Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 82

Date de la décision : 2016-05-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Restaurant Development Group LLC

Opposante

et

 

Vescio Group Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,571,343 pour la marque de commerce BurgerFi

 

 

Demande

[1]               Restaurant Development Group LLC s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce BurgerFi (la Marque), qui fait l'objet de la demande no 1,571,343 au nom de Vescio Group Inc.

[2]               La demande a été produite sur la base d’un emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « hamburgers au bœuf naturel, sans antibiotiques et sans hormones; hamburgers végétariens; hotdogs naturels; frites; oignons frits; crème glacée; desserts glacés; laits fouettés; boissons gazeuses; eau », ainsi que des « services de restaurant ».

[3]               L'Opposante s'est opposée à la demande d'enregistrement relative à la Marque aux motifs que : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque selon l'article 16 de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l'opposition. Entre autres raisons qui seront discutées ci-dessous, l’Opposante n'a pas suffisamment fait la preuve que ses marques de commerce étaient connues au moins dans une certaine mesure ou que sa réputation était importante, significative ou suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

Le dossier, le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[5]               La demande d'enregistrement relative à la Marque a été produite le 8 juin 2012.

[6]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 novembre 2012. Le 19 avril 2013, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition pour s’opposer à la demande, en vertu de l'article 38 de la Loi. Le 20 septembre 2013, la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration.

[7]               À l’appui de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits d’Amanda Gauthier, de Michael Stephan et de Josh Lorence, tous souscrits le 19 février 2014. L'Opposante a également produit l'affidavit d'Andreas Oberleitner, souscrit le 18 février 2014. Aucun des déposants de l’Opposante n'a été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[8]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Joseph Vescio, souscrit le 19 juin 2014. M. Vescio n'a pas non plus été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[9]               Les parties ont toutes deux produit des plaidoyers écrits et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

[10]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante doit toutefois s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

[11]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a indiqué qu’elle abandonnait les motifs d’opposition fondés sur l’article 16(3)a) de la Loi. Lors de l'audience, l'Opposante a également retiré le motif d'opposition fondé sur l'article 30a) de la Loi.

[12]           En ce qui concerne les autres motifs d'opposition, les dates pertinentes suivantes s’appliquent :

         articles 38(2)a) et 30 – la date de production de la demande d'enregistrement, à savoir le 8 juin 2012 [voir Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 à 94 (COMC) réf. : article 30e); et Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 à la p 432 (COMC) réf. : article 30i)]; et

         articles 38(2)d) et 2 – la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 19 avril 2013 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Aperçu de la preuve des parties

La preuve de l'Opposante

L’affidavit Gauthier

[13]           Mme Gauthier est une technicienne juridique à l'emploi de l’agent de l'Opposante.

[14]           En ce qui concerne les autres motifs d’opposition, l’affidavit de Mme Gauthier comporte la preuve suivante :

         Pièce A : une copie certifiée de l’historique du dossier de la demande.

         Pièces B, C et D : des copies certifiées de l'historique des dossiers pour les demandes de l’Opposante nos 1,613,716 (pour la marque de commerce BURGERFI), 1,613,717 (pour la marque de commerce BURGERFI & Dessin), et 1,637,770 (pour la marque de commerce BURGERFI).

         Pièces E, F et G : des copies certifiées des enregistrements américains de marque de commerce 4,036,302; 4,043,391 et 4,357,894 (marques BURGERFI).

         Pièce H : une copie certifiée d’une lettre datée du 26 mars 2012 de Judith L. Grubner d’Arnstein & Lehr LLP adressée à M. Joseph Vescio. La lettre fait référence à l’enregistrement par la Requérante du nom de domaine <burgerfi.org>, et informe la Requérante des enregistrements américains susmentionnés des marques de commerce de l’Opposante. La lettre présente ensuite les grandes lignes des demandes exigeant que la Requérante cesse immédiatement tout emploi de la marque de commerce burgerfi et qu'elle procède au transfert du nom de domaine à BFI.

L’affidavit Stephan

[15]           M. Stephan, un enquêteur principal et superviseur à l’emploi de Canpro King-Reed LP, a mené une enquête générale sur les antécédents de la Requérante, lancée après l’obtention d’une copie du rapport du profil de l’entreprise de la Requérante, en date du 18 mars 2013. En pièce B de son affidavit, il joint une copie de son rapport, lequel indique que Joseph Vescio et Loredana Vescio sont les dirigeants de la société.

[16]           M. Stephan atteste qu’il a ensuite fait d’autres recherches qui l’ont mené vers une entité du nom de Roma’s Hospitality Centre. Il joint en pièce C une copie de l’enregistrement de cette entité en vertu de la Loi sur les noms commerciaux de l’Ontario. L’enregistrement indique que Joseph Vescio était la personne autorisant l’enregistrement, et l’adresse citée dans l'enregistrement est la même adresse que celle citée dans le rapport sur le profil de l'entreprise de la Requérante produit en pièce B. En outre, M. Stephan joint en pièce D de son affidavit des imprimés de sites Web repérés grâce à des recherches menées sur Internet au sujet de Roma’s Hospitality Centre, en date du 25 mars 2013.

[17]            M. Stephan atteste ensuite que le 27 mars 2013 ou vers cette date, il a mené des recherches sur les immeubles avec le terme « vescio », qui, affirme-t-il, ont généré des registres de biens immobiliers montrant les noms de Guiseppe Vescio et Loredana Buzzanca. Il affirme qu’il a ensuite mené des recherches sur Internet avec les termes « vescio » et « loredana buzzanca », et qu’il a repéré des dossiers en ligne sur le site Web : http://southflorida.blockshopper.com (voir la pièce E). Les dossiers montrent qu’une propriété située au 1900, South Ocean Boulevard en Floride a été achetée par Guiseppe Vescio et Loredana Buzzanca Vescio le 19 août 2011. D’autres recherches effectuées dans les registres en ligne du comté de la Floride ont généré des renseignements semblables (selon les pièces G et H).

[18]           Enfin, M. Stephan atteste que le 26 mars 2013 ou vers cette date, et de nouveau le 28 janvier 2014, il a visité le site Web www.burgerfi.com, et cliqué sur le lien « locations » [emplacements]. Il joint en pièce I des imprimés du site Web montrant quatre emplacements de BurgerFi en Floride. Pour établir la proximité de ces emplacements par rapport à l'immeuble du 1900, Ocean Boulevard South qui appartient à Guiseppe et Loredana Vescio, M. Stephan fournit des imprimés en pièce J de recherches qu’il a menées sur Google Maps le 28 janvier 2014 ou vers cette date. Les imprimés font référence à trois des quatre emplacements de BurgerFi susmentionnés, et indiquent que les distances entre ces emplacements et le 1900, Ocean Boulevard South varient de 1,7 mile à 23,3 miles.

L’affidavit Lorence

[19]           M. Lorence est le directeur des opérations de BurgerFi International (BFI), la licenciée de la marque de commerce BurgerFi et d’autres marques de commerce de l’Opposante, qui font l’objet des demandes d’enregistrement américain (voir la copie de l’accord de licence en pièce E). Il affirme que BFI est le franchiseur de la franchise de restaurants décontractés à service rapide qui sont exploités sous la marque de commerce BurgerFi. En date de la souscription de son affidavit, il y avait 39 restaurants BurgerFi (voir la pièce C pour une liste de tous les emplacements BurgerFi et leur date d’ouverture).

[20]           M. Lorence fournit ensuite un bref historique de la marque et du restaurant BurgerFi de l’Opposante, issus d’un concept respectueux de l’environnement, axé sur du bœuf élevé en liberté, de la nourriture sans produits chimiques et sans additifs. Il affirme que la marque de commerce « BurgerFi », une abréviation de « Burgerfication », a été inventée à la suite d’importantes discussions entre M. Rosatti, le directeur de BFI et de l’Opposante, et son personnel. Le premier restaurant BurgerFi, atteste-t-il, a ouvert ses portes à Lauderdale-by-the-Sea, en Floride, le 5 février 2011. Il joint en pièce E une photographie de ce premier emplacement BurgerFi, laquelle a été prise récemment, mais est représentative de l’apparence du restaurant le jour de l’ouverture.

[21]           De ce premier emplacement, explique M. Lorence, les emplacements BurgerFi ont commencé à se multiplier, dont 16 autres emplacements, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’État de la Floride, entre le 5 février 2011 et le 19 avril 2013. Il atteste que chacun de ces emplacements employait et continue d’employer la marque de commerce BurgerFi sur les enseignes, les menus, les verres, les serviettes de table, les ballons, les sacs, les uniformes des employés, des lunettes de soleil, des stylos, des coupons et du matériel publicitaire; dont des exemples sont joints en pièce F de son affidavit.

[22]           En ce qui concerne la marque de commerce BurgerFi de l’Opposante et son exposition auprès des Canadiens, M. Lorence atteste qu’il a lu des critiques du restaurant BurgerFi affichées sur Internet (à savoir sur Yelp, Urban Spoon et Trip Advisor), et que le personnel de BurgerFi a effectué des sondages dans plusieurs emplacements. Il affirme qu’en fonction de ces renseignements, il croit que des Canadiens, touristes et résidents saisonniers, fréquentent des restaurants BurgerFi aux États-Unis depuis au moins aussi tôt que la fin de l’année 2011. À l’appui, il joint, en pièce G, des copies de critiques de restaurant par des clients de BurgerFi dont le profil indique qu’ils habitent au Canada.

[23]           En ce qui concerne les sondages, M. Lorence décrit un sondage maison commandé par BFI auprès de clients de BurgerFi dans trois emplacements de restaurants BurgerFi en Floride. Il affirme que le but de ce sondage, qui a été effectué entre le 10 janvier 2014 et le 14 février 2014, était de déterminer le nombre de clients en provenance du Canada qui fréquentaient les restaurants BurgerFi de ces emplacements. Il explique que les caissiers de ces restaurants avaient comme directive de demander à chaque client : [Traduction] « Puis-je vous demander d’où vous venez? » et si le client répondait « du Canada », le caissier demandait alors [Traduction] « De quel endroit au Canada? » et « Et combien de personnes compte votre groupe aujourd'hui? » M. Lorence atteste que les caissiers consignaient les réponses à ces questions sur une feuille de contrôle quotidienne, dont des copies sont jointes en pièce H de son affidavit. M. Lorence joint également un graphique statistique (en pièce I) qu’il a préparé pour détailler le nombre de clients en provenance du Canada dans chacun des restaurants au cours de la période de sondage, indiquant que 1 142 clients en provenance du Canada ont fréquenté ces restaurants au cours de cette période.

[24]           En plus de la fréquentation par des Canadiens des emplacements BurgerFi aux États-Unis, M. Lorence atteste qu’entre le 5 février 2011 et le 19 avril 2013, 34 Canadiens ont également exprimé leur intérêt à devenir des franchisés BurgerFi (voir en pièce J la liste des demandes de franchise canadiennes). Il atteste qu’en réponse à ces demandes, l’équipe de franchisage de BurgerFi a fait parvenir de la documentation commerciale, des photographies, des vidéos et des renseignements sur les franchises à chacun de ces candidats canadiens. Plus précisément, il fournit quelques renseignements concernant une de ces demandes qui s’est depuis concrétisée en des accords de franchise pour deux emplacements BurgerFi en Colombie-Britannique, dont l’ouverture était prévue avant la fin de l’année 2014.

[25]           En dernier lieu, M. Lorence atteste qu’un sous-licencié de BFI emploie la marque de commerce BurgerFi au Canada, au Abbey Arms Pub & Restaurant d’Oakville en Ontario depuis le 7 février 2014. D’après des conversations avec l’exploitant du restaurant Abbey Arms, il atteste que le restaurant Abbey Arms vend et sert à ses clients divers produits alimentaires BurgerFi depuis le 8 février 2014. À l’appui, il joint en pièce K des copies d’affiches et de menus arborant la marque de commerce BurgerFi, employés et affichés par ce sous-licencié canadien.

L’affidavit Oberleitner

[26]           M. Oberleitner est le coordonnateur de serveurs pour la gestion de la réputation et des affaires [Reputation Management and Enterprise Management Server Coordinator] de BFI, et membre du service des technologies de l’information [Information Technology Department] de BFI.

[27]           Il atteste que BurgerFi exploite un site Web au www.burgerfi.com, qui, selon les renseignements et opinions dont il dispose, aurait été lancé le 5 février 2011 ou vers cette date, et a toujours été accessible aux Canadiens. Il joint, en pièce A de son affidavit, des imprimés de diverses pages tirées du site Web BurgerFi. Il affirme que bien que le site ait évolué depuis son lancement, les marques de commerce BurgerFi y ont toujours figuré bien en vue.

[28]           M. Oberleitner atteste qu’il a mené une recherche afin de déterminer combien d’internautes canadiens ont visité le site Web de BurgerFi au cours de la période allant du 5 février 2011 au 19 avril 2013. Il affirme que les renseignements sur les visiteurs du site Web ont été recueillis à l’aide de Google Analytics, un service offert par Google Inc. qui expose en détail la circulation sur le Web pour un site en particulier, et que, au cours de cette période, BurgerFi.com a enregistré un total de 4 272 visites d’utilisateurs canadiens. La pièce B comporte un rapport plus détaillé de Google Analytics à cet égard, lequel fournit des renseignements comme le pourcentage de nouvelles visites, de même que la province d’origine de chaque visiteur canadien, etc.

[29]           Enfin, M. Oberleitner a cherché des estimations du nombre de Canadiens qui visitent la Floride sur une base annuelle et par trimestre. Pour ce faire, M. Oberleitner est entré en contact avec le bureau officiel de planification touristique de la Floride et a obtenu un graphique statistique intitulé « Florida Visitation Estimates » [Estimations des visites en Floride] le 23 décembre 2013 (dont une copie est jointe en pièce C). D’après ce document, M. Oberleitner affirme que, à son avis, entre le 1er avril 2011 et le 31 mars 2013, 6 936 000 Canadiens ont visité l’État de la Floride.

La preuve de la Requérante

L’affidavit Vescio

[30]           M. Vescio est propriétaire et président de la Requérante.

[31]           Il affirme qu’entre le 16 juin 2014 et le 18 juin 2014, il a effectué des sondages devant plusieurs restaurants spécialisés en burger en Ontario, dans quatre emplacements (Mississauga, Oakville, Toronto et Vaughan). Il affirme que le but de ces sondages effectués dans ces emplacements était de déterminer si BurgerFi est une marque connue au Canada. Il atteste que, à cet égard, les participants se voyaient demander [Traduction] « s’ils avaient déjà entendu parler de BurgerFi » et la réponse était consignée sur une fiche de sondage. Il affirme que 290 personnes ont été sondées, dont une seule avait répondu d’abord [Traduction] « oui, avec un air de confusion, avant de répondre non ». Il affirme qu’il a posé la question une deuxième fois et que la réponse a été non. Il fournit en pièce A de son affidavit des copies des sondages indiquant en détail le nombre de personnes sondées et leur réponse.

[32]           Enfin, M. Vescio affirme que le 18 juin 2014 il a mené une recherche dans Google avec « Fi in Florida » [Fi en Floride] pour déterminer si « Fi » était un terme courant. Il affirme qu’il a été en mesure de repérer bon nombre d’entreprises en exploitation dans diverses parties de la Floride qui utilisent le terme « Fi » et énumère neuf de ces entreprises. Il joint en pièce B de son affidavit une copie des résultats de recherche susmentionnés.

Motifs d'opposition

Motifs fondés sur les articles 30e) et 30i)

[33]           L'article 30e) de la Loi exige que le requérant fasse une déclaration portant qu'il a l'intention d'employer la marque de commerce visée par la demande au Canada, lui-même ou par l'entremise d'un licencié. En l’espèce, la demande comporte une telle déclaration. Elle est donc conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi, quant à la forme. La question qui se pose est donc celle de savoir si, sur le fond, la Requérante s’est conformée aux exigences de l’article 30e) de la Loi; c’est-à-dire est-ce que la Requérante avait de bonne foi l’intention d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada à la date de production de la demande?

[34]           Comme il est difficile de prouver un fait négatif, et encore davantage lorsqu’il s’agit d’une demande fondée sur un emploi projeté, le fardeau initial qui incombe à l’Opposante à l’égard du motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30e) est relativement léger [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003) 2003 CF 1287, 29 CPR (4th) 315]. De plus, bien que la date pertinente pour ce motif d’opposition soit la date de production de la demande d’enregistrement, cela n’empêche pas de tenir compte de preuves postérieures à cette date pour autant que cela puisse indiquer une situation qui existait à la date pertinente [voir Bacardi & Co c Jack Spratt Manufacturing (1984), 1 CPR (3d) 122 aux p 125 et 126 (COMC)].

[35]           Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne l’article 30i) de la Loi, lorsqu’un requérant se déclare convaincu d’avoir le droit d'employer la marque de commerce au Canada, comme c’est le cas en l’espèce, la demande est conforme à cet article de la Loi, quant à la forme. Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise par l'article 30i) de la Loi, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne doit être accueilli que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la p 155].

[36]           En ce qui concerne la conformité sur le fond aux articles 30e) et i) de la Loi, l’Opposante a allégué que la Requérante n’avait non seulement pas l’intention d’employer la Marque au Canada, mais aussi que la demande a été produite dans le but formel d’empêcher l’exploitation commerciale de l’Opposante; autrement dit, que la demande a été produite de mauvaise foi.

[37]           À cet égard, l’Opposante soutient que i) la Requérante a eu connaissance des restaurants BurgerFi de l’Opposante en 2011; ii) la Requérante a enregistré le nom de domaine <burgerfi.org> en 2012, lequel est réservé mais ne renvoie à aucun site Web actif, et; iii) l’avocat américain de l’Opposante a écrit à la Requérante pour lui demander que le nom de domaine soit transféré à la Requérante [sic], ce à quoi la Requérante n’a pas répondu et a par la suite produit la demande en cause au Canada le 8 juin 2012. L’Opposante soutient que la preuve dans son ensemble suggère que la demande a été produite sans intention légitime dans le cadre d’une entreprise existante ou d’une entreprise commerciale potentielle; il semblerait plutôt que M. Vescio profite simplement de la marque de commerce d’une entité américaine qui est bien connue et où M. Vescio possède un condominium. De plus, l’Opposante soutient que lorsqu’un opposant produit une preuve indiquant de la mauvaise foi de la part d’un requérant, et que le requérant ne produit aucune preuve en réponse, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) sera accueilli [citant L’Oréal c Marcon, 2010 COMC 67].

[38]           À l’appui de ce qui précède, l’Opposante fait référence à l’affidavit Stephan, plus particulièrement aux pièces F et G, qui montrent que M. Vescio a fait l’acquisition d’une propriété en Floride en 2011. L’Opposante soutient que M. Vescio devait donc avoir pris connaissance du restaurant BurgerFi de l’Opposante situé à 1,7 mile de là, lequel avait ouvert ses portes environ six mois auparavant.

[39]           La Requérante soutient que la supposition que M. Vescio connaissait l’emplacement de BurgerFi de l’Opposante en Floride est mince et n’est pas pertinente pour déterminer si la Requérante avait l’intention d’employer la Marque au Canada à la date de production de la demande. De plus, la Requérante soutient que le nom de domaine n’est également pas pertinent, et qu’un requérant n’a pas à démontrer l’emploi d’une marque de commerce projetée avant qu'elle soit approuvée [citant Adams c Sven Bullaert, 2014 COMC 144; et Black Entertainment Television, Inc c CTV Limited (2008), 66 CPR (4th) 274]. Enfin, la Requérante soutient que la lettre de l’avocat américain de l’Opposante n’est également pas pertinente, et que le simple fait d'être au courant des droits antérieurs qu’allègue un opposant n’empêche pas un requérant de produire sincèrement les déclarations prévues à l’article 30i) de la Loi [citant Effigi Inc c ZAM Urban Dynamics Inc, 2010 COMC 214; et Bousquet c Barmish Inc (1991), 37 CPR (3d) 516 (CF 1re inst), conf. (1993), 46 CPR (3d) 510 (CAF)].

[40]           L’Opposante soutient qu’elle n’a aucun problème avec le fait qu’un requérant n’ait pas à démontrer l’emploi d’une marque de commerce projetée Cependant, l’Opposante soutient que les affaires Black Entertainment et Adams and Bulleart invoquées par la Requérante se distinguent de la cause en l’espèce puisque, dans ces affaires, les opposants n'avaient produit aucune preuve, et tentaient de prouver leur cause en se fondant entièrement sur l’absence de preuve de la part des requérants. En l’espèce, soutient l’Opposante, l’Opposante a produit une preuve et il est évident qu’elle a fait ce qu’elle devait faire pour s’acquitter de son fardeau de preuve relativement léger. En revanche, soutient l’Opposante, la Requérante n’a rien fait pour s’acquitter de son fardeau de preuve, puisqu’elle n’a produit aucune preuve à cet égard.

[41]           La Requérante soutient que les faits invoqués en l’espèce sont peu exceptionnels et qu’elle a simplement été informée du fait que l’Opposante était propriétaire des enregistrements américains des marques de commerce BURGERFI de l’Opposante aux États-Unis. La Requérante soutient qu’il est parfaitement raisonnable de conclure que les droits relatifs aux enregistrements de marque de commerce de l’Opposante aux États-Unis s’appliquent seulement aux États-Unis puisque c’est exactement ce que prescrit la loi. Ainsi, soutient la Requérante, elle était convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada à la date de production de la demande. Dans l’ensemble, soutient la Requérante, il n'existe aucune preuve établissant qu’elle a faussement produit la déclaration requise en vertu des articles 30e) et i) de la Loi; par conséquent, ces motifs d'opposition doivent être rejetés parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

[42]           Je conviens qu’il est probable que la Requérante connaissait les restaurants BurgerFi de l’Opposante en Floride au moment d’enregistrer le nom de domaine <burgerfi.org> et a par la suite été informée des enregistrements américains de marque de commerce de l’Opposante. À cet égard, la preuve indique que M. Vescio a acheté un condominium en Floride, et qu’un des restaurants de l’Opposante a ouvert ses portes dans un emplacement situé à proximité peu de temps après. De plus, je remarque que la demande de la Requérante concerne non seulement une marque identique, mais également des produits qui font référence à des aliments [Traduction] « naturels » et « sans antibiotiques et sans hormones » dans le contexte des services de restaurant, ce qui semble étroitement aligné sur l’offre de services et la stratégie commerciale de l’Opposante. Bien que cela puisse démontrer un manque d’originalité ou d’ingéniosité de la part de la Requérante, il n’existe aucune preuve suggérant que la Requérante avait raison de croire que les restaurants de l’Opposante et ses droits relatifs aux enregistrements de marque de commerce connexes s’étendaient au-delà des États-Unis. De plus, l’affaire se distingue de L’Oréal, supra, puisqu’il n’existe aucune preuve, comme une tendance à produire des demandes d'enregistrement de marques de commerce bien connues au Canada et aux États-Unis, qui indique que d’aucuns pourraient raisonnablement tirer une inférence portant que la Requérante, en l’espèce, aurait l'intention de faire le trafic de marques de commerce.

[43]           En effet, au Canada, une personne peut produire une demande d'enregistrement d'une marque de commerce qu'elle sait être employée dans un autre pays, ce qui ne constitue pas nécessairement un cas de mauvaise foi. En l'espèce, la preuve de l'Opposante ne suffit pas pour que l'on en vienne à la conclusion que la Requérante aurait pu savoir que la marque de commerce identique de l'Opposante avait été employée, révélée ou jouissait d'une réputation au Canada, de sorte que la Requérante ne pourrait pas avoir affirmé qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada, [voir Viper Room Development, LLC c 672661 Alberta Ltd, 2014 COMC 201; voir également Skinny Nutritional Corporation c Bio-Synergy Limited, 2012 COMC 186 et Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC) aux p 404 et 405 réf : la simple connaissance d’un enregistrement étranger et d'un emploi est insuffisante].

[44]           Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, les motifs d’opposition fondés sur les articles 30e) et i) sont rejetés.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[45]           L'Opposante a le fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif. Après que l'Opposante se soit acquittée de ce fardeau, il incombe à la Requérante d'établir que la Marque est adaptée à distinguer, ou distingue réellement, ses produits et services de ceux d'autrui [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst) à la p 298; Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd, (1985) 4 CPR (3d) 272 (COMC); Imperial Tobacco Canada Limited c Philip Morris Products SA, 2013 COMC 175 (COMC) au para 24, conf. 2014 CF 1237 aux paras 15, 16 et 68; JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2013 CF 608 au para 55].

[46]           Cela signifie qu’afin de s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe au titre de ce motif, l'Opposante doit établir qu'à la date de production de la déclaration d'opposition, soit le 19 avril 2013, une ou plusieurs des marques de l'Opposante étaient devenues suffisamment connues pour annuler le caractère distinctif de la Marque, et que la réputation de sa ou ses marques BurgerFi au Canada était importante, significative ou suffisante [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427; Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF); et Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 à la p 58 (CF 1re inst)]. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’Opposante démontre que sa ou ses marques BurgerFi sont devenues connues au Canada au sens technique de l’article 5 de la Loi. En effet, l’Opposante peut s’appuyer sur une preuve de la connaissance ou de la réputation de sa ou ses marques construite par le bouche-à-oreille et la preuve de la notoriété ou de la renommée par des articles parus dans des journaux ou des magazines, plutôt que par la voie de publicités [Motel 6, aux p 58 et 59].

[47]            L’Opposante a allégué qu’en violation de l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive de la Requérante du fait qu’elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante des produits et/ou services vendus et/ou fournis par l’Opposante en liaison avec les marques de commerce BURGERFI et BURGERFI & Dessin de l’Opposante, lesquelles ont toutes deux été connues au Canada, et lesquelles ont toutes deux acquis une réputation auprès des Canadiens. Plus précisément, l’Opposante soutient que la Marque ne peut distinguer et n’est pas adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante, puisque l’Opposante a largement employé ses marques de commerce BURGERFI aux États-Unis, et que ces marques de commerce avaient acquis une solide réputation auprès des Canadiens [citant Motel 6, supra].

[48]           L’Opposante soutient à juste titre que la réputation d’une marque de commerce au Canada peut être établie par d’autres moyens que l’emploi de cette marque de commerce au Canada. À cet égard, l’Opposante soutient qu’une preuve acceptable comprend : la notoriété ou la renommée par des articles dans des journaux ou en ligne [citant Motel 6, supra]; des statistiques sur le nombre de Canadiens ayant acheté ou employé les produits ou services de la propriétaire de la marque de commerce lors d’un voyage à l’extérieur du Canada [citant Motel 6, supra]; la présence commerciale de la propriétaire de la marque de commerce dans des zones de villégiature et d’autres villes que visitent les Canadiens [citant Nature Co c Sci-Tech Educational Inc (1991), 40 CPR (3d) 184 (CF 1re inst)]; et les visites de sites Web d’internautes canadiens situés au Canada [citant Ace Café London Ltd c Ace Café Toronto Ltd, 2012 COMC 219].

[49]           En ce qui concerne ses marques BURGERFI, l’Opposante soutient qu’elle a établi une solide réputation de ces marques au Canada grâce à la preuve suivante :

a.       Un nombre important de Canadiens de partout au pays ont fréquenté des restaurants BurgerFi de la Floride, où ils auraient vu les marques BURGERFI qui occupaient une place importante (selon l’affidavit Lorence, pièces E, F, H et I);

b.      Les restaurants BurgerFi ont été mentionnés sur les médias sociaux par des Canadiens de différentes provinces (affidavit Lorence, pièce G);

c.       Des Canadiens de différentes provinces se sont informés au sujet des franchises de BFI, et du matériel promotionnel a été envoyé à ces franchisés potentiels (selon l’affidavit Lorence, pièce J);

d.      Des milliers d’internautes canadiens de chacune des provinces ont visité le site Web de BFI, où les marques BURGERFI figurent bien en vue (selon l’affidavit Oberleitner, pièce B).

[50]           L’Opposante soutient également que, en revanche, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve de démontrer que la marque de commercer BurgerFi distingue ses produits ou services, ou peut être adaptée à les distinguer. L’Opposante soutient que malgré le fait que la Requérante a prétendu avoir mené une étude de marché relativement à la réputation de la marque, pour qu’une étude de marché ait une valeur probante, elle doit répondre à certains critères [selon le Manuel d’examen des marques de commerce, article IV.12.2.3 portant sur la « Preuve sous forme de sondage »]. L’Opposante soutient que l’affidavit Vescio n’indiquait pas les critères requis et que pour cette seule raison, le prétendu sondage devrait être exclu intégralement. Selon l’Opposante, cela doit être comparé au simple « questionnaire » de l’Opposante visant à obtenir des renseignements factuels de base.

[51]           La Requérante, pour sa part, soutient que la preuve de l’Opposante est insuffisante pour étayer la conclusion que les marques BURGERFI de l’Opposante ont acquis une réputation importante, significative et suffisante au Canada. Plus particulièrement, en ce qui concerne la preuve susmentionnée invoquée par l’Opposante, la Requérante répond en formulant les observations suivantes :

a.       Le sondage de l’Opposante a été mené après la date pertinente et n’est donc pas pertinent en ce qui concerne ce motif d’opposition.

b.      Il n’y a que 10 critiques en ligne des restaurants BurgerFi de l’Opposante par des Canadiens, dont l’identité n’a pas été vérifiée. De plus, le fait que 10 personnes connaissent les marques de commerce BurgerFi de l’Opposante n’est pas une preuve convaincante de l’existence d’une réputation au Canada.

c.       Seulement 34 demandes de renseignements sur le franchisage ont été faites par des personnes qui ont fourni des adresses canadiennes, lesquelles n’ont pas été vérifiées. Même s’il y avait une preuve suffisante démontrant que 34 Canadiens ont effectivement reçu du matériel promotionnel avant la date pertinente, cette documentation ne s’adressait pas au public en général, mais à des personnes souhaitant exploiter une franchise BurgerFi au Canada. Une telle publicité ne peut avoir eu un impact notable sur la réputation des marques BURGERFI de l’Opposante, du point de vue d’un consommateur canadien à la date pertinente.

d.      La preuve portant qu’il y a eu 3 237 visites du site Web <burgerfi.com> en provenance du Canada (dont 1 699 en provenance de l’Ontario), n’ajoute rien de significatif à la réputation des marques de commerce BURGERFI de l’Opposante au Canada ou en Ontario.

[52]           Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’estime que la preuve de l’Opposante est insuffisante pour me permettre de conclure que sa ou ses marques BurgerFi sont devenues connues au moins dans une certaine mesure au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif, et que la réputation de sa ou ses marques BurgerFi au Canada était importante, significative ou suffisante à la date pertinente. À cet égard, je conviens avec la Requérante que les 10 critiques en ligne ne sont pas convaincantes, pas plus que les 34 demandes de renseignements sur le franchisage. De plus, le sondage de l’Opposante est postérieur à la date pertinente pour l'appréciation de ce motif d'opposition.

[53]           L’Opposante demande que les résultats de son sondage soient considérés comme pertinents, soutenant que le sondage doit être considéré dans le contexte de statistiques relatives aux Canadiens qui visitent la Floride, plus précisément en ce qui concerne le premier trimestre de chaque année. À cet égard, l’Opposante soutient que plus de Canadiens visitent la Floride au cours du premier trimestre de toute année donnée, lequel trimestre couvre la période pendant laquelle le sondage maison de BurgerFi a été effectué. De surcroit, en ce qui concerne l’admissibilité du sondage, l’Opposante soutient que bien que l’affidavit Lorence fasse référence à un sondage, il s’agit d’un questionnaire maison qui n’est pas présenté comme une étude de marché; il contient plutôt une seule question qui ne représente pas un sondage d’opinion et n’est pas présenté comme une opinion d’expert.

[54]           Même si la question du sondage ne semble pas demander aux consommateurs leur opinion, à proprement parler, le sondage ou questionnaire doit tout de même respecter les normes appropriées de pertinence et de fiabilité. En l'espèce, je ne suis pas disposée à accorder de poids au sondage/questionnaire. À cet égard, le sondage a été mené en dehors de la période pertinente, et je ne suis pas disposée à tirer quelque conclusion que ce soit de ce sondage, comme l’Opposante invite le registraire à faire, relativement au nombre de Canadiens qui ont fréquenté des restaurants BurgerFi de l’Opposante avant la date pertinente. De plus, les questions posées dans le cadre du sondage n'ont pas nécessairement permis de saisir des réponses claires quant au nombre de Canadiens qui ont fréquenté les restaurants BurgerFi de l’Opposante, comme le laisse entendre l’Opposante. À titre d’exemple, le nombre de Canadiens enregistrés pourrait comprendre des personnes non canadiennes qui accompagnaient simplement les répondants au sondage comme membres de leur groupe. Les résultats n’indiquent pas, en premier lieu, un nombre important de clients canadiens, et ce nombre pourrait être bien moindre. Quoi qu’il en soit, même si cette preuve peut indiquer que certains Canadiens ont employé les services de l’Opposante aux États-Unis et ont par conséquent été exposés à la ou aux marques de l’Opposante, je conviens avec la Requérante que cela n’indique pas si ces clients se souvenaient de la ou des marques de l’Opposante de sorte qu’il soit possible d’inférer une quelconque réputation au Canada [voir Bojangles, supra au para 52].

[55]           Enfin, en l'absence d'autres éléments de preuve concernant la réputation acquise au Canada (p. ex. des ventes ou de la publicité se rapportant directement au marché canadien), la simple preuve qu'un site Web d’un opposant a reçu des visites en provenance du Canada n'est pas suffisante pour permettre de conclure que la marque est devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [River Island Clothing Co c International Clothiers Inc, 2013 COMC 88, au para 39]. De plus, la décision dans l'affaire Ace Bakery, supra, invoquée par l’Opposante à l’égard de la réputation d’une marque au Canada étayée par la preuve de visites par des internautes situés au Canada, se distingue clairement. Dans cette affaire, il y a eu plus de 19 000 de ces visites en provenance du Canada, avec comme preuve à l’appui des courriels générés à partir du site Web en question confirmant la livraison de marchandises à des adresses canadiennes. En l’espèce, le nombre de nouvelles visites sur le site Web BurgerFi de l’Opposante est bien inférieur à 19 000, et en fait, est encore bien inférieur au nombre de 5 000 à 40 000 visites de site Web jugé insuffisant dans l’affaire River Island, supra.

[56]           De plus, toute inférence qui puisse être tirée relativement à la fréquentation des restaurants BurgerFi de l’Opposante aux États-Unis par des Canadiens est bien moins convaincante que celles tirées dans les affaires Motel 6, supra, Brown Group, Inc c St Thomas Marketing Inc, 1996 CanLII 113398 et Nature Co, supra invoquées par l’Opposante. Dans les affaires Motel 6 et Brown Group, à titre d’exemple, il y avait une preuve évidente de ventes à des Canadiens, alors que chacune de ces entités exploite une chaîne de 300 emplacements, dont bon nombre sont situés à proximité de la frontière canadienne. Dans un même ordre d’idées, dans l’affaire Nature Co, le demandeur exploitait 69 magasins aux États-Unis, avec une preuve corroborant d’importantes ventes faites à des Canadiens.

[57]           Bien qu’une marque n’ait pas besoin d’être bien connue et qu’il soit suffisant de démontrer qu’une marque est connue au moins dans une certaine mesure au Canada et que sa réputation au Canada est importante, significative ou suffisante, la preuve en l’espèce, pour les raisons susmentionnées, ne respecte pas cette condition minimale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est rejeté puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de ce motif.

Décision

[58]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-12-03

 

COMPARUTIONS

 

Stephanie Chong                                                                                 POUR L'OPPOSANTE

 

Steven H. Leach                                                                                  POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Hoffer Adler LLP                                                                               POUR L'OPPOSANTE

 

Ridout & Maybee                                                                                POUR LA REQUÉRANTE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.