueillie sous le numéro LMC541721. La société voulait créer une ligne de vêtements destinés à une clientèle jeune. M. Bitton déclare qu’une ligne de vêtements en liaison avec la marque de commerce VIBE (par opposition à VIBE et Dessin) a été mise sur le marché en 1998, et il a produit des catalogues pour le démontrer. Cette déclaration confirme la thèse des Opposantes selon laquelle la Requérante n’a pas employé la Marque la première fois le 26 décembre 1997 comme elle le prétend, mais plutôt quelque part en 1998. Elle corrobore en outre l’allégation de M. Gibbs selon laquelle M. Bitton a affirmé dans une autre instance judiciaire que la Marque a été employée la première fois en 1998. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve étayant la date de premier emploi qu’elle revendique.

 

[17]           Dans ces circonstances, je n’ai d’autre choix que d’accueillir le premier motif d’opposition.

 

[18]           Je vais toutefois traiter des deux arguments soulevés par la Requérante sur cette question. Premièrement, elle fait valoir que la déclaration de M. Bitton selon laquelle la ligne de vêtements a été mise sur le marché en 1998 ne contredit pas la déclaration faite dans la demande voulant que la Marque ait été employée la première fois le 26 décembre 1997. L’emploi est un terme défini dans la Loi. Le paragraphe 4(1) indique clairement qu’une marque est réputée « employée » en liaison avec des marchandises si elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises lors du transfert de la propriété. Si, selon ce que déclare M. Bitton, la ligne de vêtements portant la marque de commerce VIBE a été « mise sur le marché » en 1998, je ne vois pas comment la Requérante peut étayer la date de premier emploi du 26 décembre 1997.

 

[19]           La Requérante s’appuie sur Miranda Aluminum Inc. c. Miranda Windows & Doors Inc. 2009 CF 669, pour faire valoir que sa demande ne devrait pas être déclarée invalide pour la seule raison que la date de premier emploi est incorrecte. Or, cette affaire est différente de l’espèce. En effet, la Cour était saisie, dans Miranda, d’une demande de radiation de l’enregistrement d’une marque de commerce en vertu de l’article 57 de la Loi, fondée sur le fait que la déclaration d’emploi produite, qui avait mené à la délivrance du certificat d’enregistrement, était fausse. La situation est différente en l’espèce. L’Opposante conteste le contenu de la demande et non pas les circonstances entourant la délivrance du certificat d’enregistrement de la marque de commerce. En ce qui concerne l’invalidité d’une demande fondée sur une date de premier emploi revendiquée antérieure à la véritable date de premier emploi, je me réfère à Canadian Occidental Petrolium Ltd. c. Oxychem Canada Inc. (1990), 33 C.P.R. (3d) 345.

 

[20]           La Requérante mentionne également Parfums de Coeur, Ltd. c. Christopher Asta, 2009 CF 21. Encore une fois, il s’agissait d’une demande de radiation de l’enregistrement d’une marque de commerce, fondée sur le fait que la déclaration d’emploi produite, qui avait mené à la délivrance du certificat d’enregistrement, était fausse.

 

[21]           Il n’y a aucun doute que le non‑respect des dispositions de l’alinéa 30b) de la Loi constitue un motif d’opposition valable [voir Structureco Inc. c. Jean (1997), 79 C.P.R. (3d) 331, et Lise Watier Cosmétiques Inc. c. Villoresi (2009), 76 C.P.R. (4th) 196]. En produisant une demande fondée sur une date de premier emploi antérieure à la véritable date de premier emploi, un requérant empêche la production d’une déclaration d’opposition par des opposantes qui peuvent avoir des droits ayant pris naissance entre la date de premier emploi revendiquée par la requérante et la véritable date de premier emploi.

 

V Les autres motifs d’opposition

 

[22]           Tous les autres motifs d’opposition sont fondés sur la prétendue confusion entre la Marque et la marque de commerce VIBE des Opposantes. Je n’ai pas l’intention de me prononcer sur ces motifs d’opposition parce qu’il ressort clairement de la preuve que la Requérante a revendiqué une date de premier emploi antérieure à la véritable date de premier emploi. L’article 32 du Règlement sur les marques de commerce prévoit que la modification d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas permise après l’annonce de la demande si elle vise à changer la date de premier emploi qui y est revendiquée. Par conséquent, la Requérante n’est pas en mesure, à cette étape‑ci ou même à l’étape de l’appel dont la présente décision pourrait éventuellement faire l’objet, de corriger un tel défaut. La demande étant invalide, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les autres motifs d’opposition.

 

VI Conclusion

 

[23]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la Requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi étant donné que j’accueille le premier motif d’opposition.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 27 NOVEMBRE 2009.

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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