Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 219

Date de la décision : 2015-12-03

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

 

Protool Belts & Accessories Inc.

 

Partie requérante

et

 

Lancôme Parfums et Beauté & Cie

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC282,940 pour la marque de commerce LIP LOVER

 

Enregistrement

 

[1]               Le 6 mars 2014, à la demande de Protool Belts and Accessories Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Lancôme Parfums et Beauté & Cie (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC282,940 de la marque de commerce LIP LOVER (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec ce qui suit :

[Traduction]
Articles de toilette et cosmétiques, nommément désincrustant pour le visage, masques de beauté, lotion tonifiante, astringent, crème hydratante, lotion autobronzante, huile pour le bain, shampooing, revitalisant et brillant à lèvres, baume pour les lèvres, rouges à lèvres.

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque était employée au Canada en liaison avec les produits visés par l'enregistrement à un moment quelconque entre le 6 mars 2011 et le 6 mars 2014 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, lequel est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du Registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de M. José Monteiro. Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites; une audience a été tenue et seule la Propriétaire y était présente.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Monteiro est le directeur du Service international des marques de commerce de L’Oréal, une société française qui exerce ses activités dans le domaine des produits de beauté, des cosmétiques et des produits de parfumerie. Il allègue que la Propriétaire est une filiale de L’Oréal et que, en raison de ses fonctions, il a accès aux dossiers de la Propriétaire.

[8]               M. Monteiro affirme que la Propriétaire exerce des activités dans le domaine des produits de parfumerie et des produits de beauté depuis 39 ans. Elle distribue et vend ses produits dans le monde entier, notamment au Canada.

[9]               M. Monteiro allègue que, au départ, la Marque était enregistrée au nom de Rachel Perry Inc. (Rachel Perry). Cependant, le 8 janvier 2014, la Propriétaire a acquis la Marque auprès de Rachel Perry, dans les circonstances décrites plus loin, et ce transfert a été inscrit par le registraire le 11 février 2014. Des copies des documents produits auprès du registraire pour inscrire le transfert sont jointes à son affidavit comme pièce JM-2.

[10]           M. Monteiro affirme que Rachel Perry a employé la Marque en liaison avec les produits visés par l'enregistrement au cours de la Période pertinente, avant le transfert de la Marque à la Propriétaire. À l'appui, des photographies de brillant à lèvres et de baume pour les lèvres arborant la Marque, de même qu'une facture émise par Rachel Perry au cours de la Période pertinente pour la vente de ces produits au Canada, sont jointes comme pièce JM-3 à son affidavit.

[11]           En ce qui concerne l'emploi par la Propriétaire, M. Monteiro atteste que, au cours de la Période pertinente et avant le transfert susmentionné, la Propriétaire a déployé des efforts et a fait d'importants investissements pour développer et employer la Marque au Canada et ailleurs dans le monde. À l'appui de cette allégation, il affirme que, le 9 juillet 2013, la Propriétaire a produit une demande d'enregistrement auprès du registraire pour la marque de commerce LIP LOVER en liaison avec des cosmétiques et du maquillage fondée sur un emploi projeté, laquelle demande était toujours en instance (pièce JM-4).

[12]           M. Monteiro allègue que du matériel publicitaire a été élaboré pour le Canada par la Propriétaire au cours de la Période pertinente et il a produit une copie de ce matériel comme pièce JM-5.

[13]           M. Monteiro explique que c'est seulement après avoir produit la demande susmentionnée que la Propriétaire a appris que la Marque faisait l'objet d'un enregistrement au nom de Rachel Perry. Par conséquent, en 2014, la Propriétaire a entamé des négociations relatives à l'acquisition de la Marque. Il affirme que, à la date de signature de son affidavit, la Propriétaire avait déjà employé la Marque en liaison avec du brillant à lèvres, du baume pour les lèvres et du rouge à lèvres (ci-après appelés collectivement les Produits pour les lèvres) sous la forme d'un [Traduction] « perfecteur de lèvres » qui rassemble ces fonctions.

[14]           M. Monteiro affirme que des commandes ont été faites pour l'achat de produits arborant la Marque dès le 3 mars 2014 et il a produit des copies de factures comme pièce JM-6. Ces factures portent une date postérieure à la Période pertinente, mais montrent que des commandes ont été faites avant l'envoi de l'avis du registraire. Il a aussi produit des photographies de l'emballage de produits de la Propriétaire arborant la Marque, comme pièce JM-7.

[15]           M. Monteiro atteste que les produits arborant la Marque sont offerts en vente dans plus de 780 points de vente situés dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Il fournit également les chiffres de vente de la Propriétaire reliés aux ventes de ces produits au Canada depuis le début de 2014. Cependant, aucune répartition des chiffres de vente par produit n'est fournie. De plus, il affirme que la Propriétaire a engagé des dépenses de plus de 280 000 $ de janvier à juillet 2013 dans la promotion et la commercialisation; cependant, il ne dit pas à quel produit ni à quelle marque de commerce ces dépenses se rapportent.

Emploi de la Marque en liaison avec certains des produits visés par l'enregistrement

[16]           En l'absence de représentations de la Partie requérante, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits [Traduction] « brillant à lèvre » et « baume pour les lèvres » visés par l'enregistrement. À cet égard, les photographies et la facture de la pièce JM-3 sont suffisantes pour démontrer que la prédécesseure en titre de la Propriétaire a vendu du baume pour les lèvres et du brillant à lèvres LIP LOVER au Canada au cours de la Période pertinente.

[17]           Pour les autres produits (c.-à-d. tous les produits visés par l'enregistrement à l'exception du brillant à lèvres et du baume pour les lèvres), la Propriétaire invoque l'affaire Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst.) à l'appui de sa prétention que la Propriétaire n'a pas à démontrer l'emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits visés par l'enregistrement. Dans l'affaire Saks, cependant, il y avait 28 catégories de produits et de services classées de manière logique et adéquate et chaque catégorie renfermait une liste de plusieurs produits et services. Qui plus est, des déclarations et des documents indiquaient aussi que des ventes de ces produits et services avaient été faites.

[18]           C'est dans ce contexte que la Cour a conclu dans l'affaire Saks qu'il n'existait aucune obligation de produire des éléments de preuve directs ou une preuve documentaire à l'égard de chaque article dans chaque catégorie. En l'espèce, il n'y a aucun document ni aucune déclaration concernant la vente faite par Rachel Perry d'aucun des produits visés par l'enregistrement autres que du brillant à lèvres et du baume pour les lèvres. Si cette dernière a vendu d'autres articles de toilette ou cosmétiques en liaison avec la Marque, la preuve ne le montre pas clairement et la Propriétaire aurait dû faire des déclarations claires et fournir d'autres photographies et/ou factures représentatives à l'appui.

[19]           À titre subsidiaire, la Propriétaire fait valoir que, si la preuve produite ne permet pas d'établir l'emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits visés par l'enregistrement, elle démontre qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi. Par conséquent, elle soutient que l'enregistrement devrait être maintenu à l'égard de tous les produits visés par l'enregistrement.

[20]           Je déterminerai maintenant si la Propriétaire a démontré qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au sens de l'article 45(3) de la Loi.

Circonstances spéciales expliquant le défaut d'emploi de la Marque

[21]           Le concept de « circonstances spéciales » a été défini dans la jurisprudence. Récemment, dans l'affaire Gouverneur Inc c The One Group LLC 2015 CF 128, la Cour fédérale a mené une analyse de la jurisprudence pertinente à l'affaire dont elle a tiré la procédure à suivre.

[22]            En premier lieu, le registraire doit identifier la raison du défaut d'emploi de la Marque. En second lieu, le registraire doit déterminer si les circonstances expliquant le défaut d’emploi de la Marque constituent des « circonstances spéciales », c.-à-d. inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles. Enfin, le registraire doit déterminer si les circonstances spéciales justifient le défaut d'emploi, en tenant compte des trois facteurs établis dans l'affaire Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF), à savoir :

1)       la durée du défaut d'emploi de la marque de commerce;

2)       la question de savoir si les raisons données par le propriétaire inscrit pour justifier le défaut d'emploi de la marque de commerce découlent de circonstances indépendantes de sa volonté; et

3)       la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque de commerce à court terme.

 

[23]           Il ressort clairement de la preuve décrite ci-dessus qu'il n'existe aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les autres produits au cours de la Période pertinente. Il n'existe également aucune preuve de la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu en liaison avec ces produits.

[24]           La raison du défaut d'emploi de la Marque présentée par la Propriétaire est la courte période écoulée depuis son acquisition de la Marque. Le transfert de la Marque s'est déroulé dans des circonstances inhabituelles. La Propriétaire a produit sa propre demande d'enregistrement de la Marque au cours de la Période pertinente pour ensuite découvrir que la Marque appartenait à Rachel Perry. Des négociations ont donné lieu à son transfert peu de temps avant que le registraire donne l'avis prévu à l'article 45.

[25]           La période du défaut d'emploi par la Propriétaire n'a été que de quelques mois. Quant à la période de défaut d'emploi de la Marque par sa prédécesseure en titre, celle-ci a certainement été indépendante de la volonté de la Propriétaire.

[26]           Enfin, pour ce qui est de l'intention sérieuse de la Propriétaire de reprendre l'emploi de la Marque à court terme, la Propriétaire invoque les faits suivants :

         Avant son acquisition de la Marque, la Propriétaire a produit sa propre demande d'enregistrement relativement à la même marque de commerce en liaison avec des cosmétiques et du maquillage;

         Du matériel publicitaire a été créé en 2013-2014, dont des spécimens sont fournis comme pièce JM-5;

         Des produits arborant la Marque sont maintenant offerts en vente dans tout le Canada; des spécimens d'emballage et de bouteilles sont fournis comme pièce JM-7.

[27]           Je souligne que M. Monteiro affirme que le [Traduction] « perfecteur de lèvres », vendu par la Propriétaire en liaison avec la Marque, rassemble les fonctions d'un rouge à lèvres, d'un baume pour les lèvres et d'un brillant à lèvres (appelés collectivement les Produits pour les lèvres). En réalité, dans le matériel publicitaire, produit comme pièce JM-5, il est annoncé comme un [Traduction] « tout-en-un »; « soin-couleur-brillant ». En outre, une illustration du [Traduction] « perfecteur de lèvres », qui fait partie de la pièce JM-5, montre un emballage ouvert de sorte qu'on voit le produit sous la forme d'un rouge à lèvres.

[28]           Il ne fait aucun doute pour moi que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la Marque. Cependant, cette intention concerne-t-elle chacun des produits visés par l'enregistrement ou uniquement en liaison avec les Produits pour les lèvres? Pour les raisons qui suivent, je conclus que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la Marque uniquement en liaison avec les Produits pour les lèvres.

[29]           Comme susmentionné, la Propriétaire a produit une copie d'une demande d'enregistrement relative à la même marque de commerce que la Marque pour démontrer qu'elle avait une intention sérieuse d'employer la Marque. Cette demande a en fin de compte donné lieu au transfert de la Marque à la Propriétaire. Cependant, la demande produite en 2013 visait des cosmétiques et du maquillage. Il n'est fait aucune mention précise des autres produits dans la demande produite par la Propriétaire. Par conséquent, je ne peux déduire de la production de cette demande que la Propriétaire avait l'intention d'employer la Marque en liaison avec les autres produits.

[30]           Le matériel publicitaire, les commandes reçues par la Propriétaire, l'emballage et les bouteilles arborant la Marque et employés à l'heure actuelle par la Propriétaire se rapportent tous à des Produits pour les lèvres. Il n'existe aucune commande, aucun emballage, aucune bouteille ni aucune publicité pour tout autre produit que les Produits pour les lèvres.

[31]           En fait, dans son affidavit, M. Monteiro ne mentionne expressément aucun des autres produits. Il mentionne les produits visés par l'enregistrement uniquement au paragraphe 14, où il fait une simple déclaration indiquant que la Propriétaire a l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par l'enregistrement. Cependant, pour étayer cette allégation, il mentionne l'emploi de la Marque en liaison avec les Produits pour les lèvres seulement, comme le démontre le matériel décrit précédemment, se rapportant intégralement au [Traduction] « perfecteur de lèvres ».

[32]           En conséquence, je conclus que la Propriétaire a établi qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au Canada au cours de la Période pertinente en liaison avec les Produits pour les lèvres seulement. L'enregistrement sera donc modifié en conséquence.

Décision

[33]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement no LMC282,940 sera modifié de manière à radier les produits suivants :

[Traduction]
Articles de toilette et cosmétiques, nommément désincrustant pour le visage, masques de beauté, lotion tonifiante, astringent, crème hydratante, lotion autobronzante, huile pour le bain, shampooing, revitalisant.

L'état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit [Traduction] :

Brillant à lèvres, baume pour les lèvres, rouges à lèvres.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

Date de l'audience : 2015-11-18

 

Comparutions

 

Chloé Latulippe

Amélie Béliveau                                                                      Pour la Propriétaire inscrite

 

Aucune comparution                                                               Pour la Partie requérante

 

Agents au dossier

 

Fasken Martineau DuMoulin                                                   Pour la Propriétaire inscrite

 

Fogler, Rubinoff LLP                                                              Pour la Partie requérante

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