Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 123

Date de la décision : 2011-07-18

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Missionfest Manitoba Inc.; MissionFest Toronto; Missions Festival (Missions fest) Society-Edmonton (opérant sous le nom de Missions Fest Alberta); Jesus to the Nations Association et Missions en fête à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1240779 pour la marque de commerce MISSIONS FEST au nom de Missions Fest International Association

 

[1]               Le 15 décembre 2004, la Missions Festival (Missions Fest) Society (la Requérante Initiale) a produit une demande d’enregistrement pour la marque MISSIONS FEST (la Marque). Il y a eu renonciation au droit à l’usage exclusif du mot FEST en dehors de la marque de commerce.

[2]               La demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi de la marque de commerce en liaison avec un certain nombre de marchandises et services; les voici :

marchandises :

(1) Cassettes audio préenregistrées et imprimés, nommément brochures dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que janvier 1984.

(2) Cassettes vidéo préenregistrées dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que janvier 1984.

(3) Publications imprimées, nommément magazines dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que janvier 1988.

(4) Publications imprimées, nommément bulletins dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que février 1991.

(5) Publications imprimées, nommément journaux dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que février 2001.

(6) CD-ROM et DVD préenregistrés contenant de l’information dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que janvier 2004.

 

services :

(1) Services de collecte de fonds de bienfaisance; services de recrutement de personnel à l’échelle mondiale dans le domaine de la religion; conférences, séminaires et ateliers éducatifs dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt que janvier 1984.

(2) Conférences pour les chefs religieux, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt qu’octobre 1993.

(3) Rassemblements de jeunes dans le domaine de la religion, sur la base de leur emploi au Canada depuis aussi tôt qu’octobre 1999.

 

[3]               Une cession a été enregistrée le 12 septembre 2006 en faveur de la Missions Fest International Association (la Requérante).

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 2 mai 2007.

[5]               Le 2 octobre 2007, Missionfest Manitoba Inc.; MissionFest Toronto; Missions Festival (Missions fest) Society-Edmonton (opérant sous le nom de Missions Fest Alberta); Jesus to the Nations Association et Missions en fête (collectivement désignées comme les Co-opposantes) produisaient une déclaration d’opposition dans laquelle elles invoquaient en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), les motifs d’opposition résumés ci-dessous :

1.   alinéas 38(2)b)/12(1)b) : la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et/ou services visés par la demande;

 

2.   alinéas 38(2)c)/16(1)a) : la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque puisqu’aux dates de premier emploi alléguées, cette Marque créait de la confusion avec les marques de commerce MISSIONFEST et/ou MISSIONSFEST, antérieurement employées au Canada par au moins l’une des Co-opposantes en liaison avec une vaste gamme de marchandises, notamment des publications imprimées et électroniques dans le domaine religieux, et de services, notamment des services de collecte de fonds de bienfaisance, de recrutement de personnel et de bénévoles dans le domaine de la religion, de conférences, séminaires et ateliers éducatifs dans le domaine de la religion, des conférences pour les chefs religieux et des rassemblements de jeunes dans le domaine de la religion;

 

3.   alinéas 38(2)c)/16(1)c) : la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement puisqu’aux dates de premier emploi alléguées, la Marque créait de la confusion avec au moins l’un des noms commerciaux MISSIONFEST, MISSIONSFEST, Missionfest Manitoba Inc., Missionfest Manitoba, MissionFest Toronto, Missions Festival (Missions fest) Society-Edmonton (opérant sous le nom de Missions Fest Alberta), Missions en fête, antérieurement employés au Canada par au moins l’une des Co-opposantes en liaison avec un large éventail de marchandises, notamment des publications imprimées et électroniques dans le domaine de la religion, et de services, notamment des services de collecte de fonds de bienfaisance, des services de recrutement de personnel et de bénévoles dans le domaine de la religion, des conférences, séminaires et ateliers éducatifs dans le domaine de la religion, des conférences pour les chefs religieux et des rassemblements de jeunes dans le domaine de la religion;

 

4.   alinéa 38(2)d) : la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les marchandises et services de la Requérante de ceux d’autres propriétaires, notamment ceux de chaque Co-opposante, ni n’est-elle adaptée à les distinguer.

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations des Co-opposantes.

[7]               Conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, les Co‑opposantes ont produit, le 21 mai 2008, l’affidavit de Gordon Gilbey, directeur exécutif de Missionfest Manitoba Inc.

[8]               Conformément à l’article 42 du Règlement, la Requérante a produit les affidavits de Richard Dodding et de Dulce Campos, souscrits tous deux le 23 décembre 2008. Monsieur Dodding est le directeur général de la Requérante; il est aussi l’ancien directeur général et un des fondateurs de la Requérante Initiale. Madame Campos est chercheuse dans le domaine des marques de commerce.

[9]               Comme elle souhaitait corriger une erreur typographique, la Requérante a obtenu, conformément au paragraphe 44(1) du Règlement, l’autorisation de produire un autre affidavit de Richard Dodding, souscrit le 11 février 2009.

[10]           Aux termes de l’article 43 du Règlement, les Co-opposantes ont produit, en guise de preuve en réponse, un second affidavit de Gordon Gilbey, souscrit le 21 mai 2009. Je conviens avec la Requérante que les parties de la preuve en réponse qui traitent en détail des conversations de M. Gilbey avec les représentants des autres opposantes ne sont pas admissibles pour établir l’exactitude de leur contenu.

[11]           Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[12]           Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit, mais elles n’ont pas demandé la tenue d’une audience.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[13]           Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

[14]           Les dates pertinentes se rapportant aux motifs d’opposition sont les suivantes :

- alinéas 38(2)b)/12(1)b) – la date de la production de la demande [voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 250 (C.F.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F.)];

 

- alinéas 38(2)c)/16(1)a) et c) – les dates de premier emploi revendiquées dans la demande;

 

- alinéa 38(2)d) – la date de la production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 16

[15]           Les motifs d’opposition fondés sur l’article 16 sont rejetés car les Co-opposantes ne se sont pas acquittées de leur fardeau initial de preuve à cet égard; rien n’indique que l’une d’elles ait utilisé les marques ou noms invoqués avant le premier emploi par la Requérante.

Le caractère distinctif

[16]           Le fait que les diverses Co-opposantes utilisent au Canada le nom MISSIONS FEST, ou des déclinaisons de ce nom, n’est pas contesté, contrairement à la question de savoir si la Requérante contrôlait un tel emploi en vertu d’une autorisation non écrite. Bien que les parties n’aient pas mentionné l’article 50 de la Loi, je dois décider si, en regard des faits, l’emploi de la Marque par les Co-opposantes revient à la Requérante, au sens de cette disposition. Si tel est le cas, le motif d’opposition ayant trait au caractère distinctif ne peut être retenu.

[17]           L’article 50 dispose :

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial – ou partie de ceux-ci – ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

      (2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

 

[18]           Le paragraphe 50(2) ne s’applique pas à l’espèce. Le paragraphe 50(1) énonce deux exigences : il doit exister une licence, et celle-ci permet à la personne qui l’octroie de contrôler le caractère ou la qualité des marchandises ou services visés.

[19]           Je concentrerai mon analyse sur l’emploi de la marque MISSIONS FEST par la seule opposante Missionfest Manitoba Inc. (MF Manitoba) car aucune autre n’a produit de preuves relatives à cet emploi. Certains éléments de preuve concernent l’emploi qu’en font les autres opposantes (elles ont été produites soit par la Requérante soit par le directeur exécutif de MF Manitoba), mais les arguments les plus solides des Co-opposantes se rapportent à l’emploi de la Marque par MF Manitoba.

[20]           MF Manitoba emploie en fait MISSIONFEST, et non MISSIONS FEST, mais les différences sont si négligeables qu’elles peuvent être considérées comme une seule et même marque de commerce [voir le 2e principe énoncé dans Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]. J’utiliserai ci-après les noms MISSIONS FEST et MISSIONFEST de manière interchangeable.

[21]           La preuve établit clairement que la Requérante Initiale s’est servie du nom MISSIONS FEST avant que l’une des Co-opposantes n’en fasse autant pour la première fois. Les parties conviennent que les Co-opposantes ont adopté l’emploi de MISSIONS FEST avec la connaissance et la collaboration de la Requérante Initiale, mais ne s’accordent pas sur le fait que cet emploi relevait d’une licence octroyée par la Requérante et de son contrôle. Il me faut donc évaluer les faits sur ce point. Un résumé de l’emploi de la marque MISSIONS FEST par la Requérante et MF Manitoba est présenté ci-après.

[22]           Certains éléments de preuve indiquent que les termes « mission fest », « mission festival » [mission en fête] et d’autres du même genre ont historiquement été employés aux États-Unis ou en Allemagne; on rapporte même un Missionfest de trois jours qui s’est tenu en Nouvelle-Écosse autour de 1982 [voir la pièce D du premier affidavit de M. Gilbey; paragraphes 10 et 11 et pièces F et G du second affidavit de M. Gilbey]. Cependant, la preuve de la Requérante indique que sa première conférence MISSIONS FEST a eu lieu en janvier 1984 à Burnaby (Colombie-Britannique) [voir pièce 4, affidavit de M. Dodding]. Comme la Requérante Initiale a été constituée en personne morale le 21 janvier 1987 [pièce 1], la demande relative à la Marque mentionne un prédécesseur en titre, Missions Fest (une société de personnes). Monsieur Dodding déclare au paragraphe 1 : [traduction] « De février 1983 à janvier 1987, avant la constitution en personne morale, nous opérions comme une société de personnes utilisant le nom commercial Missions Fest. » Il ne précise pas à qui ce « nous » fait référence, mais indique ce qui suit au paragraphe 6 : [traduction] « Le projet de développement de MISSIONS FEST émane d’un petit comité de missions ecclésiastique, dont j’étais membre, à Burnaby (Colombie-Britannique). » Il ne précise pas à quelle église se rattachait ce comité, mais déclare : [traduction] « Le comité a invité des églises locales, représentant des horizons confessionnels divers, à travailler ensemble pour organiser une conférence des “missions du monde” […] Depuis aussi tôt que février 1983, huit églises ont commencé à collaborer à la planification de la première conférence MISSIONS FEST qui devait avoir lieu dans le courant de la troisième semaine de janvier 1984. »

[23]           Monsieur Dodding explique que la conférence a d’abord été perçue comme un moyen d’informer les congrégations ecclésiastiques sur les « missions dans le monde », et qu’on y trouvait [traduction] « un panel de conférenciers en séances plénières engagés dans des organisations missionnaires mondiales, des séminaires éducatifs, des exposants parmi les agences de missionnaires œuvrant à travers le monde, des divertissements culturels et de quoi se restaurer » [paragraphe 6, affidavit de M. Dodding].

[24]           Les conférences MISSIONS FEST ont lieu annuellement dans la région de Vancouver (Colombie-Britannique) depuis 1984. Monsieur Dodding atteste au paragraphe 2 qu’il était responsable, en qualité de PDG, de la supervision de tous les aspects de la planification et du déroulement des conférences MISSIONS FEST, de 1984 à 2007.

[25]           Le paragraphe 14 de l’affidavit de M. Dodding se lit ainsi :

[Traduction] À mesure que la conférence MISSIONS FEST se développait au fil des ans et que notre réputation grandissait, nous avons commencé à recevoir des demandes de la part d’autres organisations ecclésiastiques en rapport avec la tenue de conférences MISSIONS FEST dans d’autres villes du Canada. Je me suis mis aussi à contacter d’autres groupes ecclésiastiques de ma connaissance pour discuter avec elles de l’organisation de conférences MISSIONS FEST. À ce jour, Missions Fest Vancouver a aidé les villes canadiennes suivantes à monter des conférences MISSIONS FEST en les autorisant à utiliser la marque de commerce MISSIONS FEST : a) Winnipeg (Manitoba); b) Edmonton (Alberta); c) Toronto (Ontario); d) Montréal (Québec); e) Halifax (Nouvelle-Écosse).

[26]           La première conférence MISSIONFEST de Winnipeg a eu lieu en 1989 [voir le paragraphe 4 et la pièce A, premier affidavit de M. Gilbey].

[27]           L’affidavit de M. Dodding produit en pièce 8 est une copie de la lettre datée du 7 avril 1988 qu’il a adressée au président du comité de Winnipeg. J’en reproduis ci-après certains extraits :

[Traduction] Il m’a fait plaisir d’avoir de vos nouvelles cette semaine et d’apprendre que vous planifiez votre prochaine conférence Missions Fest pour janvier prochain.

En réponse à votre question « Pouvons-nous utiliser notre logo Missions Fest? », je vous ai exposé par téléphone certains principes généraux à respecter si vous deviez l’employer. Après avoir consulté Dave Mannings, il nous a semblé sage de mettre officiellement certaines règles par écrit.

Tout d’abord, vous devez savoir que « Missions Fest » est un nom déposé et que notre logo est protégé par un droit d’auteur. Il est important que vous le sachiez d’emblée. Je suis sûr que les directeurs seraient d’accord avec moi pour dire que nous serions heureux si chaque province du Canada avait sa Missions Fest à laquelle ses habitants peuvent assister. Nous serions heureux de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider.

À ce chapitre, plusieurs recommandations d’ordre pratique viennent à l’esprit…

Cependant, si vous souhaitez utiliser nos ressources, nous apprécierions que vous vous conformiez à certaines directives générales : ainsi, s’il est question d’une « Missions Fest » dans votre province, elle doit obéir à la même vision que celle qui a été inaugurée à Vancouver. Or, je suis aussi bien conscient que chaque province a son caractère distinctif et que chaque conférence n’en resterait pas moins unique.

Voici certaines des directives que nous vous demandons de respecter si vous avez l’intention de vous réclamer de notre nom et de notre style de conférences :

[…]

Veuillez y réfléchir et nous faire connaître votre réponse. Nous espérons avoir bientôt de nos nouvelles.

[28]           Rien dans la preuve n’indique ce que MF Manitoba a répondu à cette lettre. Bien que le logo MISSIONS FEST de la Requérante apparaisse sur l’en-tête de MF Manitoba en 1990 [pièce 10, affidavit de M. Dodding], il n’est inscrit sur aucun autre document subséquent employé par MF Manitoba figurant dans la preuve [voir par exemple les documents datés à partir de 1992 dans le premier affidavit de M. Gilbey]. Je suppose que l’enregistrement de « Missions Fest » mentionné dans la lettre de M. Dodding se voulait une sorte d’enregistrement commercial. Je souligne du reste que MF Manitoba a établi qu’elle s’était enregistrée, à partir du 1er janvier 1989, comme œuvre de bienfaisance sous le nom « Mission Fest » [voir le paragraphe 4 et la pièce A, premier affidavit de M. Gilbey].

[29]           MF Manitoba a organisé des conférences MISSIONFEST à Winnipeg tous les deux ans de 1989 à 2004, et tous les ans depuis 2004 [paragraphe 4, premier affidavit de M. Gilbey].

[30]           Le 9 septembre 2004, la Requérante Initiale a obtenu l’enregistrement d’une marque de commerce pour son logo MISSIONS FEST [voir la pièce 3 de l’affidavit de M. Dodding]. La voici :

MISSIONS FEST & Design

[31]           La Requérante s’est constituée en personne morale le 18 juillet 2006; la Requérante Initiale a transféré son logo MISSIONS FEST et la Marque à la Requérante le 6 août de la même année. Je ne suis pas sûre si c’est la Requérante Initiale ou la Requérante qui a ensuite utilisé ces marques en liaison avec les conférences organisées à Vancouver.

[32]           La Requérante/Requérante Initiale et les chefs de groupes d’organisation des différentes villes se sont rencontrés annuellement entre 1999 et 2008 [traduction] « pour partager des informations et aborder toute préoccupation particulière qu’un des membres du groupe pouvait avoir vis-à-vis du développement des conférences MISSIONS FEST » [voir le paragraphe 15, affidavit de M. Dodding].

[33]           Depuis au moins que 2005, la Requérante Initiale a commencé à s’inquiéter de ce que des groupes d’autres villes modifiaient l’apparence ou le contenu de leurs conférences. Comme je l’ai souligné précédemment, la Requérante Initiale a obtenu en 2004 un enregistrement de marque de commerce pour MISSIONS FEST & Dessin. En 2005, la Requérante Initiale informait oralement les groupes des autres villes qu’ils devaient contracter des licences officielles pour protéger le caractère distinctif de la marque, estimant que les groupes locaux employaient déjà la marque MISSIONS FEST en vertu d’une entente verbale. (Aucune copie du contrat officiel de licence n’a été produite au dossier.) Dans une lettre datée du 17 juillet 2006, les groupes des autres villes notifiaient leur refus de signer un contrat officiel de licence, estimant qu’ils opéraient de manière indépendante depuis de nombreuses années et qu’ils n’étaient nullement tenus de suivre les directives ou la politique d’une autre entité; ils entendaient plutôt [traduction] « continuer à se prodiguer mutuellement de l’assistance, des encouragements et des prières, partager notre expérience, nos politiques internes et nos meilleures pratiques de manière collégiale sans obligations à la clé » [voir pièce A, second affidavit de M. Gilbey]. Le 25 septembre 2006, le président du conseil d’administration de la Requérante Initiale informait par écrit plusieurs, sinon tous les groupes des autres villes que s’ils ne signaient pas le contrat de licence, ils devaient changer sans tarder le nom de leur conférence [voir pièces 15, 20 et 25, affidavit de M. Dodding]; je fais remarquer que la lettre précisait aussi que ce contrat ne visait pas à imposer le moindre contrôle. Aucune correspondance n’a été produite en rapport avec la licence, mais certaines preuves indiquent que MF Manitoba a continué d’utiliser la marque MISSIONFEST en 2008 sans avoir signé de licence [voir pièce A, premier affidavit de M. Gilbey; paragraphe 5, second affidavit de M. Gilbey].

[34]           Nous avons ici affaire, me semble-t-il, à une malencontreuse situation. Les parties ont travaillé ensemble de manière amicale pendant un certain nombre d’années en partageant le même objectif altruiste. La Requérante Initiale est peut-être la première du groupe à avoir utilisé la marque MISSIONS FEST, mais elle a autorisé les autres à en faire autant pendant de nombreuses années, et les a même encouragés en ce sens. La Requérante soutient que cet emploi relevait d’une entente de licence verbale, ce qui n’est pas établi clairement par la preuve.

[35]           Les faits, tels que je les comprends, ne permettent pas d’affirmer que la Requérante contrôlait le caractère ou la qualité des marchandises ou services des diverses opposantes. Il semble plutôt qu’on les ait encouragés à suivre certains exemples donnés par la Requérante, mais sans les y obliger. En 2005, la Requérante Initiale a conclu semble-t-il qu’une nouvelle approche s’imposait; lorsqu’elle en a informé les groupes des autres villes, elle a essuyé une rebuffade, d’où la « lettre de demande » du 25 septembre 2006. Je suis portée à croire qu’une licence ne peut être à sens unique, et exister simplement parce que la Requérante Initiale a pensé (à ce moment-là ou rétroactivement) qu’elle en avait octroyé une aux groupes des autres villes; en d'autres termes, si les diverses opposantes ignoraient que l’emploi de la marque MISSIONS FEST était soumis à certaines conditions, elles pouvaient légitimement considérer qu’elles n’avaient pas contracté d’entente verbale, surtout à l’égard de mots qui ont, dans le domaine religieux, une connotation de rassemblement. Il est vrai que la Requérante Initiale a partagé son approche pour monter des conférences réussies, mais cela n’équivaut pas nécessairement à une licence d’utilisation de la marque de commerce.

[36]           Globalement, il m’est impossible de conclure qu’il existait une licence opposable entre les parties, ni que la Requérante/Requérante Initiale contrôlait, de ce fait même, le caractère ou la qualité de l’emploi de la Marque par MF Manitoba. À cet égard, je souligne que le fardeau ultime incombe à la Requérante.

[37]           Il est peut-être intéressant de souligner qu’en 1994, la Requérante Initiale écrivait au groupe alors naissant de Toronto pour l’informer qu’elle avait conservé le nom « Missions Fest », avec le mot « Missions » mis au pluriel et séparé de « Fest » [voir pièce 21, affidavit de M. Dodding]. Rien n’indique que la Requérante Initiale l’ait fait aussi savoir à MF Manitoba. Je constate d'ailleurs que, d’après les documents dont je dispose, les groupes de Toronto et de Winnipeg ont continué d’utiliser le nom « MISSIONFEST ». Je mentionne ce point, non pas parce que les noms MISSIONS FEST et MISSIONFEST sont très différents, mais parce qu’il révèle peut-être que les groupes des autres villes ne se sentaient pas tenus de se conformer à l’approche de la Requérante. Monsieur Dodding a réécrit au groupe de Toronto au sujet de l’orthographe du nom en 1995 [voir pièce 23], mais comme l’attestent les documents du premier affidavit de M. Gilbey produits en pièce B, le groupe de Toronto a utilisé les noms Missionfest et MissionFest en 1999 et 2000, et non MISSIONS FEST.

[38]           En définitive, la question est de savoir si la Requérante doit se voir attribuer le monopole de l’emploi des termes MISSIONS FEST, en incluant de légères variations, dans tout le Canada relativement à ce qui peut être décrit comme une conférence ou un festival promouvant les missions religieuses. Ce monopole ne doit pas être accordé à la légère, c’est pourquoi le fardeau ultime incombe à la Requérante : elle doit démontrer que la Marque est distinctive à l’égard d’une source unique, à savoir la Requérante. Quant à la date pertinente, MF Manitoba utilise une légère variation de la Marque depuis dix-huit ans. Je ne puis conclure, compte tenu de la preuve dont je dispose, que cet emploi revenait à la Requérante ou à son prédécesseur aux termes de l’article 50. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive à l’égard de ses marchandises et services à la date pertinente. Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est donc retenu.

Le motif d’opposition fondé sur le caractère descriptif

[39]           Comme j’ai déjà repoussé la demande au titre du motif fondé sur le caractère distinctif, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que je me prononce sur le motif fondé sur le caractère descriptif.

Décision

[40]           En vertu du pouvoir qui m’est délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(3) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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